2. La réforme de l'assurance de protection juridique grâce à la loi n° 2007-210 du 19 février 2007

La loi n° 2007-210 du 19 février 2007 portant réforme de l'assurance de protection juridique a été adoptée sur proposition de loi conjointe de notre collègue Pierre Jarlier et plusieurs de ses collègues relative aux contrats d'assurance de protection juridique 62 ( * ) et de notre collègue François Zocchetto visant à réformer l'assurance de protection juridique 63 ( * ) .

Elle a permis de répondre à une situation de blocage relatif dont souffrait ce dispositif, en apportant des aménagements limités au régime de l'assurance de protection juridique, principalement pour clarifier les relations entre les assureurs et les avocats.

En effet, ainsi que l'a décrit notre collègue Yves Détraigne dans son rapport sur les deux propositions de loi précitées 64 ( * ) , l'assurance de protection juridique souffrait d'un manque de lisibilité et de transparence de ses contrats pour les assurés . En particulier, beaucoup d'entre eux ignorent qu'ils détiennent une telle protection juridique, celle-ci étant le plus souvent souscrite en contrat accessoire à un contrat support (multirisques habitation, par exemple). En outre, lorsqu'ils en ont connaissance, ils ignorent souvent le contenu des prestations et l'étendue de la garantie à laquelle ils ont droit.

Par ailleurs, comme le décrivait notre collègue Yves Détraigne dans son rapport précité, les avocats apparaissaient comme des acteurs marginalisés dans l'exercice de leurs missions au titre de l'assurance de protection juridique, notamment en cas de règlement du litige à l'amiable. Le marché de l'assurance de protection juridique courrait, en outre, le risque d'être « confisqué » par quelques professionnels liés aux réseaux des assureurs 65 ( * ) , avec des tarifs prédéterminés par les assureurs 66 ( * ) .

Enfin, notre collègue Yves Détraigne, reprenant les conclusions de la commission des clauses abusives 67 ( * ) , déplorait « certains comportements des compagnies d'assurance tendant à opposer, trop facilement, à l'assuré, la déchéance de sa garantie de protection juridique ».

La réforme adoptée par la loi du 19 février 2007 précitée a permis d'apporter des solutions réalistes à ces points de blocage et d'assurer une meilleure compatibilité entre l'exercice du métier d'avocat et les pratiques professionnelles des assurances 68 ( * ) .

3. Un impact encore difficile à mesurer sur l'aide juridictionnelle mais, a priori, limité

La loi du 19 février 2007 précitée pose le principe de subsidiarité de l'AJ par rapport à l'assurance de protection juridique . Aux termes de son article 5, l'AJ n'est pas accordée lorsque les frais couverts par cette aide sont pris en charge au titre d'un contrat d'assurance de protection juridique ou d'un système de protection 69 ( * ) .

Ainsi que le relevait l'étude de législation comparée du Sénat n° 137 de juillet 2004, ce principe de subsidiarité est assez fréquent au sein des systèmes d'accès au droit parmi nos voisins européens.

Il renvoie à une logique claire : le justiciable qui a fait l'effort financier de régler une prime doit d'abord solliciter sa compagnie d'assurance avant de solliciter la solidarité nationale , quand bien même serait-il éligible à l'AJ.

Ce principe, pour être correctement mis en oeuvre, suppose toutefois en pratique un engagement de l'avocat , qui se doit de vérifier si son client est assuré lorsqu'il se voit confier une nouvelle affaire. Le client peut, en effet, ne pas avoir le réflexe de le vérifier par lui-même ou, tout simplement, être ignorant de la garantie dont il bénéficie. Le niveau des seuils de rémunération prévus par les contrats d'assurance de protection juridique, supérieurs à ceux de l'AJ, devraient d'ailleurs inciter l'avocat à cette précaution préalable.

Pour autant, l'impact de cette réforme de l'assurance de protection juridique sera probablement limité sur le nombre d'admissions à l'AJ et, partant, sur le budget de ce système d'aide.

En effet, ces contrats d'assurance ne couvrent jamais la matière pénale , sauf éventuellement les délits non-intentionnels.

En outre, ils ne couvrent que rarement le champ du droit de la famille . Or, ces deux secteurs du droit représentent les plus forts contingents d'admission à l'AJ ( cf. supra , partie II-A-4).

