IV. LES PAYS VUS PAR LES PRÉSIDENTS DE PAYS
A. SYNTHÈSE
Dans le cadre de l'élaboration du présent rapport, un questionnaire a été envoyé aux présidents de tous les pays reconnus, afin de recueillir leur point de vue et d'en établir une synthèse.
Ce questionnaire était ainsi rédigé :
1) Quel jugement portez-vous sur le périmètre, le mode d'organisation et le fonctionnement général du « pays » dont vous avez la charge ?
2) Ce Territoire vous paraît-il constituer un niveau bien adapté aux missions qui lui sont assignées ?
3) Comment définiriez-vous plus particulièrement votre « pays » : un espace de projets à l'échelle d'un bassin de vie pertinent, un échelon de coordination pour certaines politiques intercommunales, un lieu de démocratie de proximité permettant la participation des acteurs de la société civile sur un certain nombre de sujets d'intérêt commun... ?
4) Dans quels domaines intervenez-vous à l'échelon du « pays » : développement économique, politique de l'emploi, action sanitaire, politique culturelle, équipements sportifs... ?
5) Quel jugement portez-vous sur le rôle exercé par le Conseil de développement dans votre « pays » ? Etes-vous satisfait du niveau de participation des élus ainsi que des acteurs socio-professionnels et associatifs dans ce Conseil ?
6) Etes-vous satisfait des moyens financiers et humains dont dispose actuellement votre « pays » ?
7) Etes-vous satisfait du contrat de « pays » qui a été le cas échéant signé avec l'Etat, la Région, voire le département ?
8) Votre Charte de « pays » est-elle précise et détaillée en termes de projets ou au contraire se contente-t-elle de formuler en termes généraux quelques grands objectifs territoriaux ?
9) En l'état, le « pays » dont vous avez la charge répond-il à vos attentes ? Les actions conduites à son niveau sont-elles notamment bien articulées avec les politiques territoriales menées à l'échelon des communes, des intercommunalités, des départements et des régions ?
10) Quels souhaits pourriez-vous formuler en ce qui concerne votre « pays » et le rôle qu'il pourrait mieux jouer à l'avenir ?
Sur plus de 300 pays sollicités, 135 réponses nous sont parvenues.
DÉFINITION GÉNÉRALE DES PAYS
Quelle définition ?
Le questionnaire proposait trois définitions :
- le pays est un espace de projets à l'échelle d'un bassin de vie pertinent ;
- le pays est un échelon de coordination pour certaines politiques intercommunales ;
- le pays est un lieu de démocratie de proximité.
La plupart des pays ont jugé que les trois définitions étaient bien adaptées à leur cas.
Une nuance a parfois été apportée à la dernière proposition : le pays pourrait être un lieu de démocratie de proximité mais la participation des citoyens resterait encore insuffisante. D'ailleurs, cette dernière caractéristique ne fait pas l'unanimité des pays : seulement 63 % des réponses présentent le pays comme un lieu de démocratie de proximité, tandis que pour 79 % d'entre elles le pays est principalement un espace de projets à l'échelle d'un bassin de vie pertinent ( Annexe 2 - Graphique 2 ).
Par ailleurs, une majorité des plus grands pays (plus de 100.000 habitants) se considère comme un échelon de coordination des politiques intercommunales ( Annexe 2 - Graphique 3 ). Les réponses des pays de la région Picardie qui comptent, en majorité, plus de 100.000 habitants, sont caractéristiques de ce point de vue ( Annexe 2 - Graphique 4 ).
20% des pays estiment que le pays constitue aussi une interface de reconnaissance et de dialogue avec l'État, les collectivités territoriales et les intercommunalités. Ce sentiment s'explique notamment par la mise en oeuvre réussie du volet territorial du contrat de plan État-Région (CPER) 2000-2006 ou encore des programmes européens tels que LEADER+ destinés au développement des territoires ruraux.
Le pays représente souvent un cadre pertinent pour les zones rurales qui souhaitent mettre en oeuvre des projets de développement économique et d'aménagement du territoire à un niveau dépassant celui de l'intercommunalité.
