B. CRÉER UN RÉGULATEUR EUROPÉEN : UNE SOLUTION EXCESSIVE
1. Le projet de création d'un régulateur européen
Depuis 2006, Mme Reding évoque dans ses discours la création d'un régulateur européen des télécommunications, avec des pouvoirs calqués sur ceux de la banque centrale européenne 160 ( * ) . Elle a demandé au Groupe des régulateurs européens (GRE), par une lettre du 23 novembre 2006, de réfléchir d'une part aux moyens de mettre en oeuvre une harmonisation renforcée (notamment via une extension de sa compétence sur les remèdes nationaux), et d'autre part au renforcement des compétences du GRE. Elle interroge en particulier sur :
- le contrôle les décisions des ARN en matière d'analyse des marchés dans leur intégralité ;
- l'exercice des compétences en matière de spectre et de numérotation, ces compétences bien que mal définies à ce stade pouvant aller de la planification du spectre à l'attribution de licences ;
- l'exercice des compétences en matière de contenu, dont le périmètre n'est à ce stade absolument pas déterminé. Depuis lors, ce dernier aspect n'a plus été abordé...
Mme Reding envisage que la création de cette agence européenne puisse être effective en 2010.
Le GRE a répondu à la Commission le 23 février 2007, accueillant favorablement la reconnaissance de son rôle par la Commission, mais émettant des réserves d'ordre juridique et politique au projet de régulateur européen.
2. Une entorse aux principes de subsidiarité et de proportionnalité
L'institution d'une agence européenne dans le secteur des communications électroniques paraît contraire au principe de subsidiarité , dans le domaine particulièrement sensible que constitue l'ouverture à la concurrence d'activités de service public. On rappellera que le principe de subsidiarité vise à assurer une prise de décision la plus proche possible du citoyen en vérifiant que l'action à entreprendre au niveau communautaire est justifiée par rapport aux possibilités qu'offre l'échelon national, régional ou local. Concrètement, c'est un principe selon lequel l'Union n'agit - sauf pour les domaines de sa compétence exclusive - que lorsque son action est plus efficace qu'une action entreprise au niveau national, régional ou local.
La création d'une autorité nationale de régulation sectorielle a notamment permis à notre pays d'assurer l'ouverture à la concurrence sans rejeter frontalement son modèle historique . Le caractère national de son intervention se justifie encore aujourd'hui par l'atout que représente sa proximité avec le marché, sa connaissance des acteurs et des enjeux nationaux, proximité qui ferait défaut à un régulateur de niveau communautaire. La proximité avec le marché qu'entretient une autorité nationale de régulation est particulièrement importante pour assurer le succès opérationnel de processus techniques tels que le dégroupage.
L'approche nationale paraît donc appropriée pour poursuivre l'objectif légitime de construction du marché intérieur. « Toute autre approche repose finalement sur une vision intégriste de l'intégration européenne », peut-on lire sous la plume du Professeur Jean-François Brisson 161 ( * ) .
Votre commission partage largement ce point de vue .
Le principe de proportionnalité , lié au principe de subsidiarité, suppose que l'action de l'Union ne doit pas excéder ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs du traité.
A cet égard, il n'est pas prouvé qu'aucun autre moyen que la création d'un régulateur européen ne puisse être trouvé pour aboutir à la meilleure cohérence des politiques de régulation appelée de ses voeux par Mme Reding.
Il serait enfin paradoxal d'envisager la création d'un régulateur européen à l'heure de l'effacement progressif de la régulation sectorielle ex ante.
* 160 Conférence de l'ECTA, réception de Telecom Italia.
* 161 In « La réception en droit national des autorités de régulation », article de M. Jean-François Brisson, professeur à l'Université Montesquieu Bordeaux IV, paru dans le Juris-Classeur Pérodique-Cahiers de droit de l'entreprise , n°2, année 2004.