Audition de M. Pascal
CLÉMENT
garde des sceaux, ministre de la
justice
(21 décembre 2005)
Présidence de M. Alain GOURNAC, vice-président
M. Alain Gournac, président .- Mes chers collègues, nous avons le bonheur d'accueillir M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, qui va s'exprimer et répondre à vos questions.
Conformément aux termes de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, M. Pascal Clément prête serment.
M. Pascal Clément .- Merci, monsieur le président. Je tiens à vous dire que c'est pour moi un bonheur partagé que de parler devant votre commission d'enquête qui s'intéresse au contrôle de l'immigration. Je note la présence d'un nombre de sénateurs femmes plus élevé que de sénateurs hommes et je salue la modernité de cette assemblée.
Le droit civil, et en particulier le droit de la famille, est confronté au défi de la pression migratoire. C'est un véritable problème qui est difficile à résoudre parce que nous savons que certaines règles du droit de la famille sont exploitées ou détournées à des fins migratoires. En même temps, il convient de ne pas perdre de vue que le droit de la famille n'a pas pour objet le contrôle des flux migratoires. D'ailleurs, nous savons que le droit à une vie familiale normale est consacré tant par la Constitution que par nos engagements internationaux et que chacun, quelles que soient sa nationalité et sa situation, doit pouvoir en jouir.
Sur un sujet sensible où les passions s'enflamment, il faut se donner le temps de la réflexion. Vous savez que le Gouvernement a mis en place un Comité interministériel de contrôle de l'immigration, que l'on appelle couramment le CICI, et je me réjouis que votre assemblée vienne, par cette commission d'enquête, apporter sa contribution à la réflexion.
De 1999 à 2003, le nombre de mariages célébrés en France entre Français et ressortissants étrangers a augmenté de 62 %. Aujourd'hui, sur 275 000 mariages célébrés en France chaque année, près de 50 000 sont des mariages mixtes. Dans le même temps, 45 000 autres mariages sont contractés à l'étranger par nos compatriotes, essentiellement avec des ressortissants étrangers. En définitive, près d'un mariage sur trois est un mariage mixte. Par voie de conséquence, 50 % des titres de séjour sont délivrés à des ressortissants étrangers conjoints de Français.
Ces chiffres démontrent que le contrôle des mariages est un enjeu migratoire important. C'est aussi un enjeu de défense de la valeur de l'institution matrimoniale dans notre société. Notre droit prévoit déjà un ensemble de procédures destinées à contrôler la validité de l'attention matrimoniale, principalement issues des lois de 1993 et de 2003.
Je rappelle que le législateur de 2003 a voulu que la lutte contre les mariages blancs soit un moyen de combattre la criminalité organisée et l'immigration clandestine. C'est pourquoi, une nouvelle infraction passible de cinq ans d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende a été créée pour ceux qui ont contracté un mariage aux seules fins d'obtenir ou faire obtenir un titre de séjour ou d'acquérir ou faire acquérir la nationalité française. De plus, les mêmes peines peuvent être requises en cas d'organisation ou tentative d'organisation de mariages frauduleux.
Ces peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et 750 000 euros d'amende si l'infraction est commise en bande organisée. L'organisation de mariages blancs est le plus souvent le fait de réseaux demandant aux candidats au mariage de débourser de 12 000 à 15 000 euros et versant aux Françaises, souvent des personnes en situation de précarité, de 3 000 à 8 000 euros. Le rôle des groupements d'intervention régionaux est important pour démanteler ces filières et lutter contre la délinquance organisée.
Ces dispositions étant encore récentes, il existe à ce jour peu de données chiffrées fiables permettant une véritable analyse de l'activité des juridictions en la matière.
Quatorze condamnations ont été prononcées sur le fondement de ces dispositions en 2004, dont onze peines d'emprisonnement parmi lesquelles trois comportaient une partie d'emprisonnement ferme.
La circulaire du 13 mai 2003 relative à la lutte contre les fraudes à l'état civil donnait pour instruction aux parquets de sensibiliser les différents services administratifs sur l'obligation de dénoncer les faits pouvant être qualifiés de mariages blancs. Si ces faits sont caractérisés, la circulaire prévoit des poursuites systématiques des chefs de faux et usage, tentative d'obtention indue de documents administratifs et aide au séjour irrégulier.
Le Conseil constitutionnel a indiqué le 20 novembre 2003 que le caractère irrégulier du séjour d'un étranger peut constituer, dans certaines circonstances, un indice sérieux laissant présumer que le mariage est envisagé dans un but autre que l'union matrimoniale. Toutefois, la seule situation irrégulière d'un des futurs conjoints ne présume pas du caractère frauduleux de l'union demandée.
La loi du 26 novembre 2003, si elle a produit certains résultats, n'est cependant pas assez efficace et il est donc nécessaire d'aller plus loin. Il est notamment indispensable de renforcer le contrôle exercé sur la validité des mariages mixtes, qu'ils soient célébrés en France ou à l'étranger, et de décourager les ressortissants étrangers qui, en épousant un Français ou une Française, recherchent exclusivement le droit de rester sur notre territoire. Telle est l'ambition du projet de loi que j'ai présenté lors du Comité interministériel de contrôle de l'immigration, le 29 novembre dernier.
Son premier objectif est de mieux contrôler la réalité de l'intention matrimoniale des candidats au mariage.
Concernant les mariages célébrés en France, les lois de 1993 et de 2003 ont déjà apporté des outils importants.
Ainsi, la loi du 26 novembre 2003 a donné à l'officier de l'état civil la possibilité, s'il a un doute quant au projet de mariage qui lui est soumis, de s'entretenir avec les futurs époux avant la célébration du mariage. Cette audition est pour lui le moyen, en s'entretenant le cas échéant séparément avec chacun des futurs conjoints, de vérifier la réalité de leur intention matrimoniale.
Par ailleurs, si le doute se confirme à l'issue de cet entretien, l'officier de l'état civil peut alerter le ministère public. Depuis 1993, ce dernier a le pouvoir d'ordonner qu'il soit sursis à la célébration du mariage (pendant un délai qui a été porté en 2003 à deux mois au maximum), afin qu'une enquête plus approfondie soit réalisée. Le cas échéant, il peut même s'opposer à la célébration du mariage s'il est établi que celui-ci renferme une cause de nullité.
