ANNEXES
Annexe 1 : Résolution n°1507 (2007) - Vers une dépénalisation de la diffamation
1. L'Assemblée parlementaire, rappelant sa Recommandation 1589 (2003) et sa Résoluti on 1535 (2007), réaffirme avec vigueur que la liberté d'expression est une pierre angulaire de la démocratie. En l'absence de réelle liberté d'expression, on ne saurait parler de véritable démocratie.
2. L'Assemblée souligne d'emblée que la presse joue un rôle fondamental en promouvant des débats sur des questions d'intérêt public, et c'est précisément de tels débats - les plus ouverts possible - que se nourrit la démocratie.
3. L'Assemblée rappelle sa Résolution 1003 (1993) relative à l'éthique du journalisme et souligne que ceux qui font usage du droit à la liberté d'expression ont aussi des devoirs et des obligations. Ils doivent agir de bonne foi, de manière à fournir des informations exactes et dignes de crédit dans le respect de la déontologie journalistique.
4. Selon les termes consacrés par la Cour européenne des Droits de l'Homme, l'article 10 de la Convention européenne des Droits de l'Homme garantit la liberté d'expression non seulement pour «les `informations' ou `idées' accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi (...) celles qui heurtent, choquent ou inquiètent».
5. L'Assemblée constate que la liberté d'expression n'est pas illimitée et qu'une intervention de l'État peut s'avérer nécessaire dans une société démocratique dans le cadre d'une base légale solide et dès lors qu'elle répond à un intérêt général évident, selon l'esprit de l'article 10 paragraphe 2 de la Convention européenne des Droits de l'Homme.
6. Les législations anti-diffamation poursuivent le but légitime de la protection de la réputation et des droits d'autrui. L'Assemblée exhorte cependant les États membres à y recourir avec la plus grande modération, car de telles lois peuvent porter gravement atteinte à la liberté d'expression. Pour cette raison, l'Assemblée exige des garanties procédurales permettant notamment à tous ceux qui sont poursuivis pour diffamation d'apporter la preuve de la véracité de leurs déclarations et de s'exonérer ainsi d'une éventuelle responsabilité pénale.
7. Par ailleurs, des déclarations ou allégations présentant un intérêt public, même quand elles s'avèrent inexactes, ne devraient pas être passibles de sanctions à condition qu'elles aient été faites sans connaissance de leur caractère inexact, sans intention de nuire, et si la véracité a été vérifiée avec la diligence nécessaire.
8. L'Assemblée déplore que dans un certain nombre d'États membres un usage abusif soit fait des poursuites pour diffamation dans ce qui pourrait s'apparenter à des tentatives des autorités de réduire les médias critiques au silence. De tels abus - qui aboutissent à une véritable autocensure de la part des médias et peuvent réduire à une peau de chagrin le débat démocratique et la circulation des informations d'intérêt général - ont été dénoncés par la société civile, notamment en Albanie, en Azerbaïdjan ou encore en Fédération de Russie.
9. L'Assemblée rejoint la position claire du Secrétaire général du Conseil de l'Europe qui a dénoncé les menaces de poursuites pour diffamation comme «une forme particulièrement insidieuse d'intimidation». L'Assemblée considère qu'une telle dérive dans le recours aux législations anti-diffamation est inacceptable.
10. Par ailleurs, l'Assemblée salue les efforts déployés par le Représentant sur la liberté des médias de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) en faveur de la dépénalisation de la diffamation et son engagement constant pour la liberté des médias.
11. Elle constate avec une vive inquiétude que de nombreux États membres prévoient des peines d'emprisonnement en cas de diffamation et que certains persistent à y recourir en pratique, par exemple l'Azerbaïdjan et la Turquie.
12. Chaque cas d'emprisonnement d'un professionnel de la presse est une entrave inacceptable à la liberté d'expression et fait peser une épée de Damoclès sur les journalistes dans l'exercice de leur travail d'intérêt public. C'est la société toute entière qui pâtit des conséquences des pressions que peuvent ainsi subir des journalistes, muselés dans l'exercice de leur métier.
13. Par conséquent, l'Assemblée considère que les peines carcérales pour diffamation devraient être abrogées sans plus de délai. Elle exhorte notamment les États dont les législations prévoient encore des peines de prison sans que celles-ci soient infligées en pratique, à les abroger sans délais, pour ne pas donner une excuse, quoique injustifiée, à certains États qui continuent d'y recourir entraînant ainsi une dégradation des libertés publiques.
