ANNEXES DE LA DEUXIÈME PARTIE
Annexe 1 : |
Comptes rendus des auditions |
Annexe 2 : |
Evaluation statistique de la présence des femmes aux postes de responsabilité dans les principaux médias |
ANNEXE 1 : COMPTES RENDUS DES AUDITIONS
Audition de M. Jean-Pierre Teyssier, président du Bureau de vérification de la publicité (BVP)
(16 janvier 2007)
Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente
Mme Gisèle Gautier, présidente , a rappelé que la délégation avait décidé de consacrer son rapport d'activité 2006-2007 au thème « Femmes et médias », en raison, notamment, de l'inquiétude suscitée par certaines atteintes à l'image de la femme, et indiqué qu'elle débutait ses travaux sur ce thème avec cette audition.
Après avoir présenté la carrière très riche de l'intervenant, qui préside le Bureau de vérification de la publicité (BVP) depuis 1999, elle a noté que son audition s'inscrivait dans le cadre du premier volet du thème d'étude retenu par la délégation - l'image de la femme et son utilisation dans les médias - et a ajouté que le second volet - la place des femmes dans les professions des médias - serait abordé ultérieurement.
M. Jean-Pierre Teyssier a d'abord noté que la publicité reposait sur l'action de trois acteurs interdépendants : les annonceurs, c'est-à-dire les grandes marques commerciales qui commandent et paient des campagnes de publicité, les agences de publicité, qui conçoivent et réalisent ces campagnes, et les médias, qui diffusent les publicités.
Il a rappelé que ces trois acteurs, animés d'un esprit de responsabilité, avaient décidé, il y a plus de 70 ans, de créer un organe d'autorégulation, dont la dénomination actuelle est le BVP. Il a ajouté qu'une institution équivalente au BVP existait dans quasiment tous les pays, car les professionnels de la publicité ont besoin de fixer leurs propres règles en adoptant des codes de bonne conduite permettant de compléter et de préciser la loi dans certains domaines où ils ont souhaité se fixer des limites, comme par exemple l'utilisation de l'image de la femme. Il a indiqué que le BVP, bien qu'émanant des professionnels de la publicité et financé par eux, était chargé de leur faire respecter les règles ainsi édictées, qui prennent la forme de recommandations. Enfin, il a ajouté qu'il existait également une Alliance européenne pour l'éthique en publicité (EASA), dont il est le président depuis 2005.
M. Jean-Pierre Teyssier a expliqué que le contrôle exercé par le BVP pouvait intervenir à différents stades, c'est-à-dire soit avant, soit après la diffusion d'une campagne publicitaire.
S'agissant du contrôle préalable à la diffusion d'une campagne, il a indiqué que le BVP pouvait émettre des conseils pour assurer le respect de la loi et des règles déontologiques, 16 000 projets publicitaires lui étant soumis chaque année. Il a ajouté qu'il existait en France une procédure d'autodiscipline spécifique à la publicité télévisée, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) ayant confié au BVP, en 1990, le contrôle systématique a priori des 17 000 spots publicitaires annuels et n'exerçant plus qu'un contrôle a posteriori sur ces spots. Il a fait observer que seulement 9 % de ces derniers avaient fait l'objet d'une demande de modification de la part du BVP en 2006, et que de réels problèmes ne s'étaient posés que pour cinq ou six cas.
S'agissant du contrôle intervenant après la diffusion de la campagne publicitaire, il a indiqué que le BVP pouvait être saisi par les consommateurs, dont les plaintes sont traitées gratuitement. Il a précisé que les annonceurs se conformaient presque toujours aux demandes de modification ou de retrait formulées par le BVP à la suite de ces plaintes.
Faisant remarquer que les principales marques commerciales étaient à l'origine de 90 % des contrats publicitaires, il a en effet expliqué qu'elles avaient impérativement besoin de la confiance des consommateurs et qu'elles craignaient d'être publiquement dénoncées par la publication des avis du BVP sur leurs campagnes. Il a précisé qu'afin d'éviter une polémique inutile, elles préféraient généralement retirer une campagne controversée. Telles sont les raisons qui, selon lui, expliquent le bon fonctionnement de ce système d'autolimitation.
M. Jean-Pierre Teyssier a ajouté que le BVP pouvait également s'autosaisir, et a cité le cas récent d'une publicité de l'entreprise Gaz de France affirmant, à tort, que le gaz était la source d'énergie la plus écologique. Il a indiqué que l'intervention du BVP avait entraîné le retrait immédiat de cette publicité.
Il a également évoqué les « piges » réalisées par le BVP : il s'agit d'identifier et d'analyser les manquements aux codes de bonne conduite, constatés sur des catégories spécifiques de publicité. Il a indiqué que l'image de la personne humaine constituait l'un des thèmes faisant l'objet de « piges » régulières, pour lesquels l'évolution des manquements constatés est suivie d'année en année.
Il a estimé que cette autorégulation pouvait permettre de prévenir l'adoption d'une législation spécifique.
Enfin, il a souligné l'intérêt croissant porté à ce système d'autolimitation par les institutions communautaires, en particulier par la Commission, et a rappelé que le document interinstitutionnel signé en décembre 2003, intitulé « Mieux légiférer », promouvait l'autorégulation et la corégulation.
Puis M. Jean-Pierre Teyssier a abordé la question de l'image de la femme dans la publicité. Il a souligné la complexité et l'évolution dans le temps de cette question, déjà ancienne, qui met en évidence un certain paradoxe entre la libéralisation des moeurs et de la représentation du corps humain, qu'il soit féminin ou masculin, et le développement du féminisme, qui revendique davantage de respect envers les femmes et la suppression des attitudes discriminatoires. Il a toutefois attiré l'attention sur la difficulté à définir le bon goût et la bienséance par une règle déontologique.
Il a souligné le passage, observé au cours des vingt dernières années, d'une exigence sociale de décence à une exigence de sécurité pour les femmes, sans doute concomitante à une amélioration statistique de la connaissance des violences envers celles-ci, même si des différences peuvent être observées, à cet égard, entre les pays latins, l'Italie par exemple, et les pays anglo-saxons, moins tolérants. Il s'agit, a-t-il précisé, d'éviter qu'une publicité ne puisse être à l'origine d'un passage à l'acte violent, soulignant que c'était là une question de sécurité, et non de morale. Il a toutefois insisté sur la difficulté à fixer des règles en la matière, un encadrement étant néanmoins indispensable.
M. Jean-Pierre Teyssier a indiqué qu'il existait plusieurs moyens d'action pour faire respecter la dignité de l'image de la femme dans la publicité.
Il a d'abord évoqué l'application des dispositions législatives et réglementaires. Il a rappelé différentes mesures législatives intervenues en 2004 : l'interdiction des discriminations fondées sur le sexe, passibles de sanctions pénales, la création de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), ou encore la possibilité pour les associations de se constituer partie civile en cas de discrimination. Il a également cité un décret du 27 mars 1992, que le BVP est chargé de faire respecter et qui prohibait déjà ce type de discriminations dans l'audiovisuel, puis a évoqué les négociations en cours qui visent à remplacer la directive communautaire « Télévision sans frontières » par une nouvelle directive devant également renforcer la lutte contre de telles discriminations.
Il a également mentionné les pouvoirs de police des maires, qui peuvent édicter une réglementation contraignante envers les afficheurs ou à proximité de certains lieux sensibles, tels que les écoles ou les lieux de culte, tout en notant que ces pouvoirs étaient utilisés avec parcimonie.
M. Jean-Pierre Teyssier a ensuite abordé l'action du BVP en matière d'application de règles déontologiques et a estimé qu'il s'agissait de « la moins mauvaise des solutions dans bien des cas ». Il a relevé l'existence, depuis les années 1970, d'une Recommandation selon laquelle la femme ne doit pas servir d'objet publicitaire, ni figurer dans une publicité si l'objet et l'argumentation de celle-ci ne le justifient pas. Il a également précisé que, de toute façon, la représentation publicitaire des femmes ne devait pas porter atteinte à la dignité de la personne humaine.
Il a rappelé que l'apparition, au milieu des années 1990, du phénomène du « porno chic », porté par certaines grandes marques de luxe, avait conduit les pouvoirs publics à s'interroger sur la nécessité de légiférer pour mieux faire respecter la dignité de la femme. Il a ainsi noté la création, à l'initiative de Mme Nicole Péry, alors secrétaire d'Etat en charge des droits des femmes, d'un groupe de travail sur l'image de la femme dans la publicité, au sein duquel le BVP était représenté, puis la réunion par Mme Nicole Ameline, alors ministre de la parité, d'un autre groupe de travail sur le même sujet. Il a indiqué qu'à la suite de ces réflexions, un accord entre le BVP et le ministère de la parité avait été signé en novembre 2003 afin de renforcer les mécanismes d'autorégulation et les exigences à l'égard des annonceurs, en particulier lorsque les publicités mettent en scène des actes de violence, soumission ou dépendance. Il a ajouté que cet accord prévoyait la réalisation annuelle d'une « pige » destinée à vérifier l'application de la Recommandation de 2001 sur le respect de l'image de la personne humaine, femme ou homme - les atteintes à l'image de l'homme étant de plus en plus fréquentes, a-t-il fait observer. Il a précisé que les résultats de cette « pige » étaient présentés par le BVP au ministre en charge des droits des femmes au printemps de chaque année. Enfin, il a évoqué la création, à la fin 2005, du Conseil de l'éthique publicitaire, composé de personnalités indépendantes issues de la société civile et présidé par M. Dominique Wolton, dont le rôle est de porter un regard impartial sur l'activité du BVP.
M. Jean-Pierre Teyssier a ensuite illustré ses propos par une série de chiffres. Il a ainsi souligné la diminution régulière du nombre de manquements aux règles déontologiques mis en évidence par les différentes « piges » depuis la première, réalisée en 2001, soit 69 manquements constatés cette année-là, 63 en 2003, 24 en 2004 et 16 en 2006, sur un ensemble d'environ 80 000 publicités chaque année. En ce qui concerne les contrôles effectués par le BVP avant la diffusion d'une campagne publicitaire, il a indiqué que, sur environ 16 000 demandes facultatives de conseils émanant de tous les types de médias, 233 avaient concerné le respect de l'image de la femme en 2006, contre 270 en 2005. Il a précisé que le BVP avait formulé 26 demandes de modification de publicités télévisées en 2006, après 58 demandes en 2005, le respect de l'image de la femme arrivant bien après d'autres motifs de demande de modification, alors que le respect de la langue française est le premier d'entre eux. Enfin, il a constaté une diminution très sensible du nombre de plaintes déposées à ce titre par les consommateurs, soit 89 en 2006, contre 472 en 2003, les campagnes publicitaires d'une célèbre marque de luxe étant d'ailleurs à l'origine de la plupart de ces plaintes.
Il a également indiqué que certaines affiches de cinéma étaient une source d'inquiétudes pour le BVP, même s'il est très délicat de vouloir encadrer la création artistique, à l'égard de laquelle les tribunaux font preuve d'une grande tolérance. Il a ajouté que l'affichage de la couverture de certains magazines dans les kiosques à journaux pouvait aussi poser problème, et a regretté que les maires n'utilisent pas suffisamment leurs pouvoirs de police pour réglementer cette question.
Avant de conclure, il a cité un extrait du rapport pour 2005 du Conseil de l'éthique publicitaire, aux termes duquel « En ce qui concerne la nudité, et l'utilisation du corps de la femme (comme d'ailleurs, et de plus en plus, de celui de l'homme), le Conseil estime que la production publicitaire s'est plutôt assagie par rapport aux années précédentes. Toutefois, il se préoccupe de l'effet que peut produire sur le public un nombre élevé, surtout à certaines périodes de l'année (Saint-Valentin, Noël, Fête des mères), de publicités « déshabillées » en provenance notamment du secteur de la lingerie. Il estime que, si une publicité donnée peut être acceptable (si elle n'est ni dégradante, ni dangereuse pour la personne humaine), en afficher un grand nombre sur des réseaux puissants peut poser des problèmes dans certaines zones de nos villes et de nos banlieues. Il souhaite donc que les annonceurs et les afficheurs manifestent une grande vigilance sur ce point ».
Enfin, il a indiqué que le BVP avait organisé une réunion avec les députés, en novembre 2006, sur le thème de l'autorégulation et a suggéré qu'une réunion identique puisse être organisée avec des sénateurs. Il a rappelé que l'article 3 du projet de directive européenne appelée à remplacer la directive « Télévision sans frontières » consacrait les concepts d'autorégulation et de corégulation.
Il a conclu en faisant observer que le respect de l'image de la femme dans la publicité, dont le BVP se préoccupe constamment, était plutôt mieux assuré que par le passé.
Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est félicitée de ce progrès, mais a estimé que de nombreuses publicités illustrant des magazines féminins continuaient de représenter la femme de manière dégradante, tout en se demandant si ce phénomène n'était pas plus insidieux qu'autrefois, d'autant plus qu'il existe souvent un lien entre l'image et le produit dont la publicité fait la promotion. Elle s'est même demandé, sur la base d'exemples concrets, si certaines de ces publicités représentant des femmes dans des poses suggestives ne pouvaient être considérées comme une incitation au viol.
Tout en prenant acte des propos de l'intervenant sur l'existence d'une autorégulation de la part des publicitaires, Mme Gisèle Printz a néanmoins rappelé, qu'à la base, la publicité avait été avant tout créée pour vendre et qu'elle diffusait encore trop souvent une image de femme-objet, traitée comme une marchandise. Elle a ensuite relevé des exemples récents de publicités représentant la femme au foyer comme une « Bécassine ».
Dans le même sens, Mme Brigitte Bout a cité des exemples concrets de publicité où la femme est présentée comme débordée face à des tâches ménagères simples.
M. Jean-Pierre Teyssier a indiqué que le BVP, qui ne se prononce que sur des cas concrets et précis, n'avait reçu aucune plainte de consommateur à ce sujet, en appelant à signaler à cet organisme toute publicité comportant une dimension choquante.
Mme Annie David s'est associée aux propos de Mmes Gisèle Printz et Brigitte Bout au sujet de ces publicités représentant la femme au foyer. Puis elle s'est étonnée que la présentation télévisée de certains jeux ou loteries relevant de la Société française des jeux soit toujours effectuée par des jeunes femmes et s'est demandé si un rééquilibrage entre les sexes ne pourrait pas être recherché dans ce domaine. Elle a également évoqué le rôle de faire-valoir d'un homme joué par certaines animatrices dans des émissions télévisées.
Elle s'est ensuite interrogée sur le moment de la vérification des publicités par le BVP, a priori ou a posteriori. Elle a par ailleurs estimé qu'il convenait de ne pas confondre libéralisation des moeurs et dégradation de l'image de la femme, considérant que ce n'était pas forcément la nudité qui était choquante, mais plutôt l'utilisation de certaines postures suggestives. Elle a noté que la diffusion permanente d'images de femmes dotées d'une plastique parfaite tendait à dévaloriser celles, très nombreuses, qui ne correspondent pas à ces « canons de beauté ».
