5. Audition du ministère de l'agriculture
Etaient présents :
- Mme Sylvie Alexandre, adjointe au directeur général de la forêt et des affaires rurales (DGFAR)
- Mme Ségolène Halley des Fontaines, sous-Directrice de la forêt et du bois
Mme Sylvie Alexandre , adjointe au directeur général de la forêt et des affaires rurales, a tout d'abord indiqué que la France disposait de ressources forestières sous-exploitées.
En effet, a-t-elle précisé, entre le tiers et la moitié de l'accroissement annuel de la biomasse forestière n'est pas valorisé : la forêt française a produit en moyenne ces dernières années une biomasse d'environ 90 millions de mètres cubes de bois par an, alors que la récolte annuelle oscille seulement autour de 35 millions (récolte commercialisée) ou 60 millions de mètres cubes en comptant le bois-énergie domestique. Cette situation perdure depuis plusieurs décennies et la France dispose ainsi de stocks de bois considérables accumulés depuis deux décennies.
Mme Sylvie Alexandre a soutenu que la ressource forestière, aussi abondante soit-elle, devait être utilisée avec rationalité et pertinence, exposant que la production d'électricité à partir de biomasse (sans cogénération, c'est-à-dire sans production de chaleur associée) constituait une « gaspillage de ressources », compte tenu du faible rendement énergétique de l'opération (de l'ordre de 33 %). Elle a regretté, à cet égard, que le premier appel d'offre du ministère de l'industrie ait favorisé la seule production d'électricité à partir de biomasse, avec des effets déstructurants pour certains autres usages. C'est pourquoi il est très important que le prochain appel d'offres incite davantage à la cogénération et à consommer de la biomasse issue directement de forêt.
Mme Sylvie Alexandre a ensuite souligné que le bois-énergie représentait un enjeu essentiel non seulement comme énergie renouvelable, mais aussi en termes d'aménagement du territoire et de développement local, notamment en milieu rural.
Interrogé par M. Claude Belot, rapporteur, sur les enjeux de la filière bois-énergie, Mme Ségolène Halley des Fontaines , sous-directrice de la forêt et du bois, a évoqué les difficultés de structuration de la filière d'approvisionnement. Elle a notamment insisté sur le fait que l'ONF, par la gestion de la forêt publique, avait incontestablement un rôle important à jouer en liaison avec l'ensemble des acteurs de la filière bois, saluant la création en avril 2006 d'» ONF-Energie », filiale de l'ONF dont l'objet est précisément de servir d'interface avec les porteurs de projets pour répondre aux besoins de l'aval de la filière-bois.
Mme Sylvie Alexandre a précisé que cette prise en compte des questions d'approvisionnement par la réforme de ses modes de vente constituait pour l'ONF une inflexion importante et structurante de son action.
Par ailleurs, Mme Ségolène Halley des Fontaines a souligné l'importance de disposer d'une vision stratégique globale et transversale de la filière bois-énergie qui soit prise en main au sein de l'interprofession de la filière forêt-bois (c'est à dire sans faire abstraction des débouchés existants) et qui vise à optimiser l'emploi de la ressource forestière dans tous ses débouchés. Au plan national, elle s'est réjouie de la création d'un poste de coordonnateur interministériel pour la valorisation de la biomasse, poste confié à Claude Roy. Au plan local, elle a cité en exemple les plans de développement des massifs. Ces derniers consistent en l'animation de l'ensemble de la filière sur un territoire donné et permettent de mobiliser les acteurs et coordonner leurs actions. Ces schémas de développement existent dans certaines régions françaises, sous l'impulsion des centres régionaux de la propriété forestière.
Evoquant les freins au développement de la biomasse, Mme Sylvie Alexandre a souligné que la création d'un réseau de chaleur bois était une opération très « capitalistique » impliquant un investissement initial lourd. L'ordre de grandeur de l'investissement initial est environ trois fois le coût d'une chaufferie à énergie fossile .C'est pourquoi il est essentiel, a-t-elle insisté, que le plan bois-énergie de l'Ademe se poursuive.
Fort de l'expérience conduite à Jonzac (Charente-Maritime), M. Claude Belot, rapporteur , a toutefois objecté que les projets biomasse étaient à terme parfaitement rentables et que développement durable rimait avec investissement durable. Il a ajouté que les taux d'intérêt étaient historiquement bas : une collectivité territoriale disposant d'une « bonne signature » peut ainsi monter une ingénierie financière très avantageuse aujourd'hui.
Enfin, Mme Sylvie Alexandre s'est déclarée extrêmement favorable aux préconisations de la Caisse des dépôts relatives aux projets domestiques, rappelant que la Mission climat de la Caisse des dépôts a présenté un rapport le 10 novembre 2005, intitulé « Elargir les instruments d'action contre le changement climatique grâce aux projets domestiques ».
Ce rapport explore les voies permettant d'élargir les incitations économiques à la réduction des émissions de gaz à effet de serre grâce à la mise en place d'un dispositif opérationnel de « projets domestiques CO 2 » sur la période 2008-2012. Les projets domestiques sont des outils qui permettraient de valoriser financièrement les réductions d'émission de gaz à effet de serre dans les secteurs qui ne sont aujourd'hui pas couverts par le système européen des quotas comme les transports, l'agriculture, et les bâtiments.
Un tel système présenterait un intérêt particulier pour notre pays : du fait des spécificités de notre système énergétique (place du nucléaire) et de la place de notre agriculture, seules 27 % des émissions de gaz à effet de serre françaises sont concernées par le système européen des quotas, contre 40 % en moyenne en Europe.
L'idée des projets domestiques consiste à appliquer la logique des « mécanismes de développement propre » (MDP), définis à l'international par Kyoto et reconnus par le système d'échange européen des quotas, à des projets développés par des acteurs nationaux : un dispositif de projets domestiques consiste à créditer des réductions d'émission obtenues par des projets développés par des acteurs nationaux dans leur pays d'origine. Un tel dispositif viendrait en complément des mécanismes existants et élargirait le gisement des projets de réduction d'émission à exploiter.