14. L'Assemblée dénonce également le recours abusif à des dommages et intérêts démesurés en matière de diffamation et rappelle qu'une indemnité d'une ampleur disproportionnée peut aussi violer l'article 10 de la Convention européenne des Droits de l'Homme.
15. L'Assemblée est consciente que l'abus de la liberté d'expression peut être dangereux ; l'histoire en est témoin. Les discours appelant à la violence, négationnistes, ou d'incitation à la haine raciale, intrinsèquement destructeurs des valeurs de pluralisme, de tolérance et d'ouverture d'esprit promues par le Conseil de l'Europe et la Convention européenne des Droits de l'Homme, doivent pouvoir faire l'objet de poursuites, comme il a été récemment reconnu dans une décision-cadre applicable aux pays membres de l'Union européenne.
16. Enfin, l'Assemblée souhaite réaffirmer que la protection des sources journalistiques relève d'un intérêt public capital. Un journaliste poursuivi pour diffamation doit pouvoir taire ses sources ou encore produire un document à sa défense sans pour autant devoir justifier l'avoir obtenu par des voies licites.
17. En conséquence, l'Assemblée invite les États membres :
17.1. à abolir sans attendre les peines d'emprisonnement pour diffamation;
17.2. à garantir qu'il n'y a pas de recours abusif aux poursuites pénales et à garantir l'indépendance du ministère public dans ces cas;
17.3. à définir plus précisément dans leurs législations le concept de diffamation dans le but d'éviter une application arbitraire de la loi et à garantir que le droit civil apporte une protection effective de la dignité de la personne affectée par la diffamation;
17.4. à ériger en infractions pénales l'incitation publique à la violence, à la haine ou à la discrimination, les menaces à l'égard d'une personne ou d'un ensemble de personnes, en raison de leur race, leur couleur, leur langue, leur religion, leur nationalité ou leur origine nationale ou ethnique, dès lors qu'il s'agit de comportements intentionnels, conformément à la Recommandation de politique générale no 7 de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI);
17.5. à ériger en infractions pénales passibles d'emprisonnement uniquement les appels à la violence, le discours de haine ainsi que le discours négationniste;
17.6. à bannir de leurs législations relatives à la diffamation toute protection renforcée des personnalités publiques conformément à la jurisprudence de la Cour et invite en particulier:
17.6.1. la Turquie à amender l'article 125(3) de son code pénal en conséquence;
17.6.2. la France à réviser sa loi du 29 juillet 1881 à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme;
17.7. à garantir dans leurs législations des moyens de défense appropriés aux personnes poursuivies pour diffamation, et en particulier des moyens reposant sur l'e xceptio veritatis et l'intérêt général, et invite notamment la France à amender, ou à abroger, l'article 35 de sa loi du 29 juillet 1881 qui prévoit des exceptions injustifiées interdisant à la partie poursuivie d'apporter la preuve de la véracité du fait diffamatoire;
17.8. à instaurer des plafonds raisonnables et proportionnés en matière de montants de dommages et intérêts dans les affaires de diffamation, de telle sorte qu'ils ne soient pas susceptibles de mettre en péril la viabilité même du média poursuivi;
17.9. à prévoir des garanties législatives adéquates contre des montants de dommages et intérêts disproportionnés par rapport au préjudice réel subi;
17.10. à mettre leurs législations en conformité avec la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme en matière de protection des sources journalistiques.
18. L'Assemblée invite les organisations professionnelles de journalistes à se doter, s'ils n'en ont pas encore, de codes de déontologie journalistique.
19. Elle se félicite par ailleurs des démarches entreprises par les autorités turques en vue de l'amendement de l'article 301 du Code pénal turc relatif au «dénigrement de l'identité turque» et les encourage fortement à poursuivre sans attendre sur cette voie.
Annexe 2 : Résolution 1570 (2007) - La crise humanitaire au Darfour
1. L'Assemblée parlementaire rappelle et réaffirme les Résolutions n os 1556 (2004), 1706 (2006) et 1769 (2007) du Conseil de Sécurité des Nations Unies sur la crise au Darfour.
2. Il prend également note du rapport présenté par la Mission de haut niveau créée par le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies conformément à sa décision S-4/101.
