a- Le contrôle effectué par les caisses de MSA
Face à ces évolutions, les contrôles d'assiette auraient dû être renforcés. La baisse des effectifs de contrôleurs a, au contraire, conduit les caisses de MSA à réduire le nombre de contrôles de 20% entre 2001 à 2003, et même de 33 % pour ce qui concerne l'assiette. Le total des redressements notifiés est resté stable, en euros constants, à 36 M€. Les redressements notifiés pour 2003 représentaient 0,30 % de l'assiette brute des exploitants (6,6 milliards d'euros), et, pour les salariés, 0,11 % de la masse salariale totale (14,9 milliards d'euros) 35 ( * ) . Ces très faibles pourcentages et montants ne plaident pas en faveur de nouveaux assouplissements souhaités par la MSA.
Toutefois, le ministère de l'agriculture et de la pêche a voulu donner par le décret du 17 septembre 2002 (précisé par la circulaire de février 2003) une impulsion nouvelle aux contrôles. Une approche plus ciblée a ainsi été mise en place qui a permis d'améliorer le rendement des contrôles. Ainsi en 2005, le redressement d'assiette a porté sur 8 M€ pour 6 221 contrôles contre 9,5 M€ en 2002 pour 16 319 contrôles pour les exploitants au forfait et respectivement 22,5 M€ pour 21 544 contrôles contre 17,8 M€ pour 26 081 contrôles pour ceux au réel. Toutefois, le ministère a souligné dans sa réponse à la juridiction sa volonté d'assurer un suivi de l'efficacité des services de contrôle.
De son côté, le taux de recouvrement hors CSG a faiblement progressé de 89,1 % à 90,6 % 36 ( * ) , chiffre qui reste peu satisfaisant. Les objectifs de la COG n'ont pas été atteints dans 25 des 68 caisses, ni globalement. L'analyse des restes à recouvrer en fonction de la taille, du secteur d'activité des entreprises ou des exploitations agricoles pourrait constituer une aide précieuse au pilotage de la politique de recouvrement. Cependant, la CCMSA n'est pas en mesure de la réaliser.
Une originalité réside dans le recours au « principe de l'émission » pratiqué sans base juridique à l'exception de l'ATEXA. Cette pratique met à la charge de chaque caisse ses restes à recouvrer. Cette charge peut être onéreuse en frais ou manques à gagner bancaires, puisque des taux de restes à recouvrer supérieurs à 10 % ne sont pas rares. De plus, une créance prescrite est imputée sur la gestion administrative. Diverses formes d'atténuations ou de contreparties ont été apportées à ce principe pénalisant pour les caisses de MSA, mais sur une base juridique peu explicite qui présente d'importants risques financiers.
Le respect par les agriculteurs de leurs obligations contributives est par ailleurs très inégal. Le ministère constate que le paiement des cotisations constitue une priorité pour les exploitants à faibles revenus, pour qui les prestations sociales ont une grande importance financière ; à l'inverse, des assurés bénéficiant de revenus plus élevés sont moins prompts à s'acquitter de leurs cotisations. La Bretagne figure ainsi parmi les meilleurs taux de recouvrement, malgré un revenu agricole déclaré en baisse (indice 78 en 2004 contre 91 en 2001). A l'inverse, certains départements à faible recouvrement ont des revenus au-dessus de la moyenne nationale (Bouches-du-Rhône et Var). Les régions du sud, à forte activité viticole, ont une plus forte propension à invoquer des crises sectorielles et des aléas climatiques pour s'exonérer du paiement des cotisations. Ce non-paiement est parfois déclenché par des organisations qui siègent par ailleurs dans les conseils d'administration des caisses.
b- Le recouvrement forcé
La Cour a constaté le manque de rigueur de la MSA dans l'application des procédures de recouvrement forcé ainsi que la faiblesse des données statistiques nécessaires à son suivi. Le ministère a reconnu que « le système d'information apparaît éloigné des outils spécifiques mis à la disposition des URSSAF dans le suivi des actions amiables et contentieuses », mais n'a pas obtenu de la MSA qu'elle améliore son dispositif ni qu'elle diffuse les meilleures pratiques. Les COG successives ont été peu contraignantes tant en matière de gestion de l'assiette que du recouvrement. Quant aux simples pénalités de retard, si leur montant est relativement élevé - 568 M€ notifiés aux exploitants en 2005 - leur taux de recouvrement est faible - 16,1 % - et en recul d'un point de 2001 et 2005. Enfin, afin de réduire les disparités de traitement entre caisses, le ministère de l'agriculture et de la pêche convient que la CCMSA devrait procéder à la définition de règles formelles d'engagement de l'action contentieuse, règles qui seraient mises en oeuvre dans le dispositif de contrôle interne de la MSA.
c- L'aide au paiement des cotisations
Ce manque de rigueur dans le contrôle de l'assiette et le recouvrement des cotisations ne saurait être justifié par les difficultés conjoncturelles auxquelles la profession est régulièrement confrontée. Des mécanismes spécifiques ont en effet été mis en place pour venir en aide au paiement des cotisations. Trois types d'aide existent : les échelonnements de paiements accordés par la MSA (37 783 en 2005, dont 27 643 pour les exploitants), les aides de son Fonds de solidarité des crises agricoles (FSCA) et celles du dispositif « AGRIDIFF ». Les aides de la MSA sont soumises à l'approbation des directions départementales de l'agriculture et de la forêt.
