c) Le besoin spontané de jeu a-t-il augmenté en France ?
Il est difficile de répondre à cette question.
On apprécierait de pouvoir disposer d'études du CREDOC, de l'INSEE ou de l'INSERM sur le sujet ; en leur absence, nous nous tournerons vers les sociologues, les psychologues et les psychiatres.
Le jeu, c'est patent, n'est plus l'affaire uniquement de flambeurs noctambules, mais touche toutes les couches de la société, et singulièrement les catégories les plus démunies et les plus vulnérables.
C'est un argument de poids pour estimer que le jeu dépendant est un véritable phénomène de société.
Or, de manière un peu simpliste, on peut dire que la période que vit cette société, encore une fois toutes catégories sociales confondues, est plutôt caractérisée par l'instabilité et l'inquiétude, à des degrés divers, de nos concitoyens.
Des progrès, des avancées, de grandes réalisations sociales et techniques, mais aussi de grandes inquiétudes fondées sur des phénomènes d'une instabilité d'autant plus préoccupante qu'elle s'attaque à des domaines autrefois relativement sécurisés : emploi, structures familiales, mais aussi à des institution quelque peu déstabilisées : religion, politique, syndicalisme.
Une actualité par trop riche en drames en tous genres -délocalisations, fermetures et licenciements, catastrophes aériennes ou climatiques- vient aggraver les réactions du public devant ces phénomènes, et l'on observe un défaut intrinsèque de confiance en soi d'un trop grand nombre d'individus, plus anxieux de découvrir (et de réclamer) un recours ou un secours que d'assumer les situations et de lutter, avec leurs propres moyens, contre l'adversité du moment.
Or, cette assistance universelle et permanente, ainsi sollicitée, manque souvent à l'appel. La famille est dispersée aux quatre coins de l'hexagone ou de l'outre mer.
Le curé : on a oublié son adresse ; l'instituteur est en réunion ; le maire n'est pas franchement compétent en tout, et on n'a pas encore songé à consulter le médecin.
On ne peut affecter à chacun un psychologue compétent malgré la floraison des cellules de soutien psychologique mobilisées pour un oui ou pour un non, quand un accident survient.
Certes, on les apprécie à leur juste valeur quand elles interviennent, dans des conditions particulièrement pénibles, parfois sur les lieux mêmes d'un drame, pour soutenir les victimes ou leurs familles, et on souhaite que leur action ne soit pas trop vite dévalorisée.
Dans cette situation pleine de contraintes, de stress et d'inquiétude, le jeu reste le puissant dérivatif que l'on connaît , et il ne nous étonnerait pas qu'à ces temps incertains corresponde un recours accru aux jeux de hasard.
Le professeur Ladouceur ne nous rassure pas beaucoup quand il nous dit, au cours du colloque des psychiatres varois consacré au jeu addictif (Hyères 2004), « Plus d'individus jouent, plus d'individus joueront, plus d'individus connaîtront des problèmes de dépendance ».
N'ajoute-t-il pas aussi que « de plus en plus de gens deviennent dépendants au bout de 2 à 3 ans seulement » ?
Le ministère de l'intérieur, sous-direction des courses et jeux rapporte un nombre croissant de demandes d'interdiction volontaire de jeux : 2.100 en 2004, de 2 à 3.000 par an depuis deux ans et un fichier multiplié par six en dix ans, tous éléments significatifs d'une augmentation sensible des problèmes d'addiction .