B. LA FORMATION INITIALE : LE PASSAGE PAR UNE ÉCOLE DIFFÉRENTE POUR LES MAGISTRATS DU SIÈGE ET DU PARQUET
La formation initiale est assurée par :
- l' Ecole judiciaire ( la Escuela judicial ), située à Barcelone, pour les magistrats du siège. Chargée non seulement du recrutement et de la formation initiale des magistrats mais également de leur formation continue, elle relève du Conseil général du pouvoir judiciaire ;
- le Centre des études juridiques ( el Centro de estudios juridicos ), école de formation des juges du parquet, localisé à Madrid.
Ces deux écoles sont séparées depuis environ dix ans.
1. Une formation initiale des magistrats du siège exigeante, très proche du modèle français de l'ENM
Le programme de formation de l'école judiciaire est élaboré chaque année par une commission pédagogique 144 ( * ) , sur proposition du chef des études, qui le transmet ensuite, éventuellement modifié, au « consejo rector » de l'école. Enfin, l'assemblée plénière du Conseil général du pouvoir judiciaire examine, modifie éventuellement puis approuve définitivement le programme annuel de formation.
D'une durée de vingt-quatre mois , la formation initiale se compose, pour la première année, de cours théoriques et pratiques , et, pour la seconde année, de stages dans différentes juridictions (pénale, civile, administrative...), les élèves ayant alors la qualité de juge-adjoint.
Les élèves magistrats effectuent également deux stages de quinze jours, l'un dans un parquet et l'autre dans un cabinet d'avocats, afin de connaître l'activité professionnelle de ces partenaires essentiels des magistrats du siège.
Calendrier de la formation initiale des magistrats du
siège
Exemple de la promotion 2006
Janv. |
Févr. |
Mars |
Avril |
Mai |
Juin |
Juillet |
Août |
Sept. |
Oct. |
Nov. |
Déc. |
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2006 |
Première année : |
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2007 |
formation initiale (Barcelone) |
(1) |
Seconde année : |
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2008 |
stage juridictionnel |
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(1) stages dans un parquet et au sein d'un cabinet d'avocat (15 jours chacun). |
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Source : Ecole judiciaire |
Comme la responsable du service du recrutement et de la formation initiale des magistrats du siège, Mme Espinosa Conde, l'a présenté lors de son entretien avec la mission, la scolarité prévue au cours de la première année de formation -équivalente à quarante semaines- a pour objectifs de :
- compléter les connaissances théoriques acquises à l'université et lors de la préparation du concours d'entrée ;
- favoriser la perception et l'identification des problèmes juridiques rencontrés ;
- approfondir les connaissances des élèves sur la réalité sociale qui entoure les conflits juridiques ;
- améliorer la connaissance qu'ils ont des techniques nécessaires pour prendre des décisions de justice prudentes ;
- apprendre à motiver les décisions juridiques ;
- présenter l'espace judiciaire européen.
Il s'agit donc de compléter les connaissances théoriques, déjà importantes, des élèves magistrats par des connaissances plus pratiques et des mises en situation leur permettant de se préparer à l'exercice de leurs futures fonctions. Une méthodologie rigoureuse leur est ainsi inculquée afin qu'ils puissent comprendre le litige qui leur est présenté puis le résoudre en toute équité.
Ces cours comprennent des conférences ainsi que des études de cas. Sont abordés, d'une part, le droit constitutionnel et communautaire 145 ( * ) , la première instance et l'instruction et, d'autre part, l'organisation judiciaire, la comptabilité et la médecine légale.
Les élèves magistrats doivent ainsi étudier sept cas chaque semaine (trois en droit civil, trois en droit pénal et un en droit constitutionnel et communautaire).
D'autres cours sont également organisés suivant différents thèmes . Ainsi, en matière civile , des enseignements sont par exemple prévus sur l'établissement de la preuve, la médiation ou la coopération internationale. En droit pénal, un cours spécifique est notamment prévu sur la coopération internationale ainsi que sur les violences conjugales et la criminologie. D'un point de vue plus généraliste, des cours d'informatique et de langues sont proposés, de même que des enseignements sur des sujets aussi divers que « le droit et la société », « les médias et la justice » ou la discrimination sexuelle.
