B. UNE DIVERSITÉ DES NIVEAUX DE FINANCEMENT DES CIE ET DES CAE ET UNE FORTE MOBILISATION SUR LE CONTRAT D'AVENIR, DISPOSITIF DÉCENTRALISÉ

1. Un financement des CIE et CAE modulé selon le « profil » du demandeur d'emploi

La traduction opérationnelle des objectifs de la politique de l'emploi et des objectifs physiques assignés conduit les services publics de l'emploi en région à moduler les taux de la participation financière de l'Etat dans les CIE et CAE selon plusieurs critères suggérés par la DGEFP, dans les circulaires d'application de ces dispositifs :

- les caractéristiques des bénéficiaires (niveau de difficulté d'accès à l'emploi),

- le statut de l'employeur,

- la situation du bassin de l'emploi,

- les efforts consentis par l'employeur en matière de formation professionnelle, de tutorat, d'accompagnement ou de VAE.

Ainsi, les services publics de l'emploi en région définissent des taux de prise en charge du salaire, exprimé en pourcentage du SMIC. Les taux de base définis pour chacun des contrats (CIE et CAE) et pour chaque type de « profil » de demandeur d'emploi peuvent prévoir des majorations de taux cumulatives lorsque les employeurs s'engagent à mettre en oeuvre des actions d'accompagnement et de formation et/ou pour certains bassins d'emploi ou territoire.

Les exemples suivants de grilles de taux dans deux régions différentes démontrent, d'une part, la diversité des critères retenus, d'autre part, le nombre élevé de combinaisons possibles selon les caractéristiques des publics. Par le jeu des majorations, qui sont destinées à favoriser l'embauche de demandeurs d'emploi les plus fragiles ou les plus en difficulté, les conseillers pour l'emploi doivent manipuler une grille qui se révèle rapidement complexe, qui s'ajoute en effet aux autres dispositifs assortis de conditions d'applications spécifiques.

Ainsi, la région d'Ile de France a défini pour 2006 trois taux de base pour le CIE assortis de deux majorations possibles, soit 10 taux différents applicables. Le CAE comporte deux taux de base assortis de deux majorations possibles, soit 8 taux différents applicables :

Tableau n° 28 :  Grille des taux CIE 2006 dans la région d'Ile de France

Publics

Taux de base minimum (en % du SMIC)

Majoration « Effort de l'entreprise »

Majoration « Territoire»

Taux maximum global

P2 (a)

15

0

10

25

P3 (a)

20

5

10

35

P4 (b)

32

5

10

47

Source : DRA ANPE IDF

(a) : le SPER d'Ile de France a défini la catégorie des demandeurs d'emploi selon sa distance à l'emploi déterminée par l'ANPE selon 4 profils, de P1, le plus proche de l'emploi, à P4, le plus éloigné.

Tableau n° 29 :  Grille des taux CAE 2006 dans la région d'Ile de France

Publics

Taux de base minimum (en % du SMIC)

Majoration « Effort de l'entreprise »

Majoration « Territoire »

Taux maximum global

P2 ou P4 dont la durée de chômage est inférieure à 24 mois (a)

45

5

20

70

P3 ou P4 dont la durée de chômage est supérieure à 24 mois (a)

65

5

20

90

Source : DRA ANPE IDF

En région Picardie, les deux taux de base du CIE peuvent être assortis de trois majorations et le CAE comporte 6 taux différents.

Tableau n° 30 : Grille des taux CIE 2006 dans la région de Picardie

Publics

Taux de base minimum(en % du SMIC)

Majoration « femme »,

Majoration + 50 ans

Majoration résidant ZUS

Taux maximum global

Demandeur d'emploi de longue durée (DELD*)

DE RMI, ASS et API, non éligibles au CI-RMA

Public dérogatoire dans la limite de 5% des entrées

20

5

5

5

45

DELD 24 mois et plus

Jeunes du programme CIVIS et/ou résidant en ZUS

DE handicapés

Personnes libérées anciennement détenues, prévenues ou condamnées

30

5

5

5

45

*DELD : demandeur d'emploi inscrit à l'ANPE depuis plus d'un an

Source : ANPE, DRA Picardie

Tableau n° 31 :  Grille des taux CAE 2006 dans la région de Picardie

Taux

Publics :

DELD *

Jeunes du programme CIVIS et/ou résidant en ZUS

DE RMI, ASS et API, non éligibles au CA

DE handicapés

Personnes libérées anciennement détenues, prévenues ou condamnées

Public dérogatoire dans la limite de 15% des entrées

Taux de base Secteur public

65%

Actions collectives conventionnées en CDIAE

95%

Autres associations

80%

Majoration « effort de l'entreprise »