L'application de ces dispositions a déjà permis de faire échec à la conclusion de nombreux mariages blancs ou forcés. Ainsi, pour la seule année 2004, les procureurs de la République ont été saisis de 5 272 dossiers de ce type.
Toutefois, l'expérience a montré que de nombreux maires rencontrent des difficultés dans l'application de ce dispositif. En effet, il n'est pas toujours aisé, je le conçois, de déterminer quels éléments doivent les conduire à signaler aux parquets des dossiers qui peuvent justifier, au regard de la loi et de l'application qui en est faite par les tribunaux, que le ministère public s'oppose à la célébration du mariage.
Afin de répondre à leurs préoccupations, la chancellerie a diffusé, le 2 mai 2005, une circulaire expliquant les principales dispositions de la loi du 26 novembre 2003. Cette circulaire recense un certain nombre de critères non exhaustifs susceptibles d'être retenus. Elle demande également l'organisation de réunions de concertation sur ce sujet entre les maires et les procureurs. J'ai récemment réitéré cette demande lors d'une réunion avec les procureurs généraux : la coopération entre le parquet et les officiers de l'état civil doit être évidemment renforcée.
Au-delà, le dispositif législatif de contrôle des mariages célébrés en France peut être encore amélioré. C'est pourquoi je propose dans ce projet de loi une réécriture de l'article 63 du code civil qui énonce les formalités que doit accomplir l'officier de l'état civil afin de faire apparaître plus clairement le déroulement de la procédure. L'expérience a en effet montré que les maires procèdent à la publication des bans trop tôt alors que cette publication doit en principe clôturer l'examen du dossier de mariage. Il en résulte que, si des indices de mariage de complaisance sont découverts après la publication, il devient très difficile de s'opposer à la célébration.
Des améliorations seront donc prochainement apportées dans la constitution du dossier du mariage, mais elles ne constitueront pas un bouleversement du dispositif actuel.
Il convient d'avoir à l'esprit, en cette matière, les limites constitutionnelles qui ont été rappelées à deux reprises : il n'est pas question d'interdire le mariage avec un étranger en situation irrégulière, ni même de considérer qu'un mariage est suspect de complaisance du seul fait qu'un des candidats au mariage est un étranger en situation irrégulière.
De fait, les difficultés actuelles se concentrent davantage autour des mariages célébrés à l'étranger.
Actuellement, seuls les mariages célébrés par nos officiers consulaires peuvent faire l'objet d'un contrôle préalable similaire à celui exercé sur les mariages célébrés en France. Toutefois, l'essentiel de nos compatriotes se marient à l'étranger devant une autorité étrangère. Si la législation actuelle prévoit que, dans ce cas, ils doivent solliciter de nos autorités consulaires la délivrance d'un certificat de capacité matrimoniale, bien peu d'entre eux respectent cette obligation et aucune sanction n'est véritablement prévue. En pratique, en l'état du droit, notre contrôle ne s'exerce le plus souvent qu'a posteriori, c'est-à-dire à l'occasion de la transcription du mariage sur les registres de l'état civil.
Ce système est doublement insuffisant : d'une part, le mariage d'un Français célébré à l'étranger peut produire certains effets en France même sans avoir été transcrit ; d'autre part, le contrôle a posteriori est généralement trop tardif et les formalités préalables, qui, certes, existent, sont inefficaces.
Depuis le 1 er mars dernier, est entré en application le décret du 23 février 2005 qui confie au tribunal de grande instance de Nantes une compétence exclusive. Cette compétence s'exerce à la fois pour les décisions de sursis à transcription émanant des officiers de l'état civil consulaire et diplomatique et pour la poursuite en annulation des mariages célébrés à l'étranger. Cette réforme a été accompagnée de moyens nouveaux affectés au tribunal de Nantes. En particulier, le parquet a reçu quatre fonctionnaires et deux magistrats supplémentaires.
Cette centralisation a déjà permis en quelques mois de traiter l'ensemble des procédures dans un délai moindre et de manière uniforme. Chaque dossier fait l'objet d'une réponse dans le délai de six mois prévu par l'article 170-2 du code civil, et il n'y a plus de transcription par défaut. Toutefois, je souhaite aujourd'hui aller plus loin encore afin de clarifier et renforcer les procédures actuelles.
Je crois nécessaire de soumettre, mutadis mutandis , les mariages de Français à l'étranger aux mêmes règles et aux mêmes contraintes que les mariages célébrés sur notre territoire. Ainsi, je présenterai au cours du prochain semestre un nouveau dispositif qui sera regroupé dans le code civil sous un nouveau chapitre intitulé : « Du mariage des Français à l'étranger » entièrement consacré à cette question.
Bien sûr, l'indépendance souveraine des autorités étrangères prive l'autorité française de la possibilité d'empêcher la célébration de tels mariages. Toutefois, le projet de loi rétablira, pour nos compatriotes souhaitant se marier devant une autorité étrangère, l'obligation d'obtenir un certificat de capacité matrimoniale et fera peser sur le non-respect de cette obligation de véritables conséquences quant à la transcription du mariage.
Au terme de ce nouveau dispositif, les candidats au mariage seront auditionnés par l'officier de l'état civil diplomatique ou consulaire français qui pourra dénoncer au procureur de la République les mariages de complaisance. Dès avant la célébration du mariage, le procureur de la République pourra former opposition.
Si le mariage était néanmoins célébré par l'autorité étrangère, l'acte ne pourrait pas être transcrit sur les registres de l'état civil sans qu'un juge français l'ait ordonné. La saisine du juge incombera aux époux.
Quant aux époux qui se seraient mariés sans obtenir au préalable le certificat de capacité matrimoniale, ils ne pourraient obtenir cette transcription qu'à condition de se soumettre à l'audition à laquelle il aurait dû être procédé avant le mariage. En cas de suspicion de mariage blanc, c'est à eux qu'incombera la charge d'obtenir une décision du tribunal ordonnant la transcription.