En outre, des simulations de jugement sont organisées, au cours desquelles les élèves magistrats jouent successivement le rôle de juge du siège, de procureur, de greffier, de l'avocat, de l'accusé et de la victime.
Enfin, des séminaires sont également ouverts aux élèves magistrats, ces derniers devant en choisir deux parmi les vingt-deux proposés -par exemple : la protection du mineur, l'espace européen de liberté, de sécurité et de justice, le droit et le cinéma.
La responsable du service du recrutement et de la formation initiale des magistrats du siège, Mme Espinosa Conde, responsable du service du recrutement et de la formation initiale des magistrats du siège, a indiqué qu'à partir de la prochaine promotion, trois semaines de la scolarité seraient consacrées à l' expression orale .
Le stage en juridiction permet quant à lui de mettre réellement en pratique toutes les connaissances préalablement acquises, auprès de magistrats en exercice. Il doit permettre aux élèves magistrats d'être confrontés à la réalité de leurs futures fonctions. Ils sont appelés à prendre eux-mêmes des décisions judiciaires, sous la responsabilité de leur tuteur.
Mme Espinosa Conde, a ainsi considéré que ce stage permettait aux élèves d'« automatiser leurs réponses ».
Les six premiers mois se déroulent auprès d'un juge civil et les six derniers auprès d'un juge pénal, au sein de la même juridiction.
Les magistrats tuteurs chargés de les accueillir en juridiction -un tuteur par élève- bénéficient d'un encadrement par l'école, certaines règles leur étant enseignées afin de mieux guider les élèves dans leur apprentissage et de les évaluer. En outre, l'école dispose de « coordinateurs territoriaux » dans chaque communauté autonome dans laquelle des élèves magistrats sont reçus en stage, qui rappellent les magistrats délégués à la formation français, désignés dans chaque cour d'appel. Mme Mercedes Caso Señal, professeur responsable des stages à l'école judiciaire, a ainsi expliqué que l'objectif recherché était d'obtenir un apprentissage et une évaluation homogènes des élèves par leurs tuteurs. Des réunions sont également organisées, afin d'établir des critères communs d'évaluation entre les tuteurs.
Mme Mercedes Caso Señal a indiqué à la mission d'information que les notes de stages étaient assez proches.
Les futurs magistrats doivent fréquemment informer l'école de leurs activités -par courrier électronique-, envoyer tous leurs travaux et enfin rédiger un mémoire.
Au cours de la première année de formation, les futurs magistrats effectuent également différents stages d'une semaine chacun, dans un centre pénitentiaire, auprès des services de police ainsi que d'un service de médecine légale. Ils se déplacent également à Bruxelles et à Luxembourg afin de découvrir les institutions européennes.
Le corps enseignant se compose de sept professeurs permanents -un en droit constitutionnel, trois pour les cours sur la première instance et trois pour les cours sur l'instruction-, neuf professeurs associés et plus de 650 professeurs, tuteurs et collaborateurs.
Mme Espinosa Conde a expliqué à la délégation que les enseignants permanents de l'école étaient recrutés sur concours sur titres et épreuves, pour deux ans renouvelables pour un an, essentiellement parmi les magistrats en exercice, les professeurs d'université et les hauts fonctionnaires de l'Etat.
Les autres enseignants sont choisis discrétionnairement par l'école.
S'agissant de l'année de stage en juridiction, les élèves magistrats sont placés auprès d'un tuteur, juge de première instance ou juge d'instruction. Ils doivent s'exercer à la pratique concrète de leurs futures fonctions.
Pendant leur formation, les élèves magistrats ont la qualité de fonctionnaire et bénéficient d'une rémunération.
Les élèves sont évalués tout au long de leur formation, tant par leurs professeurs dans le cadre de leurs cours que par leur tuteur à l'issue de leur stage. Ils sont également évalués durant trois semaines, réparties au long de leur formation et consistant à résoudre des cas pratiques.
Leur note de classement à l'issue de leur formation tient compte, dans la même proportion, des notes obtenues au cours de la formation ainsi que des résultats au concours d'entrée.
D'après les informations fournies à vos rapporteurs lors du déplacement à l'école judiciaire, seuls trois auditeurs n'ont pu réussir la formation depuis la création de l'école, l'un d'entre eux ayant manifesté d'importantes difficultés psychologiques ne garantissant pas qu'il puisse exercer ses fonctions.
