2. ... la désinflation compétitive est porteuse de déclin
Cependant, une telle stratégie n'est, en réalité, pas tenable pour les pays qui l'adoptent.
Les stratégies de désinflation compétitive ne sont pas tenables à terme pour les pays qui les conduisent, parce qu'elles sont incohérentes avec un fonctionnement économique équilibré. En toute hypothèse, elles impliquent le renoncement à des ambitions territoriales.
a) La vulnérabilité aux réactions des partenaires
Que ceux-ci connaissent un ralentissement économique ou, pis encore, qu'ils imitent les pays qui la conduisent, alors la désinflation compétitive est prise à revers . Dans un tel cas, l'imitation aggrave encore le déclin économique ( voir le chapitre V ) inhérent à cette stratégie.
Un tel échec peut aussi survenir si l'évolution du taux de change du pays contrecarre les gains de compétitivité-coût qu'il s'est efforcé d'acquérir, mécanique à laquelle la dépréciation des devises étrangères face à l'euro confère une certaine actualité.
b) Une stratégie de déclin
Elles sont également non durables, parce que non conformes à un sentier d'équilibre .
Elles impliquent, en effet, une déformation du partage de la valeur ajoutée. Or, un tel phénomène a peu de chances de se produire durablement.
Elles passent par une réduction des coûts salariaux unitaires, qui, pour accroître la compétitivité, altère aussi la demande domestique.
Le gonflement des profits - qui résulte de la modération salariale dans l'hypothèse où les entreprises gagnent des parts de marchés - risque alors d'être sans effet sur le rythme de l'investissement national, privé de perspectives de demande interne.
Car la limite fondamentale des politiques de désinflation compétitive est qu'en elles-mêmes, elles ne contribuent nullement à une quelconque hausse de la productivité.
Elles ne font que produire des chocs économiques auxquels, dans une Europe contrainte par l'absence de marges de manoeuvre des politiques macroéconomiques (du fait surtout du Pacte de stabilité et de croissance et de l'absence d'une politique de change réactive), il est impossible de répondre.
Depuis qu'une telle orientation a été privilégiée, la croissance économique en Allemagne a été de 0,5 % l'an, (moyenne annuelle au cours de la période 2001-2005), la forte croissance de 2006 relevant de circonstances exceptionnelles.
Vos rapporteurs estiment que ces politiques de déflation salariale ont même l'effet inverse sur la productivité des pays qui les choisissent :
- en amenuisant la demande domestique, elles privent l'investis-sement des perspectives qui lui sont nécessaires. La situation de l'investissement en Allemagne le confirme abondamment. Dans une économie globalisée, cet enchaînement a d'autant plus de chances de se produire que la fuite de l'investissement est une issue normale. Dans ces conditions, les profits d'aujourd'hui peuvent bien faire les investissements de demain, mais ce sont des investissements à l'étranger.
- en réduisant les gains salariaux, elles altèrent une des incitations essentielles au travail ;
- en privant les Etats de bases fiscales, elles les conduisent à sacrifier les dépenses les plus porteuses d'avenir (éducation, recherche, infrastructures...) et réduisent la portée des assurances collectives pourtant si nécessaires pour accompagner les mutations économiques dans un monde en transition.