L'efficacité de ce dispositif reposera également sur le fait qu'il sera désormais expressément prévu que seule la transcription permet de faire produire des effets en France à un mariage célébré à l'étranger.
J'ai également proposé, mais cela fera l'objet d'un texte différent, de limiter l'attractivité du mariage avec un ressortissant français en rendant plus restrictives les conditions dans lesquelles les conjoints de Français accèdent à la nationalité française.
En 2004, sur 75 753 personnes devenues françaises par déclaration de nationalité, 34 440, soit près de la moitié, le sont devenues à raison du mariage. Les déclarations souscrites sur le fondement de l'article 21-2 du code civil, c'est-à-dire à raison du mariage, sont donc les plus nombreuses. Cela doit conduire à être particulièrement vigilant sur leur régime juridique.
Parallèlement, les mariages entre personnes de nationalité française et étrangère augmentent, notamment ceux célébrés à l'étranger. Devant le risque de fraude, il est proposé de renforcer les conditions de souscription de la déclaration. Il convient ainsi d'augmenter de deux à quatre ans le délai de communauté de vie nécessaire pour souscrire la déclaration de nationalité française. En outre, cette exigence sera doublement renforcée : premièrement, par la nécessité d'une communauté de vie tant affective que matérielle constante entre les époux depuis le mariage et jusqu'à la souscription de la déclaration ; deuxièmement, par la résidence ininterrompue et régulière en France du conjoint étranger depuis trois années. En l'absence de résidence en France du conjoint étranger pendant trois ans, la communauté de vie sera portée à cinq ans.
De telles conditions permettront de subordonner l'acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger à sa pleine intégration dans la communauté française, sans possibilité de fraude.
Enfin, les liens familiaux avec un Français et les liens historiques entretenus avec certains pays ont toujours été des facteurs importants pour acquérir la nationalité française.
Cependant, le droit doit s'adapter aux réalités de notre temps et s'assurer d'une intégration personnelle, pleine et entière de l'individu dans la société française pour décider de sa naturalisation. C'est pourquoi il est proposé que l'enfant dont le parent a acquis la nationalité française justifie, par delà ce lien familial, d'une résidence en France pendant cinq ans pour devenir français par naturalisation. Il en est de même pour le conjoint.
Il y aura bientôt un demi-siècle que les territoires anciennement sous souveraineté française sont devenus indépendants. Près de 40 000 personnes naturalisées l'année dernière étaient ressortissantes de ces pays. Leur jeune âge fait qu'à la différence de leurs ascendants, elles n'ont jamais participé à la vie citoyenne française. Dès lors, seule une résidence sur notre sol d'une durée de cinq années permettra de leur transmettre les valeurs républicaines de notre Etat et de garantir leur intégration dans la société française.
Vous avez également souhaité, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs, connaître mes projets de réforme en ce qui concerne la fraude à l'état civil.
Premièrement, la loi du 26 novembre 2003 relative à l'immigration, à l'entrée et au séjour des étrangers en France et à la nationalité française a profondément modifié l'article 47 du code civil relatif à la force probante des actes de l'état civil étrangers.
Jusqu'à cette date, cet article 47 posait le principe de la force probante des actes de l'état civil étrangers dès lors qu'ils étaient faits en conformité des dispositions de la loi locale étrangère compétente. Depuis la réforme de 2003, la valeur probante des actes de l'état civil étrangers n'est plus absolue et il est devenu possible d'opposer des doutes sur leur authenticité ou leur véracité. Cela est extrêmement utile car nous savons que, dans certains pays, la fraude à l'état civil s'est généralisée.
Les alinéas 2 à 5 du nouveau texte proposent un dispositif de vérification de l'acte d'état civil litigieux par le parquet du tribunal de grande instance de Nantes saisi à l'initiative de l'intéressé qui s'est vu opposer les soupçons de l'administration. En deux ans, le procureur de la République de Nantes a été saisi seulement 29 fois et, compte tenu des conditions extrêmement rigides de la procédure, ces 29 saisines n'ont pu aboutir. En effet, soit leur auteur n'était pas compétent, soit les conditions de saisine n'étaient pas réunies, soit la procédure n'avait pas été respectée. Ce bilan souligne l'urgence qui s'attache à une simplification.
Deuxièmement, il faut une nouvelle réforme de l'article 47 du code civil.
Les travaux du comité interministériel du contrôle de l'immigration ont été l'occasion de reconsidérer ce texte. Le projet de loi que j'ai présenté ne remet pas en cause le principe de la force probante des actes de l'état civil étrangers mais il le précise.
La nouvelle rédaction de l'article 47 du code civil permettra à tout destinataire d'un acte de l'état civil étranger, qu'il s'agisse d'une administration ou d'un professionnel indépendant, d'en décider le rejet s'il est irrégulier ou frauduleux et ce, le cas échéant, après toutes les vérifications utiles. Dans un souci d'efficacité, une simplification de l'article 47 s'imposait par la suppression du mécanisme de sursis administratif et de vérification judiciaire.
Le nouveau dispositif prendra en compte les deux spécificités de la vérification de l'état civil étranger.
D'une part, la vérification prend du temps. En effet, en pratique la vérification de l'existence de l'acte original s'opère par une consultation, par les autorités consulaires françaises, des registres détenus par les autorités étrangères locales. La rapidité de ces observations dépend de la diligence des services étrangers sollicités et, en conséquence, varie d'un Etat à l'autre ainsi que des moyens dont disposent les autorités consulaires françaises à l'étranger.
D'autre part, la preuve, comme vous vous en doutez, est très difficile à établir. Il faut sortir de la logique binaire dans laquelle la charge de la preuve incombe soit à l'administration soit à l'administré.
Je rappelle que les articles 21 et 22 de la loi du 12 avril 2000 disposent que le silence gardé pendant plus de deux mois par l'autorité administrative sur une demande vaut décision implicite de rejet ou, au contraire, décision implicite d'acceptation.