3. L'Assemblée est alarmée par l'ampleur des violences dans la région du Darfour, au Soudan, où 85 000 personnes ont été tuées et plus de 200 000 sont mortes de maladie ou de faim au cours des quatre années de conflit qui oppose les rebelles locaux, l'armée soudanaise et leurs alliés, les milices janjaouites. En raison de la crise, plus de 2 millions de personnes vivent dans des camps pour personnes déplacées répartis sur un vaste secteur dans la région du Darfour, tandis que 230 000 autres ont fui le Soudan et demandé l'asile au Tchad.
4. Elle est vivement préoccupée par le fait que, malgré la signature de l'accord de paix sur le Darfour, en mai 2006, et le récent accord de cessez-le-feu entre le Gouvernement du Soudan et les groupes rebelles, le 11 janvier 2007, le Gouvernement soudanais n'a pas encore fait cesser les violences dans la région ni amélioré la situation humanitaire.
5. L'Assemblée condamne fermement les violations constantes des droits de l'homme des populations civiles de la région du Darfour perpétrées par les parties au conflit, y compris les violences à l'encontre des femmes et des enfants, les tortures et les viols, qui sont autant de violations majeures des droits de l'homme et du droit international humanitaire.
6. Constatant que la crise au Darfour a suscité un des plus grands efforts d'aide humanitaire du monde, auquel participent près de 14 000 travailleurs humanitaires apportant de la nourriture, des médicaments et de l'eau à 3,8 millions de personnes, l'Assemblée est particulièrement alarmée par l'obstruction continuelle du Gouvernement soudanais à l'aide humanitaire internationale et par la détérioration du traitement de la population civile.
7. Treize agences des Nations Unies, plus de 80 organisations non gouvernementales et différents organes du mouvement international de la Croix Rouge et du Croissant Rouge, dont le comité international de la Croix Rouge (CICR), apportent leur soutien humanitaire à la population touchée de la région du Darfour. Malgré le degré élevé d'insécurité et le harcèlement continu enduré par les organisations humanitaires et leurs agents, la communauté humanitaire a su sauvegarder les normes humanitaires dans les camps de personnes déplacées. Malheureusement le financement actuel des opérations humanitaires arrivera à son terme dans quelques mois, avec pour toute perspective une aggravation accrue de la crise.
8. L'Assemblée se réjouit du dernier accord conclu entre les Nations Unies et le Gouvernement soudanais le 28 mars 2007 sur la facilitation des activités humanitaires au Darfour. Toutefois, l'accès à l'aide humanitaire est constamment menacé par des problèmes de sécurité du personnel humanitaire et par un certain nombre d'obstacles bureaucratiques.
9. L'Assemblée est particulièrement inquiète de la situation des personnes déplacées et des réfugiés, dont le nombre a augmenté de façon significative en 2007.
10. C'est pourquoi l'Assemblée parlementaire :
10.1. exige que le Gouvernement soudanais se conforme totalement et sans délai à toutes les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, et en particulier qu'il mette immédiatement fin :
10.1.1. aux violences à l'encontre des populations civiles ;
10.1.2. aux violations des droits de l'homme, et en particulier à l'expulsion forcée des populations de leurs villages d'origine ;
10.1.3. aux multiples violences à l'encontre des femmes et des jeunes filles, en particulier le viol - instrument cruel de la guerre ;
10.1.4. au blocage des opérations de secours dans la région ;
10.1.5. aux restrictions d'accès du personnel humanitaire aux populations affectées ;
10.2. prie instamment le Gouvernement soudanais :
10.2.1. de coopérer pleinement avec l'ONU en soutenant la proposition commune des Nations Unies et de l'Union africaine (accord d'Addis-Abeba) relative au déploiement d'une mission hybride efficace de maintien de la paix ;
10.2.2. d'intensifier les efforts de promotion du processus de réconciliation nationale afin de rétablir la paix et la stabilité dans la région ;
10.2.3. d'apporter sans délai son soutien à toutes les agences internationales et organisations humanitaires afin de faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire aux personnes qui en ont besoin ;
10.3. lance un appel au Gouvernement soudanais et à toutes les parties au conflit pour qu'elles accordent une attention particulière à la protection des femmes, des jeunes filles et des autres personnes se trouvant dans une situation particulièrement vulnérable ;
10.4. demande à toutes les parties de ne pas enrôler dans leurs troupes des enfants de moins de 18 ans et invite les autorités soudanaises à prendre toutes les dispositions pour protéger les enfants déplacés, en particulier les mineurs isolés, conformément aux Conventions en vigueur ;
10.5. lance un appel au Gouvernement soudanais pour qu'il veille, en collaboration avec le Bureau des Nations Unies de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) et le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), que les ressources naturelles tels que l'eau et le bois de feu, ainsi que l'aide humanitaire, soient équitablement partagées entre les populations locales et les personnes déplacées ;
10.6. appelle toutes les parties au conflit qui n'ont pas encore signé l'Accord de paix sur le Darfour à le faire sans délai.
