3. Les faiblesses de l'interministérialité
Les divergences dans le mode de fonctionnement des équipes de délégués de l'Etat, les résistances à l'objectif de généralisation des délégués de l'Etat sur l'ensemble du territoire, que votre rapporteur spécial a constatées, ne sont pas admissibles car elles contrarient une décision politique confirmée à trois reprises .
C'est avant tout, comme il a été dit précédemment, dans la difficulté d'imposer un mode d'organisation et de fonctionnement décloisonné et informel, inhabituel dans les préfectures, ainsi qu'au corporatisme de certaines administrations que cette situation est due.
Mais d'autres facteurs d'explication existent qui mettent en question la capacité de l'administration centrale à mettre en oeuvre et à impulser une politique interministérielle.
a) Une certaine impuissance de la Délégation interministérielle à la ville dans l'impulsion et le suivi
A l'issue de la première tentative de généralisation des délégués de l'Etat, en 2002, la Cour des comptes s'était félicitée, dans son rapport particulier sur la politique de la ville, de la capacité de la DIV à se saisir d'une initiative venue « du terrain » pour en demander l'extension, ce qui relevait bien de son rôle d'animateur de la politique de la ville. Mais elle notait également que « la généralisation du dispositif n'avait pas été accompagnée d'un travail suffisant d'explication et ne pouvait donc conduire à une véritable appropriation du système par les préfectures des départements qui n'avaient pas retenu cette solution jusqu'alors ».
Elle regrettait enfin que « la demande de généralisation ne se soit pas appuyée sur une étude des différents systèmes mis en place ni des conditions nécessaires à leur fonctionnement efficace ».
Votre rapporteur spécial redoute que la même impréparation n'ait caractérisé l'annonce de la généralisation faite lors du CIV du 9 mars 2006 . Les réactions qu'il a recueillies auprès de ses interlocuteurs dans les différents départements visités laissent à penser que cette mesure n'a fait l'objet d'aucune consultation préalable ni de publicité auprès des préfets de départements.
Plus encore, lors de son audition le 2 mai 2007 par votre rapporteur spécial, le délégué interministériel à la ville est apparu très en retrait par rapport aux engagements de généralisation rappelés lors de l'examen de la loi de finances pour 2007. Faisant valoir les moyens limités de la DIV et les difficultés liées à la mise en place des CUCS et de la nouvelle Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances , il a considéré que la relance du dispositif des délégués de l'Etat et, notamment l'élaboration d'une circulaire de recadrage, ne pourrait intervenir qu'après une clarification préalable des responsabilités des services de la politique de la ville aux niveaux régional et départemental.
b) Une interministérialité insuffisamment assumée au niveau central
La dernière circulaire du Premier ministre relative aux délégués de l'Etat date de 2000. Depuis lors, et jusqu'au CIV du printemps 2006, le dispositif n'était plus soutenu au niveau le plus haut de l'administration de l'Etat. Ce relatif désengagement des Premiers ministres dans l'impulsion donnée à la politique de la ville a pu avoir une influence sur l'échec de la généralisation des délégués de l'Etat.
Cette situation est à mettre en perspective avec l'abandon, pendant plusieurs années, de la pratique des comités interministériels pour la ville . Alors que depuis 1998, les CIV se réunissaient régulièrement à intervalles rapprochés, ils ont connu une interruption de plus de quatre ans entre 2001 et 2006.
Calendrier des derniers CIV (1998-2006) |
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Date des CIV |
Décisions principales |
30 juin 1998 |
Lancement de sites de préfiguration des contrats de ville Renforcement des centres de ressources pour la politique de la ville |
2 décembre 1998 |
Définition des contrats de ville 2000-2006 |
2 septembre 1999 |
Répartition des 8,6 milliards de francs consacrés à la politique de la ville Dispositions quant à la mise en oeuvre des contrats de ville Dispositions sur le développement économique pour les quartiers |
14 décembre 1999 |
Création des grands projets de ville et opérations de renouvellement urbain Mise en place des équipes emploi-insertion et des adultes relais Création de 300 délégués du médiateur |
1 er octobre 2001 |
Création de 30 opérations de renouvellement urbain Création des conventions de gestion urbaine de proximité Création des projets éducatifs locaux |
9 mars 2006 |
Mise en place des CUCS Création de l'agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances Extension des zones franches urbaines Création de 6 préfets délégués pour l'égalité des chances |
Source : Délégation interministérielle à la ville |
En outre, cet échec met en évidence l' insuffisance manifeste du suivi des décisions prises par les CIV.
Il était encourageant de constater, à cet égard, que le CIV du 9 mars 2006 avait réaffirmé l'importance de l'animation interministérielle, au plan national, de la politique en direction des quartiers en la confiant explicitement à la DIV et en précisant qu'elle donnerait lieu à des CIV « techniques » trimestriels pour suivre la mise en oeuvre de la politique interministérielle en faveur des quartiers en difficulté.
Votre rapporteur spécial constate cependant que cette pratique des CIV « techniques » ne s'est pas imposée . Seule une réunion interministérielle traditionnelle de bilan a pu être organisée, un an après le CIV de mars 2006.
En tout état de cause, on pouvait douter de la capacité de CIV techniques à imposer l'application d'une décision quand deux CIV ministériels y avaient échoué.