Aux termes du nouvel article 22-1 que je propose d'introduire, les administrations qui se voient remettre un acte de l'état civil étranger sur la régularité duquel elles ont un doute disposent d'un délai supplémentaire de six mois, soit huit mois au total, pour instruire le dossier dès lors qu'elles font procéder à toutes vérifications utiles auprès des autorités étrangères compétentes. Par ailleurs, en cette matière, le silence de l'administration vaudra décision de rejet. L'intéressé sera informé, bien sûr, de cette demande de vérification.
Enfin, en cas de contestation de la décision de rejet d'une demande de délivrance d'un acte ou d'un titre, le juge saisi forgera sa conviction sur l'ensemble des éléments présents au dossier et ne pourra pas fonder sa décision exclusivement sur l'insuffisance des preuves apportées par l'administré ou par l'administration.
J'appelle votre attention sur le fait que cette réforme ne peut réussir qu'à une double condition : premièrement, que les administrations fassent preuve de vigilance dans leur appréciation du doute et ne se retranchent pas derrière la faculté de demander une vérification de l'acte d'état civil étranger produit ; deuxièmement, le maintien d'une étroite implication des postes consulaires dans les missions d'état civil.
Je souhaite aborder maintenant devant vous les questions touchant le traitement du contentieux du droit des étrangers.
Il s'agit premièrement d'examiner la procédure administrative de reconduite à la frontière.
En 2004, le nombre de requêtes dirigées contre des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière (APRF) enregistrées par les tribunaux administratifs a augmenté de 50 %. Depuis le 1 er janvier 2005, les appels en la matière ne sont plus jugés par le Conseil d'Etat mais par les cours administratives d'appel.
Le Conseil d'Etat, en sa qualité de juge suprême du contentieux administratif et de gestionnaire des juridictions administratives, a formulé un certain nombre de propositions qui recueillent mon assentiment.
La proposition principale réside dans la transformation de l'invitation à quitter le territoire français, qui n'a aujourd'hui aucune force juridique contraignante, en une obligation susceptible de faire l'objet d'une mesure d'exécution d'office. Le principal intérêt, du point de vue des juridictions administratives, consisterait en une diminution très importante du contentieux des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière. En effet, en cas de refus de délivrance de titre de séjour, l'éloignement de l'étranger pourrait intervenir sans qu'il soit nécessaire de recourir à une décision distincte de l'invitation à quitter le territoire.
L'occasion pourrait être saisie de réfléchir au traitement du contentieux des refus de titre de séjour qui pourrait être amélioré, notamment en ayant recours au juge statuant seul.
En effet, la contestation de l'invitation à quitter le territoire amènerait de manière presque systématique le juge à se prononcer sur le bien-fondé du refus du titre de séjour lui ayant servi de base légale.
Unifier le traitement de ce contentieux devant un magistrat statuant seul permettrait d'améliorer l'efficacité du traitement du contentieux des étrangers devant les juridictions administratives sans porter atteinte au droit des intéressés. En effet, les contentieux dévolus à un magistrat statuant seul peuvent toujours, en cas de difficulté, être renvoyés devant une formation collégiale.
Par ailleurs, le recours contre l'invitation à quitter le territoire serait suspensif afin d'éviter toute exécution intempestive avant que le juge n'ait statué sur la légalité de la décision.
La solution présentée subsidiairement par le vice-président du Conseil d'Etat semble indiscutablement justifiée. Il s'agit de porter de 72 heures à deux mois le délai imparti au juge pour statuer sur la légalité des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière notifiés par voie postale.
Il n'apparaît pas normal que le juge administratif soit contraint de statuer dans un délai très bref sur la légalité d'arrêtés de reconduite à la frontière qui, parce qu'ils ont été notifiés par voie postale, n'ont que peu de chances d'êtres mis à exécution.
En revanche, ce délai semble devoir être maintenu dès lors que l'intéressé est placé en rétention administrative, et ce même après une notification par voie postale de l'arrêté prescrivant sa reconduite à la frontière.
Enfin, je suis favorable au recrutement de magistrats administratifs honoraires pour traiter le contentieux des arrêtés de reconduite à la frontière, lequel ne présente pas de difficulté particulière et encombre très fortement un certain nombre de tribunaux administratifs.
Le deuxième point concerne la possibilité de délocaliser les audiences devant le juge des libertés et de la détention des étrangers maintenus en rétention ou placés en zone d'attente. La loi du 26 novembre 2003 en a reconnu le principe.
Après une visite en juin 2003 de la salle d'audience de Roissy construite sur l'initiative du ministère de l'intérieur, il s'est avéré que les locaux n'étaient pas adaptés aux besoins judiciaires et nécessitaient une importante reconfiguration. Ce ministère a repris en profondeur les agencements architecturaux et fonctionnels, en collaboration étroite avec la chancellerie et les utilisateurs. Le projet qui a reçu l'agrément de la chancellerie et des utilisateurs comporte la création d'une seconde salle d'audience. En effet, un simple réaménagement des locaux ne permettait pas de disposer d'une enceinte judiciaire clairement identifiée et directement accessible au personnel judiciaire et au public.
Compte tenu des délais relatifs aux études et à la réalisation des travaux, le bâtiment ne devrait pas être livré avant le début 2006. Je suis en attente d'informations de la part du ministère de l'intérieur qui est confronté à des problèmes de convention d'occupation des lieux et à des problèmes de distribution interne des locaux.
Sur l'utilisation de la salle d'audience de Coquelles, la cour d'appel de Douai a fait connaître qu'il n'y avait pas de difficultés particulières.
J'en viens à la situation des mineurs étrangers isolés.
Il n'existe aucun recensement quantitatif fiable sur le sujet des mineurs étrangers isolés. En l'état actuel, les données statistiques des juridictions et des services de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) ne permettent pas de connaître le volume d'activité engendré par le contentieux judiciaire des mineurs étrangers isolés.
Le rapport de l'IGAS de janvier 2005 fait apparaître que les départements hors Paris ont vu le nombre des mineurs étrangers isolés accueillis augmenter de 16 % entre 2001 et 2003. L'arrivée de ces mineurs sur des départements autrefois peu concernés paraît toujours d'actualité. Toutefois, ils restent très concentrés sur les grands centres urbains, les zones frontalières et à proximité des ports et des aéroports.