A propos des pouvoirs de police du maire, elle a enfin estimé que l'affichage d'une publicité considérée comme choquante pour les enfants ne devrait pas être interdite seulement aux abords des écoles, mais partout.
Evoquant la vague récente de publicités pour les « seniors », Mme Gisèle Printz a jugé que l'objectif de ces campagnes publicitaires n'était pas non plus de revaloriser l'image des personnes âgées, mais bien de vendre des produits à une clientèle solvable.
M. Jean-Pierre Teyssier a rappelé que le BVP examinait plus de 50 projets de publicité par jour, ce qui constitue un travail considérable. Il a également souligné que la France était l'un des seuls pays à disposer d'un contrôle systématique a priori des publicités télévisées.
Après avoir félicité l'intervenant pour la richesse de ses propos, M. Jean-Guy Branger a estimé que la tâche du BVP était particulièrement ingrate, périlleuse et complexe, compte tenu notamment de l'évolution des mentalités et de la difficulté à trouver un juste équilibre.
S'associant aux observations de ses collègues sénatrices, il a estimé qu'un certain nombre de publicités utilisaient, de façon parfois plus ou moins pernicieuse, le corps de la femme pour améliorer les ventes. Il a signalé qu'au sein de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, de nombreuses voix féminines s'élevaient contre cette pratique. En conséquence, il a préconisé une vigilance toute particulière à l'égard de l'utilisation de l'image des femmes à des fins commerciales et, tout en reconnaissant que les intérêts en présence étaient particulièrement importants, a souhaité que soit mis un terme aux dérives qui dépassent les limites acceptables.
Puis Mme Gisèle Printz a évoqué les publicités diffusant l'image d'un enfant-roi qui décide, par exemple, du choix de la marque d'automobile achetée par ses parents. Elle a fait observer que la diffusion de telles images était susceptible de contrecarrer les efforts de réhabilitation de l'autorité parentale prônés par ailleurs.
Mme Brigitte Bout s'est jointe à ce propos en citant un autre exemple précis de publicité pour une voiture, qu'elle a jugé choquante.
M. Jean-Pierre Teyssier a précisé que les deux publicités évoquées par les parlementaires avaient été retirées.
Mme Brigitte Bout a en revanche évoqué des publicités qui comportent une dimension esthétique et une charge émotive remarquables, fondées par exemple sur la mise en scène d'un regard, et non pas sur des images choquantes.
En réponse à ces différentes observations, M. Jean-Pierre Teyssier a apporté des précisions sur la difficulté de la mission du BVP, placé au croisement d'intérêts contradictoires, en indiquant, notamment, que certaines agences de publicité ne manquaient pas de rappeler que des politiques trop restrictives risquaient de pénaliser la créativité et l'emploi dans ce secteur.
Puis il a fait observer que le BVP n'avait pas les moyens de procéder à une vérification a priori de toutes les publicités. Il a cependant signalé que certains journaux faisaient figurer le logo BVP dans leur « ours », ce qui correspond à l'engagement du respect d'un code de bonne conduite précis, et inséraient, dans leur clauses générales de vente, une clause de responsabilité permettant au journal de s'opposer à la diffusion de certaines publicités.
M. Jean-Pierre Teyssier a néanmoins déploré, qu'à l'heure actuelle, un certain nombre de magazines aient tendance à céder à la mode du « porno chic », avant de souligner la nécessité de lutter contre cette dérive, qui concerne particulièrement quelques marques de luxe. Il a toutefois estimé que cette pratique finissait par dégrader l'image d'une marque.
Dans l'ensemble, il a considéré que la situation était moins préoccupante aujourd'hui qu'il y a cinq ans, en ajoutant qu'il convenait également, dorénavant, de veiller à préserver l'image des hommes d'une tendance à la dégradation.
Mme Gisèle Gautier, présidente , a présenté quelques exemples de dérapages publicitaires dont elle a analysé le caractère insidieux, plus que directement choquant.
Acquiesçant à ses propos, M. Jean-Pierre Teyssier a ensuite fait observer qu'il convenait de ne pas évoluer pour autant vers l'intolérance. A ce sujet, il a évoqué un certain nombre de sollicitations qui se manifestent dans ce sens, tout particulièrement de la part de certaines communautés religieuses.
Mme Annie David s'est associée à ce propos, en dénonçant le risque du retour à une morale privilégiant l'image de la femme au foyer, tout en jugeant inappropriées les publicités présentant les femmes dans des postures humiliantes.
Table ronde réunissant des représentants des professionnels de la publicité : Mme Marie-Pierre Bordet, déléguée générale de l'Association des agences-conseils en communication (AACC), Mme Claude Cohen, présidente du Syndicat national de la publicité télévisée (SNPT), présidente de TF1 Publicité, Mme Christine Reichenbach, directrice juridique de l'Union des annonceurs (UDA), Mme Pascale Weil, associée de Publicis Consultants
(23 janvier 2007)
Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente
Mme Gisèle Gautier, présidente , souhaitant tirer les conséquences de l'audition, la semaine précédente, du président du Bureau de vérification de la publicité (BVP), M. Jean-Pierre Teyssier, s'est d'abord demandé s'il ne convenait pas d'envisager de modifier l'intitulé du thème d'étude retenu par la délégation en étendant sa portée à la prise en compte de l'image et de la place dans les médias, non seulement des femmes, mais également des hommes, afin de traiter le sujet, plus large, de « Femmes et hommes dans les médias ». Elle a ensuite passé la parole aux intervenantes de la table ronde réunissant des professionnelles de la publicité.
Mme Claude Cohen a indiqué qu'elle était administrateur de TF1, présidente de TF1 publicité et présidente du Syndicat national de la publicité télévisée. Elle a ajouté qu'elle était également administrateur du BVP et qu'elle siégeait au Conseil de l'éthique publicitaire, présidé par M. Dominique Wolton.
Elle a souligné l'importance du respect de la dignité de la femme dans la publicité, et précisé que la portée de la recommandation formulée par le BVP à ce sujet avait été étendue, depuis plusieurs années, au respect de la dignité de la personne humaine en général. Elle a fait observer que l'ensemble des messages publicitaires diffusés à la télévision faisaient l'objet d'un contrôle en amont de la part du BVP, qui émet un avis à titre consultatif, et que cette procédure permettait d'éviter les problèmes causés par une publicité susceptible de heurter la sensibilité des téléspectateurs, un message publicitaire ayant reçu un avis négatif du BVP n'étant que très rarement diffusé et le nombre d'avis négatifs du BVP étant d'ailleurs faible.
Mme Pascale Weil a indiqué qu'elle était associée de Publicis Consultants et qu'elle travaillait sur la stratégie de l'identité des entreprises et des marques. Elle a ajouté qu'elle avait également dirigé la recherche et le planning stratégique chez Publicis, afin de conseiller les marques sur le message juste à adopter pour rencontrer les aspirations de leurs clients. Elle a précisé qu'à ce titre, Publicis avait élaboré, en juin 2001, un dossier consacré à l'image des femmes dans la publicité. Elle a considéré que la publicité n'avait pas intérêt à heurter la sensibilité du public visé et que la volonté de choquer était étrangère à sa vocation. D'un point de vue sociologique, elle a relevé l'évolution de l'image de la femme dans la publicité, celle-ci étant un reflet à la fois de l'époque et des secteurs de consommation.
Mme Marie-Pierre Bordet a indiqué qu'elle était la déléguée générale de l'Association des agences-conseils en communication (AACC) et que celle-ci, au cours des dernières années, s'était dotée d'une charte éthique, inspirée des pratiques européennes, et avait entrepris, au sein de la commission de concertation, en association avec des associations de défense des consommateurs, ainsi qu'avec le BVP, des actions en faveur du respect de la dignité de l'image de la femme. Puis elle a noté que plus de 60 % des effectifs des agences de communication étaient féminins, y compris aux niveaux supérieurs de la hiérarchie.
Mme Christine Reichenbach a précisé qu'elle était directrice des affaires publiques et juridiques de l'Union des annonceurs (UDA), qui est une association professionnelle regroupant les entreprises de tous secteurs d'activité dans leurs fonctions de communication et d'utilisation de la publicité. Elle a ajouté que l'UDA avait pour tâche de représenter ces entreprises et de les conseiller, afin qu'elles développent, notamment, une communication éthique. Après avoir relevé que les intervenantes réunies à l'occasion de la table ronde organisée par la délégation représentaient l'ensemble de la « chaîne » des métiers de la publicité, elle a souligné le travail important réalisé par ce secteur sur le respect de la dignité de l'image de la femme et, plus largement, de celle de la personne humaine, au cours des dernières années, rappelant que les gouvernements successifs, à partir de 2000, avaient mis en place des groupes de travail sur cette question.
Elle a expliqué qu'en matière de publicité, la loi avait naturellement un rôle à jouer en fixant un cadre, mais que, la communication s'inscrivant dans un contexte social spécifique, l'autodiscipline était indispensable pour les professionnels. Elle a ainsi noté l'existence de recommandations du BVP portant sur les questions liées à la dignité de la personne humaine, aux stéréotypes, aux violences ou aux discriminations entre les sexes. Elle a insisté sur la difficulté de la tâche consistant à définir le caractère choquant d'une publicité, les appréciations variant selon la sensibilité de chacun. De ce point de vue, elle a noté l'intérêt de la création du Conseil de l'éthique publicitaire, qui permet de déterminer des référents neutres. Elle a ainsi rappelé que les procédures d'autorégulation devaient permettre de déterminer des règles, d'appliquer celles-ci à un contexte donné, puis d'en évaluer l'efficacité.
Mme Pascale Weil a fait observer que l'objectif poursuivi par l'ensemble des acteurs de la publicité visait à élaborer un message juste et conforme au respect de la dignité de la personne humaine, car aucune marque ni aucune agence de publicité, dont le but est toujours de convaincre des clients, n'aurait intérêt à choquer l'opinion et à risquer de compromettre ainsi sa réputation. Elle a ainsi souligné les réels progrès accomplis grâce à la déontologie des publicitaires. Elle a également signalé que les annonceurs et les agences, quand ils en ressentaient le besoin, testaient la pertinence de leurs messages publicitaires, car la perception de ceux-ci est extrêmement subjective. Elle a ajouté que la publicité était diffusée avec un certain nombre de précautions, dans des cartouches ou écrans où le public sait qu'il s'agit d'un message publicitaire : ainsi la publicité, signée de l'émetteur, se présente toujours comme telle.
Mme Gisèle Gautier, présidente , notant qu'une publicité servait toujours à promouvoir des produits et requérait donc à la fois de la créativité et de bons supports de diffusion, s'est toutefois interrogée sur l'objectif réel de certaines campagnes publicitaires d'une célèbre marque italienne de vêtements qui, au cours des années 1990, avaient pu choquer et provoquer une polémique, et avaient finalement porté atteinte à l'image de la marque elle-même, en se demandant si elles avaient eu un impact positif ou négatif sur les ventes.
Mme Marie-Pierre Bordet a estimé que ces campagnes publicitaires avaient illustré une dérive entre, d'une part, le message artistique exprimé par le photographe qui en était à l'origine et, d'autre part, l'objet de la publicité, puisque seul demeurait, en définitive, le souci de créer un choc visuel. Elle a toutefois considéré que l'autorégulation pratiquée dans le cadre du BVP devait permettre d'éviter ce type de dérive. Elle a d'ailleurs noté que ces campagnes publicitaires avaient provoqué un rejet de la marque concernée, moins cependant de la part des consommateurs que de l'ensemble de la société, et que cette pression sociale avait fini par se traduire par une chute des ventes.
Mme Christine Reichenbach a ajouté que, si les consommateurs avaient sanctionné la marque, l'expression artistique du photographe avait également été contestée en interne par les salariés du groupe. Elle a estimé que cet épisode avait illustré la question des limites de la publicité.
Mme Catherine Troendle , faisant observer que de très nombreuses publicités s'adressaient en fait à tous les publics, s'est interrogée sur la capacité de discernement de certains d'entre eux, les enfants en particulier.
Mme Claude Cohen , confirmant que la publicité télévisée avait un impact très large, a toutefois indiqué que certains messages publicitaires ciblés n'étaient diffusés qu'à des horaires spécifiques, par exemple après 22 heures 30 ou 23 heures, afin de ne pas heurter certains publics. Elle a également estimé que les réactions toujours très rapides des téléspectateurs pouvaient permettre de mettre fin à certaines pratiques télévisées, tout en notant que, s'agissant de TF1, elles étaient très peu nombreuses en ce qui concerne la publicité.
Mme Hélène Luc a fait observer que l'atteinte portée à la dignité de l'image de la personne humaine concernait désormais non seulement les femmes, mais également les hommes et les enfants. Reprenant l'exemple de la marque italienne précédemment cité, et constatant qu'il s'agissait quasiment de la seule marque de vêtements dont les publicités avaient choqué, elle s'est demandé si cet objectif n'avait pas été délibérément recherché.
Mme Marie-Pierre Bordet a précisé qu'à l'époque, cette marque italienne n'avait pas eu recours à une agence de publicité et que ses campagnes avaient été décidées par la famille de ses propriétaires et réalisées par un photographe choisi par celle-ci. Elle a considéré que la liberté de création pouvait avoir pour conséquence que certaines publicités passent entre les « mailles du filet » de l'autorégulation, mais a fait remarquer qu'il s'agissait de cas qui demeurent isolés.
Mme Gisèle Gautier, présidente , a souhaité connaître les sanctions encourues en cas de non-respect des règles déontologiques.
Mme Christine Reichenbach a indiqué que le dépôt d'une plainte devant les juridictions judiciaires était possible et que les associations de défense des malades du SIDA, qui avaient saisi la justice des campagnes de cette marque italienne mettant en scène des personnes séropositives dans un objectif commercial, avaient d'ailleurs obtenu une réparation, ainsi que l'interruption de la diffusion de ces campagnes. Elle a toutefois mis en évidence le nombre très réduit de décisions de justice portant sur des atteintes à la pudeur ou à la bienséance dans la publicité, en raison de l'extrême difficulté pour le juge de se prononcer sur ce type de dossiers, et a d'autant plus souligné les mérites de l'action du BVP et de l'autorégulation. Evoquant également le phénomène du « porno chic », elle a indiqué que l'action du BVP, qui réussit toujours à toucher au moins un acteur de la « chaîne » publicitaire, en général le diffuseur, permettait le plus souvent une sanction plus rapide et plus efficace qu'une saisine du juge.