11. L'Assemblée appelle tous les pays qui entretiennent une coopération étroite avec le Soudan, tels que la Chine, l'Inde et la Russie, à user de leur influence politique auprès des autorités soudanaises pour mettre fin au conflit dans la région du Darfour.
12. L'Assemblée demande à la communauté internationale :
12.1. de garantir la mise en oeuvre immédiate et effective des sanctions approuvées par les Nations Unies concernant les ventes d'armes ;
12.2. de relancer les négociations afin de trouver à la crise du Darfour une solution politique acceptable par toutes les parties; et surtout d'intégrer les femmes dans les négociations de la paix comme l'exige la résolution 1325 du Conseil de Sécurité de l'ONU ;
12.3. d'assurer la protection effective des populations civiles de la région du Darfour par le déploiement de la force de maintien de la paix hybride des Nations Unies et de l'Union africaine ;
12.4. d'organiser la protection et l'assistance aux personnes déplacées au Soudan et aux réfugiés au Tchad et en République centrafricaine ;
12.5. de renforcer la sécurité dans les camps de réfugiés ;
12.6. de prendre les mesures nécessaires pour que les enfants, et plus particulièrement les jeunes filles, puissent poursuivre un enseignement scolaire ;
12.7. de soutenir l'exercice de la compétence de, et par, la Cour pénale internationale ;
12.8. d'encourager et de soutenir les négociations qui doivent s'ouvrir à Tripoli le 27 octobre 2007.
13. L'Assemblée appelle toutes les parties au conflit à faire preuve de bonne foi lors de l'ouverture, de la poursuite et de la conclusion des négociations qui s'ouvriront à Tripoli le 27 octobre 2007.
14. L'Assemblée demande en outre aux États membres du Conseil de l'Europe et aux autres parties prenantes :
14.1. de contribuer généreusement à la prolongation de l'aide humanitaire à la région par le biais des organismes appropriés ;
14.2. de fournir aux missions humanitaires du HCR, de l'OCHA, de l'UNICEF et du CICR toutes les ressources financières et matérielles nécessaires ;
14.3. d'apporter son assistance aux autorités locales pour le déminage humanitaire ;
14.4. de surveiller la démilitarisation immédiate et la réinsertion des anciens combattants, y compris les enfants soldats.
15. L'Assemblée réitère son soutien au Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, au Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires et au Comité international de la Croix-Rouge ainsi qu'aux organisations humanitaires non gouvernementales, nationales et internationales dans leurs efforts pour sauver la vie de milliers de personnes au Darfour.
Annexe 3 : Résolution 1580 (2007) - Les dangers du créationnisme
1. L'objectif de la présente résolution n'est pas de mettre en doute ou de combattre une croyance - le droit à la liberté de croyance ne le permet pas. Le but est de mettre en garde devant certaines tendances à vouloir faire passer une croyance comme science. Il faut séparer la croyance de la science. Il ne s'agit pas d'antagonisme. Science et croyance doivent pouvoir coexister. Il ne s'agit pas d'opposer croyance à science, mais il faut empêcher que la croyance ne s'oppose à la science.
2. Pour certains, la création, reposant sur une conviction religieuse, donne un sens à la vie. Toutefois l'Assemblée parlementaire s'inquiète de l'influence néfaste que pourrait avoir la diffusion de thèses créationnistes au sein de nos systèmes éducatifs et de ses conséquences sur nos démocraties. Le créationnisme, si l'on n'y prend garde, peut être une menace pour les droits de l'homme qui sont au coeur des préoccupations du Conseil de l'Europe.
3. Le créationnisme, né de la négation de l'évolution des espèces par la sélection naturelle, est longtemps demeuré un phénomène presque exclusivement américain. Aujourd'hui, les thèses créationnistes tendent à s'exporter en Europe et leur diffusion touche un nombre non négligeable d'États membres du Conseil de l'Europe.
4. La cible première des créationnistes contemporains, essentiellement d'obédience chrétienne ou musulmane, est l'enseignement. Les créationnistes se battent pour que leurs thèses figurent dans les programmes scolaires scientifiques. Or, le créationnisme ne peut prétendre être une discipline scientifique.
