III. UNE SITUATION FINANCIÈRE SAINE, QUI APPELLE NÉANMOINS QUELQUES CORRECTIONS

A. UN BILAN ET UN COMPTE DE RÉSULTAT SATISFAISANTS

L'actif du bilan s'élève à 8,5 millions d'euros en 2005, dont plus de la moitié en placements financiers, et a diminué de 22 % sur la période. La part des immobilisations est jugée raisonnable, mais celles-ci ne sont pas vérifiables car CulturesFrance ne dispose pas d'un état de l'actif. Les restes à recouvrer ne constituent plus que 6 % des produits de fonctionnement courant, après 28 % en 2000, du fait du versement au terme de l'exercice de la totalité des subventions dues. L'essentiel de la trésorerie (5,5 millions d'euros en 2005) est constitué de titres de placement à terme auprès de la banque Hervet.

Le passif ne comprend pas de capital ni de subvention d'équipement, et comportait notamment, en 2005, 5 millions d'euros de dettes et un résultat comptable négatif à hauteur de 228.500 euros. Les exercices 2002 et 2003 ont été également déficitaires. Les statuts de CulturesFrance ne prévoient pas de capitaux propres, mais la constitution de deux types de réserves : un fonds de dotation (717.414 euros en 2005) et une réserve d'investissement (887.201 euros) dotée du 1/10 e des revenus financiers capitalisés.

Les charges courantes ont augmenté plus rapidement que les produits. Concernant les charges , l'AFAA n'a pas fourni un état de rapprochement des prévisions et réalisations des dépenses, et le budget n'est pas adopté sous forme de comptes de charges réparties par nature de dépenses, selon les règles de la comptabilité générale. Le budget prévisionnel adopté par les organes statutaires ne peut donc être comparé avec le compte de résultat certifié par le commissaire aux comptes. En 2001 et 2003, le montant des crédits effectivement consommés a légèrement dépassé celui des crédits ouverts, ce qui conduit la Cour des Comptes à s'interroger sur le caractère effectif de l'autorisation financière accordée par les organes dirigeants au directeur.

Les charges de fonctionnement courant (31,4 millions d'euros en 2005) ont augmenté de 31,5 % entre 2000 et 2005. La Cour relève le manque de cohérence de certains éléments du compte de résultat et l'absence de correspondance entre certains soldes des comptes généraux du « grand livre » et les postes correspondants du compte de résultat.

Le poste « Travaux sous-traités liés aux activités et expositions » (13,3 millions d'euros en 2005, soit 42 % des charges de fonctionnement), représente un poids disproportionné et fait figure de véritable fourre-tout . Après examen des dossiers de pièces justificatives, la Cour a constaté des erreurs sur les imputations comptables retenues .

La Cour des Comptes relève ainsi que « le choix d'une présentation comptable conduisant à afficher une telle masse financière, sans la recherche d'une meilleure ventilation des dépenses, alors que les dossiers de pièces justificatives correspondants sont eux-mêmes des plus sommaire et que la comptabilité analytique est inexistante, il devient impossible d'opérer sur l'emploi de ces sommes le moindre contrôle efficace. Ainsi le poste essentiel échappe à toute lisibilité ». Faute de présentation par nature de dépenses, la Cour des Comptes a dénoncé une « incontestable opacité des documents comptables ».

Parmi les produits , les subventions allouées par les deux ministères de tutelle sont relativement stables sur la période (18,14 millions d'euros en 2005) et les produits des activités propres de l'AFAA (recettes d'exposition) restent négligeables . La subvention du ministère des affaires étrangères a diminué de 5 % mais reste largement majoritaire, celle du ministère de la culture a crû de 75 % et correspond à des opérations clairement identifiées.

Les ressources issues du partenariat et du mécénat ont quasiment triplé entre 2000 et 2005 (9,5 millions d'euros en 2005), celles provenant du mécénat ont été multipliées par 40 , grâce à une politique active de démarchage, mais surtout au contexte favorable des saisons dédiées à la Chine et au Brésil. Les produits provenant de partenariats avec les collectivités territoriales ont diminué de 50 %, et l'AFAA n'a jusqu'en 2006 pas obtenu de financements communautaires malgré les engagements pris à cet égard .

La Cour des comptes constate un certain flou sur l'engagement comptable des fonds dédiés (part des ressources affectées à des projets qui n'a pu être encore engagée).

Enfin, les opérations d' « Afrique en créations » conduisent CulturesFrance à émarger sur trois programmes budgétaires , bien qu'il s'agisse de dépenses de même nature. La DGCID devrait donc s'interroger sur le maintien d'une triple imputation budgétaire. En outre, le projet annuel de performances ne mentionne aucun objectif ou indicateur opposable à l'association.

Au cours de l'examen du projet de loi de finances pour 2007, vos rapporteurs spéciaux ont, de manière plus générale, constaté les progrès restant à accomplir en matière de transparence financière, notamment s'agissant de la situation du fonds de roulement. Ils ont regretté que certains comportements aient pu laisser penser que CulturesFrance ne souhaite pas appliquer les obligations de la régulation budgétaire, qui s'imposent pourtant à tous les services de l'Etat et à leurs opérateurs.