Mme Claude Cohen a précisé qu'en matière de publicité télévisée, si un diffuseur passait outre un avis négatif du BVP, le Conseil supérieur de l'audiovisuel pouvait être saisi et interdire ou interrompre immédiatement la diffusion de la campagne contestée, ce qu'il a d'ailleurs la possibilité de faire, même en l'absence d'avis négatif du BVP.
Mme Hélène Luc s'est demandé pourquoi, dans ces conditions, la campagne de la marque de vêtements italienne précédemment évoquée avait pu être diffusée.
Mme Marie-Pierre Bordet a indiqué qu'à l'époque, l'affichage ne faisait pas nécessairement l'objet d'un contrôle du BVP, et que les campagnes publicitaires en question avaient été achetées directement d'Italie.
Mme Christine Reichenbach a fait observer que les photographies en question avaient, à l'époque, suscité un véritable débat de société et qu'elles avaient eu certes des détracteurs, mais aussi des partisans, et que l'afficheur avait ainsi pu sous-estimer leur impact, d'autant plus que le photographe lui-même affirmait rechercher, grâce à ses clichés, une meilleure intégration des personnes séropositives et des malades du SIDA dans la société. Elle a considéré que le caractère choquant de cette campagne provenait du mélange des genres entre la publicité pour une marque et le débat de société.
Mme Marie-Pierre Bordet a également cité l'exemple, plus récent, d'un salon commercial consacré aux homosexuels, dont l'affiche publicitaire représentait des personnes de même sexe s'embrassant. Elle a noté que, si cette campagne n'était pas forcément choquante en soi, elle avait dû cependant donner lieu à un arbitrage entre des revendications contradictoires, celles des associations de défense de la famille et celles des associations de défense des droits des homosexuels. Elle s'est alors interrogée sur la légitimité d'un contrôle de la publicité à intervenir dans ce type de débat opposant la défense des valeurs traditionnelles et l'émergence de comportements nouveaux, ou en tout cas désormais plus visibles.
Mme Hélène Luc a estimé que certaines images présentées comme potentiellement choquantes pour des enfants pouvaient également l'être pour des adultes.
Mme Claude Cohen a indiqué ne pas avoir de souvenir précis de la diffusion de ce type d'images publicitaires à la télévision.
Mme Hélène Luc a évoqué le problème posé par la diffusion sur Internet d'images dégradantes pour la personne humaine.
Mme Marie-Pierre Bordet a fait observer qu'il était parfois difficile, s'agissant d'images diffusées sur Internet, d'établir une distinction entre les publicités proprement dites et les images émises par les sites.
Mme Gisèle Gautier, présidente , a souligné l'importante différence de nature existant entre des images faisant l'objet d'une démarche volontaire de recherche sur Internet et des images publicitaires offertes à la vue de tous.
Mme Christine Reichenbach a indiqué qu'un certain nombre d'agences bien identifiées vendaient de la publicité sur Internet et qu'elles étaient soumises à la même déontologie, quel que soit le support de diffusion des images, précisant que le champ du contrôle du BVP s'étendait à la publicité diffusée sur Internet. Elle a en outre fait remarquer que l'actualisation en cours de la directive dite « Télévision sans frontières » permettrait de prendre également en compte la publicité sur Internet.
Par ailleurs, elle a fait observer qu'il était particulièrement difficile d'exercer un contrôle sur l'apparition sur Internet d'un certain nombre d'images publicitaires modifiées et détournées de leur objet initial.
Mme Gisèle Printz a souligné qu'il convenait de faire preuve de réalisme, en ne perdant pas de vue que l'objet de la publicité était essentiellement de vendre. Puis elle a évoqué des publicités qui présentent les femmes au foyer comme des simplettes émerveillées par un nouveau produit ménager, en se déclarant consternée par leur multiplication.
Mme Gisèle Gautier, présidente , a ajouté que ces publicités avaient généralement pour conséquence de dévaloriser l'image de la femme, celle de l'homme étant au contraire souvent valorisée.
Mme Gisèle Printz a déploré que d'autres publicités valorisent excessivement le rôle de l'enfant, au détriment de la nécessité de renforcer l'autorité des parents. Elle a cité l'exemple de séquences mettant en scène de jeunes mineurs présidant au choix de l'automobile à acquérir par leurs parents.
Pour sa part, M. Jean-Guy Branger a évoqué un spot publicitaire conçu dans le cadre de la lutte contre les violences faites aux femmes, qui incorpore des images d'une mère battue, par son mari, puis par son fils, qui en vient à imiter son père. Tout en considérant que cette campagne publicitaire devait heurter pour être efficace, il a fait observer qu'elle avait soulevé des controverses.
Mme Claude Cohen a reconnu que cette publicité avait créé un choc et que la présence d'un enfant qui bat sa mère avait troublé, mais qu'après réflexion, sa diffusion avait été décidée sans que les instances de régulation ne s'y opposent, soulignant l'importance de secouer l'opinion sur ce douloureux sujet.
Mme Gisèle Gautier, présidente , a évoqué les perspectives prochaines de prolongements de cette campagne, en considérant que l'objectif essentiel était de réveiller les consciences.
Mme Sylvie Desmarescaux s'est associée à ces remarques, en estimant que les images utilisées pour de telles campagnes, qui ne constituent pas à proprement parler de la publicité, devaient parfois choquer pour parvenir à leur but. Elle a illustré son propos en rappelant l'exemple de la prévention des accidents de la route, ou encore de l'alcoolisme.
Mme Catherine Troendle a estimé que, depuis plusieurs décennies, l'évolution de l'image du corps de la femme dans les publicités pour les produits de douche était particulièrement révélatrice d'une tendance à la disparition progressive de toute pudeur. Elle a fait remarquer qu'il en allait de même pour les clips vidéo de certains chanteurs ou chanteuses, dont certains frisent la pornographie. Elle a considéré qu'il serait nécessaire de mettre un frein à ce type de surenchère.
Mme Pascale Weil a mis l'accent sur le caractère relatif et évolutif de ce qui est toléré « à un moment donné par une société donnée », évoquant l'exemple de la tenue vestimentaire sur les plages. Elle a considéré que la publicité ne pouvait pas constituer un « îlot » isolé qui serait en décalage avec l'évolution de la société et de ses représentations.
S'agissant des clips vidéo évoqués par Mme Catherine Troendle , elle a estimé que, d'un certain point de vue, la publicité était une « oasis de décence » par rapport à d'autres formes d'expression non publicitaires, notamment sur le net.
Elle a ajouté qu'il fallait faire confiance aux consommateurs qui avaient aujourd'hui davantage de moyens pour s'exprimer : ils affichent leur liberté de choix non seulement dans leur consommation (ce qui est une première forme de vote), mais aussi leur liberté d'expression grâce à l'interactivité des nouvelles technologies : ils donnent de plus en plus souvent leur avis sur les produits, les marques et leurs communications, dans ce qui est devenu un véritable dialogue, constamment nourri.
Revenant sur les raisons du choix de son thème d'étude par la délégation, Mme Gisèle Gautier, présidente , a certes constaté qu'un certain nombre d'images choquantes avaient effectivement été écartées du paysage audiovisuel, mais a toutefois souligné qu'à l'heure actuelle, on assistait à une évolution vers des images plus insidieusement attentatoires à la dignité des femmes, mais aussi des hommes, notamment dans la promotion des produits de luxe.
Mme Marie-Pierre Bordet a rappelé que, pour être applicables et opposables, les règles devaient pouvoir se concevoir et s'énoncer clairement et s'est demandé si le phénomène dénoncé par la présidente n'était pas cantonné à la mode du « porno chic », lancée par certaines marques de luxe.
Mme Christine Reichenbach a indiqué que ce phénomène était très visible il y a cinq ans et que les professionnels de ce secteur avaient alors été contactés pour leur faire prendre conscience que leur conception de la liberté créatrice, inspirée de l'esthétisme en vogue chez les grands couturiers new-yorkais, pouvait comporter une dimension choquante pour le grand public.
Estimant qu'une prise de conscience avait permis de faire retomber cette mode, elle a souligné à partir de cet exemple l'intérêt d'un dialogue avec les professionnels concernés pour parvenir à une autorégulation.
M. Jean-Guy Branger a souligné la difficulté des arbitrages qui doivent être opérés pour la régulation des images publicitaires, dans un secteur particulièrement soumis à des contraintes et à des intérêts puissants et divergents. Au vu de l'évolution du contenu des images diffusées de toutes parts, il a estimé qu'un plafond à ne pas dépasser avait désormais été atteint en matière de décence.
Mme Sylvie Desmarescaux a enfin dénoncé la désinvolture avec laquelle certains parents laissent leurs enfants regarder des émissions ou des publicités télévisées nocturnes qui comportent des scènes inadaptées aux mineurs, en soulignant la responsabilité des parents vis-à-vis de leurs enfants en la matière.
Mme Gisèle Gautier, présidente , a conclu en remerciant les intervenantes et en rappelant que les travaux de la délégation débouchaient toujours sur des recommandations, souvent suivies d'effet.
Audition de Mme Florence Montreynaud,responsable du réseau « La Meute contre la publicité sexiste »
(30 janvier 2007)
Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente
Mme Gisèle Gautier, présidente , a présenté l'intervenante avant de préciser, à propos du thème de réflexion annuel de la délégation, que celui-ci comportait deux volets : le premier concerne l'image des femmes, comme d'ailleurs également celle des hommes, dans les médias et plus particulièrement dans la publicité, tandis que le second volet, qui sera abordé au cours d'auditions ultérieures, concerne la présence des femmes dans les professions des médias. Puis elle a évoqué les auditions précédemment conduites par la délégation sur le premier volet, en rappelant notamment que les représentants du Bureau de vérification de la publicité (BVP) avaient établi un diagnostic optimiste à l'égard de la situation actuelle.
Mme Florence Montreynaud s'est tout d'abord présentée comme une « écrivaine », « auteure » de quatorze livres et engagée dans la défense des droits des femmes depuis 1970.
Elle a ensuite estimé préoccupante l'évolution récente de la situation des femmes, en constatant un certain nombre de régressions dans le domaine économique, social et culturel.
Elle a rappelé les circonstances de la création, en 1999, de l'association « Les chiennes de garde », en précisant que pour se faire entendre plus efficacement, les femmes qui avaient été à l'origine de cette initiative, bien que naturellement portées à la modération, avaient décidé d'utiliser un langage plus percutant.
Mme Florence Montreynaud a ensuite évoqué la publicité sexiste dont la caractéristique consiste principalement à utiliser la « chair » des jeunes femmes pour faire vendre des produits. Elle a illustré son propos en prenant l'exemple d'une publicité représentant un sac à main placé entre les jambes d'une femme nue.
Elle a déploré l'insuffisante efficacité de l'action du BVP à l'égard de la publicité sexiste, rappelant qu'elle avait lancé, en 2000, le mouvement « La Meute contre la publicité sexiste » afin de combattre ce phénomène. Elle a précisé que ce mouvement avait une composition mixte, qui se traduit concrètement par la participation active d'hommes. A ce sujet, elle a relaté le combat couronné de succès de « La Meute » contre le caractère sexiste d'une publicité utilisant l'image d'une femme pour vanter les mérites d'une prestigieuse marque de chaussures masculines, grâce à des manifestations organisées devant les vitrines de magasins vendant ces chaussures. Elle a noté que, depuis lors, cette marque avait abandonné les publicités sexistes au profit de publicités neutres, dont elle a salué la qualité.
Puis Mme Florence Montreynaud a présenté le contenu du manifeste de « La Meute », intitulé « Non à la publicité sexiste », en soulignant la nécessité pour les publicitaires de prendre conscience que certains traits d'humour, admissibles dans des conversations privées, pouvaient avoir des conséquences dommageables s'ils étaient utilisés dans le cadre d'une communication s'adressant au grand public.
Elle a ensuite indiqué que son association recevait, tout au long de l'année, des signalements de publicités sexistes et qu'elle en sélectionnait quelques-unes particulièrement choquantes, en les classant dans plusieurs catégories, selon une échelle de gravité croissante, précisant que le résultat de ce classement pour 2006 serait rendu public autour du 8 mars prochain.
Elle a tout d'abord présenté une première catégorie de publicités sexistes, celle des « clichés sexistes », en montrant deux publicités sélectionnées par « La Meute », l'une pour un jeu de société, utilisant la représentation de la haine et de la violence entre femmes, l'autre pour la promotion de l'emploi et de la formation professionnelle, utilisant l'image d'un travesti pour inciter à changer de métier.
En réponse à une question de Mme Gisèle Gautier, présidente , sur la provenance de ces publicités, elle a répondu qu'il s'agissait de parutions dans des périodiques.
Elle a ensuite évoqué une deuxième catégorie de publicités sexistes, caractérisées par l'utilisation de la nudité et de la sexualité sans aucun rapport avec le produit concerné. Elle a particulièrement analysé l'une d'entre elles, qui présente une femme extrêmement mince, voire « squelettique », nue dans la neige.
M. Yannick Bodin a réagi à ce sujet en confirmant qu'il s'était lui-même interrogé en voyant cette publicité très largement diffusée dans les lieux publics.
Puis Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est interrogée sur les moyens d'action de l'association contre les publicités sexistes.
Mme Florence Montreynaud a expliqué que les actions de « La Meute » avaient évolué, tout en reconnaissant qu'elles avaient diminué en nombre, en raison de l'énergie et du temps qu'elles demandaient. Elle a en effet indiqué qu'auparavant, « La Meute » organisait des manifestations devant les magasins des marques qui utilisent des publicités sexistes, ou adressait au responsable de ces magasins un courrier comportant trois parties : une description objective de la publicité contestée, une analyse féministe de cette publicité et une demande de retrait et d'engagement de ne plus avoir recours à ce type de supports publicitaires, avec présentation d'excuses.
Elle a ensuite précisé que, désormais, elle publiait sur le site Internet de « La Meute » les signalements de publicités sexistes effectués par les membres du mouvement et qu'elle envoyait, au nom de celui-ci, un courrier argumenté au responsable de la marque concernée, en encourageant les autres membres à en faire autant afin d'obtenir un effet de masse. Elle a en effet fait observer que les agences de publicité mettaient en oeuvre un « plan alerte urgence » à compter de la réception d'environ trente lettres écrites de protestation. Elle a ajouté que la lettre en réponse était ensuite publiée sur le site Internet de « La Meute ».
Puis Mme Florence Montreynaud a continué d'illustrer ses propos en commentant certaines publicités sexistes. Elle a ainsi évoqué une publicité pour une automobile, qui mettait en scène des rapports sexuels, sur la banquette arrière, entre les jouets des enfants de la famille.
Mme Florence Montreynaud a ensuite évoqué une troisième catégorie de publicités sexistes, utilisant les thèmes de la violence et de la prostitution, dont elle a donné plusieurs exemples.