Un niveau de territoire bien adapté
Le pays est un territoire de découpage bien adapté pour 96 % des présidents de pays ( Annexe 2 - Graphique 1 ).
Certains regroupements territoriaux se sont effectués entre des zones urbaines et des zones rurales (communauté de communes et communauté d'agglomération, par exemple). Cette coopération a apporté une complémentarité et une solidarité urbain/rural jugées souvent positives. (Pays de Limoges).
Quelques réponses laissent à penser que le pays convient surtout aux zones rurales (« le pays évoque la ruralité », souligne le Président du pays de la Baie du Mont Saint Michel). Les pays ruraux sont, il est vrai, dans l'ensemble très satisfaits et jugent le pays comme un échelon de coopération très utile. En Basse-Normandie par exemple, la plupart des pays ruraux expriment leur satisfaction. Mais peu nombreux sont ceux qui considèrent le pays comme un nouvel échelon intercommunal (seulement 14 % d'entre eux) ( Annexe 2 - Graphique 8 ).
Les périmètres sont dans l'ensemble jugés cohérents et correspondant aux bassins de vie ou d'emploi ( Annexe 2 - Graphique 5 ).
Parfois, ils sont le fruit d'un regroupement historique ou constitutifs d'une réalité géographique, tels par exemple en Aquitaine : le pays Coeur-Entre-Deux-Mers, délimité par la Garonne et la Dordogne, le pays du Bassin d'Arcachon et le pays des Landes de Gascogne.
Citons également, le Nord-Pas-de-Calais pour ses pays historiques du Ternois et du Coeur de Flandre. D'autres pays encore affichent une grande identité culturelle, née de l'histoire.
Quelquefois, le périmètre correspond à l'arrondissement (cas du pays Roannais, en Rhône-Alpes) parfois au risque de l'incohérence (cas du pays du Barrois en Lorraine) mais ceci ne concerne qu'une minorité des cas.
Un seul pays a clairement manifesté son insatisfaction, notamment en ce qui concerne son périmètre : le Pays Loue Lison, dans la région Franche-Comté, pour lequel un périmètre jugé incohérent débouche sur une mauvaise organisation qui pénaliserait le fonctionnement du territoire.
Le pays du Lauragais, en région Languedoc-Roussillon, a exprimé des critiques contre l'interdépartementalité ou l'interrégionalité en soulignant des incohérences préjudiciables au bon fonctionnement du territoire.
En sens contraire, deux expériences interdépartementales ou interrégionales affichent, semble-t-il, de bons résultats :
- le pays d'Alençon formé « à cheval » sur les régions Pays de la Loire et Basse-Normandie;
- le pays Puisaye-Forterre regroupant des communes des départements de l'Yonne et de la Nièvre.
Ces deux pays bénéficient de financements de la part des deux régions ou des deux départements.
Un certain nombre de périmètres de pays ont été définis autour de l'élaboration d'un schéma de cohérence territoriale (SCOT). Bon nombre de territoires qui n'ont pas fait ce choix souhaitent néanmoins que leur périmètre soit en harmonie avec celui du SCOT existant ou à créer.
L'organisation et le fonctionnement des pays font souvent l'objet d'une appréciation positive ( Annexe 2 - Graphiques 6 et 7 ). Sont concernés le périmètre mais aussi la structure porteuse retenue, même si un certain nombre de pays qui ont choisi l'association pour structure juridique, mettent en avant la « fragilité » de cette formule qui ne permet pas la maîtrise d'ouvrage et qui ne laisse pas beaucoup d'autonomie financière.
Pour la plupart des pays, les chartes de développement constituent un document-cadre définissant des grands objectifs à atteindre. Un certain nombre d'entre elles, si elles formulent leurs objectifs en termes généraux, n'en prévoient pas moins des programmes d'action détaillant les projets à réaliser dans le cadre du contrat de pays.