A partir de cette évaluation, un classement de sortie est établi. En fonction de ce dernier, les élèves magistrats choisissent leur futur poste et y sont nommés.
Toutefois, les jeunes juges ne peuvent accéder, pour leur première affectation, qu'à un poste de juge ( juez ) -et non de magistrat ( magistrado ) 146 ( * ) . Ils sont ainsi susceptibles d'exercer des fonctions de juge d'instruction ou de juge de première instance dans les plus petits tribunaux espagnols, juridictions de première instance à juge unique chargées à la fois des affaires pénales et civiles.
Ils n' accèdent ensuite au statut de magistrat qu'au terme de quatre à huit ans de fonction en tant que juge .
2. Une formation initiale plus condensée pour les magistrats du parquet
Etablissement rattaché au ministère de la justice mais autonome en matière budgétaire et de gestion, le Centre d'études juridiques est chargé de la formation, non seulement des élèves procureurs mais également d' autres professionnels de la justice tels que les greffiers et les avocats de l'Etat , mais également les membres de la sûreté de l'Etat, les médecins légistes et certaines autres catégories de fonctionnaires 147 ( * ) . Il a ainsi organisé en 2006 plus de 250 séminaires regroupant 4.800 participants.
S'agissant des procureurs ( fiscales ), le Centre d'études juridiques est chargé de leur formation tant initiale que continue.
Le directeur du centre, M. Alfredo Ramos Sánchez, a expliqué que la formation initiale donnée aux élèves procureurs visait à leur apporter une approche pratique de leurs futures fonctions. L'article 22 du statut du Centre d'études juridiques énonce ainsi que « cette préparation aura lieu moyennant un approfondissement spécialisé des connaissances théoriques les plus importantes pour chacune des activités professionnelles et l'apprentissage de l'exercice pratique des actions et des fonctions propres à ces activités. »
Un nouveau plan de formation a récemment été adopté par ce centre avec pour principale innovation d'allonger de deux à huit mois la durée de cette formation et d'orienter davantage la scolarité sur les études de cas , en faisant primer la connaissance pratique sur la théorie .
La formation initiale des magistrats du parquet s'effectue donc désormais en huit mois , répartis entre une scolarité au Centre d'études juridiques (quatre mois) et un stage dans un parquet (quatre mois) . Vos rapporteurs ont pu constater que la formation initiale des procureurs était donc nettement plus courte que celle des magistrats du siège (deux ans). Ils considèrent que cela peut se justifier dans la mesure où ces jeunes procureurs continueront d'apprendre leur métier lors de la prise de fonctions dans le cadre d'un parquet qui fonctionne de manière collective et hiérarchisée.
Les cours suivis dans le cadre du Centre d'études juridiques se composent :
- d'un tronc commun d' enseignements théoriques et pratiques , relatifs au procureur et l'ordre juridictionnel pénal (110 heures), au procureur et l'ordre juridictionnel civil (24 heures) et au statut organique du ministère public (12 heures) ;
- d' enseignements juridiques complémentaires ayant pour thèmes : le procureur et l'ordre juridictionnel administratif (4 heures), le procureur et l'ordre juridictionnel en matière de droit du travail (4 heures), les notions d'économie, de comptabilité et de droit fiscal orientées vers la répression des délits économiques (4 heures), la violence de genre et domestique (8 heures), le droit des étrangers (8 heures) et la loi sur la responsabilité pénale des mineurs (8 heures) ;
- d'enseignements en informatique ainsi que sur la médecine légale et les techniques d'expression orale ;
- de séminaires (autour de dix-huit pour la présente promotion) d'une durée de 4 heures et abordant des thèmes aussi divers que la coopération juridique internationale, les voies pénales d'exécution, la surveillance pénitentiaire, la psychologie du témoin ou les délits contre l'environnement.
- et enfin de visites d'étude , accompagnées pour chacune d'une conférence assurée par un responsable de l'institution concernée : ministère public général de l'Etat, institution pénitentiaire, Institut national de toxicologie, laboratoires de criminologie de la Garde Civile et de la Police scientifique nationale, Défenseur du peuple, Chambre des députés, Tribunal constitutionnel et centres d'application des mesures autres que la peine privative de liberté.
