2. L'émergence d'un géant énergétique
Conséquence de la forte croissance économique de la Chine, son poids énergétique est également en progression importante .
En 1980, la consommation énergétique chinoise représentait moins du quart de la consommation américaine et le tiers de la consommation de l'Union européenne à 15. En 2002, ces pourcentages s'élevaient respectivement à 45 % et 70 %. En 2004, la consommation chinoise énergétique s'établissait à 60 % de celle des Etats-Unis et à plus de 90 % de celle de l'UE-15. |
La contribution de la Chine à la croissance de la demande énergétique mondiale est également en croissance exponentielle entre 1990 et 2002 :
1980-1990 : la part de la Chine dans la croissance de la demande énergétique est de 15 % ;
1990-2000 : cette part s'élève à 23 % ;
Entre 2001 et 2004, la contribution de la Chine est de 52 %.
- La demande énergétique de ce pays est d'autant plus forte que l'intensité énergétique 14 ( * ) de la croissance chinoise est très élevée et son efficacité énergétique faible malgré les progrès réalisés entre 1990 et 2002.
En 2002, l'intensité énergétique du PIB chinois était 3,5 fois supérieure à celle des Etats-Unis et 5 fois supérieure à celle de l'UE-15. Depuis 2002, on observe à nouveau une nette augmentation de cette intensité. Ceci s'explique par le développement d'activités industrielles fortes consommatrices d'énergie primaire et d'électricité (sidérurgie, métallurgie, cimenterie et pétrochimie) pour répondre aux investissements dans les infrastructures et la construction. Cette hausse résulte également de la forte croissance de la classe moyenne chinoise qui atteint désormais un niveau de revenus lui autorisant une structure de consommation plus intensive en énergie.
La très forte progression des ventes d'automobiles et plus particulièrement de voitures particulières depuis 2002 en est l'illustration. Ce parc est en augmentation de 30 % par an et la concentration de véhicules est particulièrement forte dans les grandes villes, comme a pu le constater votre délégation à Pékin et Shanghai. L'engagement affiché dans le X e Plan quinquennal (2001-2005) est de permettre à 20 % des ménages de s'équiper en automobile d'ici à 2020. Mais au niveau local, et pour lutter contre les effets de la croissance automobile en termes de pollution et de circulation, certaines villes mettent en place des restrictions fortes à l'achat ou à l'usage des villes. Shanghai essaie ainsi de limiter l'accroissement de la circulation automobile par un système d'enchères de droits de circulation. |
La consommation d'énergie primaire reste marquée par la prédominance du charbon. La Chine est le premier producteur et consommateur de charbon au monde, celui-ci représentant encore 68 % de son bilan énergétique primaire contre 26 % au niveau mondial . En 2004, selon les sources statistiques chinoises, la production intérieure a atteint un record de 1,9 milliard de tonnes, en hausse de 15,5 % sur 2003, et les importations s'élevaient à 13 millions de tonnes.
- Néanmoins, son utilisation massive pourrait avoir des conséquences dramatiques en raison de la pollution que sa combustion engendre et de son impact sur la santé, des difficultés logistiques en matière de transport et du nombre très élevé d'accidents survenant dans les mines. Ces éléments, auxquels s'ajoutent, à partir de 1995, des excédents de production, ont contraint à une fermeture massive des petites exploitations artisanales et à une restructuration des grands groupes publics.
Cependant, et malgré une politique de diversification des ressources énergétiques conduite par les autorités chinoises, l'inversion de cette tendance et l'augmentation de la production charbonnière apparaît inéluctable pour faire face à l'explosion de la demande énergétique intérieure. Les pouvoirs publics qui en sont convaincus 15 ( * ) réalisent des investissements considérables dans les infrastructures de transport ferroviaires et portuaires et procèdent à la restructuration de l'industrie charbonnière pour favoriser la modernisation des installations, améliorer la productivité et réduire l'insécurité des travailleurs dans les mines.
- Malgré la prédominance du charbon, la consommation de pétrole continue de croître rapidement.
Après des années d'autosuffisance et même d'exportation, la Chine est devenue importatrice nette de pétrole en 1993.
Avec un peu moins de 200 millions de tonnes par an, la Chine est le cinquième producteur mondial, mais plus de 90 % de la croissance de sa consommation est couverte par les importations. En outre, au delà de 2010, la production chinoise devrait commencer à baisser.
S'élevant actuellement à 100 millions de tonnes par an, les importations pourraient passer à 200 millions de tonnes en 2015, 250 millions de tonnes en 2020 et plus de 300 millions de tonnes en 2050.
Le Gouvernement chinois a clairement fait le choix de l'insertion de son secteur pétrolier dans le marché mondial en libéralisant son régime juridique et en encourageant les investissements étrangers dans le domaine du raffinage et de la pétrochimie.
La « sécurité » énergétique constitue en outre une question « stratégique » pour la Chine et elle est mise en oeuvre à travers une intense diplomatie pétrolière qui s'étend d'ailleurs à l'ensemble des matières premières. Les deux objectifs affichés sont la diversification des approvisionnements, provenant aujourd'hui pour l'essentiel du Moyen-Orient, de la région Asie-Pacifique et d'Afrique de l'Ouest, et la sécurisation physique des flux pétroliers. Parmi les moyens mis en oeuvre, on peut citer l'établissement de liens économiques et politiques avec les pays producteurs et le développement tous azimuts des activités d'exploration 16 ( * ) et de production des compagnies publiques chinoises.
Avec une capacité de production électrique installée de 400 GW en 2004, la Chine est néanmoins en déficit de 20 à 40 GW constaté sur l'ensemble du réseau. Cette situation de pénurie entraîne des opérations de « black out » dans certaines provinces avec des coupures d'électricité ou des mesures de restriction fortes.
Pour résoudre cette situation et accompagner la croissance économique du pays, la Chine doit impérativement s'équiper de 40 GW par an jusqu'en 2020. Ceci implique dans les quinze années à venir, la construction d'un parc équivalent à 6 ou 8 fois le parc de production d'électricité française. Même s'il conserve un rôle prédominant, le charbon verra sa part réduite et le développement de l'hydraulique et du gaz ne pourra pas répondre à l'ensemble de la demande, de même que celui des énergies renouvelables. Le Gouvernement chinois s'est donc engagé dans un programme nucléaire ambitieux qui constitue un enjeu majeur . Actuellement, 7.000 MW d'énergie nucléaire sont en exploitation et 2.000 MW en cours de démarrage et l'objectif est d'atteindre 40.000 MW en 2020, ce qui devrait assurer seulement 5 % de la production électrique.
A travers ce bref panorama sur ce développement sans précédent, on peut considérer que le centre de gravité de l'industrie électrique mondiale est en train de se déplacer en Chine.
* 14 Quantité d'énergie requise pour générer une unité de richesse.
* 15 Aux dires de M. Hu Jintao, le charbon constitue une fourniture « abondante, stable, propre et économique d'électricité ».
* 16 La visite de M. Hu Jintao en Arabie Saoudite, au Maroc, au Nigeria et au Kenya en avril 2006 s'inscrit dans cette diplomatie pétrolière active.