b) Un bilan mitigé
Dix ans après son entrée en vigueur, et alors qu'il arrive à échéance cette année, le bilan de l'accord de partenariat et de coopération apparaît mitigé.
Certes, cet accord a eu des résultats satisfaisants, notamment en matière commerciale. Il a incité la Russie à rapprocher sa législation avec celle de l'Union européenne en matière de normes et de certifications, de droit de la concurrence, ou encore en matière de protection de la propriété intellectuelle. Dans ces domaines, l'accord a permis de réelles avancées.
En novembre 2002, l'Union européenne a d'ailleurs reconnu à la Russie le statut d'économie de marché. Toutefois, cet accord n'a pas permis de résoudre toutes les difficultés.
Le dialogue politique a ainsi montré ses limites. Le Sommet Union européenne-Russie s'est tenu avec régularité deux fois par an, mais il n'a pas réussi véritablement à donner les impulsions nécessaires pour renforcer les relations entre les deux partenaires. Au contraire, la volonté des présidences successives de l'Union européenne d'afficher des résultats à tout prix a souvent provoqué des tensions inutiles. Tous les pays membres s'accordent à considérer qu'un sommet annuel serait suffisant mais aucune des présidences successives n'a souhaité renoncer au Sommet prévu sous son mandat. Pour sa part, le Conseil de partenariat permanent ne s'est réuni que dans trois formations (Affaires étrangères, Justice et Affaires intérieures et Énergie) et il n'a pas permis d'entrer dans des discussions plus approfondies.
Les députés russes rencontrés à Moscou ont également fait part de leur insatisfaction concernant la coopération avec le Parlement européen auquel ils ont reproché un manque d'intérêt à l'égard de la Russie. Ils se sont déclarés favorables à un renforcement des relations avec les Parlements nationaux.
Mais c'est surtout au niveau technique que l'accord s'est révélé décevant. Ainsi, depuis 2003, aucune réunion ne s'est tenue au niveau des groupes d'experts, à l'exception du groupe sur les affaires douanières, et il en a été de même, depuis 2004, pour les comités de coopération.
Le mécanisme de règlement des différends n'a pas fonctionné de manière satisfaisante . La plupart des différends commerciaux (comme la question des droits de survol de la Sibérie par exemple) se sont réglés non pas dans le cadre de cette procédure, mais de manière autonome.
Surtout, l'accord apparaît daté car, depuis 1994, tant l'Union européenne que la Russie ont beaucoup évolué . Ainsi, l'accord de partenariat et de coopération a été signé à un moment où l'Union européenne ne comptait que douze États membres et où elle n'avait pas encore développé certaines politiques, notamment en matière de politique étrangère et de défense ou dans le domaine de la Justice et des Affaires intérieures.
La relation entre l'Union européenne et la Russie s'est d'ailleurs enrichie d'une nouvelle dimension. En effet, lors du Sommet de Saint-Pétersbourg, de mai 2003, l'Union européenne et la Russie ont décidé d'établir quatre « espaces communs » : un « espace économique commun » ; un « espace commun de liberté, de sécurité et de justice » ; un « espace commun de coopération dans le domaine de la sécurité extérieure » ; un « espace commun de recherche et d'éducation, incluant les aspects culturels ». Or, ces aspects ne sont pas pris en compte par l'accord de partenariat et de coopération.
Plus fondamentalement, on peut se demander si le maigre bilan de l'accord ne résulte pas de son ambiguïté originelle . En effet, cet accord revêt une forme singulière dans la mesure où il ne peut être assimilé, ni aux accords d'association négociés avec les pays candidats, ni aux accords d'association partenariale signés avec les pays de la rive Sud de la Méditerranée.
Négocié dans l'urgence par la Commission européenne et avec déjà des approches divergentes entre les États membres, l'accord avec la Russie fut d'abord défini par opposition aux accords signés avec les pays d'Europe centrale, tout en reproduisant paradoxalement le même schéma.
De plus, les attentes des deux partenaires à l'égard de l'accord n'étaient pas identiques, dans la mesure où l'Union européenne était surtout attachée à la stabilité du continent et à favoriser la transition en Russie vers la démocratie et l'économie de marché, tandis que celle-ci attendait une véritable intégration économique. Dès lors, il n'est pas surprenant que cet accord ait donné lieu à des désillusions réciproques.
Telle est notamment l'opinion exprimée par le Président de la commission des Affaires étrangères de la Douma, Konstantin Kosachev, qui estime que l'essentiel des difficultés dans les relations entre l'Union européenne et la Russie provient du modèle actuel, construit au lendemain de l'effondrement de l'URSS, et qui n'a que peu évolué depuis. Selon ce modèle, l'Union européenne reproduirait à l'égard de la Russie les mêmes exigences que celles à l'égard des pays candidats, sans toutefois reconnaître à la Russie une perspective d'adhésion à l'Union européenne.