En outre, le plan de formation initiale des procureurs prévoit également qu'au cours de cette scolarité, les élèves magistrats devront « prendre part au travail journalier du ministère public du tribunal supérieur de justice de Madrid ».
Le stage au parquet s'effectue ensuite auprès d'un tuteur 148 ( * ) qui procède à l'évaluation de son élève stagiaire à l'issue de quatre mois. Les élèves procureurs doivent participer aux activités quotidiennes des services du ministère public. La visite d'un établissement pénitentiaire est également prévue.
Mme Blanca Breñosa Saez de Ibarra, chef des études juridiques du Centre des études juridiques, a indiqué qu'en principe, aucun élève n'échouait à cette formation.
En vertu de l'article 26 du statut du Centre des études juridiques, l'évaluation des élèves est établie en fonction :
- d'un test évaluant l'assimilation des enseignements reçus au cours de leur scolarité au Centre des études juridiques, composé de 50 questions ;
- d'une note de stage, établie à partir de l'évaluation des tuteurs et la rédaction d'un mémoire par les élèves ;
- d'un cas pratique de droit pénal et de procédure pénale, permettant « d'évaluer l'habileté pratique acquise » ;
- d'une évaluation individualisée et effectuée par chaque professeur.
La moyenne finale permettant d'établir le classement de sortie tient également compte des résultats au concours d'entrée.
En fonction de ce classement, les élèves procureurs choisissent leur poste, la proposition est alors transmise au ministère de la justice qui procède à leur nomination.
Le recrutement et la formation des magistrats en Italie Le contexte judiciaire Peuplée de près de 58 millions d'habitants, l'Italie compte actuellement 8.940 magistrats de carrière dont une majorité d'hommes (5.283), répartis dans 138 tribunaux et 26 tribunaux pour mineurs. Le corps judiciaire comprend 6.500 magistrats du siège et 2.220 membres du parquet (près de 815 postes sont actuellement vacants). La justice italienne s'appuie également sur un nombre élevé de juges non professionnels -qui portent le nom trompeur de magistrats honoraires- qui traitent une partie du contentieux de masse. Ceux-ci peuvent exercer dans des formations collégiales comme dans des formations à juge unique. Entrent dans cette catégorie 4.700 juges de paix (aux compétences assez comparables à celles d'un juge d'instance français) et environ 3.500 juges auxiliaires et 1.940 vice procureurs honoraires exerçant dans les tribunaux. Le nombre d'avocats en exercice -175.000- est un des plus élevé en Europe, le barreau de Naples comptant plus d'avocats que la France toute entière. Le statut des magistrats de carrière La Constitution italienne consacre explicitement l'indépendance des magistrats (article 104) et, son corollaire, l'inamovibilité (article 107). Les magistrats du siège et du parquet appartiennent à un corps unique . Ils sont donc soumis au même statut. La loi sur l'organisation judiciaire adoptée en juillet 2005 149 ( * ) (réforme Roberto Castelli) avait prévu une séparation des carrières au choix de l'intéressé au moment du passage du concours d'entrée dans la magistrature. L'application de ce texte a été suspendue par le gouvernement de M. Romano Prodi et cette mesure ne devrait pas être reprise par la réforme de la justice en cours de préparation. Le grade et la fonction sont distincts , l'avancement est donc indépendant de l'affectation au poste correspondant. Ceci permet, à la différence de ce qui prévaut en France, à des magistrats italiens expérimentés, voire en fin de carrière, d'exercer des fonctions de base exposées (juge d'instruction par exemple). Comme l'a signalé lors de son audition M. Emmanuel Barbe, magistrat de liaison français en Italie, le droit étant un mode essentiel de régulation, les magistrats jouent un rôle important dans la société, ce qui leur confère dans l'ensemble un grand prestige. Le recrutement des magistrats judiciaires L'accès à la magistrature réglementé par le décret royal du 30 janvier 1941 sur l'organisation du système judiciaire a été plusieurs fois réformé. La dernière modification date de la loi sur l'organisation judiciaire de juillet 2005 actuellement suspendue. Certaines de ses dispositions devraient toutefois être reprises. L'article 106 de la Constitution consacre le principe du concours, lequel est réservé aux candidats âgés au minimum de 21 ans et au maximum de 39 ans, titulaires d'une maîtrise en droit ( laurea ) et diplômés de l'une des 38 écoles de spécialisation pour juristes . De