B. ASSURER LA STABILITÉ DES DISPOSITIFS DANS LE TEMPS EN CHERCHANT À LES SIMPLIFIER

La démarche de simplification - déjà engagée avec la création du contrat de professionnalisation et du CAE - pourrait être poursuivie par la suppression de « micro-dispositifs » n'accueillant que très peu de bénéficiaires alors même que leur gestion quotidienne s'avère lourde 115 ( * ) .

Au-delà de ce genre d'ajustements ponctuels, une véritable simplification ne pourrait intervenir sans une refonte plus structurelle de l'architecture des contrats aidés impliquant la fusion ou la suppression d'un certain nombre de dispositifs. Une hypothèse intéressante à explorer serait d'évoluer vers une armature stable avec un ou deux contrats-type pour chacune des quatre grandes catégories de la typologie présentée au début de la deuxième partie de ce rapport : alternance, accès à l'emploi en entreprise, insertion sociale, accompagnement renforcé vers l'emploi.

A cet égard, la création d'un contrat unique d'insertion s'inscrirait dans la continuité des mesures de simplification mises en oeuvre jusqu'ici. L'annonce par le Premier ministre, lors du Conseil national de lutte contre la pauvreté et l'exclusion du 12 mai 2006, d'expérimentations de fusion du contrat d'avenir et du CI-RMA dans les départements volontaires constitue une étape préalable au passage éventuel à un contrat unique qui aurait également à intégrer le CAE. Ces réformes éventuelles impliquent une concertation avec l'ensemble des acteurs de la lutte contre l'exclusion et une réflexion sur les modalités de participation des collectivités territoriales.

La fusion du SEJE et du CIE actuel dans un contrat unique à deux volets équilibrés (un volet adultes et un volet jeunes renforcé) 116 ( * ) nécessiterait de faire un choix entre les philosophies différentes des deux dispositifs : alors que le SEJE est à guichet ouvert, le CIE confère un certain pouvoir de sélection des bénéficiaires par l'administration.

C. ASSURER UN PILOTAGE ET UN CONTRÔLE EFFECTIF

Plusieurs facteurs contribuent à la difficulté du pilotage des contrats aidés.

1. L'animation des différents dispositifs sur le moyen terme peut s'avérer délicate . A cet égard, l'exemple du programme « nouveaux services-emplois jeunes » est intéressant dans la mesure où ce dispositif a été initialement porté par un engagement gouvernemental très marqué.

- Au niveau national, le pilotage, initialement configuré de façon ambitieuse, a, par la suite, assez vite donné des signes d'essoufflement. Le cadre juridique était rapidement établi et une « mission nationale d'appui » (MNA), créée au sein du cabinet de la ministre de l'emploi et de la solidarité. Cette mission a, toutefois, été dissoute dès octobre 2000 lors du changement de ministre.

- Au niveau local, la circulaire de mise en oeuvre du programme diffusée en octobre 1997 prévoyait la création de « zones d'action locales » et la nomination de pilotes, en général des sous-préfets et des élus sous la responsabilité des préfets. 565 zones ont été définies sur l'ensemble du territoire. La Cour a constaté qu'aucune étude systématique n'avait été menée sur la qualité de ce schéma de pilotage.

2. Les insuffisances des démarches d'évaluation 117 ( * ) des aides à l'emploi 118 ( * ) dans l'aide au pilotage des dispositifs doivent également être soulignées . Dans ces conditions, la boucle de rétroaction permettant de tirer utilement les conclusions d'une évaluation ne peut jouer efficacement.

Certes, il convient d'insister sur la difficulté de l'exercice : la multiplicité des facteurs susceptibles d'avoir un impact sur le chômage complique l'isolement de « l'effet pur » associé à une mesure de politique de l'emploi. Par ailleurs, l'instabilité des dispositifs d'aide à l'emploi constitue un autre obstacle à l'appréciation d'effets sur la durée.

Cependant, plusieurs biais du dispositif français d'évaluation peuvent être soulignés :

- les évaluations se sont orientées essentiellement vers des « évaluations légères » ; la Cour relevait en 2004 le faible nombre d'« évaluations lourdes » portant sur les aides directes à l'emploi 119 ( * ) ;

- le dispositif d'évaluation reste marqué par la prépondérance de l'administration et, plus spécifiquement, de la DARES ;

- la dynamique de l'évaluation des aides à l'emploi est affectée par l'absence d'un centre d'impulsion extérieur (interministériel ou spécifique à la politique de l'emploi 120 ( * ) ).

La démarche de performance associée à la mise en oeuvre de la LOLF renforce la nécessité d'une évaluation de l'efficience et de l'efficacité des aides à l'emploi.