91 % des pays déclarent intervenir dans le domaine du développement économique mais aussi dans le domaine touristique (66 %) et culturel (61 %) ( Annexe 2 - Graphique 9 ). La moitié d'entre eux mène des politiques relatives à l'emploi, à l'environnement, à l'aménagement du territoire et à l'urbanisme. Peu de pays interviennent en dehors de ces domaines. On remarque, par ailleurs, que les pays dont la population est inférieure à 100.000 habitants interviennent, la plupart du temps, dans tous les secteurs susmentionnés, avec toutefois une priorité pour le développement économique, l'action sanitaire et sociale et le développement du tourisme ( Annexe 2 - Graphique 10 ).
Les grands pays ont, quant à eux, tendance à s'investir essentiellement dans le développement économique. C'est le cas des pays des régions du Languedoc Roussillon, de Picardie, d'Aquitaine et de Bretagne.
BILAN ET PERSPECTIVES D'AVENIR
Conseils de développement et moyens financiers et humains
Le conseil de développement est jugé plutôt favorablement par l'ensemble des pays ayant répondu à votre Rapporteur. Son rôle est jugé important dans le fonctionnement du pays. Il a participé activement à la rédaction de la charte de développement et parfois à l'élaboration du contrat de pays.
Si certains pays soulignent que leur conseil de développement multiplie les réunions tout au long de l'exécution des projets, une majorité d'entre eux semble s'accorder sur le fait que l'action dudit conseil se serait affaiblie après la rédaction de la charte, voire quasiment « mise en sommeil ».
Plusieurs pays font toutefois état d'un « réveil » des conseils de développement lors de l'évaluation, lorsqu'elle a été effectuée, des premiers contrats de pays.
Un certain nombre de pays déclarent même que le conseil de développement reste très actif tout au long de la période de réalisation du contrat de pays. Il fait preuve d'initiatives et joue un rôle important dans l'exécution des projets.
70 % des présidents de pays ( Annexe 2 - Graphiques 11 et 12 ) jugent satisfaisante la participation au conseil des élus et des acteurs socioprofessionnels et associatifs. Les « moyens » pays (entre 75.000 et 100.000 habitants) relèvent souvent l'insuffisance de la participation des élus au conseil de développement ( Annexe 2 - Graphique 13 ). Au contraire, la participation des acteurs socioprofessionnels et des associations au fonctionnement de ces conseils est appréciée d'une manière généralement positive. Il convient de relever que certains pays ont choisi, au demeurant, d'exclure les élus des instances des conseils de développement.
Pour une légère majorité des présidents de pays (54 %, Annexe 2 - Graphique 14 ), les moyens financiers ne sont pas suffisants :
- 68 % de pays de moins de 40.000 habitants sont insatisfaits ainsi que 57 % des pays comprenant entre 40.000 et 75.000 habitants ( Annexe 2 - Graphique 15 ) ;
- en revanche, la majorité des pays de plus de 75.000 habitants se déclare satisfaite par les moyens financiers mis à leur disposition ( Annexe 2 - Graphique 15 ).
On constate aussi une différence d'appréciation en fonction de l'origine régionale des pays. Les pays très insatisfaits sont notamment ceux de l'Auvergne (notamment le pays d'Issoire), de la Champagne Ardenne, de la Corse (un seul pays), du Languedoc Roussillon et de la Picardie ( 100 % de pays insatisfaits de leurs moyens financiers dans cette région - voir Annexe 2 - Graphique16 ).
Les pays les plus satisfaits sont ceux des régions Rhône-Alpes (100 % de taux de satisfaction), Alsace, Aquitaine et Bourgogne avec notamment le Pays de Puisaye-Forterre.
L'insatisfaction porte aussi sur le manque de moyens humains. La plupart des souhaits quant à l'augmentation des moyens financiers sont motivés par un besoin d'un surcroît d'ingénierie (Pays d'Aurillac en Auvergne). Pour la quasi-totalité des pays, il conviendrait que ceux-ci disposent d'une équipe de 2 à 8 personnes en fonction des projets à réaliser.
