II. UN ANTAGONISME PERDANT
Le partage de la valeur ajoutée entre les salaires et les profits est l'une des questions économiques les plus importantes que doive affronter la politique économique.
Les choix opérés en Europe sont des choix de confrontation et le modèle dominant dans un univers de non-coordination, la désinflation compétitive, qui exerce des effets très négatifs même pour le pays qui l'adopte, représente une option manifestement non-coopérative.
A. LES ENJEUX
Le partage spontané par les marchés peut ou non correspondre aux objectifs des gouvernements (en matière d'inflation de demande ou d'investissement) qui disposent, même si leur efficacité est parfois à nuancer, d'instruments leur permettant de le corriger.
Les évolutions des coûts salariaux unitaires déterminent les équilibres du partage de la valeur ajoutée entre les salaires et les profits :
- la stabilité des coûts salariaux unitaires accompagne une stabilité de ce partage ;
- la hausse des coûts salariaux unitaires tend à augmenter la part des salaires dans la valeur ajoutée ;
- la baisse des coûts salariaux unitaires provoque une diminution de la part des salaires dans la valeur ajoutée.
A chaque équilibre atteint, ou selon le sens de leurs variations, on peut associer des enchaînements, dont la probabilité d'occurrence peut évoluer en fonction du contexte économique, qui permettent de prédire les incidences des choix opérés :
- une augmentation des coûts salariaux unitaires est plutôt inflationniste et favorable à l'élévation de la demande domestique, du moins transitoirement, ses effets sur le renforcement des capacités de production étant ambigus ;
- une diminution des coûts salariaux unitaires accroît la compétitivité-coût et les profits des entreprises mais pèse sur la demande intérieure ; elle a des effets indéterminés sur les capacités d'offre ;
- une stabilisation des coûts salariaux unitaires s'accompagne d'un maintien en l'état du partage de la valeur ajoutée ; elle n'alimente ni désinflation, ni inflation, n'exerce pas d'effet sur la demande domestique et fait dépendre l'évolution de la compétitivité-coût du pays des évolutions intervenant dans les autres pays.
B. LES FAITS : DISTORSION DE COMPÉTITIVITÉ ET ÉCARTS DE DEMANDE INTÉRIEURE
• La divergence des choix entre pays
européens a provoqué une distorsion de la
compétitivité des économies de la zone euro
.
Dans une Union économique disposant d'une monnaie unique, les taux de change ne jouant plus entre pays, l'évolution du taux de change réel d'un pays, indicateur usuel de compétitivité-prix ne varie plus qu'en fonction de l'évolution relative de ses coûts salariaux unitaires.
Le graphique n° 1 ci-dessus regroupe des pays selon le sens de la variation de leur taux de change réel effectif, ce regroupement épousant celui présenté au sujet des modalités du partage de la valeur ajoutée dans la zone.
Dans un premier groupe de pays (Grèce, Italie, Espagne, Irlande, Portugal et Pays-Bas), l'indicateur de compétitivité ressortant de l'évolution de taux de change réel s'est dégradé entre 1999 et 2006. En Allemagne et, à un moindre titre en Autriche, une très nette amélioration s'est produite.
Dans le dernier groupe de pays, l'indicateur du taux de change réel dénote une amélioration de la compétitivité (France, Belgique) ou une quasi stabilité (Finlande).
• Par ailleurs, en lien avec le degré
de priorité accordée à la compétitivité, la
demande domestique dans les pays européens a évolué
très différemment.
La croissance nominale des salaires par tête a été très inégale selon les pays.
En lien avec ces écarts, il faut relever le dynamisme très contrasté de la consommation des ménages .
De même, les rythmes de l' investissement des entreprises ont été très variés.