S'agissant de l'action de la justice en direction de ces publics :
- en premier lieu, le mineur étranger isolé étant dépourvu de représentants légaux sur le territoire, la loi du 4 mars 2002 prévoit la désignation d'un administrateur ad hoc pour l'assister et le représenter dans les procédures judiciaires et administratives ;
- en deuxième lieu, une fois le mineur admis sur le territoire et libéré de la zone d'attente, se pose la question de sa prise en charge : pour répondre à ce problème, des structures d'hébergement ad hoc ont été mises en place, telles que le Centre d'accueil pour mineurs demandeurs d'asile (CAOMIDA) situé à Boissy-Saint-Léger ;
- enfin, la DPJJ examine actuellement les conditions d'habilitation de plusieurs associations candidates pour exercer des mesures d'investigation et d'orientation éducatives spécialement dirigées vers les mineurs étrangers isolés.
Par ailleurs, la prise en charge judiciaire des mineurs étrangers isolés donne lieu à des pratiques variables d'une juridiction à l'autre. C'est pourquoi j'ai décidé la mise en place d'un groupe de travail, piloté par la direction de la protection judiciaire de la jeunesse et chargé de réfléchir aux questions juridiques posées par l'intervention judiciaire auprès des mineurs étrangers isolés. Ce groupe va déposer ses conclusions dans les prochains jours.
Je souhaite que cette réflexion puisse constituer une base pour l'élaboration, courant 2006, d'une circulaire d'instruction aux parquets. L'objectif est d'offrir des préconisations uniformes de traitement des procédures à l'ensemble des parquets.
De plus, mon ministère développe une action au plan international. Afin de favoriser les contacts entre les divers acteurs des services des Etats français et roumain, un groupe de liaison opérationnel (GLO) a été mis en place à titre expérimental en application de l'accord bilatéral signé le 4 octobre 2002.
Enfin, la loi du 26 novembre 2003 a exigé qu'un mineur soit confié à l'ASE depuis au moins trois années pour acquérir la nationalité française. Auparavant, aucune condition de durée n'était exigée. Plus généralement, les statistiques d'activité des tribunaux mettent en évidence une diminution de l'ensemble de l'activité liée à la minorité et à la nationalité.
Ces statistiques ne font malheureusement pas apparaître de données chiffrées relatives aux mineurs étrangers isolés recueillis par les services des conseils généraux ou de la protection judiciaire de la jeunesse et ayant acquis la nationalité française.
La loi du 26 novembre 2003 est encore trop récente pour pouvoir l'évaluer. Toutefois, le délai de trois ans paraît suffisant : il interdit l'acquisition de la nationalité française aux grands adolescents recueillis, il permet de veiller à la bonne adaptation des mineurs accueillis plus jeunes et, surtout, il laisse le temps de procéder à des vérifications sur leur situation individuelle.
J'en viens, enfin, à la dépénalisation de l'immigration irrégulière.
Afin de lutter contre la surpopulation des prisons, la commission d'enquête du Sénat sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires (qui date de juin 2000) a préconisé la dépénalisation des infractions aux règles de l'entrée et du séjour des étrangers en France. Le rapport d'enquête rappelle que la législation sur le séjour des étrangers prévoit aujourd'hui une peine d'un an d'emprisonnement pour ce qu'il est convenu d'appeler les « sans papiers ». Les rapporteurs, MM. Hyest et Cabanel, considèrent que cette mesure a comme effet pervers d'encombrer les prisons, ce qui contribuerait à la dégradation des conditions de détention, notamment dans les grandes maisons d'arrêt.
J'ai le regret de vous dire que le Gouvernement ne partage pas l'analyse de ce rapport et qu'il n'est donc pas favorable à la dépénalisation du délit de séjour irrégulier, et ce pour deux raisons.
En premier lieu, il n'est pas exact de soutenir que ce délit est l'une des causes de la surpopulation carcérale. Le nombre d'étrangers condamnés à une peine d'emprisonnement ferme pour ce seul délit est, franchement, marginal. La plupart des étrangers en situation irrégulière qui sont détenus dans les établissements pénitentiaires le sont soit pour d'autres infractions, soit pour le délit de refus d'embarquement, mais les étrangers à qui il est reproché ce seul délit de séjour irrégulier font, la plupart du temps, à l'issue de leur garde à vue, l'objet d'une procédure administrative de reconduite à la frontière et non de poursuites.
La nécessité de privilégier la voie administrative et non la voie pénale dans un tel cas a d'ailleurs été régulièrement rappelée aux parquets et aux préfets ces dernières années et une nouvelle circulaire commune du ministère de la justice et du ministère de l'intérieur en ce sens devrait être diffusée dans les prochains jours. Au demeurant, les réformes récentes, notamment celle qui allonge la durée de la rétention administrative préalable à la reconduite à la frontière, sont venues renforcer l'efficacité de la voie administrative.
En second lieu, la dépénalisation de cette infraction poserait deux types de problème.
En droit, elle ne permettrait plus l'arrestation et le placement en garde à vue des étrangers en situation irrégulière alors que ces mesures sont nécessaires à la fois pour permettre la mise en oeuvre de la procédure de reconduite administrative, mais aussi, dans certains cas, pour permettre des enquêtes relatives aux filières clandestines d'immigration.
En opportunité, cette dépénalisation risquerait d'être interprétée comme la volonté du Gouvernement de lutter de façon moins efficace contre l'immigration clandestine, de baisser la garde, en quelque sorte, ce qui ne correspond pas, vous le savez, à la réalité et n'est évidemment pas souhaitable.
Mesdames et messieurs les sénateurs, l'immigration est un défi majeur pour notre société. Il convient, dans le respect de nos principes républicains, de l'aborder avec lucidité et avec détermination. En tout cas, tel est mon engagement.
M. Alain Gournac, président .- Monsieur le ministre, nous vous remercions de votre propos. Vous nous avez parlé il y a un instant de la salle d'audience de Roissy que nous avons visitée la semaine dernière. Nous avons passé une matinée avec la police aux frontières et nous sommes allés également voir cette salle. Les réactions qu'elle suscite sont contrastées.
