C. OTAN ET POLITIQUE EUROPÉENNE DE SÉCURITÉ ET DE DÉFENSE : QUELLE COMPLÉMENTARITÉ ?
Le débat au sein de l'OTAN sur la légitimité et l'existence même d'une politique européenne de sécurité et de défense (PESD) est aujourd'hui dépassé. La PESD s'est dotée d'institutions, d'une « stratégie de sécurité », d'un « réservoir de forces » 14 ( * ) et conduit des opérations, dont certaines avec le concours des moyens de l'OTAN.
Pour autant, alors que 21 Etats-membres de l'OTAN sont également membres de l'Union européenne , les vocations respectives de l'OTAN d'une part et de la PESD d'autre part ne sont pas définies.
Bien que la complémentarité de la PESD avec l'OTAN soit régulièrement réaffirmée, les risques de chevauchement ou de concurrence subsistent.
1. Une relation qui a peiné à émerger
Les conflits des Balkans ont fait prendre conscience aux Européens de leur faiblesse militaire et de leur incapacité à régler eux-mêmes, sans recours à l'OTAN, les crises se déclarant à leurs frontières. L'idée d'une Europe de la défense a ainsi cheminé dans les opinions publiques et chez les dirigeants européens au moment même ou en pratique, les crises européennes imposaient, par nécessité, un engagement de l'OTAN et des forces américaines en Europe.
La déclaration franco-britannique de Saint-Malo, en 1998, a constitué l'acte fondateur de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD). Elle met l'accent sur la capacité de l'Union européenne à agir de manière autonome « lorsque l'Alliance en tant que telle n'est pas engagée » et « sans duplication inutile ». Les Etats-Unis acceptent alors cette démarche qui s'accorde avec leur souci de « partage du fardeau », mais posent certaines limites en refusant tout découplage entre la défense de l'Europe et l'Alliance atlantique, toute discrimination à l'encontre des alliés non membres de l'Union européenne et toute duplication avec les moyens de l'OTAN.
Le concept stratégique de l'OTAN adopté en 1999 reconnaît pleinement la légitimité de la PESD et la directive politique globale adoptée lors du sommet de Riga souligne que « l'Union européenne, qui est capable de mobiliser un large éventail d'instruments militaires et civils, joue un rôle croissant à l'appui de la stabilité internationale ».
Les accords dits « Berlin plus » adoptés lors du sommet de Washington en 1999, régissent la mise à disposition de l'Union européenne des moyens et des capacités de l'OTAN pour des opérations dans lesquelles l'Alliance ne serait pas engagée militairement en tant que telle, les modalités de coopération entre l'OTAN et l'Union européenne ayant été confirmées lors du Conseil européen de Nice, en décembre 2000.
La mise en place de l'accord « Berlin plus » a été durablement retardée par un différend gréco-turc. Ayant à l'esprit la question chypriote, la Turquie voulait avoir la garantie que l'Union européenne ne puisse bénéficier d'un accès automatique aux moyens de l'OTAN pour une opération qui n'aurait pas l'aval de tous les membres de l'Alliance. En décembre 2002, une déclaration commune de l'OTAN et de l'Union européenne a finalement posé les principes d'une coopération politique et militaire étroite entre les deux organisations. Cette déclaration sur la PESD établit le cadre formel pour une coopération dans la gestion de crises et la prévention des conflits . Elle garantit à l'Union européenne , pour ses propres opérations militaires, un accès aux moyens logistiques et de planification de l'OTAN .
C'est sur la base de ces arrangements qu'a été transférée à l'Union européenne l'opération de l'OTAN en Macédoine à partir d'avril 2003, puis celle de l'OTAN en Bosnie-Herzégovine à la fin de l'année 2004.
Toutefois, la mise en oeuvre des accords « Berlin plus » connaît de nouveau un période difficile depuis l'entrée de Chypre et Malte dans l'Union européenne en 2004. La Turquie invoque l'absence d'accord de sécurité sur l'échanges de données classifiées entre les deux pays et l'OTAN pour refuser leur participation aux réunions sur les opérations « Berlin plus », la conclusion d'un tel accord avec Chypre étant hypothétique compte tenu de l'absence de règlement du différend entre Ankara et Nicosie.
Principaux éléments des « accords Berlin plus » Les arrangements permanents entre l'OTAN et l'Union européenne : - garantissent l' accès de l'Union européenne à des capacités de planification de l'OTAN pouvant contribuer à la planification militaire d'opérations dirigées par l'Union européenne; - établissent une présomption de disponibilité au profit de l'Union européenne de capacités et de moyens communs de l'OTAN préidentifiés en vue de leur utilisation dans des opérations dirigées par l'Union européenne ; - identifient une série d' options de commandement européen pour des opérations dirigées par l'Union européenne, renforçant le rôle de l'adjoint européen du SACEUR (poste dédié à un officier britannique), en lui permettent d'assumer pleinement et de manière effective ses responsabilités européennes; - prévoient la poursuite de l'adaptation du système de planification de la défense de l'OTAN, d'une manière qui intègre plus complètement la disponibilité de forces pour des opérations dirigées par l'Union européenne ; - prévoient un accord OTAN-UE sur l'échange de renseignements classifiés en application de règles de protection réciproques ; - établissent des procédures pour la mise à disposition, le suivi, la restitution et le rappel des moyens et capacités de l'OTAN ; - prévoient les modalités de consultations entre l'OTAN et l'Union dans le contexte d'une opération de gestion de crise conduite par la seconde avec l'aide des moyens et des capacités de la première. |
* 14 Les institutions de la PESD sont le Comité politique de sécurité (CoPS) et le Comité militaire, où siègent respectivement les ambassadeurs et les chefs d'état-major des Etats-membres, l'Etat-major de l'Union européenne (EMUE) comprenant environ 150 officiers, ainsi que l'Agence européenne de défense, chargée notamment d'encourager la convergence des besoins capacitaires et les programmes communs de recherche et d'équipement. Le « réservoir de forces » s'appuie sur 15 groupements tactiques de 1 500 hommes constitués par des contributions des Etats-membres et déployables sous préavis de 15 jours.