b) Valoriser comptablement les droits d'accès au spectre qui ont été accordés à titre gratuit
Il ne s'agit pas pour votre commission de déstabiliser l'édifice progressivement construit dans notre pays en matière d'utilisation du spectre, qui a concouru, sans dysfonctionnement majeur, à la poursuite d'objectifs culturels ambitieux et à l'efficacité des services publics français. Il ne s'agit pas, notamment, de mettre en concurrence directe les opérateurs de télécommunications et les acteurs audiovisuels, la surface financière des premiers risquant de l'emporter, ignorant l'absolue légitimité des exigences de pluralisme et de diversité culturelle que s'est fixée la France.
Pour autant, il est possible d'imaginer la mise en place d'un principe d'équivalence, pour valoriser l'occupation du spectre par les éditeurs de services de télévision , dans la ligne des suggestions faites par MM. Jouyet et Lévy dans leur rapport déjà cité.
Ce principe reposerait sur la démonstration d'une équivalence entre les contreparties (financières, quantitatives ou qualitatives) exigées des chaînes de télévision en matière culturelle et la valeur que représente à l'actif de ces chaînes l'occupation à titre gratuit et pour des durées longues du spectre hertzien. Cette analyse de l'équivalence devrait s'employer à trier, dans les obligations imposées, celles qui constituent véritablement des charges et celles qui s'apparentent plutôt à une forme d'investissement contraint.
Concernant les utilisateurs publics du spectre , il conviendrait de mettre en place, dès la loi de finances pour 2008, un système financièrement neutre de « loyers budgétaires » dont la vertu serait de révéler la valeur de l'usage des fréquences. L'idée, sur laquelle travaille déjà la Direction du budget, qu'a rencontrée votre rapporteur, serait de faire payer aux ministères utilisateurs une redevance d'utilisation 128 ( * ) , imputée sur le budget des organismes concernés, et de majorer d'autant leur dotation budgétaire : aucune nouvelle charge publique ne serait créée mais serait éveillée la conscience de la valeur du spectre. Les organismes concernés pourraient ainsi être conduits à imaginer de nouveaux arbitrages, l'acquisition de matériel coûteux utilisant des technologies innovantes devenant envisageable, du fait de l'économie associée en matière de redevance grâce à l'économie de spectre permise par ce matériel.
En approfondissant cette logique, un intéressement pourrait également se concevoir afin d'inciter les utilisateurs publics à restituer du spectre. Le dispositif consisterait à intéresser l'organisme libérant des fréquences au produit financier de leur réassignation. Seraient ainsi favorisées les réaffectations de bandes de fréquences entre les différentes catégories d'utilisateurs et encouragée une plus grande fluidité dans la gestion du spectre.
Mise en oeuvre des redevances budgétaires pour les fréquences hertziennes 1. Le principe des redevances budgétaires Les redevances budgétaires permettent de mieux séparer le rôle de l'État propriétaire de celui de l'État utilisateur. Elles visent à mettre fin à l'illusion de gratuité d'utilisation du domaine public que constituent les fréquences hertziennes, et à responsabiliser les ministères, affectataires directs auprès de l'ANFr, en matière de gestion du spectre. Enfin, elles permettent de rétablir un équilibre économique entre l'utilisation de fréquences ou d'autres technologies rendant le même service pour les ministères. En pratique, les crédits de fonctionnement (titre 3) des ministères seraient abondés en LFI à hauteur de la valeur des redevances qu'ils devront ensuite verser au budget général, ce qui serait sans influence sur le déficit budgétaire. 2. Le principe de l'intéressement à une bonne gestion du spectre Le système de gratuité actuellement en vigueur n'incite pas les ministères affectataires de fréquences à utiliser le spectre de manière optimale. Au contraire, chaque affectataire a intérêt à préempter des fréquences pour d'éventuels usages futurs, afin d'en disposer plus facilement quand il en aura éventuellement besoin. La seule mise en place des redevances budgétaires ne constituera toutefois pas un outil suffisant pour améliorer significativement la gestion du spectre. Un mécanisme supplémentaire d'intéressement des gestionnaires pourrait donc être mis en place. Son objectif serait d'offrir une incitation financière aux ministères qui optimiseraient leur gestion du spectre et parviendraient à libérer des fréquences actuellement occupées. Ainsi, le ministère qui libérerait une fréquence obtiendrait une partie du produit de la réaffectation de celle-ci à des acteurs privés. 3. Le mécanisme d'intéressement L'intéressement du ministère concerné pourrait être calculé selon les modalités suivantes : - 85 % de la redevance annuelle (ou annualisée) collectée au titre de la première année de réattribution de la bande de fréquences libérée; - respectivement 50 % et 30 % pour les deux années suivantes. |
On peut relever que les textes prévoient déjà de faire payer à chaque affectataire l'occupation du domaine public hertzien : le décret n° 97-520 du 22 mai 1997 relatif à la redevance due par les affectataires de fréquences radioélectriques prévoit ainsi une formule de calcul 129 ( * ) permettant de fixer comptablement une redevance, inversement corrélée à la hauteur de la fréquence pour tenir compte de la qualité intrinsèque de celle-ci. Ainsi, en théorie, tous les ministères (Défense, Intérieur, ...) doivent payer pour l'usage de leurs fréquences. Néanmoins, ce décret, quoique toujours en vigueur, n'a jamais été appliqué, aucun arrêté n'ayant fixé les prix. En tout état de cause, son article 8 prévoit d'exonérer de redevance les fréquences utilisées par des services de communication audiovisuelle.
* 128 Le montant des redevances budgétaires serait calculé selon une formule générale et indexé sur l'inflation.
* 129 Article 4 dudit décret : « Le montant annuel de la redevance est déterminé dans les conditions suivantes :
a) Lorsque la bande de fréquences est comprise entre 0,0297 GHz et 0,96 GHz, le montant de la redevance est égal au produit de la largeur de la bande, exprimée en GHz, par une valeur exprimée en francs, fixée par arrêté du ministre chargé du budget dans la limite de 50 millions de francs ;
b) Lorsque la bande de fréquences est comprise entre 0,96 GHz et 65 GHz, le montant de la redevance est égal au montant calculé selon la méthode indiquée au a, multiplié par un coefficient égal à 0,96/F ; F étant la fréquence centrale, exprimée en GHz, de la bande de fréquences considérée. »