B. LA FONCTION FINANCIÈRE PEUT FAIRE L'OBJET D'AMÉNAGEMENTS

Des faiblesses ont été constatées dans la constitution des dossiers de pièces comptables justificatives : elles ne sont pas regroupées par nature de dépenses et leur contenu est limité au strict minimum, il n'y a pas non plus de validation formelle du service fait. La Cour des comptes déplore également l'absence de délégations de pouvoir et de signature, de règlement financier interne, de comptabilité analytique et de contrôle de gestion.

CulturesFrance relève d'un double contrôle préalable du contrôleur financier (pour les engagements supérieurs à 45.000 euros) et a posteriori du commissaire aux comptes. L'action du contrôleur financier est limitée par une information lacunaire sur les accords conclus avec certains prestataires et par l'absence de règles en matière d'achats et de choix des opérations culturelles, en particulier l'absence de mise en concurrence. Le code des marchés publics ne s'impose pas à CulturesFrance, mais la Cour des Comptes recommande son application pour garantir la pertinence de certaines commandes.

La Cour des comptes estime que les achats réalisés auprès de certains fournisseurs pourraient faire l'objet de procédures plus transparentes , compte tenu des sommes considérables mises en jeu : assurance des matériels et des agents, photogravure et impression, dépenses auprès de Publicis Consultants, maintenance des photocopieurs...

Dans une réponse adressée au ministère des affaires étrangères le 13 septembre 2006, CulturesFrance s'est engagée à améliorer sa gestion dans les domaines suivants : établissement d'un règlement financier fixant notamment l'imputation des dépenses ; mise en place progressive d'une comptabilité analytique ; assistance d'un expert comptable distinct du commissaire aux comptes ; mise en conformité des documents budgétaires ; double signature du président et du directeur pour certains engagements ; signature par un tiers de tout document relatif à une personne.

C. LES RESSOURCES HUMAINES : TIRER PROFIT DES GAINS DE PRODUCTIVITÉ

Les effectifs de l'AFAA depuis 2000 sont relativement stables :

2000

2001

2002

2003

2004

2005

Contractuels

61

63

63

65

66

66

Fonctionnaires détachés

4

4

3

1

2

2

Fonctionnaires mis à disposition

9

8

9

10

9

7

Stagiaires

14

10

15

9

16

18

Emplois jeunes

9

7

8

0

0

0

Total

97

92

98

85

93

93

Source : Enquête de la Cour des comptes

Selon les informations recueillies par vos rapporteurs spéciaux, la fusion entre l'ADPF et l'AFAA doit normalement susciter des gains de productivité représentant de l'ordre de 15 équivalents temps plein au moins.

La Cour des Comptes relève qu'il n'existe pas de véritable politique ni d'outils de gestion des ressources humaines (GRH) : absence de relevé précis et complet des emplois, de recensement des compétences détenues et requises, de bilan social ou de la mise en oeuvre des 35 heures, d'analyse du besoin de formation...

Le recours croissant à du personnel stagiaire (24 en 2006) a servi de variable d'ajustement, or l'emploi de moyens précaires pour couvrir des besoins permanents n'est pas conforme aux exigences d'une bonne GRH ni à l'éthique d'une association. La DGCID a annoncé la création d'une fonction « ressources humaines » confiée à un secrétaire général, mais la Cour des Comptes craint un simple effet d'annonce.

La politique de rémunération de l'AFAA n'est pas claire, selon la Cour des Comptes. Néanmoins les salaires des dirigeants ne soulèvent pas de critiques (7.118,3 euros mensuels pour le directeur, environ 4.200 euros pour un directeur de département). Les indemnités et primes (13 ème mois, indemnité forfaitaire supplémentaire, prime de résidence...) ont en revanche connu une forte hausse de 59 % sur la période , alors que les rémunérations brutes augmentaient de 13 %.

Les protocoles d'accord afférents aux primes ne font pas l'objet d'une décision d'adoption formelle des organes statutaires et ne sont pas soumis au visa du contrôleur financier. Plus particulièrement, la mise en place progressive du 13 ème mois n'a fait l'objet d'aucun débat au sein des instances dirigeantes et n'a été mentionné dans le procès verbal du conseil d'administration que plus de trois après son introduction. En outre, les « autres indemnités », dont le fondement juridique est incertain, continuent d'être servies alors que le 13 ème mois avait vocation à les remplacer.

*
* *

Le Parlement a vocation à poursuivre le contrôle de CulturesFrance engagé, notamment, par le présent rapport d'information. Une audition de suivi sera organisée par votre commission des finances avant l'examen du projet de loi de finances pour 2008.

En revanche, comme le souligne le récent rapport de nos collègues Alain Lambert et Didier Migaud en leur qualité de parlementaires en mission auprès du gouvernement sur la mise en oeuvre de la LOLF : « les parlementaires ne doivent plus être juges et parties. Des parlementaires siègent aujourd'hui dans 154 organismes extraparlementaires, qu'ils président parfois. Cette situation a un avantage : elle permet au Parlement de connaître de façon détaillée les activités desdits organismes ; elle a aussi un inconvénient : elle peut nuire à l'exercice du contrôle parlementaire, dès lors qu'il porte justement sur l'action d'organismes à la gestion desquels le Parlement participe. Il serait utile que les lois cessent de prévoir la présence de parlementaires dans ces organismes, sauf à réserver cette présence aux seuls conseils de surveillance et à bannir l'exercice de toute fonction exécutive ».

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