Elle a en particulier commenté plusieurs publicités d'une célèbre marque de produits cosmétiques vendus en pharmacie, à laquelle « La Meute » a d'ailleurs attribué l'un de ses « prix Macho ». Elle a fait observer que les campagnes publicitaires de cette marque portaient également atteinte à l'image des hommes. Enfin, elle a également noté que les publicités pour les produits anti-rides comportaient souvent des images de mauvais traitements infligés aux corps des femmes.
Puis elle a fait observer que de nombreuses publicités donnaient une image valorisante de la prostitution, alors que la France avait ratifié la convention du 2 décembre 1949 pour la répression de la traite des êtres humains et l'exploitation de la prostitution d'autrui. Elle a ainsi cité une publicité d'une société de crédit à la consommation représentant un homme allongé dans un lit, encadré par deux jambes de femmes, avec le slogan « Là, j'y vais direct ! ». Elle a également donné l'exemple d'un grand magasin parisien, dont le magazine de lingerie féminine portait en couverture la photographie d'une femme habillée comme une prostituée et adoptant une attitude de racolage.
Par ailleurs, elle a noté que certaines affiches de spectacles, très présentes dans le métro, véhiculaient parfois une image dégradante de la femme, mais qu'il était beaucoup plus délicat de les dénoncer en raison de leur dimension artistique et culturelle.
Mme Gisèle Gautier, présidente , a constaté que de nombreuses publicités s'inscrivaient dans le cadre du phénomène dit du « porno chic ».
Mme Florence Montreynaud a récusé cette expression, estimant que de telles publicités ne comportaient qu'une dimension pornographique.
Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est interrogée sur les raisons pour lesquelles un célèbre hebdomadaire se réclamant du féminisme pouvait accepter de diffuser des publicités dégradantes pour l'image de la femme.
Mme Florence Montreynaud a suggéré d'entendre les responsables de ce magazine sur ce sujet, estimant qu'il convenait, en l'espèce, de parler de double langage, ou même de schizophrénie.
Mme Gisèle Gautier, présidente , a insisté sur la dimension subliminale de certaines de ces publicités et a constaté que la suggestion de relations sexuelles pouvait être utilisée comme argument de vente, estimant qu'elle pouvait parfois constituer une véritable provocation au viol. Citant l'exemple de grandes marques de luxe italiennes, elle a considéré que certaines de leurs publicités pouvaient présenter un caractère insidieux.
Mme Florence Montreynaud a déclaré partager cet avis et a souligné que la publicité sexiste actuelle avait un caractère plus sournois qu'auparavant. Constatant que la publicité cherchait toujours à « frapper plus fort », elle a considéré que la pornographie était aujourd'hui devenue une norme. Elle a estimé que si l'érotisme avait une fonction dans la sphère privée, la publicité sexiste était critiquable, car elle imposait, dans la sphère publique, une conception uniforme et standardisée de l'érotisme, reposant sur la chosification du corps humain. Elle a également insisté sur le caractère répétitif et parfois morbide de ces publicités, utilisé comme argument commercial.
Mme Gisèle Gautier, présidente , a fait observer que l'atteinte à la dignité de la personne humaine dans la publicité pouvait revêtir d'autres formes, notamment à la télévision, où certains spots présentent la femme comme un être dépourvu d'intelligence.
Mme Florence Montreynaud a indiqué que l'action du BVP était relativement efficace concernant les publicités télévisées, pour lesquelles est effectué un contrôle a priori permettant d'éviter la diffusion de spots érotiques. Elle a regretté, en revanche, que le BVP n'intervienne pas à l'encontre de publicités télévisées véhiculant des stéréotypes sexués portant préjudice aux femmes, situation qui constitue, selon elle, une spécificité française. Elle a, en outre, souligné que le contrôle a posteriori, et non systématique, effectué par le BVP sur les publicités diffusées par les autres médias laissait subsister beaucoup de publicités choquantes.
Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est inquiétée de la diffusion d'images dégradantes pour les femmes sur Internet, faisant observer que les enfants pouvaient y avoir facilement accès.
Mme Florence Montreynaud a estimé que la situation sur Internet était « extrêmement grave » et a cité l'exemple d'une publicité d'un fournisseur d'accès Internet qui, au moment des fêtes de Noël, proposait « Offrez-vous un homme ! ».
Elle a conclu son intervention en indiquant que « La Meute » réclamait l'adoption d'une loi contre les discriminations sexistes, précisant qu'elle avait saisi de ce type de discriminations la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), qui lui avait répondu ne pas être compétente en la matière.
Mme Gisèle Gautier, présidente , a évoqué la possibilité pour la délégation de présenter des recommandations pour contribuer à régler ce problème. Elle a également formé le voeu que le futur gouvernement issu des élections du printemps 2007 comprenne un ministère de plein exercice en charge des droits des femmes, doté de crédits d'un montant substantiel.
Mme Florence Montreynaud a indiqué que le Collectif national pour les droits des femmes, qui regroupe 300 associations, dont « La Meute », avait rédigé une proposition de loi-cadre, destinée à lutter contre les violences envers les femmes, dont la publicité sexiste constitue l'un des aspects.
Mme Gisèle Gautier, présidente , a rappelé que la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre des mineurs, d'initiative sénatoriale, comportait déjà de nombreuses dispositions destinées à mieux lutter contre ce fléau, et a regretté certains propos tenus sur ce sujet par Mme Ségolène Royal, qui avait semblé ignorer l'existence de cette loi. Elle a souligné qu'il convenait d'abord d'en évaluer précisément l'application sur le terrain, avant de songer à l'adoption d'une nouvelle loi.
Mme Florence Montreynaud a cité l'exemple du Québec, où la publicité sexiste a reculé grâce à la récompense des images non sexistes par l'attribution d'un prix officiel, et à la stigmatisation des images dégradantes pour la femme. Elle a ajouté que, depuis que ce prix n'était plus décerné, le sexisme publicitaire avait regagné du terrain et en a conclu que rien n'était jamais acquis. Elle a regretté que l'importance des publicités sexistes puisse porter atteinte à l'image, à l'étranger, de notre pays, très présent dans le secteur du luxe, en évoquant l'exemple de la Finlande, où les seules images publicitaires dégradantes pour la femme étaient d'origine française.
Elle a enfin annoncé que, le 10 mars prochain, « La Meute » décernerait le « prix Fémino » aux publicités diffusant les images les moins sexistes et le « prix Macho » à celles jugées les plus « machistes ».
Audition de Mme Mercedes Erra, présidente exécutive de Euro RSCG Monde
(6 février 2007)
Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente
Mme Gisèle Gautier, présidente , a présenté l'intervenante, indiquant que celle ci était notamment directrice générale d'Havas, membre du bureau de l'Association des agences-conseils en communication (AACC), dont elle préside le groupe de travail « Respect de l'image de la personne humaine », administratrice de la Fondation Elle et présidente de l'Association des diplômés d'HEC.
Après avoir rappelé que la délégation avait choisi de consacrer son prochain rapport d'activité au thème « Femmes et hommes dans les médias », qui comporte deux volets, le premier étant relatif à l'image de la femme et à son utilisation, et le second concernant les responsabilités exercées par les femmes dans les médias, elle a considéré qu'en dépit du contrôle effectué par le Bureau de vérification de la publicité (BVP), le caractère sexiste de certaines publicités était aujourd'hui sans doute plus insidieux que par le passé. Enfin, elle a annoncé que la délégation organiserait, le 20 février 2007, une audition publique, sous forme de table ronde, au cours de laquelle des femmes journalistes évoqueraient leur parcours professionnel.
Mme Mercedes Erra a estimé qu'en France, l'univers de la publicité était largement méconnu et que celle-ci était insuffisamment utilisée pour faire avancer la cause des femmes. Elle a souligné que les avancées - réelles - se heurtaient néanmoins à des blocages dans les représentations et à la prégnance des stéréotypes.
Elle a présenté la façon dont travaillaient les annonceurs, en rappelant que les clients qui engageaient une campagne de communication poursuivaient avant tout l'objectif de vendre leurs produits. Or, a-t-elle précisé, il est impossible de vendre en « forçant la main » des consommateurs, qui souhaitent que la publicité leur renvoie une image d'eux-mêmes susceptible de les valoriser. Elle a en effet expliqué qu'en règle générale, une image publicitaire ne devait pas choquer la représentation qu'on se faisait de soi. Elle a ajouté que les images rendaient compte d'un imaginaire donné à une époque donnée et que les images de la femme dans la publicité reflétaient les représentations qu'en avait l'opinion publique aujourd'hui.
Mme Mercedes Erra a indiqué que la communication était structurée par la réalisation de tests auprès du public et que le métier était tout autant affaire d'analyse des mentalités que de créativité. Elle a fait observer que la femme était aujourd'hui incontournable dans les préoccupations des publicitaires, en raison de la place essentielle qu'elle occupe dans l'organisation de la vie quotidienne et en termes de comportements d'achat pour toute la famille.
Elle a ainsi précisé que certaines représentations étaient aujourd'hui refusées par les femmes : en premier lieu, la représentation traditionnelle de la femme en « ménagère ». Alors que celle-ci recouvre incontestablement une réalité (car la femme continue d'assumer l'essentiel des tâches domestiques, à hauteur de deux à trois heures par jour, et est d'ailleurs, de ce fait, un peu moins disponible que l'homme pour la vie professionnelle), a précisé Mme Mercedes Erra , cette représentation est rejetée par la plupart des femmes qui ne souhaitent plus être réduites à cette image. Elle a d'ailleurs noté que la représentation, désormais plus fréquente, d'hommes occupés à des tâches ménagères correspondait à une aspiration des femmes d'aujourd'hui. Elle a ajouté qu'une autre représentation de la femme était devenue problématique : celle de la femme au travail, beaucoup moins fréquente actuellement que dans les années 1980, qui avaient valorisé la « business woman ».
Elle a fait observer, en revanche, que la publicité actuelle faisait une large place à deux représentations de la femme : la mère et la séductrice. Elle a en effet indiqué que les femmes étaient généralement très à l'aise avec l'image de la « Maman », et a noté l'évolution de cette représentation, la maternité n'étant plus considérée désormais comme un obstacle à la féminité. Elle a d'ailleurs fait remarquer que de nombreuses publicités représentaient maintenant des femmes enceintes, ce qui n'aurait pas été concevable il y a quelques années. Par ailleurs, elle a également noté que l'image de la femme séductrice pouvait, sous certaines conditions, correspondre aux aspirations des femmes. Elle a expliqué le succès de certaines grandes marques françaises de cosmétiques par le recours à l'image de la femme séduisante, l'image d'une femme au physique moyen et non apprêtée ne parvenant pas à « vendre ».
Mme Mercedes Erra a estimé qu'en France, contrairement aux pays anglo-saxons, un certain féminisme pouvait faire bon ménage avec des représentations de la femme dans la beauté et la séduction, et a noté que certains magazines féminins pouvaient ainsi publier à la fois des articles féministes et des textes ou publicités valorisant la séduction féminine. Soulignant cette spécificité française, elle a considéré que les annonceurs, dont la priorité est de respecter les attentes de leurs clients, ne pouvaient être, dans ce contexte, les initiateurs d'une évolution des mentalités.
Admettant qu'il pouvait néanmoins subsister quelques dérapages dans l'utilisation de l'image de la femme dans la publicité, elle a mis l'accent sur le rôle indispensable de l'autorégulation et des règles déontologiques établies dans le cadre du BVP. Elle a cependant estimé qu'une même publicité pouvait engendrer des réactions différentes et apparaître ou non choquante, selon qu'elle était affichée dans un espace public ou seulement diffusée dans des magazines. En outre, elle a attiré l'attention sur l'apparition, encore limitée, de revendications de type religieux concernant certaines exigences relatives à la représentation du corps humain. Elle a expliqué que, pour réfléchir de façon impartiale à ces problèmes, le BVP avait créé en son sein un groupe de travail sur le respect de la dignité de la personne humaine et mis en place un Conseil de l'éthique publicitaire.
En conclusion, élargissant son propos, Mme Mercedes Erra a estimé que la situation en matière de droits des femmes, en France, connaissait un certain retard. Elle a notamment évoqué la grande pénibilité du travail pour de nombreuses femmes et les inégalités salariales, à qualifications égales, l'égalité parfaite atteinte au niveau de la scolarité ne se retrouvant pas ensuite dans la vie professionnelle. A ce propos, et après avoir évoqué son activité au sein de l'Association des diplômés d'HEC, elle a fait part de sa crainte d'un certain retour en arrière et a souligné que les étudiantes exprimaient souvent leurs inquiétudes sur leur capacité future à concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale, cette conciliation, difficile à organiser, étant indéniablement une charge très lourde. Elle a, en même temps, fait observer qu'en revanche les garçons ne s'interrogeaient jamais sur cette question. Elle a déploré une logique de culpabilisation des femmes, notamment à l'occasion de leurs congés de maternité, concomitante à une déculpabilisation des hommes, et a regretté la persistance de stéréotypes, comme celui selon lequel les jeunes filles ne seraient pas douées pour faire des études scientifiques.
Elle a toutefois estimé que les annonceurs pouvaient contribuer à faire évoluer les mentalités grâce à la valorisation des comportements éthiques de certaines entreprises, et a cité la remise par l'une d'elles d'un prix sur le thème « Femmes et sciences ». Elle a aussi rappelé que Mme Nicole Ameline, alors ministre en charge de la parité, avait repris l'un de ses propos, selon lequel, pour parvenir à l'égalité, il fallait « juste le vouloir ».
Elle a considéré que s'il existait des éléments permettant de vérifier que les images publicitaires ne présentaient pas un caractère dévalorisant pour la femme, il était toutefois difficile de définir avec précision ce qui était dévalorisant ou non, cette appréciation relevant parfois d'une grande subjectivité.
Par ailleurs, elle a précisé que les métiers de la publicité étaient « soi-disant féminisés », mais que le problème était, là comme ailleurs, de faire accéder les femmes aux postes de responsabilité, soulignant l'importance du rôle de « modèle » joué par celles parvenues au sommet de la hiérarchie.
Elle a estimé que la faible proportion des femmes à un niveau hiérarchique élevé expliquait que leurs propos soient parfois considérés comme des « histoires de femmes », mais que ce phénomène disparaîtrait naturellement lorsque la parité serait atteinte, ce qu'elle cherchait pour sa part à obtenir à tous les niveaux au sein de son agence de publicité.
Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est interrogée sur la signification qu'il convenait de donner à l'expression « publicité efficace » et s'est demandé si la recherche de l'efficacité publicitaire pouvait s'affranchir de l'éthique.
Mme Mercedes Erra a estimé qu'une publicité efficace était une publicité qui faisait vendre et a fait observer qu'une publicité pouvait plaire sans être, pour autant, efficace.