création récente (1999), ces établissements rattachés aux universités ont été mis en place pour remédier aux insuffisances de la formation juridique universitaire. Ils accueillent les titulaires d'une maîtrise en droit. Chaque année entre 55 et 400 élèves sont sélectionnés sur la base d'un questionnaire à choix multiple portant sur le droit civil, le droit pénal, la procédure civile et la procédure pénale. Ces écoles dispensent un enseignement à la fois théorique et pratique -sous la forme de stages en juridiction- d'une durée de dix-huit mois à deux ans. Les meilleurs élèves deviennent magistrat ou notaire, les autres, avocat. Le concours s'adresse donc exclusivement à des juristes issus des facultés de droit, ce qui ne présente pas que des avantages. M. Emmanuel Barbe a observé que ce système -proche du mode de sélection des magistrats espagnols du fait de l'importance accordée à la mémorisation par coeur- conditionnerait parfois une tournure d'esprit plus orientée vers l'abstraction que le sens pratique. A aucun stade, le processus de sélection ne tient compte de l'expérience professionnelle. Les qualifications requises pour présenter le concours devraient être renforcées ( laurea et master obligatoires) par la réforme de la justice en instance d'examen. Le concours d'entrée dans la magistrature est réputé très difficile. Il comporte en effet trois séries d'épreuves théoriques presque exclusivement juridiques : - une épreuve préliminaire éliminatoire qui prend la forme d'un questionnaire à choix multiples ; cette épreuve qui privilégie largement un apprentissage littéral de la législation constitue une épreuve traumatisante pour les candidats. Elle devrait être supprimée aux termes de la future réforme sur la justice en cours de préparation ; les candidats les plus diplômés -titulaires d'un master (deux années supplémentaires)- sont dispensés d'épreuve éliminatoire et passent directement les épreuves écrites ; - des épreuves écrites qui comportent deux matières au choix parmi trois (droit civil, droit pénal et droit administratif) ; aux termes de la future réforme en cours de préparation, ces trois matières seront obligatoires et assorties d'une épreuve pratique, dont les contours ne sont pas encore définis ; - des épreuves orales accessibles aux candidats ayant obtenu au moins 12 sur 20 à chacune des épreuves écrites et qui portent sur 8 matières juridiques -droit civil et éléments fondamentaux du droit romain, procédure civile, procédure pénale, droit administratif, constitutionnel et fiscal, droit du travail et protection sociale, droit communautaire, droit international et éléments d'information juridique- et une épreuve de langue étrangère choisie parmi les langues officielles de l'Union européenne. Le jury du concours, présidé par un magistrat (en général conseiller à la Cour de cassation) comprend 32 membres dont 24 magistrats et 8 professeurs de droit, choisis par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Le CSM doit approuver la sélection opérée par le jury mais, en pratique, ne passe jamais outre son choix. En moyenne, 300 postes sont offerts chaque année (380 en 2004 et 350 en 2003). Aucun concours n'a toutefois eu lieu ces trois dernières années, le précédent ministre de la justice Castelli ayant souhaité préalablement réformer le système de recrutement. Le concours est très sélectif comme en atteste le grand nombre de candidats inscrits. Environ 20.000 se présentent aux épreuves éliminatoires, 5.000 sont sélectionnés aux écrits et 320 sont admis à se soumettre aux oraux. L'afflux des candidats soulève des problèmes d'organisation, ainsi que l'a expliqué M. Emmanuel Barbe. En effet, certains candidats présentent plusieurs années de suite le concours car il est très rare que les corrections des copies de concours soient achevées avant le concours suivant. En moyenne, le délai de corrections des copies atteint 18 mois. Cette situation contribue à maintenir le nombre des candidatures à un niveau élevé. Les reçus au concours sont âgés en moyenne de 30 ans et justifient d'un niveau très élevé de diplôme . Compte tenu de la difficulté du concours, les candidats au concours ont généralement une expérience professionnelle, le plus souvent dans le domaine juridique (avocat, juriste de banque, juriste dans la fonction publique territoriale). La formation initiale Les modalités de la formation des magistrats ont été modifiées par le décret du président de la République du 17 juillet 1998 relatif au stage des auditeurs de justice. Actuellement, la