2. Pourquoi et comment tirer parti de ce dividende ?
a) Le dividende, ressource publique rare et prometteuse
Dans le récent rapport de la commission sur l'économie de l'immatériel, MM. Jean-Pierre Jouyet et Maurice Lévy appellent à une politique dynamique de valorisation de l'ensemble des actifs immatériels publics pour renforcer le potentiel de croissance de la France.
Ils insistent en particulier sur l'importance, dont votre commission est absolument convaincue, d'améliorer la gestion des fréquences hertziennes, ressource rare, afin de mieux préparer le positionnement à venir des industries françaises de défense, des télécommunications et de l'audiovisuel. Le rapport Jouyet rappelle que les services utilisant le spectre hertzien génèrent des revenus supérieurs à 200 milliards d'euros en Europe, soit près de 2 % du PIB européen, et offrent d'importantes perspectives de croissance. Ce patrimoine public mérite donc une attention particulièrement soutenue du Gouvernement comme du Parlement.
Le caractère éminemment stratégique des fréquences constituant le dividende numérique tient à leurs qualités de propagation associées à un débit de transmission satisfaisant : elles appartiennent à ces fréquences dites « en or », inférieures à 1 GHz, qui sont principalement occupées par la Défense et la diffusion radiophonique et audiovisuelle pour des raisons historiques qui n'ont pas de fondement économique. La couverture à l'intérieur des bâtiments est d'autant plus facile à assurer qu'on utilise des fréquences basses, en dessous de 1 GHz. Or, ce sont d'abord la radio puis la télévision qui, historiquement, ont utilisé, pour une réception fixe, ces fréquences « en or », idéales pour la réception en mobilité 106 ( * ) . Les communications mobiles grand public utilisent, quant à elles, des fréquences élevées : le GSM utilise la bande 900 MHz puis 1,8 GHz, l'UMTS la bande 2GHz avec des possibilités à 2,5 GHz. Certains parlent même, pour la quatrième génération de téléphonie mobile, de bande de fréquences situées entre 3 et 6 GHz. Cette montée en fréquences, au fur et à mesure du développement du marché et de l'augmentation du débit offert au client, atteint aujourd'hui ses limites. En effet, plus on monte dans le spectre, plus la bande passante est large, permettant la transmission de plus de contenus, mais moins la portée est étendue, ce qui nécessite un nombre croissant de relais qui renchérit le coût de déploiement du réseau correspondant et donc de l'extension de la couverture territoriale.
En outre, si la gratuité des fréquences assignées à l'audiovisuel est la contrepartie historique des obligations imposées aux éditeurs en matière de diversité culturelle et de pluralisme, elle n'incite pas à en économiser l'usage. On peut observer que 45,8% du spectre français, compris entre 29,5 et 960 MHz, est affecté au CSA.
Le plan de fréquences actuel en France apparaît donc plutôt comme le résultat d'une stratification progressive que comme le fruit de l'optimisation d'une ressource rare que constitue le spectre. Votre commission insiste aussi sur le fait que l'utilisateur, même historique, d'une fréquence n'en est pas le propriétaire. L'Etat reste seul maître, in fine , de son domaine public hertzien et de l'usage qu'il convient d'en faire.
* 106 Les attributions principales de fréquences en dessous de 1 GHz datent de l'après-guerre, quand la radiodiffusion pesait énormément et les radiocommunications mobiles civiles étaient quasi inexistantes.