3. Le pilotage est également compliqué par un certain nombre de difficultés de suivi . Outre la question déjà mentionnée du suivi assez peu précis des taux de rupture, des difficultés pratiques atténuent la fiabilité des chiffres relatifs aux flux d'entrée dans les dispositifs 121 ( * ) .

Cependant, les améliorations récentes ou à venir du système d'information en matière d'aides à l'emploi doivent être relevées. Un système automatisé national pour l'alternance et l'apprentissage (SANAA), récemment déployé, doit permettre de connaître le taux de rupture des contrats d'apprentissage. Les contrats de professionnalisation seront, quant à eux, suivis, à terme, à partir d'une « application de suivi et de gestion » alimentée en temps réel par les OPCA. De plus, le système d'information des missions locales et des PAIO a connu une amélioration récente avec la mise en service du logiciel PARCOURS 3 qui permet la remontée via internet des tableaux de bord et des données issus du réseau.

4. Les contrats en alternance offrent un modèle de pilotage fondé sur la négociation collective dont l'originalité et l'intérêt doivent être soulignés . En effet, les grandes étapes de la création et de la modification de ces dispositifs ont, depuis plus de vingt ans, relevé de l'accord des partenaires sociaux avant d'être encadrés par la loi.

5. Par ailleurs, le pilotage des dispositifs peut se heurter à l'impossibilité pratique d'assurer un contrôle effectif de l'application de certaines dispositions normatives . L'exemple du SEJE est significatif de ce point de vue. En effet, la rupture du contrat par l'employeur dans les trois premières années entraîne le reversement intégral de l'aide, sauf en cas de rupture au cours de la période d'essai, ou de licenciement pour faute grave ou lourde, force majeure, inaptitude professionnelle ou motif économique. Or, dans son contrôle du SEJE, la Cour a relevé une surreprésentation de ces motifs dérogatoires sans que l'assurance-chômage, gestionnaire du dispositif, soit en mesure de contrôler leur bien-fondé.

* 115 Tel est cas du dispositif de soutien à l'emploi des jeunes diplômés dans les départements d'Outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon codifié à l'article L 832-7-1 du code du travail issu de l'article 12 de loi n°2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'Outre-mer. Cette mesure ouvre le bénéfice du SEJE aux employeurs de moins de vingt salariés recrutant sous CDI des jeunes de 18 à 30 ans inscrits depuis plus de six mois comme demandeurs d'emploi et titulaires d'un diplôme de niveau « bac + 2 ». Ce dispositif est disproportionné : il a donné lieu à une intervention législative, une circulaire d'application et une délégation de gestion à l'Unédic (convention Etat-Unédic du 18 mai 2004) pour ne compter, à la fin août 2005, que 38 bénéficiaires.

* 116 L'appellation « CIE » - bien identifiée par les employeurs - pourrait être conservée.

* 117 L'évaluation d'une politique publique vise à « comparer ses résultats aux moyens qu'elle met en oeuvre - qu'ils soient juridiques, administratifs ou financiers - et aux objectifs initialement fixés » (circulaire du Premier ministre du 28 décembre 1998 relative à l'évaluation des politiques publiques).

* 118 Voir Rapport public annuel de la Cour pour 2004 , « Les dispositifs d'évaluation des aides à l'emploi de l'Etat », p 221.

* 119 Evaluations scientifiques du Centre de recherches en économies et statistiques (CREST) sur les dispositifs d'emploi et d'insertion des jeunes, la formation continue, les conventions de conversion, l'impact du PARE et du PAP sur le retour à l'emploi ; études qualitatives du programme TRACE dont une « analyse par les pairs » dans le cadre d'un programme européen ; rapport d'évaluation du Centre d'études de l'emploi de 2001 sur les emplois jeunes dans la culture ; rapport de mars 2002 du Conseil national de l'évaluation à l'issue d'une mission sur les aides à l'emploi du secteur non marchand dont le cahier des charges n'intégrait pas les aspects financiers et budgétaires.

* 120 Le « rapport MARIMBERT » ( Rapport au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité sur le rapprochement des services de l'emploi , janvier 2004) avait préconisé la création d'une instance légère d'évaluation dans le domaine de l'emploi.

* 121 Par exemple, dans le cas des contrats en alternance, les DDTEFP communiquent chaque mois à la DARES le nombre de contrats enregistrés et lui adressent au fur et à mesure les CERFA dont l'ensemble est exploité par un sous-traitant une fois par an. Il peut s'écouler 2 à 3 mois - voire plus - entre la signature d'un contrat et son enregistrement à la direction départementale. De ce fait, les statistiques ont un caractère glissant et il est difficile d'obtenir un chiffre définitif pour un mois donné.

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