Mme Gisèle Gautier, présidente , a cité un exemple de publicité pour un sac à main présentant une image de femme dénudée, qu'elle a jugée choquante et insidieuse, s'interrogeant, dans ce cas précis, sur la relation entre l'indécence et l'efficacité.
Rappelant que la publicité, en général, atteignait son objectif de vente en « constituant des imaginaires » qui plaisent au public, Mme Mercedes Erra a considéré que l'univers du luxe obéissait à une logique très particulière et complexe, reliée au désir ainsi qu'à une dimension sexuelle. « Tout commence avec les défilés » de mode, a-t-elle précisé, analysant ensuite le caractère tout à fait irrationnel de l'achat d'un objet extrêmement coûteux.
Assimilant le monde du luxe à un monde de construction du désir, elle a noté que l'industrie du luxe faisait appel, la plupart du temps, pour sa promotion, non pas à des agences publicitaires, mais plutôt à des artistes. Puis elle a estimé que de telles méthodes publicitaires pouvaient être au moins cantonnées au « territoire » du luxe.
Elle a indiqué que sa préoccupation majeure, dans ce domaine, portait plutôt sur le problème de l'anorexie, soulevé par certains défilés de mode.
Tout en se disant elle-même très favorable à la liberté de l'expression artistique et en rappelant les liens, notamment financiers, entre l'industrie du luxe et l'art, elle a admis que les créateurs dépassaient parfois les limites habituelles du « raisonnable », en matière d'image du corps.
Mme Janine Rozier a évoqué des publicités télévisées « dévirilisant » les hommes confrontés à des tâches ménagères et présentés, à cette occasion, comme des nigauds.
Mme Mercedes Erra a fait observer qu'aujourd'hui l'une des tendances de la publicité était plutôt de renforcer l'image de virilité des jeunes hommes. Elle a expliqué ce phénomène par le « brouillage » des représentations qui résulte de l'abandon de la symbolique d'une masculinité autrefois conçue principalement hors du foyer, et du besoin des hommes d'être fortifiés dans leur virilité.
Elle a ainsi précisé que, par exemple, pour vendre des vêtements aux hommes, il fallait actuellement leur adresser des images rassurantes quant à leur virilité et qu'il s'agissait là de l'un des symptômes de la période transitoire que vivait, selon elle, notre société.
Sur la question des rôles respectifs des hommes et des femmes, elle a fait référence à certaines analyses, selon lesquelles certaines mères seraient attachées à préserver leur « expertise » quant à l'organisation des tâches ménagères, ce qui renvoie à certaines campagnes publicitaires visant par exemple à rassurer des femmes qui pourraient avoir l'impression d'être dépossédées de leur rôle traditionnel de gestion du foyer.
Mme Janine Rozier a cependant noté une évolution des comportements des jeunes pères d'une génération à l'autre, en soulignant que ceux-ci effectuaient de plus en plus de tâches au sein de leur foyer.
Mme Mercedes Erra a répondu que les statistiques ne confirmaient pas encore pleinement cette évolution, les pères ayant tendance à s'occuper plus du premier enfant que des suivants.
Elle a rappelé, en outre, que le travail féminin était encore souvent considéré comme secondaire et que, de ce fait, les femmes n'osaient pas toujours demander autant que les hommes dans la vie professionnelle.
Mme Gisèle Printz a évoqué, à travers des exemples, des publicités associant la représentation d'un produit et le désir sexuel. Puis elle s'est inquiétée de la puissance des images valorisant la minceur et des risques de comportements anorexiques qu'elles peuvent entraîner.
Tout en se montrant réservée sur la diffusion d'images de femmes au corps excessivement mince, Mme Mercedes Erra a nuancé ces risques pour le grand public et indiqué que les causes de l'anorexie n'étaient pas à rechercher uniquement dans la diffusion de ces images. Elle a d'ailleurs souligné que la fréquentation des groupes de consommateurs démontrait que les jeunes femmes étaient souvent extrêmement lucides à l'égard de la publicité.
Elle a suggéré, en revanche, que des règles soient instaurées en matière de mannequinat, afin d'interdire de participation aux défilés de mode les jeunes femmes dont le poids est inférieur à un certain seuil, dans un souci de protection de la santé publique.
S'interrogeant sur le concept de « valorisation de la femme » dans la publicité, M. Serge Lagauche a rappelé la haute valeur humaine et symbolique de l'image de la femme enceinte ou accompagnée d'un enfant, estimant que le rôle de la mère est irremplaçable pour le nourrisson, même si celui du père est également essentiel.
Mme Mercedes Erra a rappelé que la maternité n'avait pas toujours été vécue de cette manière par les femmes à travers l'histoire. Elle a fait part de ses réserves à l'égard du schéma présenté par M. Serge Lagauche, tout en rappelant que celui-ci était largement répandu. Pour sa part, elle a rattaché sa conception de la valorisation de la femme au principe d'égalité entre les sexes et estimé nécessaire de nuancer le caractère indispensable de la présence de la mère auprès des enfants, en les rassurant sur la valeur épanouissante du travail à l'égard de la « complétude » de leur vie. Elle s'est cependant montrée préoccupée par le poids trop lourd résultant, pour les femmes, du cumul des tâches professionnelles et familiales.
Elle s'est ensuite inquiétée de la montée de tendances remettant en cause les progrès vers l'égalité entre les hommes et les femmes, notamment à travers une certaine lecture de l'islam, au moment même où des études anglo-saxones montrent que la parité au sein des entreprises est favorable à l'efficacité économique.
Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est interrogée sur les possibilités d'utiliser la publicité au service de la cause des femmes.
Mme Mercedes Erra a estimé nécessaire de poursuivre les efforts de transformation des mentalités en s'appuyant sur la publicité. Elle a illustré son propos par des campagnes publicitaires conduites par les pouvoirs publics, par exemple à propos de l'utilisation excessive des antibiotiques, de telles campagnes pouvant tout à fait être envisagées pour faire évoluer les comportements en matière de partage des tâches et d'image de la femme au travail.
Mme Gisèle Gautier, présidente , a alors salué la campagne publicitaire actuellement diffusée pour lutter contre les violences à l'égard des femmes.
Mme Mercedes Erra a également jugé utile de promouvoir des exemples de femmes qui réussissent leur vie professionnelle, notamment par la diffusion de séries télévisées ou de programmes courts incorporant cette thématique.
Mme Gisèle Gautier, présidente , a cependant estimé qu'il convenait de veiller à ne pas montrer exclusivement des femmes d'exception.
Tout en faisant observer qu'il existait des formes multiples de réussite, Mme Mercedes Erra a souligné l'efficacité de la diffusion de modèles exemplaires de réussite féminine. A cet égard, elle s'est référée aux témoignages de femmes du Tiers Monde qui, à l'occasion de forums internationaux, disent bénéficier des progrès de la condition féminine dans les pays développés.
Revenant sur le thème de l'anorexie, Mme Gisèle Gautier, présidente , a invité l'intervenante à formuler des propositions de recommandations sur ce sujet, évoquant l'éventualité de l'institution d'une « Charte du mannequinat ».
Mme Sylvie Desmarescaux a indiqué qu'elle avait interrogé le Gouvernement au moyen d'une question écrite en septembre 2006, à la suite du décès d'une femme mannequin, et qu'elle n'avait toujours pas obtenu de réponse à cette question.
Mme Mercedes Erra a proposé qu'en dessous d'un certain poids, les mannequins ne soient plus autorisés à participer aux défilés.
Mme Muguette Dini a approuvé cette proposition.
En conclusion, Mme Mercedes Erra a souligné l'importante marge de progression de la situation des femmes, liée à l'évolution des représentations.
Audition de Mme Isabelle Germain, présidente de l'Association des femmes journalistes
(14 février 2007)
Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente
Mme Gisèle Gautier, présidente , après avoir rappelé le thème d'étude retenu par la délégation pour son rapport d'activité annuel, et l'organisation, le 20 février 2007, d'une audition publique, sous la forme d'une table ronde, sur le thème : « Les femmes ont-elles toute leur place dans les médias ? » , a noté que les femmes étaient relativement présentes dans les professions des médias, en particulier pour la présentation des journaux télévisés, mais s'est interrogée sur leurs marges de manoeuvre réelles en matière de définition de la politique éditoriale. Elle a ensuite présenté l'intervenante et rappelé que celle-ci était également journaliste au magazine « L'usine nouvelle ».
Mme Isabelle Germain a rappelé que l'Association des femmes journalistes (AFJ), qui compte actuellement une centaine de membres, soit une part réduite du nombre total de femmes journalistes, avait été créée en 1981, dans le but de promouvoir l'image et la place des femmes dans les médias, c'est-à-dire la place des femmes journalistes et la place des femmes dans le contenu de l'information. Elle a indiqué que les femmes occupaient, dans les médias, la même position que dans beaucoup d'autres professions, à savoir qu'elles étaient relativement nombreuses « à la base », mais nettement moins présentes « au sommet », et a estimé que cette situation avait des conséquences concrètes sur la façon dont l'information était présentée.
Elle a évoqué l'organisation par l'AFJ, la veille, d'un dîner précédé d'une rencontre avec Mme Dominique Méda à propos de son dernier livre, intitulé « Le deuxième âge de l'émancipation » , dans lequel celle-ci souligne les difficultés auxquelles les femmes continuent d'être confrontées pour concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale. Elle a indiqué que ce livre appelait en particulier l'attention sur les insuffisances des politiques publiques en matière de garde des enfants, seulement 45 % des enfants de moins de trois ans étant confiés à une structure de garde prise en charge par la collectivité. Elle a ainsi relativisé l'affirmation, véhiculée par les médias, selon laquelle la forte natalité constatée en France serait liée à la qualité des modes de garde mis en place par les pouvoirs publics, et a parlé de « déformation de la réalité » en évoquant les propos tenus au sujet des progrès de la situation des femmes. Elle a regretté la trop faible médiatisation des idées développées dans cet ouvrage.
Mme Isabelle Germain a également illustré ses propos avec les organigrammes des rédactions des grands médias, qui font apparaître que peu de femmes occupent des fonctions de responsabilité. Elle a fait observer que les hommes continuaient d'y détenir les clefs du pouvoir et qu'il était dès lors difficile pour les femmes de faire valoir une vision de la société différente de celle des hommes, les femmes relayant d'ailleurs souvent le discours masculin dominant.
Elle a indiqué que, depuis 1995, l'AFJ participait pour la France à une étude quinquennale, qui consistait à recenser, le même jour, dans la presse de 76 pays, le genre des personnes citées dans les informations publiées. Elle a indiqué que la dernière de ces enquêtes, réalisée en mai 2006, sur la base du dépouillement de sept quotidiens, dont deux quotidiens régionaux, faisait ressortir qu'en France, ces personnes étaient à 82 % des hommes et à 18 % seulement des femmes, à comparer à une moyenne mondiale de 24 % de femmes citées. Elle a souligné que cette proportion n'avait quasiment pas évolué depuis 1995.
Mme Isabelle Germain a précisé que les femmes apparaissant dans les médias étaient le plus souvent soit anonymes, soit en position de victime, soit citées comme ayant un lien familial avec un homme, alors que les hommes étaient très majoritairement cités avec leurs fonctions. Elle a pris l'exemple d'un exemplaire d'un célèbre hebdomadaire français qui, à l'exception des publicités, ne montre une femme pour la première fois qu'à la page 40. Elle a également fait observer que, contrairement aux hommes, les femmes citées dans la presse ne l'étaient généralement qu'avec leur prénom, comme si elles n'avaient pas de nom. Elle a ajouté que les femmes étaient quasiment absentes de certaines rubriques des journaux, en particulier les pages consacrées au sport ou à l'économie, et que, dans les pages culturelles, où elles apparaissaient plus souvent, c'était généralement comme muses d'un artiste, mais plus rarement comme artistes elles-mêmes ou auteurs.
En termes de présence dans les médias, elle a indiqué que les hommes politiques étaient les plus souvent cités, et que les femmes les plus régulièrement citées étaient également des responsables politiques. Elle a noté que, le jour choisi pour réaliser cette étude, le 10 mai 2006, la presse évoquait de façon récurrente l'« affaire Clearstream », dont les protagonistes étaient très majoritairement masculins, à l'exception du ministre de la défense et du maire de Lille.
Elle a relevé qu'une femme citée sur quatorze l'était en tant que victime, contre un homme sur vingt-et-un, qu'une femme citée sur six était anonyme, contre un homme sur trente-trois, faisant observer que l'anonymat des hommes était souvent utilisé dans un souci de protection, tandis que les femmes étaient généralement mentionnées comme témoins populaires, et non comme actrices ou expertes.
Mme Isabelle Germain a indiqué que cette étude quinquennale visait à sensibiliser les journalistes à la question de la représentation des femmes dans l'information, ainsi que l'opinion publique, les enseignants par exemple, mais également les femmes exerçant des fonctions de responsabilité qui, selon elle, s'affirment moins naturellement que les hommes et ont besoin de prendre confiance en elles. Elle a également noté que l'AFJ décernait autrefois un prix de la publicité la moins sexiste, c'est-à-dire celle qui ne propageait pas de stéréotypes sexués.
Elle a toutefois regretté que l'AFJ ne parvienne pas à mobiliser davantage de femmes journalistes, ce qu'elle a expliqué par un manque de disponibilité et, parfois, par la crainte de s'afficher comme « féministe ».
Mme Gisèle Gautier, présidente , a constaté que, lors d'émissions de télévision auxquelles elle avait participé, un journaliste avait présenté Hélène Lazareff, fondatrice du magazine « Elle », comme « la femme de » Pierre Lazareff, tandis qu'un autre journaliste avait relativisé le phénomène des violences envers les femmes.
Mme Isabelle Germain , prenant l'exemple de Mme Ségolène Royal, a fait observer que l'aspect physique ou la façon de s'habiller d'une femme politique étaient généralement plus commentés que ses idées, et que sa compétence à exercer le pouvoir était remise en cause dès qu'elle commettait une « bourde », ce qui n'était pas le cas pour un homme politique.
Mme Yolande Boyer a fait remarquer que Mme Edith Cresson s'était trouvée, en son temps, dans une situation comparable.
Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est interrogée sur le niveau de formation et de rémunération des femmes journalistes.
Mme Isabelle Germain a indiqué que les écoles de journalisme comprenaient près de la moitié de filles parmi leurs élèves. Elle a ajouté que les femmes journalistes étaient souvent plus diplômées que les hommes, mais qu'elles se heurtaient au « plafond de verre » au cours de leur carrière professionnelle. En effet, elle a souligné qu'elles étaient généralement moins rémunérées que leurs collègues masculins, qu'elles représentaient le plus grand nombre des pigistes avec un statut précaire et surtout qu'elles accédaient plus difficilement aux fonctions de responsabilité. Elle a également noté qu'elles travaillaient plus fréquemment à temps partiel, même si cette organisation du temps de travail était moins répandue dans le journalisme que dans d'autres professions.
Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est demandé si une femme occupant un poste de responsabilité au sein d'une rédaction se montrait solidaire de ses collaboratrices.
Mme Isabelle Germain a répondu que tel n'était généralement pas le cas. Elle a ajouté que certaines femmes journalistes, croyant satisfaire les attentes de leur hiérarchie masculine, faisaient parfois de la surenchère dans l'« antiféminisme ». Elle a par ailleurs fait remarquer que les femmes journalistes suspectées de féminisme, comme elle-même, étaient souvent mal considérées par leurs collègues, y compris les femmes. Enfin, elle a noté qu'à la difficulté plus grande pour une femme d'obtenir un poste de responsabilité s'ajoutait fréquemment une charge de travail plus lourde pour une femme exerçant des fonctions au sein d'une équipe de direction. Elle a cité une étude récente de l'association « Grandes écoles au féminin », selon laquelle les femmes consacrent autant de temps à leur travail que les hommes, cette étude infirmant ainsi le préjugé, extrêmement répandu, selon lequel la maternité serait un obstacle à la carrière des femmes. Elle a également dénoncé un autre préjugé, selon lequel nommer une femme en âge d'avoir des enfants à un poste de responsabilité constituerait une prise de risque.
Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est demandé si la nomination de femmes journalistes à certaines fonctions, en particulier à la télévision, n'était pas exagérément déterminée par leur aspect physique.
Mme Isabelle Germain a confirmé cette impression et a noté que les journalistes chargées de couvrir l'actualité à l'Assemblée Nationale, notamment, étaient généralement jeunes et jolies.
Mme Yolande Boyer , constatant que l'AFJ rassemblait essentiellement des journalistes de la presse écrite, a souhaité savoir si cette association comptait également des adhérentes issues des médias audiovisuels, et s'est demandé si la situation de certaines femmes journalistes à la télévision ne dissimulait pas la réalité d'une situation plus défavorable aux femmes dans l'ensemble de la profession.
Mme Isabelle Germain a confirmé que les quelques « stars » de la télévision n'étaient pas représentatives de la situation d'ensemble des femmes journalistes. Elle a également attiré l'attention sur la tendance à la précarisation de la situation professionnelle des journalistes, marquée par de faibles rémunérations, un important « turnover » et le recours des rédactions à un nombre croissant de collaborateurs extérieurs occasionnels.
Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est étonnée de la passivité de l'opinion publique face à l'utilisation des femmes comme « faire valoir » dans les médias.
Mme Isabelle Germain a estimé que les médias reflétaient une image de la société plus sexiste que dans la réalité.
Mme Yolande Boyer , faisant part de son étonnement devant les chiffres relevés dans l'étude quinquennale de l'AFJ, s'est interrogée sur les moyens d'améliorer cette situation. Elle s'est demandé si la situation des femmes n'était pas plus difficile encore dans le journalisme qu'en politique, les dispositions législatives relatives à la parité permettant désormais aux femmes d'accéder plus facilement à des mandats électifs.
Mme Isabelle Germain a acquiescé à ces propos et a souligné la pertinence du choix du thème d'étude de la délégation, qui peut sans doute contribuer à faire prendre conscience à l'opinion publique de la réalité de la situation des femmes dans les médias.
Mme Gisèle Gautier, présidente , a insisté sur la méconnaissance de ce sujet dans l'opinion publique.
Mme Isabelle Germain a estimé que les femmes, après avoir conquis leur indépendance physique puis financière, devaient maintenant conquérir leur indépendance morale.
Mme Gisèle Gautier, présidente , a souligné le rôle essentiel des médias pour atteindre cet objectif, dans la mesure où ils contribuent à formater l'opinion publique.
Mme Isabelle Germain a abondé dans le même sens et a évoqué également les publicités sexistes, qui ne semblent guère choquer. Elle a également regretté l'hypocrisie du discours consistant à déplorer l'absence de « vivier » de femmes susceptibles d'accéder à des fonctions de responsabilité, alors que les conditions requises pour créer ce « vivier » ne sont pas réunies, comme par exemple pour l'accès des femmes aux conseils d'administration des grandes entreprises. Elle a constaté que les femmes étaient bloquées dans leur carrière avant même d'avoir la possibilité d'accéder à ces viviers.
Mme Gisèle Gautier, présidente , a fait observer qu'un discours identique était tenu s'agissant de l'accès des femmes aux responsabilités politiques.
Mme Yolande Boyer a noté que la question de la compétence des hommes n'était en revanche jamais posée.
Mme Isabelle Germain a estimé que les causes de cette situation étaient profondes et qu'elles étaient à rechercher dans l'éducation reçue dès la petite enfance, les filles et les garçons n'étant pas élevés de la même façon.
Mme Gisèle Gautier, présidente , constatant que le mot « féminisme » était devenu péjoratif, s'est demandé quel autre terme utiliser pour faire avancer la cause des femmes.
Mme Yolande Boyer a indiqué qu'elle se revendiquait comme féministe et a estimé qu'il convenait d'expliquer que le féminisme n'était rien d'autre que la défense légitime des droits des femmes.
Mme Isabelle Germain a considéré que le féminisme ne devait pas être caricaturé et que, selon elle, il constituait un prolongement naturel de la démocratie, tout en convenant qu'une femme se présentant comme féministe prenait le risque de ne plus être écoutée.
Mme Yolande Boyer , se référant à l'évolution positive de la tonalité des débats parlementaires relatifs à la parité en politique, a fait remarquer que la cause des femmes avait tout de même connu de réels progrès au cours des dernières années.
Mme Isabelle Germain a fait observer que la présence des hommes dans un secteur d'activité était toujours liée au pouvoir, et que ce phénomène se retrouvait dans les médias : les hommes sont plus nombreux dans la presse politique ou économique, alors que les femmes sont nettement plus présentes dans la presse professionnelle, moins prestigieuse, ou dans la presse dite féminine.
Elle a d'ailleurs qualifié de « schizophrène » la politique éditoriale de la presse féminine française, qui publie des articles féministes et, en même temps, enferme les femmes dans une image et des rôles stéréotypés. Elle a noté que cette presse était généralement financée par l'industrie cosmétique et diffusée par des groupes de presse dirigés par des hommes.
Mme Hélène Luc a souhaité connaître la proportion des femmes parmi les journalistes.
Mme Isabelle Germain a précisé que les femmes représentaient un peu moins de la moitié des effectifs des journalistes et que les écoles de journalisme comptaient actuellement 48 % de filles parmi leurs élèves.
Mme Brigitte Bout s'est demandé si une femme directrice de l'information dans un grand média pouvait être considérée comme une exception.
Mme Isabelle Germain a estimé que, si la situation s'améliorait quelque peu, un tel cas pouvait être considéré, aujourd'hui encore, comme exceptionnel. Elle a également fait remarquer que les présentatrices de journaux télévisés intervenaient généralement le week-end, les journaux de la semaine étant présentés le plus souvent par des hommes.
Elle a regretté que les femmes ne se mettent pas suffisamment en avant et que l'on considère trop souvent l'égalité entre les hommes et les femmes comme un acquis.
En conclusion, Mme Gisèle Gautier, présidente , a proposé à l'intervenante de se joindre à l'audition publique organisée par la délégation, sous forme de table ronde, le 20 février, afin de renforcer l'aspect contradictoire du débat.
Table ronde sur le thème : « Les femmes ont-elles toute leur place dans les médias ? » : Mme Dominique Alduy, ancienne directrice générale de France 3, ancienne directrice générale du quotidien Le Monde , Mme Christine Clerc, chroniqueuse aux quotidiens Le Télégramme de Brest et Midi Libre et aux hebdomadaires Marianne et Valeurs actuelles, Mme Isabelle Germain, présidente de l'Association des femmes journalistes, Mme Mémona Hintermann, grand reporter au service Politique internationale de France 3, Mme Christine Ockrent, rédactrice en chef à France Télévisions et présentatrice de France Europe Express sur France 3
(20 février 2007)
Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente
Mme Gisèle Gautier, présidente , a tout d'abord fait une rapide présentation des travaux de la délégation, en soulignant que ses différents rapports comportaient des recommandations destinées à parvenir à une meilleure égalité des chances entre les femmes et les hommes. Elle a ensuite précisé que la délégation avait décidé, cette année, de choisir comme sujet d'étude le thème « Femmes et hommes dans les médias », ce thème comportant deux aspects, le premier, relatif à l'image des femmes dans les médias et à son utilisation, notamment dans la publicité, et le second, concernant la place et les responsabilités des femmes dans les professions des médias. Elle a ajouté que cette audition constituerait l'occasion d'inverser les rôles habituels en permettant aux parlementaires membres de la délégation « d'interviewer » à leur tour des journalistes et des personnalités des médias.
Puis elle a invité les différentes personnalités auditionnées à se présenter brièvement.
Mme Dominique Alduy a évoqué ses vingt années passées dans le secteur des médias, dont onze au « Monde », puis quatre à la direction générale de France 3. Elle a précisé qu'elle interviendrait dans cette table ronde au titre de son expérience de responsable d'entreprise de média.
Mme Christine Ockrent a indiqué qu'elle était actuellement rédactrice en chef à France 3 et animait le magazine d'information hebdomadaire « France Europe Express ». Elle a également rappelé qu'elle avait précédemment à deux reprises dirigé des rédactions d'hebdomadaires de la presse écrite, à « L'Express » et à « L'Européen ».
Après avoir rappelé qu'elle était née à La Réunion, Mme Mémona Hintermann a souligné qu'elle avait été la première journaliste femme recrutée à l'ORTF, sur concours, et s'est définie comme un « produit de l'école de la République ». Puis elle a indiqué qu'elle exerçait le métier désigné quelque peu pompeusement sous le terme de « grand reporter », mais se considérait plus simplement comme une « journaliste de terrain ».
Mme Isabelle Germain a déclaré qu'elle était co-présidente de l'Association des femmes journalistes (AJF), qui réalise une étude quinquennale sur la place et l'image des femmes dans le contenu des médias, et qu'elle était par ailleurs journaliste dans la presse économique, à « L'Usine Nouvelle ».
Se demandant en quoi son parcours pouvait constituer un exemple pour une femme journaliste, Mme Christine Clerc a estimé avoir bénéficié à une certaine époque d'un a priori plutôt favorable aux femmes, même si les choses avaient été plus difficiles ensuite.
Elle a rappelé qu'elle avait débuté comme journaliste à « L'Express » dans les années 70 et que, chargée de conduire des enquêtes de terrain, elle avait ainsi pu découvrir et analyser la réalité sociale de notre pays avant de se spécialiser, pour un temps, dans le domaine médical.
Elle a ensuite évoqué sa collaboration au « Point », et l'occasion qui lui avait alors été donnée d'exercer sa profession dans la sphère économique, notamment à travers des interviews de grands dirigeants d'entreprise. Puis, rappelant qu'elle avait, très tôt, été intéressée par l'univers essentiellement masculin que constitue le journalisme politique, elle a fait état de son expérience dans ce domaine au « Figaro Magazine », en soulignant qu'elle y avait bénéficié de la confiance du directeur de la publication et d'une liberté importante.
Mme Gisèle Gautier, présidente , a ensuite mentionné les principaux résultats de l'enquête de l'AFJ sur la place des femmes dans le contenu des médias, soulignant que les femmes ne représentaient qu'environ 17 % des personnes citées dans la presse. Puis, évoquant la notion de « plafond de verre », elle a demandé aux intervenantes, eu égard à leur expérience professionnelle, si être une femme constituait un handicap, ou au contraire un avantage, pour faire carrière dans les médias.
Mme Dominique Alduy a souligné le contraste entre une certaine surreprésentation - quantitative, mais non qualitative - des femmes dans les messages diffusés par les médias et la faible féminisation des postes clefs et des organes dirigeants. Elle a précisé que la toute récente nomination de Mme Agnès Touraine à la tête du conseil de surveillance de « Libération » constituait un cas unique en France, où l'ensemble des quotidiens nationaux et régionaux est dirigé par des hommes et où les femmes sont peu nombreuses dans les directions des chaînes de télévision ou des stations de radio. Elle a souligné qu'une telle situation était exceptionnelle en Europe. Elle a cependant observé que les femmes étaient plus nombreuses à la tête des régies publicitaires.
Par ailleurs, elle a indiqué que 75 % des réclamations adressées au Bureau de Vérification de la Publicité (BVP) pour atteinte à la dignité de la personne humaine concernaient des images représentant des femmes. Poursuivant cette analyse des inégalités entre les sexes dans les médias, elle a fait remarquer que, selon une étude sur le contenu des journaux télévisés réalisée il y a deux ans, on pouvait recenser, au Journal de « 20 heures », plus de 85 % de sujets à dominante masculine, concernant par exemple le sport, l'économie, la bourse ou encore des reportages sur des personnes, et 15 à 20 % seulement de sujets pouvant être considérés comme « mixtes », mais pas forcément à dominante féminine.
Mme Christine Ockrent a également évoqué l'étude publiée il y a quelques mois par l'AFJ, selon laquelle on relevait moins de 20 % d'informations dont les femmes étaient les sujets. Elle a en outre mentionné une autre statistique, publiée par un journal américain à propos d'une exposition sponsorisée par des associations féministes, selon laquelle les femmes seraient représentées - la plupart du temps dénudées - dans 97 % des oeuvres présentées par les musées, tandis que seulement 3 % des artistes seraient des femmes.
Elle a fait observer que, seules, deux femmes, en France, dirigeaient des rédactions de grands médias, à France 2 et au journal « La Croix », soulignant la singularité du retard français dans ce domaine. Approfondissant son analyse, elle a précisé que les postes à responsabilité, qu'il s'agisse de responsabilité économique ou de responsabilité éditoriale, demeuraient majoritairement « détenus par des hommes et transmis à des hommes par des hommes » et que le phénomène du « plafond de verre » jouait donc à fond dans ce secteur.
Elle a néanmoins relevé que la profession de journaliste s'était désormais beaucoup féminisée, tout particulièrement parmi les « troupes de choc » qui n'hésitent pas à aller sur le terrain, notamment dans des zones qui connaissent des situations de guerre.
Mme Christine Ockrent a souligné que la plupart des directeurs de rédaction étaient issus du journalisme politique, ce qui constitue également une singularité française. Citant le cas de « The Economist », elle a fait observer que la presse anglo-saxonne était plus volontiers paritaire et que les directeurs de rédaction y étaient plus souvent issus du journalisme économique ou international, soulignant que cette spécificité française n'était pas sans conséquence eu égard au phénomène du « plafond de verre ».