formation est sous la responsabilité du Conseil supérieur de la magistrature mais devrait être confiée à l'école supérieure de la magistrature en cours de création. La formation se divise en deux temps . Elle débute par une première phase dite « générique » qui consiste en un premier stage durant lequel l'auditeur participe à tous les pans de l'activité judiciaire (civile, pénale comme juge unique, dans les formations collégiales ou au parquet). D'une durée d'un an environ, ce stage est accompli sous le contrôle de magistrats. Les auditeurs choisissent leur tribunal, la juridiction devant être toutefois située au siège d'une cour d'appel. Durant cette période, des cours théoriques portant exclusivement sur les matières juridiques sont également dispensés. Aucune réelle sélection ne s'opère au cours de cette phase, même si l'auditeur fait l'objet d'une évaluation réalisée notamment à partir des avis des maîtres de stage et des conseils judiciaires (placés au niveau de la cour d'appel et chargés de la formation et de l'évaluation des magistrats). Ce système de contrôle prévoit la tenue d'un cahier de l'auditeur dans lequel figurent tous les travaux du stagiaire (demande de mesures de placement en détention, jugement). Cette évaluation est soumise au CSM auquel il appartient de décider de l'intégration au corps judiciaire. S'ouvre alors la seconde phase de la formation initiale dite « ciblée », accomplie sous la forme d'un stage de pré-affectation d'une durée de cinq mois après avoir choisi son poste, lequel est attribué en fonction du classement d'entrée dans la magistrature. Ce dernier est évalué à l'issue de cette période. Il peut arriver dans certains cas que l'auditeur soit invité à effectuer quelques mois de stage supplémentaires. L'exclusion serait théoriquement possible mais n'intervient pratiquement jamais. Le recrutement et la formation des magistrats au Royaume-Uni Le contexte judiciaire Au Royaume-Uni, la justice est rendue par un nombre -limité- de juges professionnels (3.545 au 1 er avril 2007) et des effectifs étoffés de juges non professionnels (30.000 à la même date) dénommés magistrates courts qui exercent leurs fonctions à titre bénévole. L'organisation judiciaire se structure en : - juridictions pénales ; en première instance, selon le degré de gravité des affaires, trois juridictions sont compétentes. La Magistrates court (800 environ) traite le contentieux de masse (95 % des affaires). Les affaires les plus graves relèvent de la Crown court (une cour qui tient des sessions dans quelque 80 centres qui constituent six « circuits »), tandis que la High Court juge les dossiers exceptionnellement complexes. En appel, la Crown Court statue sur les appels formés à l'encontre des décisions prononcées par la magistrates Court , la Court of Appeal ayant compétence pour connaître des appels des jugements de la Crown Court ainsi que, dans certaines hypothèses, ceux de la High Court ; - juridictions civiles ; en première instance, les litiges sont soumis soit à la Magistrates Court -dont la compétence est limitée aux affaires les moins graves, soit à la County Court (300 environ) chargée de juger les autres affaires. La High Court fonctionne à la fois comme juridiction de première instance dans des domaines particuliers (propriété foncière, inexécution des contrats...) et comme juridiction d'appel dans certaines matières (tutelle par exemple) ou pour les affaires les moins importantes. La Court of Appeal est compétente pour statuer en appel sur les jugements rendus en première instance par la High Court . Le statut des magistrats professionnels La magistrature regroupe uniquement les magistrats du siège , les membres du ministère public ayant le statut de fonctionnaires. Ces deux carrières sont donc séparées. Comme l'a indiqué M. Bernard Rabatel, au titre de son expérience comme magistrat de liaison français au Royaume-Uni, il est impossible de passer de l'une à l'autre de ces fonctions pendant un certain délai. Le pouvoir judiciaire est indépendant , ce qui se traduit par l'inamovibilité des juges et le fait que leur nombre et leur salaire sont fixés par la loi. Ainsi, le salaire moyen d'un juge de la High Court s'élève environ à 147.000 livres par an. Il existe plusieurs catégories de juges du siège professionnels, notamment des juges exerçant à temps plein (2.300) -juges de circuit, juges de la High Court ...