5. Les créationnistes remettent en cause le caractère scientifique de certaines connaissances et présentent la théorie de l'évolution comme une interprétation parmi d'autres. Ils accusent les scientifiques de ne pas fournir de preuves suffisantes pour valider le caractère scientifique de la théorie de l'évolution. A contrario , les créationnistes défendent la scientificité de leurs propos. Tout ceci ne résiste pas à une analyse objective.
6. Nous sommes en présence d'une montée en puissance de modes de pensée qui remettent en question les connaissances établies sur la nature, l'évolution, nos origines, notre place dans l'univers.
7. Le risque est grand, en effet, que ne s'introduise dans l'esprit de nos enfants une grave confusion entre le registre des convictions, des croyances, des idéaux de tout type et le plan de la science. Une attitude « tout se vaut » peut être d'apparence sympathique et tolérante mais en réalité dangereuse.
8. Le créationnisme présente de multiples facettes contradictoires. L'«intelligent design» (dessein intelligent), dernière version plus nuancée du créationnisme, ne nie pas une certaine évolution. Cependant l'"intelligent design", présenté de manière plus subtile, voudrait faire passer son approche comme scientifique et c'est là que réside le danger.
9. L'Assemblée a constamment affirmé que la Science faisait partie de ses fondements. La Science a permis une amélioration considérable des conditions de vie et de travail, et est un facteur non négligeable de développement économique, technologique et social. La théorie de l'évolution n'a rien d'une révélation, elle s'est construite à partir des faits.
10. Le créationnisme prétend à la rigueur scientifique. En réalité, les méthodes utilisées par les créationnistes sont de trois types : des affirmations purement dogmatiques, l'utilisation déformée de citations scientifiques illustrées parfois par de somptueuses photos et le recours à la caution de scientifiques de renom qui ne sont, la plupart du temps, pas spécialistes de ces questions. Par cette démarche, les créationnistes entendent séduire et distiller le doute et la perplexité dans les esprits des non-spécialistes.
11. L'évolution ne se réduit pas à la seule évolution de l'homme et des populations. Sa négation pourrait avoir de graves conséquences pour le développement de nos sociétés. Le progrès de la recherche médicale en vue de parvenir à lutter efficacement contre le développement de maladies infectieuses telles que le sida est impossible si l'on nie tout principe d'évolution. On ne peut pas avoir pleinement conscience des risques qu'implique le recul significatif de la biodiversité et le changement climatique si l'on ne comprend pas les mécanismes de l'évolution.
12. Notre modernité se construit sur une longue histoire qui passe notamment par le développement des sciences et des techniques. Cependant, la démarche scientifique reste encore mal comprise ce qui risque de profiter au développement de toutes formes d'intégrismes et d'extrémismes. Le refus de toute science constitue certainement l'une des menaces les plus redoutables qui planent au dessus des droits de l'homme et du citoyen.
13. Le combat mené contre la théorie de l'évolution et ses défenseurs émane le plus souvent d'extrémismes religieux proches de mouvements politiques d'extrême droite. Les mouvements créationnistes possèdent un réel pouvoir politique. En réalité, et ceci a été dénoncé à plusieurs reprises, certains tenants du créationnisme strict souhaitent remplacer la démocratie par la théocratie.
14. Tous les grands représentants des principales religions monothéistes ont une attitude beaucoup plus modérée, à l'instar du Pape Benoît XVI qui, comme son prédécesseur le Pape Jean-Paul II, salue aujourd'hui le rôle des sciences dans l'évolution de l'Humanité et reconnaît que la théorie de l'évolution est «plus qu'une hypothèse».
15. L'ensemble des phénomènes concernant l'enseignement des évolutions en tant que théorie scientifique fondamentale est donc essentiel pour l'avenir de nos sociétés et de nos démocraties. A ce titre, il doit figurer de façon centrale dans les programmes généraux d'enseignement, et notamment au coeur des programmes scientifiques, aussi longtemps qu'il résiste, comme toute autre théorie, à une critique scientifique rigoureuse. Du médecin qui, par l'abus de prescription d'antibiotiques, favorise l'apparition de bactéries résistantes, à l'agriculteur qui utilise inconsidérément des pesticides entraînant ainsi la mutation d'insectes sur lesquels les produits utilisés n'ont plus d'effet, l'évolution est partout présente.
