B. QUESTIONS JURIDIQUES ET DROITS DE L'HOMME

Dépénalisation de la diffamation

Au travers de ce texte, la commission des questions juridiques et des droits de l'Homme condamne tout usage abusif des poursuites pour diffamation, considérées dès lors comme une menace pour la liberté d'expression, garantie par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme. Cette déviance peut, selon elle, aboutir à une véritable autocensure de la part des médias.

Consciente des dérives que pourrait néanmoins entraîner une dépénalisation complète de la diffamation, la commission préconise une modernisation graduée du droit en la matière, au travers d'une définition plus précise du concept de diffamation par les législations nationales. L'abolition des peines d'emprisonnement pour diffamation ou l'instauration de plafonds raisonnables et proportionnés en matière de montants de dommages et intérêts sont ainsi contrebalancées par l'appel à une pénalisation de l'incitation publique à la violence, à la haine et à la discrimination et du discours négationniste. Le texte de la commission appelle en outre à la mise en place de véritables codes de déontologie journalistique et rappelle la nécessité de protéger les sources journalistiques.

La proposition de résolution est particulièrement précise avec la France en l'invitant à réviser la loi du 29 juillet 1881 à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme. La commission souhaite en effet que soit bannie toute protection renforcée des personnalités publiques en matière de diffamation. Il convient de rappeler que cette distinction n'existe pas dans le droit français, le droit applicable étant le même s'agissant de la caractérisation de l'infraction. Tout au plus, la jurisprudence française apprécie la bonne foi du diffamateur en prenant en compte le contexte des propos et leur éventuelle insertion dans une polémique de nature politique.

La commission demande également que soit abrogé l'article 35 de ladite loi qui prévoit certaines exceptions interdisant à la partie poursuivie d'apporter la preuve de la véracité du fait considéré comme diffamatoire. Ces exceptions sont au nombre de trois : attaque de la vie privée, diffamation se référant à un fait amnistié, prescrit ou ayant donné lieu à une condamnation effacée par la réhabilitation ou la révision et référence à un fait remontant à plus de dix ans. Seule cette dernière disposition apparaît peu en phase avec la Convention, voire la jurisprudence de la Cour. Celle-ci a, en effet, reconnu dans l'arrêt Mamère c/France du 7 novembre 2006 que cette exception perdait de sa pertinence lorsqu'il s'agissait d'événements qui s'inscrivent « dans l'Histoire ou relèvent de la science », ne contestant pas en outre « la logique d'une limite temporelle de cette nature, dans la mesure où, plus les allégations portent sur les circonstances anciennes, plus il est difficile d'évaluer leur véracité ».

On notera, en outre, que la référence à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme pour justifier un certain nombre de dispositions apparaît éminemment ténue tant celle-ci semble dépendre des cas étudiés, notamment en matière de pénalités financières ou de protection de sources journalistiques.

En dépit de ces réserves, les projets de résolution et de recommandations ont été adoptés. Il apparaît regrettable qu'une telle résolution vise de façon erronée le droit français et place la France sur le même plan que la Turquie, l'Azerbaïdjan, l'Albanie ou la Russie en matière de liberté d'expression.

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