Mme Mémona Hintermann a noté la préférence dont bénéficient parfois les jeunes et jolies femmes pour accéder aux fonctions de présentatrices de Journaux télévisés, alors que les études d'audience démontrent pourtant que leur public est majoritairement composé de personnes plutôt âgées. A ce sujet, elle a regretté que les présentateurs de Journaux télévisés n'aient plus toujours la même « carrure professionnelle » qu'autrefois. Elle a ensuite évoqué les conditions d'exercice de sa profession, en déplorant l'insuffisance de rémunération des femmes reporters.
Mme Isabelle Germain a indiqué que si les femmes, rarement citées dans les pages économiques ou sportives, étaient en revanche volontiers citées dans les pages culturelles, elles y figuraient, la plupart du temps, non pas en tant qu'auteurs, mais en tant que « muses ». Elle a également montré comment la hiérarchie des informations était construite et décidée par des directions à dominante masculine.
Mme Christine Clerc a également noté une hiérarchisation définie par les hommes entre des sujets dits masculins, comme la guerre, le sport ou l'économie, et des sujets considérés comme secondaires et féminins, comme le social et l'enfance. Signalant, par exemple, qu'aucune femme ne fait partie du comité éditorial du « Figaro », elle s'est ensuite dite frappée par la répartition habituelle des tâches, qui aboutit, en règle générale, à confier aux femmes les reportages, les « échos » ou les portraits, et aux hommes les analyses générales. Elle a illustré son propos en évoquant plusieurs émissions télévisées et radiodiffusées où l'on peut voir ou entendre jusqu'à six ou sept hommes réunis dans un studio pour commenter, entre eux, la campagne présidentielle de la candidate socialiste, sans qu'une seule femme soit invitée à exprimer son point de vue.
Prenant ensuite l'exemple du « Figaro Magazine », qui s'adresse plus volontiers à un lectorat féminin, elle a noté que l'ensemble des neuf chroniques régulières de ce journal étaient tenues par des hommes. Par comparaison, elle a observé que parmi les onze chroniques du « Financial Times », six étaient tenues par des femmes.
Mme Isabelle Germain a fait observer que le fait que les médias soient dirigés par les hommes avait une incidence directe sur la hiérarchie et le contenu de l'information. S'interrogeant sur les propos tenus à propos de la forte natalité constatée en France, elle a souligné qu'en réalité, seulement 45 % des enfants de moins de trois ans bénéficiaient d'un mode de garde pris en charge par la collectivité, et que les femmes ayant des enfants restaient souvent au foyer, alors qu'on tient pour acquis, notamment dans le discours diffusé par les médias, que la natalité est favorisée par le système social français, et notamment le développement des structures de garde d'enfants.
Mme Christine Ockrent a fait observer néanmoins qu'en France l'appareil social favorisait la démographie de façon plus accentuée, par exemple, qu'en Allemagne, qui n'a pas mis en place des dispositifs analogues et où les femmes sont encore moins nombreuses aux postes de responsabilité.
Elle a cependant estimé que, dans ce pays, l'accession de Mme Angela Merkel au poste de chancelier fédéral avait eu un « effet d'entraînement » dans les mentalités, notamment sur les médias, et qu'on avait alors assisté à la floraison de sujets « typiquement féminins » dans la presse allemande, même si la place des femmes demeurait limitée dans les rédactions. A ce sujet, elle a rappelé que le seul exemple significatif de femme allemande à la tête d'un organe de presse - en dehors d'épouses ou de filles de propriétaires de journaux - demeurait celui de la comtesse Marion Dönhoff, cofondatrice du journal « Die Zeit ». Elle a enfin noté, à titre d'anecdote, que, sur le bureau de Mme Angela Merkel, figurait un portrait de Catherine de Russie.
Mme Mémona Hintermann a fait observer cependant que le partenariat et la mixité étaient plus développés dans la société allemande que dans la société française, qui peut apparaître parfois comme « arriérée » dans sa conception de la place réservée aux femmes. Elle a, en conséquence, lancé un appel aux femmes en situation de pouvoir pour qu'elles contribuent à renforcer la place de l'ensemble des femmes, en précisant que cette démarche devait concerner simultanément l'univers des médias, le politique, l'économique, le social et le culturel.
Mme Dominique Alduy a indiqué que plusieurs études avaient montré que la situation professionnelle des femmes, comparativement à celle des hommes - en particulier en ce qui concerne les rémunérations et les promotions - était plus inégalitaire dans les médias que dans d'autres activités de services, telles que la banque. Elle a mis en évidence le paradoxe affectant le secteur des médias, qui utilisent abondamment l'image de la femme, mais réservent à celle-ci une situation professionnelle relativement défavorable. Elle a noté que de nombreux quotidiens et magazines ne comptaient aucune femme au sein de leur comité de rédaction, et, relatant une expérience personnelle au sein d'une équipe essentiellement masculine, a fait observer que certains de ses collègues ignoraient à son arrivée que le 8 mars était la Journée internationale de la femme. Elle a estimé qu'il convenait de faire appliquer la législation en vigueur sur l'égalité professionnelle et salariale, au besoin en engageant une action en justice devant les prud'hommes, tout en soulignant qu'il était difficile d'y parvenir lorsque les femmes étaient peu nombreuses aux postes de responsabilité. Enfin, elle a indiqué qu'au sein des entreprises où elle avait exercé des responsabilités, elle avait toujours traité les hommes et les femmes de façon égalitaire, et elle a mis l'accent sur la nécessité d'une présence des femmes à tous les niveaux de la hiérarchie.
Mme Christiane Hummel a évoqué la « tristesse » que lui inspiraient les propos tenus au cours de la table ronde, qui lui ont rappelé le combat des femmes en politique. En effet, elle a fait remarquer qu'en dépit de l'adoption d'une législation sur la parité en politique, qui a permis la féminisation des assemblées locales, des conseils municipaux en particulier, et permettra désormais celle des fonctions d'adjoint, l'exercice des responsabilités demeurait dans les faits réservé aux hommes. Elle a ainsi indiqué que le département du Var ne comptait que huit femmes maires. Elle a ajouté que les commissions d'investiture des formations politiques ne comprenaient que peu de femmes. Elle a regretté qu'en politique, de même que dans les médias, les femmes soient parfois mises en avant en raison de leurs atouts physiques et restent trop souvent cantonnées à des secteurs de compétences prétendument féminins, tels que les affaires culturelles ou sociales. Elle a estimé que, si la loi sur la parité du 6 juin 2000 avait initialement été critiquée, y compris parfois par des femmes, elle avait permis d'indéniables progrès en termes de représentation des femmes en politique. Elle s'est dès lors interrogée sur les solutions qui pourraient être envisagées pour améliorer la place des femmes dans les médias.
Mme Gisèle Printz , après avoir salué les journalistes présentes, a estimé que la question de la place des femmes dans les médias pouvait être résumée, comme dans d'autres domaines, dont la politique, par la question de l'exercice du pouvoir : les hommes détiennent le pouvoir et ne veulent pas le perdre. Elle s'est toutefois demandé si les femmes recherchaient l'exercice du pouvoir de la même façon que les hommes.
Par ailleurs, elle a fait observer que les femmes étaient fréquemment infantilisées, voire ridiculisées dans la publicité, mais s'est étonnée qu'elles n'en fussent pas plus choquées, en s'interrogeant sur la manière dont elles pourraient réagir de façon plus virulente face à de telles publicités. Enfin, elle a souhaité connaître les qualités requises pour devenir journaliste.
Mme Yolande Boyer a relevé le parallélisme existant entre la politique et la presse, et entre les femmes politiques et les femmes journalistes. Se demandant si les intervenantes ne représentaient pas « les arbres qui cachent la forêt », elle a estimé qu'il convenait de trouver des solutions pour améliorer la situation des femmes dans les professions des médias, soulignant que la loi sur la parité avait permis aux femmes d'accéder à des mandats politiques.
Mme Josette Durrieu a rappelé qu'elle avait été élue au Sénat pour la première fois en 1992, alors que les femmes y étaient très peu nombreuses, en particulier celles qui étaient élues au scrutin majoritaire. Elle a estimé que l'obstination, la persévérance et la « carrure » constituaient les qualités requises pour faire de la politique, en particulier pour les femmes. Elle a considéré que la loi avait été nécessaire pour permettre aux femmes d'accéder à des mandats politiques, mais qu'elle était parfois insuffisante, car l'évolution des mentalités est généralement très lente et il est indispensable que des femmes aient la volonté de s'engager dans le combat politique. Enfin, elle a noté le rôle des médias dans l'émergence de la candidature de Mme Ségolène Royal, dont elle a souligné l'importance, en termes d'image, pour l'ensemble des femmes.
Mme Christine Ockrent a fait remarquer qu'il existait des pays démocratiques où les femmes avaient conquis le pouvoir et l'exerçaient. Elle a néanmoins indiqué que, partout, les femmes engagées en politique devaient franchir trois étapes successives : le « procès en ridicule », y compris sur des considérations tenant à l'aspect physique, le « procès en légitimité », puis, une fois le pouvoir conquis, le doute et l'interrogation sur l'éventuelle manipulation par un homme. Elle a d'ailleurs rappelé que Mme Margaret Thatcher elle-même, devenue Premier ministre en Grande-Bretagne dès 1979, avait dû franchir ces trois étapes. Elle a toutefois estimé qu'il convenait de ne pas grossir exagérément les symptômes de discrimination sexiste. Revenant à la candidature de Mme Ségolène Royal, elle a noté que celle-ci avait désormais franchi ces trois étapes successives et que l'on commençait maintenant à examiner son programme et ses propositions. Par ailleurs, elle a considéré comme plutôt positif que des commentaires concernant l'apparence physique soient désormais également faits à l'égard des hommes politiques, et non plus seulement des femmes.
Mme Dominique Alduy a estimé que les femmes devaient être persévérantes et énergiques pour devenir journalistes. Elle a considéré que les femmes exerçant des fonctions de responsabilité se devaient de faire respecter les lois contre les discriminations, rappelant par exemple que les images dégradantes de la femme dans la publicité pouvaient faire l'objet d'une action en justice. Elle a estimé que l'arsenal juridique permettant de protéger les femmes des discriminations était aujourd'hui satisfaisant, mais qu'il convenait de le faire appliquer concrètement. Elle a cité les objectifs fixés par les institutions communautaires en termes de non-discrimination envers les femmes, qui sont ambitieux, mais encore loin d'être atteints.
Mme Mémona Hintermann s'est déclarée très réservée sur l'opportunité de l'adoption d'une loi supplémentaire et s'est prononcée, à titre personnel, contre le concept de discrimination positive, faisant observer que, même aux Etats-Unis, il était contesté, certains Etats l'ayant abandonné par référendum ou projetant d'y renoncer.
Mme Christine Clerc a insisté sur l'importance des réseaux, qui permettent à de nombreux hommes d'exercer le pouvoir, alors que les femmes n'ont généralement pas constitué de tels réseaux de solidarité et se trouvent de ce fait dans une situation de concurrence sur laquelle peuvent jouer les hommes.
Mme Isabelle Germain a noté que la législation sur l'égalité professionnelle et salariale était souvent difficile à appliquer. Elle a fait observer que, selon le rapport de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), les plaintes relatives aux discriminations fondées sur le sexe étaient les moins nombreuses, ce qui montre, selon M. Louis Schweitzer, président de la HALDE, que les femmes ont intériorisé les inégalités salariales en leur défaveur. Elle a ajouté que l'AFJ essayait de lutter contre cette situation, en cherchant à « décomplexer » les femmes. Elle a regretté que les médias continuent de présenter la femme soit comme soumise, soit comme victime, soit, dans le meilleur des cas, comme une personne anonyme, et contribuent ainsi à véhiculer une image peu valorisante de la femme. Elle a considéré que les femmes, après avoir conquis leur indépendance physique et financière, devaient maintenant conquérir leur indépendance morale. Elle a estimé que les médias avaient un rôle central à jouer dans cette nouvelle étape. Elle a déploré que les médias reflètent de la société une image bien plus « sexiste » que la réalité, prenant l'exemple des femmes « cadres et professions intellectuelles supérieures », qui ne sont quasiment jamais représentées dans la presse. Elle a illustré son propos en montrant la couverture d'un célèbre hebdomadaire ayant consacré sa « une » aux intellectuels sans qu'aucune femme n'y apparaisse. Elle a également évoqué, à titre d'exemple, les reportages réalisés sur les retraités, qui donnent toujours la parole aux hommes, alors que les femmes retraitées sont bien plus nombreuses.
Mme Christiane Kammermann , après avoir rappelé qu'elle s'était engagée en politique après avoir eu cinq enfants, s'est demandé si la faible présence des femmes aux postes de responsabilité ne s'expliquait pas par le fait que nombre d'entre elles préféraient encore rester au foyer pour élever leurs enfants en bas âge, plutôt qu'exercer le pouvoir. Elle a déclaré, à titre personnel, approuver le choix des femmes qui souhaitent être présentes auprès de leurs enfants, au moins pendant leurs trois premières années de leur vie.
Mme Sylvie Desmarescaux a rappelé qu'elle figurait en dernière position sur une liste pour les élections sénatoriales en 1992, puis qu'elle avait été élue grâce à la loi sur la parité en 2001. Faisant observer que le fait pour des femmes journalistes de vivre avec un homme politique avait été présenté comme un problème d'ordre déontologique pendant la campagne électorale, elle s'est demandé si cette question aurait été posée dans une situation inverse.
Après avoir félicité Mme Mémona Hintermann, née Afféjée, pour son livre intitulé « Tête haute », dans lequel elle montre son attachement à La Réunion, où il existe une harmonie réelle, quoique fragile, entre les différentes communautés religieuses, Mme Anne-Marie Payet a souligné qu'il était doublement difficile de faire carrière dans le journalisme pour une femme originaire d'outre-mer, rappelant qu'à ses débuts, il avait été conseillé à Mme Mémona Afféjée de changer de nom.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle s'est demandé si, pour faire progresser les droits des femmes, il ne fallait pas d'abord faire évoluer les mentalités, et donc engager un long travail sur l'éducation donnée aux enfants et l'accès à la culture. Elle a par exemple noté que les femmes qui travaillaient étaient encore trop souvent culpabilisées.
M. Jean-Guy Branger , après s'être félicité de l'organisation de cette audition publique, a rappelé que l'année 2007 avait été reconnue par le Conseil de l'Europe comme « Année de la lutte contre les violences envers les femmes » et qu'il avait été désigné comme « Parlementaire référent » à ce titre par le Président du Sénat. S'agissant de Mme Ségolène Royal, il a considéré qu'elle avait effectué un parcours politique réussi, mais s'est interrogé sur l'influence des médias dans l'émergence de sa candidature. Enfin, il a estimé que l'amélioration de la condition des femmes nécessitait de mobiliser suffisamment les hommes à cette cause, jugeant que les femmes seules n'y parviendraient jamais complètement. A ce propos, il a cité le cas de l'Islande, où il existe des groupes de travail dans lesquels des hommes réfléchissent à la manière de renforcer les droits des femmes.