10%

Majoration résidant ZUS

10%

Taux maximum global

95%

*DELD : demandeur d'emploi inscrit à l'ANPE depuis plus d'un an

Source : ANPE, DRA Picardie

Sur l'ensemble du territoire national, l'examen de l'éventail des grilles de taux effectivement retenus en 2005 (voir annexe 8) fait apparaître une limitation relative de l'éventail des taux applicables. Ainsi pour le CIE, la majorité des régions soit 17 sur les 22 ont retenu un nombre réduit de taux, soit entre deux et quatre niveaux de prise en charge, ce qui limite la complexité d'application. Cependant, quatre régions ont retenu entre cinq et sept taux différents et une seule région, l'Ile de France, a retenu de 10 taux différents.

Le même constat vaut pour le CAE. Le nombre maximum de huit taux distincts a été retenu par deux régions tandis que la majorité des régions (16 sur les 22 régions métropolitaines) ont retenu entre deux et quatre taux différents, et quatre régions entre cinq et sept taux.

Pour 2006, les régions ont établi de nouvelles grilles de taux, tenant compte des nouvelles orientations. En ce qui concerne le CIE, le mouvement général est celui de la réduction du nombre de taux sur ce contrat, en relation avec la réduction des objectifs sur ce contrat. 10 régions ont ainsi choisi de réduire le nombre de taux distincts sur le CIE et parmi elles, 3 régions sont passées de 2 ou 3 taux à 1 seul taux de prise en charge. 18 régions ont entre 1 et 4 taux de prise en charge, et 4 régions de 5 à 9 taux. 9 régions ont gardé le même nombre de taux et 6 d'entre elles ont conservé les mêmes niveaux.

En ce qui concerne le CAE, on observe en 2006 un fort mouvement vers une augmentation sensible du nombre de taux applicables à ce contrat, certainement en relation avec la réorientation des objectifs sur ce contrat et l'application de dispositifs spécifiques aux jeunes à des taux particuliers (90 % et 105 %) ainsi que de critères de territoire. Ainsi, le nombre de régions ayant entre 2 et 4 taux a été réduit à 4 en 2006 (contre 16 en 2005), les régions ayant 5 taux et plus étant au nombre de 18, avec 4 régions disposant de 9 taux distincts et 2 régions de dix taux distincts. Ce fort accroissement du nombre de taux n'est pas en relation avec l'importance des budgets puisque deux régions bénéficiant d'importants budgets ont réduit le nombre de leur taux alors que 19 autres régions ont augmenté le nombre de leur taux, 10 d'entre elles ayant ajouté 3 taux différents.

Le taux moyen de prise en charge du CIE est de 30 % en 2005 et de 28 % en 2006 et celui du CAE de 77 % en 2006 89 ( * ) . Le taux minimum du CIE constaté varie de 15 à 25% avec un maximum de 45 %, proche du taux maximum légal de 47 %, ce taux n'étant retenu que dans une seule région, l'Ile de France. En ce qui concerne le CAE, le taux minimum varie plus fortement de 30 % à 80 % et s'étage ensuite jusqu'à 105 % (cas dérogatoire de prise en charge).

On constate donc une grande disparité dans les modalités de traduction des objectifs de mise en oeuvre des contrats aidés, les différences de nombre de taux n'étant pas toujours corrélées avec l'importance du budget de la région ou ses caractéristiques économiques et sociales 90 ( * ) . Cette disparité entre régions provoque en outre des différences de prise en charge dans les zones d'emploi situées sur les limites de deux régions distinctes.

En 2006, les grilles de prise en charge du CIE présentent une relative simplification mais on observe concomitamment une « luxuriance » des grilles relatives au CAE. Il est actuellement trop tôt pour vérifier si les services disposent des moyens suffisants pour suivre et évaluer les effets de ces différents niveaux de prise en charge. On peut néanmoins observer que si la modification de ces grilles d'une année sur l'autre répond à l'adaptation nécessaire des objectifs et des moyens financiers, elle a généré des difficultés lors du renouvellement des conventions.

On rappellera que le CA et le CI-RMA ne sont pas concernés par ces grilles de taux car ils comportent une prise en charge forfaitaire équivalente au montant du RMI pour une personne seule (433,06 € au 1 er janvier 2006). Par ailleurs, le taux de prise en charge de la part complémentaire dégressive de l'Etat sur le CA est fixé au niveau national.

Dans sa réponse à la Cour, la DGEFP a indiqué que des instructions avait été communiquées pour limiter le nombre de taux applicables.