Le Fonds de solidarité des crises agricoles (FSCA) de la MSA était appelé à remplacer le dispositif AGRIDIFF dont la Cour avait critiqué l'illégalité dans un précédent rapport 37 ( * ) . Mais AGRIDIFF a été pérennisé, sur crédits du ministère de l'agriculture (7 M€ en 2005) et sur ceux du FSCA (4 M€), ce dernier étant financé par débit des réserves de la caisse centrale de MSA. Conformément à l'engagement figurant dans la COG 2006 - 2010, la LFSS pour 2007 a mis en place un mécanisme de prise en charge des cotisations des agriculteurs en difficulté en autorisant leur financement sur crédits d'action sanitaire et sociale.
Demeure toutefois une insuffisance dans le traitement comptable de ces recettes. Les mesures AGRIDIFF sont en effet traitées comme un encaissement de cotisations et sont portées sur le compte de l'adhérent sans être distinguées des encaissements classiques. Les caisses de MSA n'opèrent qu'un suivi extracomptable de ces aides.
D'autres aides ont été apportées par le ministère de l'agriculture, notamment le report de 431 M€ de cotisations en 2003, suite à la sécheresse, le coût induit en intérêts d'emprunts de trésorerie étant à la charge du BAPSA et de la MSA. Le taux de non-respect des échéances ainsi reportées serait en moyenne de 5 à 10 %, mais il a atteint 51% dans l'Hérault et 59% dans le Gard.
La procédure AGRIDIFF entraîne, selon certaines caisses, des effets pervers, tels qu'inciter « les adhérents à ne pas payer leurs cotisations afin d'avoir une dette sur les cotisations au 31 décembre de l'année n-1 et pouvoir ainsi bénéficier d'autres prises en charge l'année suivante ». Une autre caisse estime que l'ensemble des dispositifs induit une « certaine nonchalance par rapport au non-paiement puisqu'il existe quasiment toujours un dispositif d'aide ». Par ailleurs, le tableau des aides ainsi accordées demeure incomplet, faute que le ministère ait imposé un suivi plus rigoureux.
Au total, la Cour constate un manque de rigueur général dans le contrôle des obligations sociales des exploitants agricoles. Cette situation vient renforcer les interrogations que soulèvent le mitage de l'assiette et les possibilités d'évasion constituées par l'adoption du statut de société.
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Alors que tout au long des années quatre vingt dix, des efforts importants ont été accomplis pour établir la parité du régime des exploitants agricoles avec les autres régimes de sécurité sociale, les mesures prises ces dernières années comme le manque de rigueur dans les contrôles et le recouvrement vont à rebours de la réalisation de cet objectif. L'assiette sociale, de préférence semble-t-il à l'assiette fiscale, tend à être utilisée comme un moyen d'amortissement des difficultés auxquelles les professions agricoles sont confrontées à intervalle plus ou moins régulier.
Par ailleurs, au-delà même des questions soulevées par la réalisation de l'objectif de solidarité, le développement de l'évasion sociale et l'inégale culture contributive du milieu agricole mettent en cause la réalité même de la solidarité agricole et constituent autant de facteurs qui minent de l'intérieur le régime agricole. Dans un contexte où l'équilibre du régime ne peut être atteint sans un appel accru à la solidarité externe, notamment nationale, la Cour souhaite attirer l'attention des différents acteurs sur les dangers d'une telle évolution.
* 35 Les redressements d'assiette aux bénéfices des exploitants, qui en 2003 ont représenté 13,4 % des redressements « positifs », viennent en déduction des recettes ainsi récupérées par le régime.
* 36 Le taux « global » est de 94,84 % en 2005 contre 94,02 % en 2001.
* 37 Ce dispositif déroge au principe législatif qui limite l'octroi de remises de cotisations par simple circulaire du ministre de l'agriculture aux seules créances de faible montant. Il repose sur une circulaire annuelle, signée jusqu'en 2004 par le ministère de l'agriculture et son contrôleur financier. Les circulaires 2005 et 2006 ont été signées par les ministres de l'Agriculture et de l'économie, des finances et de l'industrie.