16. L'importance de l'enseignement du fait culturel et religieux a déjà été soulevée par le Conseil de l'Europe. Les thèses créationnistes, comme toute approche théologique, peuvent éventuellement, dans le respect de la liberté d'expression et des croyances de chacun, être exposées dans le cadre d'un apprentissage renforcé du fait culturel et religieux mais elles ne peuvent prétendre à la scientificité.
17. La Science est une irremplaçable école de rigueur intellectuelle. Elle ne prétend pas au «pourquoi des choses» mais cherche à comprendre le «comment».
18. L'étude approfondie de l'influence grandissante des créationnistes montre que les discussions entre créationnisme et évolution vont bien au-delà de querelles d'intellectuels. Si nous n'y prenons garde, les valeurs qui sont l'essence même du Conseil de l'Europe, risquent d'être directement menacées par les intégristes du créationnisme. Il est du rôle des parlementaires du Conseil de réagir avant qu'il ne soit trop tard.
19. En conséquence, l'Assemblée parlementaire encourage les États membres et en particulier leurs instances éducatives :
19.1. à défendre et à promouvoir le savoir scientifique ;
19.2. à renforcer l'enseignement des fondements de la science, son histoire, son épistémologie et ses méthodes, aux côtés de l'enseignement de connaissances scientifiques objectives ;
19.3. à rendre la science plus compréhensive, plus attractive, plus proche des réalités du monde contemporain ;
19.4. à s'opposer fermement à l'enseignement du créationnisme en tant que discipline scientifique, au même titre que la théorie de l'évolution et en général à ce que des thèses créationnistes soient présentées dans tout cadre disciplinaire autre que celui de la religion ;
19.5. à promouvoir l'enseignement de l'évolution en tant que théorie scientifique fondamentale dans les programmes généraux d'enseignement.
20. L'Assemblée se félicite de ce que 27 académies des sciences d'États membres du Conseil de l'Europe aient signé, en juin 2006, une déclaration portant sur l'enseignement de l'évolution et appelle les académies des sciences qui ne l'ont pas encore fait à signer cette déclaration.
Annexe 4 : Recommandation 1811 (2007) - La régionalisation en Europe
. L'Assemblée parlementaire constate qu'une majorité d'États membres du Conseil de l'Europe sont des États fédéraux, confédéraux ou régionalisés, où les régions jouissent d'un fort degré d'autonomie ou, du moins, d'une décentralisation administrative considérable.
2. Elle constate en outre que la sphère politique régionale est une réalité institutionnelle d'une grande utilité en tant que niveau sub-étatique de gouvernement dans une majorité d'États membres du Conseil de l'Europe, dans la mesure où la région, pour des raisons de superficie et de proximité, est le niveau idéal pour l'exercice de la gouvernance.
3. L'Assemblée souligne que, sur la base des principes politiques qu'il promeut, le Conseil de l'Europe a toujours soutenu le développement d'une Europe des régions, conçue comme une garantie supplémentaire de la démocratie dans la mesure où elle accroît les possibilités pour les citoyens de participer activement à la vie politique.
4. Elle observe que le Conseil de l'Europe est aussi favorable à la régionalisation en raison de son efficience politique, administrative et financière, puisqu'il s'agit d'un niveau de gouvernement plus proche de la réalité et des citoyens que ne l'est l'État.
5. Elle observe aussi que de nombreux États européens ont accompli ces dernières années des progrès considérables en matière de développement ou de restructuration de leurs systèmes d'administration fédérale, régionale ou autonome.
6. L'Assemblée note qu'une majorité d'États membres du Conseil de l'Europe comptent des communautés dotées d'une forte identité culturelle, politique et historique, qui ne sont pas simplement des régions, mais aussi des peuples et des sociétés à l'identité collective marquée (qu'on les appelle régions, nations, nationalités, pays...) et qui, sans avoir créé leur propre État, conservent des caractéristiques distinctes qui motivent leur aspiration politique à l'autonomie.
7. Elle considère qu'il est nécessaire de créer un niveau sub-étatique solide au sein des États membres, ne serait-ce que pour garantir une plus grande efficience de la gouvernance dans les États qui ne pourraient pas assurer une action de la puissance publique qui soit permanente et effective sur l'ensemble de leur territoire.
8. L'Assemblée note l'élan insufflé au mouvement régionaliste du fait de son association avec le concept de bonne gouvernance, la nécessité d'appliquer le principe de subsidiarité et les revendications des citoyens concernant l'organisation au niveau régional.