M. François-Noël Buffet, rapporteur .- Dans le prolongement de ce que vient d'indiquer le président, nous avons effectivement vu, à Roissy, une très belle salle d'audience qui est inutilisée. Certes, nous comprenons les problèmes matériels. Pour autant, les avocats que nous avons entendus contestent le principe de tenir des audiences sur place et souhaitent venir au palais de justice.
M. Pascal Clément .- C'est uniquement cela.
M. François-Noël Buffet, rapporteur .- Pourtant, les choses ne se passent pas aussi mal dans d'autres départements. Est-ce un microclimat ou une position générale ?
M. Pascal Clément .- Depuis le début, les avocats de Bobigny sont opposés à cette audience annexe du tribunal de grande instance de Bobigny. Je les ai reçus lorsque j'étais président de la commission des lois de l'Assemblée nationale. Les raisons qu'ils ont invoquées ne m'ont pas convaincu.
Ils m'ont dit notamment que, les embouteillages aidant, cela les retenait pendant un après-midi ou une journée pour aller défendre un certain nombre d'étrangers présentés au juge. Or il serait très intéressant, pour l'Ordre des avocats de Bobigny, d'avoir une permanence et, ainsi, d'avoir un certain nombre d'avocats à disposition en permanence, d'autant plus qu'entre les magistrats et la police aux frontières, il y a moyen d'organiser les périodes dans lesquelles sont transférés les étrangers en situation irrégulière.
Les avocats sont comme tout citoyen : ils doivent se conformer à la loi. Par ailleurs, je me demande s'il est bien nécessaire de dépenser tant d'argent pour construire une deuxième salle d'audience.
Comme je vous l'ai dit, pour ce qui est de Coquelles, il n'y a aucun problème avec les avocats de la cour d'appel de Douai et on constate qu'en 2004, cette salle d'audience a très bien fonctionné : 2 100 décisions y ont été rendues, dont 1 951 prolongations et 158 remises en liberté. Il en a été de même en 2005.
Dans un cas, les avocats jouent le jeu alors qu'il y a aussi des problèmes d'éloignement. Entre Coquelles et Douai, il y a un grand nombre de kilomètres et, à Roissy, ce n'est pas tant un problème de distance que de délai mais cela revient au même.
M. Alain Gournac, président .- Le avocats souhaitent que l'accès à la salle d'audience soit séparé de l'entrée de la zone d'attente. Un tel aménagement semble faisable d'audience. Le problème, c'est qu'on demande une salle des pas perdus et une deuxième salle.
M. Pascal Clément .- C'est ridicule ! Pourquoi ne voudraient-ils pas aussi une coupole et une flèche, dans ce cas ?...
M. Alain Gournac, président .- Ils demandent surtout une deuxième salle.
M. Bernard Frimat .- Monsieur le ministre, merci de votre communication. Nous sommes sur un sujet difficile et délicat qu'il faut essayer d'aborder avec le plus de sérénité et de retenue possible dans un climat global marqué par la progression de la xénophobie.
Le droit des étrangers est un sujet sensible faisant appel à des principes contradictoires : respect de la souveraineté nationale, d'un côté, respect des droits de l'homme, de l'autre.
Je souhaite d'abord vous poser une question pour obtenir de simples précisions chiffrées, sachant que vos services pourront peut-être nous donner la réponse plus tard. Vous avez évoqué une augmentation de 62 %, de 1999 à 2003, des mariages célébrés entre Français et ressortissants étrangers et vous vous arrêtez aujourd'hui sur un chiffre de 50 000 mariages mixtes sur 275 000 mariages célébrés en France. Quelle est la répartition entre Françaises et Français ? Dans le mariage mixte, a-t-on une égalité entre les hommes français et les femmes françaises ?
Ma crainte est que les mariages mixtes fassent l'objet d'une suspicion systématique de fraude, alors que la plupart d'entre eux sont fructueux. Cela pourrait être regrettable pour l'image de la France dans un certain nombre de pays.
Sur un autre aspect, vous avez évoqué les mariages frauduleux et les mariages blancs, mais vous n'avez pas du tout évoqué les mariages forcés. A cet égard, je ferai allusion notamment aux travaux de la délégation de l'Assemblée nationale au droit des femmes qui a posé une série de questions fort judicieuses. Ne pensez-vous pas que, vis-à-vis des jeunes filles françaises d'origine étrangère mariées en France ou à l'étranger, il y aurait intérêt, dans nos consulats, à faire en sorte que ce problème du mariage forcé puisse être évoqué et n'y aurait-il pas une possibilité de saisine mise en oeuvre par les intéressées elles-mêmes, victimes de ces mariages forcés, puisque, là aussi, nous sommes dans le cadre de la protection des gens ?
M. Pascal Clément .- Sur le premier point, je serai rapide parce que je ne sais pas répondre et que les services n'ont pas fait ce type de répartition entre le nombre d'hommes et de femmes étrangers ou étrangères dans les mariages mixtes. Je rappelle d'ailleurs que la CNIL est très vigilante sur les traitements automatisés de données à caractère personnel et les interconnexions de filières.
Quant à la lutte contre les mariages forcés, j'observe que l'Assemblée nationale vient d'adopter la proposition de loi sénatoriale sur la lutte contre les violences conjugales, qui prévoit de relever de 15 à 18 ans l'âge du mariage pour les femmes. Elle a enrichi ce texte en y intégrant des propositions de sa mission d'information sur la famille. Vous avez dit vous-même que c'était aux jeunes filles de dénoncer ces situations, mais je pense qu'il ne faut pas méconnaître l'autorité des parents. Ces jeunes filles n'ont souvent guère de contacts avec l'extérieur. Beaucoup n'on ni la personnalité ni l'opportunité de se plaindre. Il ne faut pas croire qu'il est une chose facile de lutter contre cet état de chose : on le sait bien quand on parle à ces jeunes filles.