Après avoir salué la présence de ses collègues masculins Jean-Guy Branger et Jean-François Picheral, Mme Gisèle Gautier, présidente , a récapitulé les questions posées aux intervenantes. Rappelant que l'on considère souvent que les femmes ont une pratique politique différente de celle des hommes, elle s'est demandé si, de même, les femmes avaient une approche du journalisme différente de celle des hommes.
Mme Dominique Alduy , revenant sur le traitement journalistique de la campagne présidentielle, s'est interrogée sur le soutien apporté par les médias aux différents candidats. Puis, soulignant que les médias font partie de l'éducation et constituent même, dans les faits, une « seconde école », elle a analysé l'impact de la relative surreprésentation quantitative des femmes, conjuguée à leur sous-représentation qualitative, dans les médias. Elle a estimé que les médias pourraient utilement contribuer à la promotion de la femme, tout en considérant que la question de l'accès des femmes aux responsabilités concernait la société dans son ensemble et ne pouvait être limitée à certains secteurs d'activité, évoquant par ailleurs la place des femmes en politique ou dans la science.
S'agissant des couples de femmes journalistes et d'hommes politiques et, en particulier des compagnes de ministres écartées de leurs fonctions dans les médias pendant la campagne présidentielle, Mme Christine Clerc a indiqué qu'après avoir initialement été choquée par l'injustice d'une telle mesure, elle reconnaissait à présent que le changement de regard du téléspectateur connaissant le lien entre une personnalité du monde politique et une journaliste faisait peser sur celle-ci une suspicion permanente qui pouvait poser problème, en l'empêchant de porter la moindre appréciation sur les faits commentés.
Elle a ensuite évoqué la culpabilité constante des femmes qui soit se sentent coupables de ne pas travailler si elles restent auprès de leurs enfants, soit se sentent coupables de ne pas pouvoir s'en occuper suffisamment si elles travaillent. Elle a cependant souligné la nécessité pour les femmes, dans la société actuelle, de poursuivre leur carrière professionnelle pour conquérir une indépendance financière suffisante. Au total, elle a considéré qu'il n'existait pas de solution idéale face à ce problème, sauf à améliorer les conditions de conciliation de la vie professionnelle avec la vie familiale.
Puis elle a évoqué, s'agissant de l'accès à la profession de journaliste, les différentes écoles existantes, avant d'indiquer que l'exercice de cette profession nécessitait à ses yeux comme qualités essentielles la curiosité d'esprit et la ténacité.
Mme Josette Durrieu a estimé que la généralisation de la mixité à l'école, au cours des dernières décennies, avait eu le mérite de décomplexer les jeunes filles, sans pour autant parvenir à transformer complètement la réalité sociale. Puis elle a souligné la nécessité pour les femmes d'être présentes dans les lieux de décision et l'utilité des progrès de la parité en politique pour contribuer à réduire les inégalités entre les sexes.
S'agissant du cas des femmes journalistes compagnes d'un homme politique, elle a estimé que l'honnêteté et la responsabilité professionnelle devaient être les seuls critères à prendre en compte pour juger de la capacité d'un journaliste à exercer son métier.
Mme Isabelle Germain a estimé que l'accroissement de la proportion de femmes dans les rédactions ne constituait pas nécessairement une solution-miracle, car les clichés et les stéréotypes imprègnent aussi, parfois, le contenu des articles signés par des femmes. Elle a souligné, en revanche, l'importance d'une contribution des hommes au combat pour la réduction des inégalités et a considéré, par ailleurs, qu'il convenait d'inciter les femmes occupant des fonctions de responsabilité à se mettre plus souvent en avant.
Mme Gisèle Gautier, présidente , a conclu en remerciant chaleureusement les intervenantes et en évoquant, à son tour, la nécessité de poursuivre l'effort en faveur de l'égalité des chances entre femmes et hommes au moyen, notamment, du développement de réseaux de solidarité.
Audition de Mme Michèle Cotta, journaliste
(27 juin 2007)
Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente
Mme Gisèle Gautier, présidente , a accueilli l'intervenante en rappelant les principales étapes de sa carrière et en soulignant son « cursus exceptionnel » dans le secteur des médias. Puis elle a rappelé que la délégation avait choisi de s'intéresser, cette année, à la place et aux responsabilités occupées par les femmes dans les médias, et a demandé à Mme Michèle Cotta quelles seraient ses propositions pour améliorer la situation dans ce domaine.
Mme Michèle Cotta a tout d'abord précisé que 42 % des titulaires de la carte de journaliste étaient des femmes et que celles-ci représentaient environ 60 % des effectifs des écoles de journalisme. Elle a cependant indiqué qu'on pouvait observer, dans cette profession comme dans d'autres, une certaine égalité entre femmes et hommes à la base de la « pyramide », les inégalités s'accroissant à mesure que l'on montait dans la hiérarchie, et elle a évoqué le phénomène du « plafond de verre ».
Dressant un vaste panorama de la place des femmes dans le secteur des médias, elle a constaté que celles-ci occupaient très peu de postes de responsabilité au sommet de la hiérarchie, que ce soit à la télévision, à la radio ou dans la presse écrite, à quelques rares exceptions près, et que leur place était également limitée aux échelons intermédiaires.
Estimant que les inégalités entre les sexes étaient, de ce point de vue, sans doute plus accentuées dans les médias que dans l'ensemble de l'économie, Mme Michèle Cotta a toutefois signalé un accroissement récent de la proportion de femmes dans le journalisme politique, ainsi que dans le journalisme sportif, ce dernier secteur bénéficiant, depuis quelques années, d'un nouvel engouement et étant désormais considéré comme un « secteur d'avenir ». Elle a également noté la part importante des femmes parmi les journalistes qui suivent les questions internationales, en précisant qu'au sein des rédactions, les journalistes les plus disponibles pour partir du jour au lendemain à l'étranger étaient, le plus souvent, des femmes célibataires. D'une manière générale, elle a fait observer que les femmes journalistes se mariaient souvent assez tard, puis étaient contraintes de mettre un frein à leur activité professionnelle pour s'occuper de leurs enfants, ce qui compromettait leur accession ultérieure à des postes de responsabilité.
Par ailleurs, elle a constaté qu'à la télévision, de nombreuses femmes apparaissaient à l'antenne, sans pour autant exercer des fonctions d'encadrement.
Examinant les conséquences de la situation des femmes dans les professions des médias sur la place qui leur est faite dans l'information diffusée par ceux-ci, elle a notamment cité des études menées dans le cadre de l'Unesco, qui font apparaître des différences dans le traitement de l'information selon qu'elle concerne des hommes ou des femmes, les hommes étant beaucoup plus fréquemment cités et une préférence étant donnée aux sujets dits « masculins ». Cependant, s'agissant de l'image de la femme dans les médias, elle a noté des progrès sensibles, qui se traduisent par une certaine diminution des représentations choquantes.
Evoquant ensuite les mesures envisageables pour améliorer la place des femmes dans le secteur des médias, Mme Michèle Cotta a souligné, à la lumière de sa propre expérience, l'effet d'entraînement que suscite la nomination d'une femme à un poste de responsabilité.
Réservée à l'égard de l'institution de quotas qu'elle a jugés difficiles à imposer, elle a néanmoins suggéré d'instaurer des mécanismes de médiation permettant aux femmes de contester, au cas par cas, les processus de nomination discriminatoires à leur égard. Cependant, elle a noté une réticence à exercer des fonctions d'encadrement de la part de certaines femmes.
Mme Gisèle Gautier, présidente , a constaté que les propos de l'intervenante allaient dans le même sens que ceux entendus lors des auditions précédentes. Elle s'est ensuite interrogée sur l'opportunité de mettre en place, dans les écoles de journalisme, des modules de formation destinés à permettre l'amélioration de la place des femmes dans les médias et à diffuser des informations susceptibles de les inciter à s'orienter sans exclusive dans tous les domaines du journalisme.
Mme Michèle Cotta a souligné, à cet égard, l'importance des « phénomènes de mode », en précisant que le journalisme politique, autrefois considéré comme une spécialité « noble », semblait aujourd'hui moins prisé par les hommes et faisait donc une place plus large aux femmes. Elle a regretté que les étudiants des écoles de journalisme, très motivés par les sujets culturels, ne s'intéressent pas davantage au secteur social et à l'éducation. Au-delà des problèmes d'orientation, elle a suggéré la mise en place, dans les écoles de journalisme, d'un court module de formation destiné à sensibiliser les étudiants à la question de la place des femmes dans les médias.
Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est interrogée sur les mesures incitatives à mettre en place pour faire progresser effectivement la parité dans les professions des médias, en particulier dans les entreprises publiques de la communication audiovisuelle.
Mme Gisèle Printz a nuancé l'ampleur des avancées de la parité en politique, en rappelant que, seules, onze femmes faisaient partie du Gouvernement et qu'au Parlement, la proportion de femmes demeurait limitée. Elle a souhaité que le monde politique donne davantage l'exemple pour favoriser la nomination de femmes à des postes de responsabilité.
Mme Paulette Brisepierre a estimé néanmoins que le fait d'imposer la nomination de femmes pouvait, parfois, conduire à les déprécier.
Mme Gisèle Gautier, présidente , a fait observer que l'adoption de la loi relative à la parité avait cependant permis d'améliorer la place des femmes en politique.
Tout en reconnaissant la difficulté d'imposer la présence de femmes au sein des postes de direction, Mme Michèle Cotta a considéré comme nécessaire de sensibiliser les présidents d'entreprises de médias à la parité entre femmes et hommes.
Mme Hélène Luc a rappelé que Mme Michèle Cotta avait été l'une des premières femmes à exercer le métier de journaliste. Elle s'est ensuite interrogée sur l'évolution de ce métier. Par ailleurs, elle a rendu hommage aux femmes « grand reporter », qui interviennent dans les zones les plus dangereuses de la planète.
Après avoir évoqué la question de la formation des journalistes, Mme Hélène Luc a souligné le problème des inégalités salariales entre femmes et hommes dans cette profession, regrettant qu'en dépit du talent dont font preuve les femmes, peu d'entre elles accèdent à des postes de responsabilité. Enfin, elle s'est interrogée sur l'homogénéisation croissante de l'information, les journaux reprenant tous les mêmes dépêches d'agence.
En réponse, Mme Michèle Cotta a rappelé tout d'abord le bon niveau des écoles de journalisme. S'agissant de l'évolution du métier de journaliste, elle a noté que l'introduction des nouvelles technologies, et notamment de l'Internet, avait largement transformé ses conditions d'exercice et introduit un risque de nivellement de l'information, sans considérer pour autant que le métier s'était dévalué. Par ailleurs, elle a mentionné la diminution de la présence physique des journalistes au Parlement, estimant qu'elle n'allait pas sans conséquences sur la manière d'exercer la profession de journaliste politique.
Mme Gisèle Printz s'est demandé dans quelle mesure les journalistes étaient tributaires de l'« audimat » et quelles en étaient les conséquences sur le traitement des sujets de fond.
A cet égard, Mme Michèle Cotta a estimé, qu'en tout état de cause, il demeurait important qu'un journal télévisé rencontre un certain succès. Elle a relativisé la notion de « dictature de l'audimat », en soulignant les contraintes inhérentes à la formule du journal télévisé.
Interrogée par Mme Gisèle Printz sur la présence des femmes dans le secteur de la presse dite « people », Mme Michèle Cotta a précisé qu'elles y occupaient une place plus importante que dans la presse généraliste.
Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est demandé si les présentatrices des journaux télévisés, dont le contenu est élaboré par des rédactions essentiellement masculines, ne jouaient pas un rôle de « femme-alibi ».
Mme Michèle Cotta a réfuté cette interprétation, en estimant que le présentateur avait une influence notable sur le choix des thèmes présentés au journal télévisé, même s'il n'avait pas forcément le temps de visionner tous les reportages. Elle a souligné que la réalisation du journal télévisé constituait un travail d'équipe associant étroitement le présentateur et le rédacteur en chef.
Mme Gisèle Gautier, présidente , a ensuite évoqué une tendance à la « victimisation » de l'image de la femme dans les médias, les sujets choisis présentant souvent les femmes comme victimes, au lieu de les valoriser.
Mme Michèle Cotta a rejoint cette observation, en prenant l'exemple des violences faites aux femmes, tout en reconnaissant que le traitement de ces violences par les médias avait contribué à les réduire. Elle a relativisé le phénomène de « victimisation », en soulignant que les médias assuraient une bonne couverture des grandes vedettes sportives féminines, des femmes chefs d'entreprise ou encore des femmes ministres. S'agissant de la nomination de femmes à des postes ministériels, elle a noté qu'elle était désormais considérée de manière positive, et non plus comme le « fait du prince ». Elle a souligné les progrès de la parité en politique, où la situation des femmes est désormais plus favorable que dans le monde des affaires ou des médias.
Mme Christiane Kammermann a noté avec satisfaction la banalisation de la nomination de femmes comme ministre et les progrès de la parité dans de nombreuses professions, évoquant, par exemple, les femmes militaires ou médecins.
Mme Michèle Cotta a cependant estimé que ces progrès ne devaient pas conduire à un relâchement de la vigilance à l'égard de la question de l'égalité professionnelle, en soulignant les reculs parfois constatés dans certains secteurs.
Interrogée par Mme Gisèle Printz sur le problème des inégalités salariales, Mme Michèle Cotta a précisé que l'égalité salariale était en principe respectée dans la profession de journaliste, tout en faisant observer que les indemnités liées aux responsabilités, plus souvent attribuées aux hommes, avaient pour conséquence de créer des inégalités qui vont en s'aggravant au fil de la carrière.
Mme Gisèle Gautier, présidente , a souligné la corrélation existant entre l'insuffisance de la présence des femmes dans les instances de décision des médias et le déséquilibre du traitement des sujets dans l'information.
Mme Michèle Cotta a estimé que ce déséquilibre du contenu de l'information en défaveur des femmes n'était que le reflet de leur présence plus faible aux responsabilités dans l'ensemble de la société. Par ailleurs, elle a souhaité que les femmes soient davantage incitées à occuper des postes de responsabilité sur le plan financier.
Enfin, Mme Gisèle Gautier, présidente , a évoqué l'idée de proposer la création d'un prix officiel tendant à récompenser une entreprise de médias dont le comportement serait exemplaire en matière de parité entre les femmes et les hommes.
Mme Michèle Cotta a approuvé cette proposition, tout en faisant observer qu'il conviendrait d'exclure de l'éligibilité à ce prix les entreprises de la presse féminine, où les femmes sont traditionnellement très présentes.