Parmi les pays satisfaits, on compte ceux qui ont bénéficié du programme européen de développement rural LEADER+ dont la procédure simplifiée est très appréciée.
Quelques rares pays se satisfont d'une absence de financement (pays de Retz Atlantique dans les pays de la Loire).
Plusieurs soulignent la forte participation des communes à leur financement : le pays Ternois annonce que les communes de son territoire contribuent à son financement à hauteur de 2,80 € par habitant. C'est la plus forte participation relevée dans le questionnaire(les cotisations des communes allant de 0 € à 2,80 € par habitant).
La plupart des pays manifestent néanmoins de l'inquiétude quant à leur avenir financier. Ils insistent pour que les financements soient pérennisés dans le cadre des nouveaux contrats de projets Etat-régions.
Qu'en est-il de l'appréciation portée sur les contrats de pays ?
Il existe une séparation bien nette entre les petits et les grands pays. Parmi les petits pays prédomine l'insatisfaction tandis que les plus grands d'entre eux sont largement satisfaits par leur contrat territorial ( Annexe 2 - Graphique 17 ).
Les pays d'Auvergne et du Languedoc Roussillon sont particulièrement insatisfaits de leurs contrats de pays.
Les critiques les plus fréquentes concernent pourtant le désengagement de l'Etat, voire du département. De nombreux pays dénoncent le comportement de l'Etat, notamment dans la phase de réalisation du contrat de pays. D'autres font valoir que certains départements, soit n'ont pas signé le contrat territorial, soit l'ont signé mais peinent à assurer le financement promis.
Lorsque le contrat a été signé à trois (État, région, département), le résultat est souvent apprécié, comme le souligne le pays du Sud Creusois dans le Limousin, qui relève que dans ce cas, tous les partenaires sont à la fois co-financeurs et co-participants.
Plusieurs pays critiquent la durée jugée trop courte de leur contrat, notamment ceux qui n'ont signé leur contrat qu'en 2004 ou 2005 (dont plusieurs pays de Provence-Alpes-Côte d'Azur).
Sur l'articulation entre les différentes politiques territoriales, les jugements des présidents de pays traduisent encore une fois une différence d'appréciation entre petits pays d'une part et moyens et grands pays d'autre part (plus de 75.000 habitants). Les petits pays ont souvent plus de difficultés à coordonner leur politique territoriale avec celle de leurs différents partenaires.
Perspectives d'avenir
Les pays se sont aussi exprimés sur leurs perspectives d'avenir ( Annexe 2 - Graphiques 8 et 19 ).
58 % des pays souhaitent signer un nouveau contrat de pays qui intègre un volet territorial figurant dans la prochaine génération des contrats de projet Etat-régions. Dans ce cadre, ils souhaitent confirmer leur rôle de coordination et de prospective dans l'exécution des projets.
34 % des pays seulement appellent de leurs voeux un surcroît de financements de la part de leurs différents partenaires (État, région, département, intercommunalités, Union européenne). Faut-il pour autant en conclure que 66 % des pays sont satisfaits de leur niveau de financement ?
30 % des pays expriment le voeu que leur cadre territorial demeure un simple niveau d'accompagnement pour l'action des intercommunalités.
15 % des présidents de pays souhaitent, au contraire, que leur territoire soit un acteur mieux reconnu, en participant notamment aux travaux des commissions départementales (demande exprimée par 13 % des présidents de pays) et dont le périmètre s'adapterait au découpage administratif des services déconcentrés de l'État : DDE, DDA, ANPE, CAF... (demande exprimée par 10 % des pays).
Plusieurs pays font état de la nécessité de mieux harmoniser leur périmètre avec celui d'un schéma de cohérence territoriale dans une perspective d'aménagement du territoire.
On remarquera surtout que moins de 1 % des présidents de pays souhaite accorder au pays la possibilité d'exercer la maîtrise d'ouvrage des projets sans passer par l'intermédiaire des communes ou des communautés de communes.