D'une manière générale, il faut retenir cette obligation d'auditionner les futurs époux. Vous parliez des mariages fructueux entre étrangers et on peut vraiment dire que ce qui se passait il y a cinquante ou trente ans n'a plus rien à voir avec ce qui se passe aujourd'hui où on cherche désormais à avoir accès aux pays riches, aux pays qui ont des prestations sociales. Nous voyons bien que toute l'Europe est concernée à des titres divers. Nous constatons aussi, car il ne faut jamais oublier d'aller regarder ailleurs ce qui se passe dans ces domaines, que non seulement nous ne sommes pas les plus exigeants mais que nous sommes dans le bas de la fourchette sur l'immigration.
On peut trouver de belles âmes qui nous expliquent que c'est trop, certes, mais ces personnes doivent voyager pour voir ce que font les Anglais, les Allemands et, surtout, les Italiens. Dans tous ces pays, le droit concernant l'immigration est devenu de plus en plus sévère et exigeant parce que cela concerne absolument tout le monde.
Le projet de loi que j'ai présenté devant le CICI, a pour objet de faire en sorte que les auditions des deux conjoints soient séparées et faites l'une après l'autre. En effet, il est évident que si l'un est sous la tutelle psychologique et l'autorité morale de l'autre, ce type d'opération sera purement formel.
Quant à l'acquisition de nationalité, comme vous l'avez vu dans mon propos, nous avons 34 000 naturalisations par an qui se font à partir du mariage, soit la moitié des naturalisations françaises annuelles, et c'est donc un sujet qu'il faut regarder avec attention. C'est ce que nous faisons.
M. Alain Gournac, président .- Je vous remercie.
Mme Eliane Assassi .- Merci, monsieur le ministre, de vos propos qui n'appellent pas de questions particulières de ma part tout simplement parce qu'ils ne m'étonnent pas du tout. Je trouve qu'ils sont effectivement en cohérence avec d'autres textes passés ou à venir du Gouvernement qui ont tendance à stigmatiser une certaine partie de la population de notre pays. Cela dit, ce n'est pas parce que je n'ai pas de question que je ne souhaite pas vous interpeller. Je le ferai sur deux points.
Le premier est la salle d'audience de Roissy. Je suis élue de la Seine-Saint-Denis, j'y vis depuis 47 ans, je connais beaucoup de gens, de magistrats et d'avocats et je ne crois pas que la raison première que ceux-ci évoquent pour ne pas se rendre à la salle d'audience de Roissy soit simplement l'éloignement entre Roissy et Bobigny : il suffit de dix minutes pour s'y rendre. Je crois en fait que c'est une question de fond que nous n'allons pas régler ici et qu'ils sont nombreux à poser : celle d'une justice d'exception qui serait rendue dans ce lieu. Il ne s'agit pas du tout d'une question de distance entre Roissy et Bobigny et je n'apprécie pas beaucoup que l'on minore cette problématique.
Le deuxième point que je souhaite aborder concerne les étrangers retenus en prison. A l'occasion de la journée internationale des droits de l'homme, j'ai eu l'occasion d'aller visiter la maison d'arrêt de Villepinte, dont les personnels nous ont fait savoir que beaucoup de détenus étaient effectivement des étrangers en situation irrégulière non pas du fait qu'ils avaient refusé d'embarquer ou qu'ils auraient commis une infraction mais simplement parce que, pour la majorité d'entre eux, ils avaient été arrêtés sur la voie publique démunis de papiers. Je m'étonne donc de ce que vous nous avez dit tout à l'heure.
M. Pascal Clément .- Vous m'avez dit, madame Assassi, que mes propos ne vous surprenaient pas et je n'oserai pas vous répondre que les vôtres ne me surprennent pas non plus, même si je meurs d'envie de le faire... (Rires.)
Cela dit, il y a une chose qui ne devrait pas nous distinguer. Cette politique n'est pas faite pour stigmatiser, pour reprendre vos termes, mais pour permettre aux personnes qui immigrent en France de s'intégrer. Or nous savons que, si c'est fait de façon anarchique et désordonnée, nous ne pourrons pas intégrer ces personnes. Nous pourrions au moins nous mettre d'accord là-dessus et c'est vraiment la finalité de notre politique.
Sur Bobigny, l'argument de fond, c'est l'obligation de respecter la loi. On peut critiquer la loi, mais on est obligé de s'y soumettre.
Quant à cette notion de justice d'exception, les bras m'en tombent ! Qu'est-ce qu'une justice d'exception ? Soit c'est un tribunal d'exception, c'est-à-dire spécifique et prévu pour ce type de délit, ce qui n'est pas le cas, soit ce sont des procédures d'exception avec des droits de la défense qui seraient minorés, par exemple, ce qui n'est pas le cas non plus puisqu'on demande justement aux avocats d'y venir. S'ils n'y vont pas, ce sont en fait eux-mêmes qui transformeraient cette justice en justice d'exception.
Par conséquent, je veux bien qu'on me fasse toutes les critiques, mais n'utilisez pas ce mot qui, vraiment, ne s'applique pas, car une justice d'exception supposerait une procédure particulière alors que je vous répète qu'il n'y a pas de procédure particulière pour ce tribunal.
S'agissant ensuite du nombre d'étrangers détenus uniquement parce qu'ils seraient en situation irrégulière, les chiffres sont faibles et c'est aussi une fausse idée de l'opinion publique. Les étrangers qui sont détenus le sont pour d'autres raisons, parce qu'ils ont commis des délits et cela ne concerne que très peu de gens, du moins pas ceux qui sont visés par notre discussion.
Mme Alima Boumediene-Thiery .- Si vous me le permettez, monsieur le ministre, je vais poser des questions, mais je tiens également à réagir sur votre dernière intervention. En effet, lorsque vous dites qu'il n'y a pas de procédures d'exception, je ne suis pas d'accord. Comme le Syndicat de la magistrature nous l'a dit lui-même, il y a en effet des procédures d'exception en ce sens qu'il y a des procédures expéditives, qu'il n'y a pas souvent de recours suspensifs et qu'il n'y a pas d'interprètes dans les centres de rétention. De ce fait, l'étranger n'ayant pas toujours les moyens financiers, mais surtout humains, de faire appel à un interprète, le droit de la défense est largement grignoté.
