II. UNE CLARIFICATION NÉCESSAIRE DES PRIORITÉS STRATÉGIQUES DE CULTURESFRANCE

Selon la Cour des comptes, si l'activité de CulturesFrance, ex-AFAA, s'avère soutenue, elle donne parfois le sentiment d'être diffuse et peu ordonnée. Il en résulte un certain saupoudrage des crédits affectés aux opérations (en moyenne, en 2005, 10.000 euros par opération). Les assurances du ministère des affaires étrangères affirmant qu'il existe un effet de levier multiplicateur des fonds distribués ne seraient démontrées, selon la Cour des comptes, par aucun dispositif d'évaluation précis.

Malgré la progression des recettes de mécénat, les subventions des deux ministères de tutelle continuent de représenter la plus grande part des ressources d'une association qui a désormais compétence pour mener des actions sur le territoire national. Cette tâche a pris de l'ampleur avec l'organisation des « saisons », vastes festivals où la France accueille un pays avec lequel elle entend marquer son étroite coopération.

A. UNE PROGRAMMATION SOUS CONTRAINTES

Dans l'exercice de programmation, CulturesFrance subit d'assez nombreuses contraintes, qui conduisent à laisser une place résiduelle aux actions conduites au sein du réseau culturel français à l'étranger.

CulturesFrance n'a pas de possibilité d'appréciation et de récusation sur l'organisation des « saisons », des festivals et des biennales. Sa marge de manoeuvre est également réduite sous l'effet de commandes passées localement par certaines grandes institutions culturelles dont la renommée et l'influence auprès de nos représentants diplomatiques peut se faire pressante. Dans ce contexte, CulturesFrance est tenue de s'associer aux grands établissements culturels français.

Dès lors, si CulturesFrance dispose d'un budget significatif (28 millions d'euros en 2006), 75 % des fonds sont affectés à des projets préétablis, qui ne bénéficient pas directement au réseau.

Même dans le domaine où la marge de manoeuvre de CulturesFrance est reconnue, c'est-à-dire en matière de programmation au profit du réseau, celle-ci est fréquemment restreinte du fait que les représentations diplomatiques parviennent à faire prévaloir une action lourde financièrement dans le domaine culturel telle par exemple la venue de l'Opéra de Paris.

B. UN VOLUME IMPORTANT D'OPÉRATIONS SUR LE TERRITOIRE NATIONAL

En dehors de la saison « année de la France en Chine », l'activité de l'AFAA s'est caractérisée au cours des années passées par un volume important d'opérations sur le territoire national. Les montants engagés couvrent en 2005, selon la Cour des Comptes, à hauteur de 40 % des opérations réalisées dans l'Hexagone (hors « année de la France en Chine »), ou 33 % si l'on inclut dans l'analyse l'« année de la France en Chine ».

Le pourcentage de 40 % n'a pas été contesté de la part de CulturesFrance au cours de la procédure contradictoire à laquelle a procédé la Cour des comptes pour l'établissement de l'enquête remise à votre commission des finances. CulturesFrance et sa tutelle n'ont pas été en mesure, au cours de l'audition pour « suites à donner » en date du 8 novembre 2006, de produire un chiffre précis et étayé venant contredire les calculs de la Cour des comptes.

En revanche, lorsque le pourcentage de 40 % est paru dans la presse 2 ( * ) , il a été contesté de manière approfondie. Selon CulturesFrance, le pourcentage d'opérations réalisées en France serait en réalité bien inférieur (28 % en 2005). Vos rapporteurs spéciaux ont pris acte, au cours de l'examen du projet de loi de finances pour 2007, de ce chiffre jusqu'alors inédit, sans être fondés à remettre en cause les données établies par la Cour des comptes, la phase contradictoire étant close. Sans entrer dans une querelle de chiffres, ils considèrent que les actions réalisées par CulturesFrance sont, pour une part trop significative, réalisées dans l'Hexagone et que ceci peut avoir un impact sur le financement du réseau culturel à l'étranger.

Le directeur de CulturesFrance considère d'ailleurs cette tendance comme irréversible : sur la période récente, l'AFAA a été de moins en moins en mesure de répondre favorablement aux demandes des postes, des artistes ou des partenaires pour la diffusion de la scène artistique à l'étranger.

Pourtant, l'association accueille cette tendance favorablement puisqu'elle lui permet de passer d'une logique de projets pilotés par les agents du ministère des affaires étrangères à une logique de réalisation de programme. Pourtant, ce choix s'accompagne d'une absence d'évaluation des actions entreprises .

La responsabilité de cette évolution incombe aux « saisons » culturelles, qui résultent d'engagements diplomatiques bilatéraux, et de décisions prises au plus haut niveau de l'Etat. En principe, une saison se déroulant sur le sol national a pour vocation de s'inscrire dans une logique de réciprocité.

L'impact de ces opérations fait défaut. Pourtant, c'est la vocation prioritaire de promotion de la culture française à l'étranger, jusqu'ici assignée à l'AFAA, qui est en cause. Chacun reconnaît l'effet d'éviction qu'ont eu les « saisons » sur les autres programmes de l'AFAA.

L'AFAA, qui agissait jusqu'à présent en soutien des demandes exprimées par les services des ambassades, devient un programmateur indépendant acquérant une visibilité signalée sur la scène nationale. Or, le ministère de la culture dispose lui-même de divers relais associatifs, tels que l'ONDA, pour réaliser les manifestations culturelles sur le territoire national , ce qui tend à créer une certaine confusion dans les responsabilités assumées par chacun des deux ministères.

C. QUELLES RELATIONS AVEC LE RÉSEAU CULTUREL À L'ÉTRANGER ?

La création de CulturesFrance s'inspire de l'exemple de certains pays étrangers dans lesquels existe un grand opérateur assurant la promotion de la culture nationale à l'étranger (Institut Cervantès, Goethe Institut, British Council).

Néanmoins, il faut souligner une singularité française : CulturesFrance n'assure pas la direction et l'animation du réseau des opérateurs culturels français à l'étranger. L'action en faveur du rayonnement culturel de la France et celle en faveur de l'apprentissage de notre langue à l'étranger sont clairement séparées.

La Cour des comptes montre que la disparité du réseau et des opérateurs français peut donner l'impression d'une moindre cohérence. Une mise en cohérence imposerait une réforme d'une très grande ampleur : elle impliquerait la mise en place d'une tutelle renforcée, la réalisation sur le plan juridique de la comptabilité entre les différents statuts d'établissement relevant de régimes divers, une harmonisation des situations d'emploi très hétérogènes du personnel, sans compter les évolutions de structures rendues nécessaires par le pilotage d'un tel réseau.

A tout le moins, vos rapporteurs spéciaux soulignent que le coeur de métier de CulturesFrance est de répondre à la demande et aux besoins des postes à l'étranger, en les associant toujours davantage aux choix culturels, y compris s'agissant des excellentes expositions préparées par l'ex-ADPF.

* 2 Le Monde. 10 novembre 2006 et 18 novembre 2006.

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