N° 27
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008
Annexe au procès-verbal de la séance du 11 octobre 2007 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur l' enquête de la Cour des comptes relative au service des pensions ,
Par MM. Thierry FOUCAUD et Bertrand AUBAN,
Sénateurs.
(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Claude Belot, Marc Massion, Denis Badré, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Jean-Pierre Masseret, Joël Bourdin, vice-présidents ; M. Philippe Adnot, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Moreigne, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Mme Marie-France Beaufils, M. Roger Besse, Mme Nicole Bricq, MM. Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, André Ferrand, Jean-Claude Frécon, Yves Fréville, Christian Gaudin, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Jean-Jacques Jégou, Alain Lambert, Gérard Longuet, Roland du Luart, François Marc, Michel Mercier, Gérard Miquel, Henri de Raincourt, Michel Sergent, Henri Torre, Bernard Vera.
AVANT-PROPOS
En application de l'article 58-2° de la LOLF, la Cour des comptes a réalisé, à la demande de la commission des finances, par lettre en date du 3 octobre 2006 de notre collègue, le président Jean Arthuis, à M. Philippe Séguin, Premier président, une enquête sur « Le service des pensions de l'Etat ».
La Cour des comptes a remis sa communication le 25 juin 2007. Les principales observations de la Cour des comptes sont résumées dans l'encadré ci-dessous :
Les principales observations de la Cour des
comptes
Si elle relève les efforts accomplis, l'enquête juge la réforme « encore inaboutie » pour répondre aux défis lancés par la mise en oeuvre du droit à l'information sur les retraites et la création du compte individuel retraite (CIR) des agents de l'Etat. La Cour des comptes dénonce le « cloisonnement administratif tenace » entre les ministères employeurs, le service des pensions et le réseau du Trésor public. Elle estime que cet éclatement de la chaîne des pensions contribue à la dispersion persistante des responsabilités et au retard pris dans la rationalisation des systèmes d'information . Au regard de l'importance de l'enjeu et dans la perspective du « rendez-vous » de 2008 sur les retraites, l'enquête de la Cour des comptes rappelle l'urgence pour l'administration d' engager une réforme profonde des missions et des statuts du service des pensions afin de doter le régime de retraite des fonctionnaires d' une autorité fonctionnelle unique, véritablement responsable du pilotage de la chaîne des pensions . La Cour des comptes place au rang des priorités trois recommandations : 1) créer une autorité fonctionnelle unique et interministérielle chargée du pilotage de la chaîne des pensions et du compte d'affectation spéciale « Pensions » ; 2) reconfigurer le système de calcul et de concession des pensions autour du compte individuel retraite (CIR) ; 3) définir rapidement une stratégie d'ensemble fondée sur l'adaptation profonde des missions et du statut du service des pensions . |
Dans son rapport particulier d'avril 2003, la Cour des comptes avait critiqué la gestion des pensions de l'Etat en soulignant la lourdeur de son organisation et la déficience des systèmes d'information . Il s'agissait par cette enquête, quatre ans après l'entrée en vigueur de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, de dresser le bilan des améliorations attendues dans la gestion administrative des pensions ainsi que dans le pilotage du nouveau compte d'affectation spéciale « Pensions » créé par la LOLF et mis en place en 2006.
Quelques chiffres témoignent de l'importance de l'enjeu :
- près de 3.000 fonctionnaires, dont 441 pour le service des pensions, interviennent dans le traitement des quelque 86.000 pensions concédées annuellement ;
- les 2,5 millions de pensions inscrites au grand livre de la dette publique ont représenté une dépense de 40,2 milliards d'euros en 2006 .
A cet égard, vos rapporteurs spéciaux avaient regretté 1 ( * ) que le rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement pour 2006 de cette mission ne présente qu'un compte rendu comptable de l'exécution 2006, sans mise en perspective d'un bilan ou d'une stratégie d'ensemble. Tout en se félicitant du caractère opérationnel de ce nouveau compte d'affectation spéciale, vos rapporteurs spéciaux avaient toutefois encouragé les efforts du service des pensions dans la recherche d'une programmation optimale des prévisions de recettes et de dépenses . Ils avaient également appelé ce service de l'Etat à assumer pleinement la responsabilité centrale qu'il détient dorénavant dans la chaîne de traitement des pensions en liaison étroite avec la direction du budget, les ministères employeurs en amont et le Trésor public en aval chargé de la mise en paiement. Cette recommandation est notamment partagée par la Cour des comptes qui, par cette enquête, souligne l'urgence à poursuivre la réforme du service des pensions qu'elle juge à ce jour « inaboutie » .
A la lumière de l'enquête de la Cour des comptes, et malgré l'effort entrepris depuis 2003, votre commission des finances constate la persistance d'un éclatement de la chaîne des pensions qui conduit à une dispersion des responsabilités . Le cloisonnement administratif tenace et le retard pris dans la rationalisation des systèmes d'informations en sont les causes principalement dénoncées
Selon la règle, l'enquête a donné lieu, le 26 septembre 2007, à une audition 2 ( * ) pour suite à donner en présence de M. Christian Babusiaux, président de la 1 ère chambre de la Cour des comptes, de MM. Jean-Marie Bertrand, conseiller-maître, et Christophe Bigand, rapporteur, ainsi que M. Alain Casanova, chef du service des pensions, M. Hugues Bied-Charreton, chef de service à la direction du budget, Mme Nathalie Morin, chef de service à la direction générale de la comptabilité publique, et M. Frédéric Aladjidi, directeur-adjoint de la direction générale de l'administration et de la fonction publique.
Enfin, pour obtenir des informations complémentaires sur le calendrier de la réforme de la gestion des pensions, la commission a procédé à une seconde audition, le 10 octobre 2007, de M. André Santini, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique .
I. UNE RÉFORME ENGAGÉE MAIS ENCORE INABOUTIE
A. LA PERSISTANCE D'UN « CLOISONNEMENT ADMINISTRATIF TENACE »
La concession d'une pension à un fonctionnaire de l'Etat repose sur les interventions successives :
• du ministère employeur, chargé de la
constitution du dossier et du calcul d'une proposition de liquidation du
montant de la pension ;
• du service des pensions, relevant du
ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique,
situé à Nantes depuis 1987 et chargé du contrôle, de
la liquidation et de la concession de la pension ;
• et du réseau des comptables de la direction
générale de la comptabilité publique aux fins de paiement
par l'un des 27 centres régionaux des pensions.
Source : Cour des comptes
Le constat effectué en 2003 par la Cour des comptes selon lequel ces trois chaînons étaient « assez laborieusement et inefficacement reliés entre eux » demeure largement d'actualité. En dépit de la fonction centrale qu'occupe le service des pensions, celui-ci n'est pas investi des rôles de direction du réseau et de certification des procédures. De fait, les traitements exécutés en amont par les ministères employeurs demeurent hétérogènes, sans coordination d'ensemble ni entre ministères, ni avec le service des pensions. A titre d'illustration, la mise en place, début 2006, par le service des pensions, d'un traitement allégé des dossiers jugés « simples » n'a été que très inégalement portée à la connaissance des ministères. Ainsi, l'enquête relève que « la chaîne des pensions manque toujours au moins de coordination et, en réalité, d'un véritable pilotage ».
* 1 Rapport n° 393 (2006-2007) sur le projet de loi de règlement pour 2006, tome II : contributions des rapporteurs spéciaux.
* 2 Audition ouverte, eu égard à son objet, à nos collègues de la commission des affaires sociales ainsi qu'à la presse.