- et des juges qui ne siègent que quelques sessions par an (1.200) - recorders . Le recrutement des magistrats professionnels Les critères retenus pour accéder à la magistrature professionnelle diffèrent selon les postes à pourvoir. Cinq qualités essentielles sont toutefois requises invariablement : une capacité intellectuelle de haut niveau (haut degré d'expertise dans le domaine ou la profession concernés, capacité à assimiler rapidement des informations), des qualités personnelles (intégrité et indépendance d'esprit, capacité de décision), une aptitude à comprendre et traiter avec équité (aptitude à traiter chaque justiciable avec respect et raison indépendamment du milieu socio-culturel dont il est issue), une autorité et des qualités de communication (capacité à expliquer clairement les procédures et les décisions aux personnes concernées, volonté d'écouter avec patience et courtoisie) et une efficacité éprouvée (aptitude à travailler rapidement). Ces exigences peuvent varier sensiblement en fonction de la nature du poste concerné -par exemple, il est attendu d'un juge de la High Court qu'il dispose d'une excellente connaissance du droit en général. Le Constitutional Reform Act de 2005 a réformé les règles de recrutement des magistrats du siège en les rendant plus transparentes et en permettant une certaine démocratisation. Auparavant, il n'était pas fait appel à candidature et l'accès aux fonctions judiciaires s'effectuait exclusivement par cooptation. Une commission -la Judicial Appointments Commission (JAC) qui fonctionne depuis avril 2006- sélectionne des candidats aux postes de juges ouverts à candidature et adresse des recommandations au ministre de la justic e ( Lord Chancellor ) qui nomme les magistrats 150 ( * ) . Cet organe public, indépendant, réunit quinze commissaires, issus du monde judiciaire -des professions juridiques, des tribunaux, des magistrates - et de la société civile qui sont désignés pour une période initiale de cinq ans, renouvelable une fois. Si le ministre de la justice refuse de nommer un candidat proposé par la JAC, ce dernier doit communiquer les raisons de cette décision. La procédure de sélection est rigoureuse . Lorsqu'un poste devient vacant, Her Majesty's Court Service ou le Tribunal Service selon le cas, adressent une demande à la JAC. Celle-ci rend public l'appel à candidature et recherche les meilleurs candidats. Des dossiers de candidature sont envoyés aux personnes intéressées, contenant des informations sur les critères d'éligibilité, les qualités recherchées et sur le processus de recrutement. La commission effectue une enquête sur la personnalité du candidat ( character check ), lequel est invité à passer un test de connaissances, la plupart du temps sous la forme d'un exercice technique écrit ou d'un cas pratique. Un entretien de 45 minutes a lieu avec un jury composé d'un juge en exercice dans une juridiction ayant un rapport avec le poste vacant, d'un représentant de haut rang du département pour les affaires constitutionnelles, et d'une personne extérieure au milieu judiciaire. La dernière étape de la sélection s'effectue en présence du candidat en fonction de la nature du poste à pourvoir, une journée d'entretiens, des jeux de rôle ou des discussions auxquelles les candidats sont invités à prendre part, et qui sont l'occasion de mettre en avant leurs qualités et aptitudes. Les candidats réfutés par la JAC peuvent adresser une plainte par écrit à cette instance, laquelle doit répondre dans un délai de 20 jours. En cas de désaccord persistant avec l'appréciation de la JAC, le candidat peut adresser une plainte à un médiateur spécialisé ( Judicial Appointments and conduct Ombudsman ) institué en avril 2006 par le Constitutionnal réform Act de 2005. Ce médiateur examine les requêtes et peut adresser des recommandations au ministre de la justice. Il peut également recommander le paiement de dommages et intérêts pour la perte subie ayant découlé du rejet de sa demande au regard du salaire qu'il aurait pu percevoir. Depuis un an, le nombre de requêtes s'élève à 250, dont 60 ont donné lieu à une enquête. Le principal critère de recrutement se fonde sur le mérite professionnel du candidat . En effet, traditionnellement, le profil du juge professionnel est celui d'un barrister 151 ( * ) justifiant au moins de dix ans d'expérience professionnelle en cette qualité et ayant obtenu le titre de QC ( Queen Counsel ) 152 ( * ) . L'accent a été mis ces dernières années sur l'ouverture ( diversity ) du corps judiciaire à des profils plus variés . Les candidatures en provenance des groupes de population les plus divers possibles ont donc été