III. LES DÉBATS DE LA SESSION
A. QUESTIONS POLITIQUES
La notion de guerre préventive et ses conséquences pour les relations internationales
Condamnant les justifications de l'intervention américaine en Irak en 2003, la commission des questions politiques a proposé une courte résolution prônant le respect du multilatéralisme et le principe d'une réponse collective face à toute menace à la paix. Le texte juge contraire au droit international toute action préventive et privilégie le cadre des Nations unies pour faire cesser violations graves des droits de l'Homme ou génocides.
M. Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime - GDR) a rappelé les principes de la Charte des Nations unies pour étayer les propos liminaires du rapporteur :
« La doctrine de la guerre préventive nous rappelle les étapes les plus obscures de l'humanité. Je salue la position claire du rapporteur.
La prétention de refonder la notion de guerre préventive n'est autre que la matérialisation de la politique des États-Unis, afin d'éroder encore un peu plus l'interdiction absolue de la menace et de l'utilisation de la force contre l'indépendance politique et la souveraineté d'autres États. Selon la disposition contenue dans la Charte des Nations unies, cette interdiction est indiscutablement le pilier de la coopération internationale, du règlement pacifique des différends, de la paix et de la sécurité internationale. Cette supposée doctrine est étroitement liée au droit d'intervention qui n'est autre que la manifestation de la force brute des puissants contre les faibles.
La prétendue doctrine de guerre préventive est la construction, par les États-Unis, avec la complaisance de certains États, d'une catégorie idéologique conduisant à la déstructuration de la Charte des Nations unies et de tout le système de sécurité collective. Il s'agit ni plus ni moins du retour au droit d'agression, au droit de faire la guerre. C'est un nouvel instrument de consécration de la violence structurelle et de la force brute dans les relations internationales.
Au nom de cette prétendue doctrine, les États-Unis et certains de ses alliés européens veulent se réserver désormais le droit d'attaquer n'importe quel État souverain, surtout lorsqu'un gouvernement ne se plie pas à leur politique de domination impériale. La guerre préventive n'est qu'une tentative de justifier la guerre d'agression.
L'autre support idéologique - qui complète le droit d'intervention si cher à la doctrine occidentale - est la guerre contre le terrorisme. Dans les faits, celle-ci cache mal l'offensive générale contre les normes internationales, contre les normes de protection des droits humains. Les tortures systématiques à grande échelle des Irakiens par des responsables nord-américains en sont un exemple éloquent.
Pourtant, la Charte des Nations unies interdit le recours à la force sans aucune ambiguïté. Elle précise bien dans son article 2, paragraphe 4, que « les membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations unies » .
Certes, l'article 51 de la Charte des Nations unies prévoit et autorise la légitime défense « dans le cas où un membre des Nations unies est l'objet d'une agression armée » , mais c'est uniquement en cas d'agression armée que l'on peut invoquer la légitime défense. La guerre préventive fait donc voler en éclats la notion de légitime défense, véritable pilier du droit international.
La guerre préventive est une violation flagrante du droit international et un acte constitutif d'agression; elle est crime de droit international et contraire à la résolution 3314 (XXIX) de l'Assemblée générale des Nations unies en date du 14 décembre 1974. La politique mise en place par les États-Unis et par certains alliés européens, porte un coup fatal à l'article 33 de la Charte de l'Onu selon lequel tous les États ont l'obligation de régler leurs différends internationaux par des moyens pacifiques de telle manière que la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice ne soient pas mises en danger.
Cette prétendue doctrine n'a rien de légal, elle est essentiellement contraire aux normes internationales et se trouve substantiellement en contradiction avec les dispositions de la Charte des Nations unies.
Le droit politique contenu dans la Charte des Nations unies fait l'objet d'une offensive générale afin de le détruire. Ce droit politique ainsi neutralisé, les normes du droit international économique peuvent se développer plus facilement conformément à la logique de la mondialisation, c'est-à-dire selon les voeux des firmes transnationales, assistés des moyens d'État des Grandes Puissances.
Ces éléments sèment le désordre mondial, tandis que des peuples entiers dans le monde sont soumis aux recettes « thérapeutiques » des institutions financières internationales, aux programmes d'ajustement structurel et aux privatisations et bradage des biens publics au profit des grandes sociétés transnationales. La lecture et l'interprétation de la guerre préventive et le désordre provoqué, ne peuvent qu'être rejetés intégralement.
Les vraies causes du désordre dans le monde sont, par exemple, la non résolution pacifique des conflits, la négation au peuple sahraoui du droit à l'autodétermination de la part du Maroc ou d'autres conflits graves au Moyen-Orient et ailleurs. Et la doctrine de la guerre préventive ne fait que les aggraver.
La reconstruction d'un ordre international fondé sur le respect des droits humains, sur le respect des obligations internationales concernant la protection de l'environnement, sur le droit au développement des peuples du sud, sur l'éradication de la misère, sur le respect de la normativité internationale et de la Charte des Nations unies, est la seule réponse possible et non la guerre préventive à l'ordre antidémocratique imposé aux peuples.
Tel serait le sens de la réforme des Nations unies que nous réclamons de nos voeux. »
Le débat précédant le vote a néanmoins mis en lumière l'absence d'unanimité sur le projet de la commission. Certains délégués ont ainsi utilisé l'exemple de l'intervention de l'OTAN au Kosovo pour illustrer l'absence de prise de décision du Conseil de sécurité des Nations unies devant une situation d'urgence. Les réticences ainsi exprimées relativisent implicitement la pertinence d'un tel débat au sein de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. On s'interrogera en effet sur la portée d'un texte qui, tel qu'adopté, se borne à rappeler la mission fondamentale d'une autre enceinte : l'O.N.U.