9. Elle souligne l'importance du régionalisme dans le projet européen, dont témoigne le fait que l'Union européenne a mis en place des fonds structurels au niveau régional et conçu des milliers de projets mis en oeuvre à ce même niveau, afin de parvenir à une plus grande cohésion sociale et territoriale.
10. L'Assemblée note également que certains États semblent encore réticents à toute forme de régionalisation, aussi limitée soit-elle, et continuent de nier la présence de minorités sur leur territoire.
11. Elle est fermement convaincue qu'une large majorité des citoyens des États membres souhaitent préserver l'existence de l'État en tant qu'institution essentielle du processus politique, principal détenteur de prérogatives en matière de politique internationale et niveau ultime de la prise de décision au sein des institutions européennes.
12. L'Assemblée constate toutefois qu'au cours des dernières années un nombre considérable de nouveaux États sont apparus en Europe et que nous voyons maintenant apparaître de nouvelles nations dont l'indépendance et le statut d'État sont reconnus par la communauté internationale.
13. Elle rappelle le précédent établi par, et les conditions exigées pour, l'indépendance du Monténégro et témoigne du chemin accompli par le Kosovo sur la voie de l'indépendance, apparemment acceptée par une partie de la communauté internationale.
14. Elle tient compte du fait que, dans plusieurs États membres du Conseil de l'Europe, au sein des communautés marquées par une conscience politique profonde de leur identité, il existe des minorités nationalistes qui revendiquent leur indépendance et leur accession au rang d'État à part entière.
15. L'Assemblée rappelle l'existence de conflits fondés sur l'appartenance ethnique ou sur l'existence de minorités nationales, culturelles/linguistiques, religieuses ou frontalières, et la nécessité de parvenir à résoudre ces problèmes de manière pacifique, durable et satisfaisante pour toutes les parties.
16. Elle est consciente des problèmes que la création de nouveaux États peut entraîner, tels que des conflits de toute sorte, des clivages au sein des sociétés, des affrontements entre les minorités et la majorité, entre les différentes minorités ou entre des pays voisins, et le risque d'une déstabilisation profonde du projet européen.
17. L'Assemblée insiste sur le caractère démocratique des États européens, qui veut que ces situations soient toujours traitées par des moyens démocratiques, tels que des élections, des référendums, des réformes constitutionnelles et institutionnelles, la création de nouvelles entités, en s'appuyant toujours sur la participation des citoyens, auxquels il appartient en dernier ressort de trancher.
18. Elle est convaincue que la plupart de ces problèmes peuvent être résolus de manière satisfaisante dans le cadre d'une autorité sub-étatique institutionnalisée, en application du principe de subsidiarité, du régionalisme, de l'autonomie ainsi que du fédéralisme.
19. L'Assemblée note que le régionalisme a rencontré un succès considérable dans les États européens où il a été mis en place, comme le montrent des exemples tels que l'Autriche, la Belgique, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, la Suisse ou le Royaume-Uni.
20. Elle est convaincue en outre des vertus de la gouvernance régionale, de l'efficacité de la subsidiarité et de la force démocratique de la proximité, qui rapproche les citoyens de l'administration des affaires publiques.
21. L'Assemblée pense que l'exercice des droits des minorités est compatible avec les actions de l'État, qui doit prendre en compte ces minorités et défendre leurs droits culturels, linguistiques, religieux et politiques.
22. Elle reconnaît le rôle que les organisations régionalistes ont joué en Europe, et en particulier des institutions européennes telles que le Congrès du Conseil de l'Europe ou le Comité des Régions de l'Union européenne, ainsi que des associations telles que la Conférence des assemblées législatives régionales européennes (CALRE), qui représente le régionalisme européen au niveau parlementaire.
23. L'Assemblée soutient l'initiative du Congrès du Conseil de l'Europe d'élaborer un nouveau projet de texte sur la démocratie régionale, à adopter en mai 2008, qui proposera des solutions à la fois souples et réalistes dans un document qui devrait recueillir l'adhésion d'une majorité des États membres et, le moment venu, celle du Comité des Ministres, en vue de préparer un instrument juridique offrant un cadre institutionnel correspondant à l'évolution que connaissent la plupart des pays européens.
24. Elle se félicite du succès de la première Conférence des parlements nationaux et des assemblées régionales européennes qu'elle a organisée conjointement avec la CALRE à Strasbourg le 12 septembre 2007.