2. Une forte mobilisation sur le contrat d'avenir et, dans une moindre mesure, sur le CAE

La réorientation des objectifs gouvernementaux vers le secteur non marchand s'est accompagnée d'une forte mobilisation autour du contrat d'avenir et du CAE, qui n'a cependant pas permis d'atteindre les objectifs fixés.

L'accompagnement de la promotion du contrat d'avenir

En effet, l'objectif ambitieux de 185 000 contrats d'avenir en 2005 n'a pas été atteint, notamment compte tenu de la mise en place très progressive et contrastée de ce dispositif selon les départements. Il est en effet rapidement apparu une surconsommation du CAE (131% de réalisation en 2005, par rapport à la LFI 91 ( * ) ) due au démarrage plus tardif du contrat d'avenir, retard résultant notamment de l'obligation de signature préalable d'une convention d'objectif et de moyens entre le Conseil général et l'Etat. De ce fait, les bénéficiaires étaient orientées vers le CAE, déjà en vigueur et plus simple d'utilisation. Cet effet se retrouve dans le taux de consommation des crédits en 2005 : les crédits de paiement affectés au contrat d'avenir ont été consommés à 6,4%. Le même phénomène de concurrence entre mesures a d'ailleurs été observé sur le secteur marchand entre le CI-RMA, réservé aux titulaires des minima sociaux, et le CIE.

Une forte pression s'est alors exercée sur les services de l'Etat et sur les échelons locaux de l'ANPE pour promouvoir le contrat d'avenir, et, dans une moindre mesure, le CAE auprès des grands employeurs du secteur non marchand (collectivités locales, organismes HLM, hôpitaux ...) et vis-à-vis des associations, notamment dans le cadre de l'opération « 1000 CAE » pour les étudiants issus de la filière « sport » (STAPS) 92 ( * ) .

Ce mouvement s'est accompagné d'un assouplissement des règles du CA : ainsi qu'il a déjà été indiqué, la règle d'une durée minimum de 6 mois de bénéfice du minimum social (RMI ou autre) a été supprimée et les préfets ont été incités à utiliser leur pouvoir de dérogation à la durée initiale du contrat de deux ans. L'objectif de « parcours d'insertion » qui justifiait une durée de deux ans pour ce contrat cède ainsi le pas à un traitement social de plus court terme.

La pression est également exercée dans le sens de l'accroissement visible du nombre de contrats souscrits, illustré par les « opérations nationales », et par la règle du non renouvellement des conventions, sauf cas exceptionnel.

Les opérations nationales et les difficultés induites

- L'opération de recrutement de 20 000 salariés, bénéficiaires des minima sociaux, en contrat d'avenir dans les établissements accueillant des personnes âgées et handicapées : les embauches doivent être réalisées entre le 1 er juin et le 30 septembre 2006, pour un contrat d'une durée initiale de 12 mois, au taux de prise en charge de droit commun. Les postes à pourvoir concernent principalement les fonctions d'aide animateur (aider à l'organisation et à l'animation d'activités ou à l'organisation de sorties) et d'assistant d'accompagnement (aider les personnes les plus mobiles dans leurs déplacements à l'extérieur de l'établissement, notamment dans leurs démarches de la vie quotidienne ou les sorties collectives).

Chaque directeur départemental des affaires sanitaires et sociales a pour instruction de prendre contact personnellement avec chacun des directeurs des établissements concernés pour leur proposer d'embaucher au moins un à deux salariés en contrat d'avenir. L'ANPE est chargée de la mise en oeuvre de cette opération et a désigné des agences locales comme référents des établissements locaux. L'ANPE doit définir les besoins de recrutement avec l'établissement et négocier les modalités de traitement de l'offre d'emploi (nombre de candidats à présenter, calendrier de suivi, canaux de diffusion de l'offre...). Elle doit également rechercher les candidats correspondants aux profils de poste et effectuer éventuellement une présélection, selon les modalités définies avec l'établissement. Une prestation d'adaptation ou de remise à niveau peut être prévue au bénéfice des candidats avant la présentation de leur candidature.

Les difficultés : Dans les départements bénéficiant d'un marché du travail actif, les contrats aidés du secteur non marchand apparaissent moins attractifs et la réalisation des objectifs plus difficile. La situation inverse se produit toutefois dans les départements présentant une situation économique difficile, le secteur non marchand apparaissant alors comme une opportunité. L'attitude des conseils généraux est par ailleurs contrastée. En ce qui concerne plus particulièrement l'opération de recrutement dans les établissements médico-sociaux et hospitaliers, certains conseils généraux expriment une forte réticence à s'engager. Le nombre de contrats aidés par établissements est ainsi parfois très limité (par exemple deux par établissement, ce qui bloque tout recrutement s'il y a déjà deux CAE, comme il est assez fréquent), afin de ne pas alourdir le prix de journée. De plus, ces conseils généraux estiment que les exigences de productivité et de compétence des établissements sont incompatibles avec le profil des demandeurs d'emploi en contrat d'avenir. D'autres conseils généraux ont cependant adopté une politique de coopération et financent des actions de formation à l'appui des recrutements dans les établissements.