encouragées, afin d'obtenir un corps judiciaire plus représentatif et de renforcer la confiance du public dans la justice. Les solicitors justifiant de dix ans d'expérience ont notamment été encouragés à postuler aux fonctions judiciaires . En effet, peu d'entre eux proposent leur candidature alors qu'ils représentent près de 80% des professionnels du droit satisfaisant les critères de nomination. Cette campagne de diversification concerne également les personnes d'origines ethniques variées et celles souffrant d'un handicap. Les procureurs sont recrutés par le biais de concours généraux. Pour être apte à postuler à cette fonction, le candidat doit exercer la profession de solicitor ou celle de barrister inscrit au barreau anglais. La formation initiale des magistrats du siège professionnels La formation initiale des juges dépend du poste auquel ils ont vocation à être affectés. Elle comprend des cours dispensés par le Judicial Studies Board (JSB) et un stage au sein de la juridiction concernée (accompli sous la forme de participation à des audiences auprès d'un juge expérimenté pendant une semaine). Après un cours intensif avant l'entrée en fonctions, des cours de mise à jour sont par ailleurs dispensés par le JSB. Les juges en exercice participent à des sessions de formation continue également dispensées par le JSB. Les modalités de la formation des recorders (juges qui n'exercent pas à temps plein) méritent d'être signalées. Les règles varient selon l'affectation de l'intéressé. Pour ceux affectés à la Crown court , il s'agit d'une forme de formation probatoire. Celle-ci consiste en un cours à distance organisé par le JSB, une visite d'établissements pénitentiaires et des rencontres avec des représentants expérimentés du service de probation (responsable des personnes en liberté conditionnelle). Succède à ces étapes une période d'une semaine -au minimum- pendant laquelle les recorders siègent avec un juge professionnel, lequel rédige ensuite un rapport adressé au ministère de la justice, indiquant si, selon lui, le candidat r ecorder peut sièger seul et traiter des dossiers. Lorsque tel est le cas, le ministre de la justice recommande sa nomination à la Reine. Dans le cas contraire, il demandé au candidat d'approfondir sa formation initiale. Une fois nommé, il est intéressant de noter que le recorder siège seul, mais est encadré pendant la première semaine par un juge professionnel chargé de lui donner des conseils, de le guider, et de l'observer pendant de courtes périodes lors des audiences. |
Réunie le mercredi 11 juillet 2007, la commission a autorisé la publication du présent rapport. |
* 144 La commission pédagogique de l'école judiciaire est composée de juges représentants les syndicats de la magistrature espagnole.
* 145 L'enseignement porte en particulier sur le rôle du juge en cas d'exception d'inconstitutionnalité de la loi soulevée au cours d'une procédure, sur la question préjudicielle devant la Cour de justice des communautés européennes ainsi que sur les droits et libertés fondamentales.
* 146 Voir en annexe 6 la note sur le contexte judiciaire espagnol. Les « magistrados » président les « juzgados de lo penal », équivalent aux tribunaux correctionnels en France.
* 147 Le Centre des études juridiques est ainsi compétent pour la formation, tant initiale que continue, des procureurs, des greffiers et des médecins légistes. Il est également chargé de la formation continue des avocats de l'Etat, de la police judiciaire et d'autres catégories de fonctionnaires comme les agents de la sécurité sociale.
* 148 Un procureur ne peut être tuteur de plus de trois élèves simultanément.
* 149 Adoptée au terme de quatre années de vifs débats.
* 150 Avant la réforme de 2005, le ministre de la justice disposait discrétionnairement du pouvoir de nomination des magistrats.
* 151 Barristers et solicitors sont tous des juristes (lawyers) diplômés en droit. Ils se distinguent toutefois par les fonctions exercées et le nombre de professionnels qu'elles regroupent. Ainsi, les solicitors (87.000) ne peuvent plaider devant une cour de justice, mais peuvent représenter un client devant certaines juridictions. Ils exercent en outre des fonctions non-contentieuses assimilables à celles d'un notaire français. Les barristers (13.000) plaident devant les juridictions et fournissent des consultations juridiques.
* 152 Ce qui implique d'avoir au moins 10 ans de pratique professionnelle et de recevoir un titre conféré par la Reine, sur proposition du ministre de la justice.