25. L'Assemblée souhaite poursuivre sa coopération avec les institutions régionales européennes, en particulier avec le Congrès du Conseil de l'Europe et sa Chambre des Régions, afin de développer une approche commune et d'explorer le potentiel considérable du régionalisme pour l'Europe de demain.
26. Elle souhaite également renforcer ses liens avec les régions dotées de pouvoirs législatifs et avec les organisations qui les représentent, telles que la REGLEG au niveau des gouvernements régionaux ou la CALRE pour ce qui concerne les assemblées régionales.
27. Elle veillera en particulier à nouer des relations avec la CALRE et avec les parlements des régions dotées de pouvoirs législatifs, afin de coopérer dans le domaine du parlementarisme et de comparer le rôle des parlements régionaux, des parlements nationaux et des organisations parlementaires internationales telles que l'Assemblée parlementaire.
28. En conséquence, l'Assemblée invite le Comité des Ministres à recommander aux États membres :
28.1. de s'employer résolument à améliorer, ou mettre en place lorsqu'il n'existe pas encore, dans les pays où ce serait approprié, un système régional, en tant que niveau de gouvernance sub-étatique, afin de moderniser les institutions et de les adapter aux nouveaux défis politiques, économiques et sociaux du monde moderne, dans le respect des principes défendus par le Conseil de l'Europe ;
28.2. d'utiliser cette voie pour résoudre les problèmes de structure institutionnelle et de répondre aux revendications des régions ayant une ambition nationale, afin de leur accorder un degré satisfaisant d'autonomie en tant qu'instrument de leur réalisation politique, en coopération avec le gouvernement et les autres institutions de l'État et, le cas échéant, avec celles de l'Union européenne ;
28.3. de corriger la situation de marginalisation dont souffrent de grandes régions au sein des institutions européennes et de leur accorder une reconnaissance et un statut qui leur permettront de participer au projet européen de manière proportionnée à leur contribution, et de vaincre ainsi leur sentiment actuel de frustration.
29. L'Assemblée invite en outre le Comité des Ministres :
29.1. à insister sur le respect scrupuleux des droits de l'homme, et en particulier des droits des minorités, qui peuvent trouver dans le régionalisme un modèle pour parvenir à une reconnaissance démocratique et à une application pleine et entière de ces droits, conformément aux principes du Conseil de l'Europe ;
29.2. à soutenir une idée du régionalisme suffisamment large et souple pour qu'aucune forme d'organisation régionale ne soit jamais imposée : ce seront les États qui choisiront, le moment venu, la forme de régionalisation qui convient le mieux à leurs citoyens, puisque ce seront ces derniers qui trancheront en dernier ressort ;
29.3. à soutenir les organisations régionalistes européennes, notamment en renforçant le rôle du Congrès du Conseil de l'Europe, afin de donner au mouvement régionaliste une plus grande cohérence et de lui insuffler une logique européenne allant bien au-delà des exigences spécifiques de chaque État.
30. L'Assemblée invite par ailleurs le Congrès :
30.1. à s'efforcer de développer le mouvement régionaliste sous toutes ses formes, et sous la forme la plus appropriée pour chaque situation, afin de mettre en valeur la réalité positive et la bonne gouvernance que représente l'État régionalisé ;
30.2. à poursuivre ses travaux sur le nouveau projet de texte relatif à la démocratie régionale, en appliquant des critères actualisés et souples qui permettront son adoption, à la fois, par le Comité des Ministres et une majorité d'États membres ;
30.3. à réserver l'appartenance à la Chambre des régions aux seuls représentants de régions dans les États membres où elles existent, et à la Chambre des pouvoirs locaux aux représentants de collectivités intermédiaires et locales ;
30.4. à accorder aux régions dotées de pouvoirs législatifs, compte tenu de leur caractère politique particulier, un statut et une reconnaissance spécifiques et rechercher des solutions structurelles qui leur permettront de débattre et d'adopter des décisions à leur propre niveau.
31. L'Assemblée invite également l'Union européenne :
31.1. à faciliter la participation des grandes régions européennes aux politiques communes et aux processus de prise de décision ainsi qu'à la mise en oeuvre des réglementations communautaires, en leur accordant une reconnaissance et un statut appropriés ;
31.2. à renforcer le rôle des régions dans les institutions de l'Union européenne, notamment en développant les compétences et les moyens du Comité des régions ;
31.3. à reconnaître, dans le cadre des travaux de rédaction du nouveau Traité modificatif que doit préparer la Conférence intergouvernementale, le rôle important des régions et de la politique régionale.