- L'opération « 50 000 salariés sous contrats d'avenir dans l'éducation nationale »  (écoles primaires) 93 ( * ) : Cette opération représente un nombre important de recrutements soit près de 50 % de l'objectif global annuel de l'ANPE. Il est prévu d'ici fin juin 2006 de recruter 50 000 salariés sous contrat d'avenir dans les écoles primaires, soit un salarié par école primaire. La durée du contrat sera celle de l'année scolaire 2006-2007 (1 er septembre 2006 au 30 juin 2007), soit 10 mois. Les écoles primaires n'ayant pas la personnalité morale leur permettant de recruter, les employeurs juridiques seront les collèges (établissements publics locaux d'enseignement, EPLE), ce qui ne facilite pas les circuits administratifs.

Les recrutements sont destinés à pourvoir deux types de poste : l'assistance administrative aux directeurs d'école et l'aide à la scolarisation des élèves handicapés (en appui aux auxiliaires de vie scolaire).

Les inspecteurs d'académie sont chargés d'identifier les offres d'emploi et leur localisation, l'ANPE est chargée de constituer un vivier de demandeurs d'emploi éligibles et d'assurer les mises en relation notamment dans le cadre de la mise en place du suivi mensuel personnalisé et la prescription du contrat, ce qui exclut d'emblée les 40 départements qui n'ont pas conclu de convention avec l'Etat pour la conclusion de contrats d'avenir pour les bénéficiaires du RMI et soulève la question de l'égalité de traitement des demandeurs d'emploi. D'autres conseils généraux, signataires d'une convention de mise en oeuvre n'ont pas souhaité participer à cette opération. Sur ces départements, en effet, les candidats potentiels seront seulement les bénéficiaires des minima « Etat ». Par ailleurs, sur le plan financier, le ministère de l'éducation nationale a dû revenir sur sa demande initiale portant sur le versement de la totalité de la rémunération par le CNASEA. En effet, les conseils généraux ayant accepté la mise en oeuvre de ce contrat pour les bénéficiaires du RMI ont souvent chargé la CAF du versement de la prestation.

Les difficultés : pour cette opération de grande ampleur, la difficulté majeure est celle de l'identification des candidats potentiels. Lorsque le conseil général a accepté la mise en oeuvre du contrat d'avenir, l'ANPE a peu de moyens de repérer les demandeurs d'emploi bénéficiaire du RMI (voir point III -B -3). Lorsque le conseil général n'a pas mis en oeuvre le contrat d'avenir ou ne participe pas à cette opération, le recrutement n'a lieu que sur la population des bénéficiaires de l'ASS, de l'API et de l'AAH. Or, d'une part, l'ANPE n'a pas les moyens de repérer tous ces bénéficiaires dans ses fichiers, et, d'autre part, le nombre de candidats potentiels est réduit et parfois même inférieur au nombre de postes proposés. En outre, les pré-requis sur les offres de postes ne permettent pas de proposer tous les candidats.

* 89 Source DGEFP. Le taux élevé de prise en charge sur le CAE résulte de l'application du taux de 90% sur les jeunes.

* 90 Ainsi la région Nord Pas de Calais qui dispose de la 2 ème plus importante délégation de crédits après l'Ile-de-France avait prévu seulement 2 taux pour le CIE en 2005 et 3 en 2006. En ce qui concerne le CAE, la Région Poitou Charente est passée de 6 taux en 2005 à 9 taux en 2006 alors que la région de Lorraine, dont le montant des crédits alloué est équivalent, est passé de 3 à 5 taux

* 91 Voir tableau infra .

* 92 Cette opération s'inscrit dans le cadre de la mise en oeuvre du Plan national de développement du sport et doit conduire au recrutement d'environ 500 CAE dans le secteur médico-social pour promouvoir le sport pour les personnes handicapées, 350 emplois destinés à promouvoir le rugby sur l'ensemble du territoire et la pratique du sport féminin et 350 emplois pour promouvoir l'éducation et l'insertion par le sport dans les quartiers sensibles. Pour ces derniers emplois, une priorité sera donnée aux demandeurs d'emploi titulaires des diplômes requis et résidant dans les ZUS.

* 93 Instruction du 3 avril 2006 cosignée par le ministère chargé de l'emploi et le ministère de l'éducation nationale et accord cadre ANPE- Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

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