Votre rapporteur spécial estime qu'il est encore trop tôt pour pouvoir tirer un bilan de cette réforme, même s'il considère que l'assurance de protection juridique constitue plus un complément ou un relais à l'AJ qu'un véritable substitut . A cet égard, votre rapporteur spécial renvoit à l'analyse réalisée par notre collègue Yves Détraigne dans son rapport précité, analyse qui demeure toujours valable quelques mois plus tard.

L'assurance de protection juridique : complément ou substitut à l'AJ ?

Rapport n° 160 (2006-2007) de Yves Détraigne sur les propositions de loi n° 85 (2006-2007) de Pierre Jarlier et plusieurs de ses collègues relative aux contrats d'assurance de protection juridique et n° 86 (2006-2007) de François Zocchetto visant à réformer l'assurance de protection juridique.

« (...) Dans ce contexte, l'assurance de protection juridique pourrait donc relayer utilement l'effort consenti par l'Etat. Comme l'a souligné M. Bernard Cerveau, président de l'association des juristes d'assurance et de réassurance, entendu par votre rapporteur, si l'on considère que le barème proposé pour l'accès à l'aide totale couvrirait un peu plus de 40 % des ménages, ceci signifie que 60 % d'entre eux constituent la base de développement pour les assureurs de protection juridique.

Ce dispositif s'adresse en effet principalement à des citoyens ayant des ressources supérieures aux plafonds d'aide juridictionnelle (du moins s'agissant du plafond fixé pour le bénéfice de l'aide totale) mais insuffisantes pour avoir recours habituellement aux services d'un avocat pour la gestion de leurs affaires .

Toutefois, la mise en place d'un système d'accès à la justice fondé, en fonction du niveau de revenu, sur l'aide juridictionnelle relayée par l'assurance de protection juridique appelle deux évolutions indispensables : l'élargissement de l'étendue des garanties de protection juridique et le développement plus conséquent de l'assurance de protection juridique dont, malgré son dynamisme, la diffusion est encore limitée.

Comme l'avait relevé en 2001 la commission de l'accès au droit et à la justice, « à l'heure actuelle [le] champ [de l'assurance de protection juridique] ne permet pas d'y voir une alternative à l'aide juridictionnelle. En effet, tant la matière pénale que le contentieux familial et notamment le divorce, sont très mal couverts par la protection juridique. » Ce constat vaut encore aujourd'hui, le champ de la garantie n'incluant généralement pas, ou sous des conditions extrêmement restrictives, ces deux matières.

Actuellement, le nombre de procès pris en charge par les assureurs s'établit à environ 50.000 affaires, soit à peine 2 % des affaires nouvelles portées devant les juridictions françaises. Sont principalement concernées des affaires en droit de la consommation, ce qui ne représente qu'une infime partie des contentieux portés devant les juridictions qui touchent toutes les branches du droit.

Ces chiffres démontrent que les champs de l'aide juridictionnelle et de l'assurance de protection juridique se recoupent encore peu . ».

* 62 Proposition de loi n° 85 (2006-2007).

* 63 Proposition de loi n° 86 (2006-2007).

* 64 Rapport n° 160 (2006-2007).

* 65 En dépit du principe de libre de choix de l'avocat.

* 66 Dans son rapport précité, notre collègue Yves Détraigne soulignait que « à l'exception de ceux agréés par un réseau de sociétés d'assurance et de mutuelles, les avocats jugent contraires au caractère libéral de leur profession les conventions d'honoraires passées entre les avocats correspondants des réseaux et les compagnies d'assurance et mutuelles, alors même que le statut qui les régit affirme le principe de la libre fixation de leur niveau de rémunération. Ils considèrent au demeurant que les tarifs imposés par les assureurs ne tiennent pas compte du coût effectif de la prestation fournie, forfaitisée. ».

* 67 Recommandations adoptées le 21 février 2002 par la commission des clauses abusives.

* 68 La réforme n'interdit pas la possibilité, pour les assureurs, de proposer le nom d'un avocat correspondant d'un réseau de sociétés d'assurance ou de mutuelles mais l'encadre plus rigoureusement. Par ailleurs, tout en affirmant le principe de la liberté de la fixation des honoraires entre l'avocat et son client, la réforme prévue ne crée pas de contraintes excessives de nature à entraver la liberté d'entreprendre des assureurs.

* 69 Par exemple, le système de protection attaché au statut de fonctionnaire.

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