M. Pascal Clément .- Puis-je vous poser une question ? Quelle est la différence avec Bobigny ? C'est la question qui se pose.
Mme Alima Boumediene-Thiery .- Je veux dire que tous les centres de rétention se retrouvent aujourd'hui en procédure d'exception parce qu'il n'y a pas d'interprètes.
M. Pascal Clément .- C'est polémique. La procédure d'exception, en droit, veut dire quelque chose et cela n'a rien à voir avec ce que vous voulez dire. Vos termes sont incorrects.
Mme Alima Boumediene-Thiery .- Pas du tout !
M. Pascal Clément .- Ce n'est pas une procédure d'exception. Vous pouvez critiquer le manque d'interprètes, mais c'est un autre débat.
Mme Alima Boumediene-Thiery .- Ce n'est pas du tout un autre débat, monsieur le ministre. Si la demande d'asile n'est pas déposée en français, elle n'est pas recevable. Or, s'il n'y a pas d'interprète, comment voulez-vous faire pour déposer une demande d'asile en français ? Il y a bien là une violation du droit à la défense de l'étranger.
Par ailleurs, je peux évoquer tout ce qui entoure le recours qui n'est pas suspensif. Cela fait que, récemment, la personne était déjà expulsée quand son recours est arrivé et a invalidé l'expulsion, mais qu'on ne peut pas la faire revenir parce que, pour avoir un visa, c'est beaucoup trop difficile. Nous sommes donc bien face à une violation du droit de la défense. C'est pourquoi je parle d'une procédure d'exception.
Par ailleurs, je tiens à dire que, dans tout ce que vous nous avez proposé, il y a non seulement une suspicion généralisée mais également des amalgames. Quand vous parlez de criminalité organisée, vous savez bien que l'immigration clandestine n'est pas une criminalité organisée. Certes, les immigrés clandestins sont souvent victimes de la criminalité organisée, mais ce ne sont pas eux qui la font.
M. Pascal Clément .- Nous parlons de la même chose : du réseau mafieux qui permet cette immigration. Puis-je vous raconter ce que j'ai lu hier ?
Mme Alima Boumediene-Thiery .- Vous pourrez me répondre, monsieur le ministre, mais je souhaiterais terminer mon intervention.
Vos propos relatifs à la délinquance organisée comportaient des amalgames qui ne sont pas sains.
De même, comme ma collègue le disait tout à l'heure sur les prisons, je suis allée le 10 décembre dans les prisons, mais aussi avant et, dans toutes les prisons que j'ai visitées, j'ai constaté qu'entre 50 et 60 % des personnes étaient là parce qu'elles étaient sans papiers : entre le refus d'embarquement ou le refus de décliner son identité, on trouve toujours des délits, mais ce n'est qu'un lien de cause à effet et c'est bien parce qu'elles sont sans papiers qu'elles se retrouvent en prison.
Dès le départ, vous avez commencé en parlant du détournement du droit de la famille, ce qui m'a heurtée immédiatement parce que je me suis dit que c'était encore une suspicion supplémentaire. Ensuite, en écoutant très attentivement vos propos, je me suis posé en particulier deux questions.
La première concerne les mariages des Français à l'étranger que l'on va contraindre aux mêmes règles que ceux qui sont célébrés sur notre territoire, ce qui est déjà le cas.
M. Pascal Clément .- Non.
Mme Alima Boumediene-Thiery .- Si ! Lorsqu'on est français, on doit passer devant le consulat de France et on est obligé d'obéir aux mêmes règles. C'est le droit français qui s'applique.
M. Pascal Clément .- Vous pouvez vous marier sous le droit anglais si cela vous fait plaisir. Donc ce n'est pas exact.
Mme Alima Boumediene-Thiery .- C'est vrai, mais soyons raisonnables : je parle là des Français.
M. Pascal Clément .- On peut être tout à fait raisonnable et se marier sous le droit anglais.
Mme Alima Boumediene-Thiery .- Le droit anglais permet aussi certains mariages mixtes qui ne correspondent pas à la même mixité que celle à laquelle vous pensez.
Cela dit, en ce qui concerne les mariages célébrés dans les consulats français en Algérie, au Maroc, en Tunisie ou en Afrique en général, on sait bien qu'à partir du moment où les époux sont français, ils ont fait le choix, puisqu'ils viennent devant le consulat français, de se soumettre à la législation française et donc au mariage français.
Or on a l'air d'oublier les doubles nationaux. Si je considère le double national qui décide de se marier devant l'officier de l'état civil algérien alors qu'il est aussi français, va-t-on le contraindre aux mêmes conditions que le droit français alors que vous parlez de l'indépendance souveraine des autorités étrangères ?
Imaginons le cas d'un Algérien, qui peut aussi être français, qui fait le choix de se marier pendant les vacances, en famille, devant l'autorité algérienne. Comment allez-vous le soumettre aux conditions françaises ?
J'ai une deuxième question qui concerne la durée de vie commune. Comment voulez-vous qu'il y ait une durée de vie commune de trois ans lorsqu'on sait que, lorsqu'une personne se marie, pour faire venir sa femme ou son mari, elle a de grosses difficultés dans le cadre du regroupement familial et pour faire reconnaître son mariage ? Comment va-t-on faire valoir une communauté de vie de trois ans si autant de contraintes empêchent cette vie commune ? Ces contradictions me semblent une réalité lorsqu'on regarde votre projet.
M. Pascal Clément.- La première chose qui vous choque c'est l'expression « bandes organisées ». Tout d'abord, vous savez que c'est une expression du code pénal et que les sanctions sont plus lourdes quand on agit en bande organisée que si on est tout seul. Je souhaiterais donc dédramatiser ce qu'il y a de dramatique pour vous.
Deuxièmement, je vais vous raconter ce que je souhaitais vous rapporter. Hier, je suis allé visiter la brigade des mineurs à Paris et j'y ai rencontré des hommes et des femmes, surtout des femmes, remarquables et responsables. Ce sont eux -je le dis entre parenthèses- qui recueillent la parole de l'enfant, ce qui rejoint tout le problème d'Outreau, et c'est pourquoi j'y suis allé.
J'ai vu là-bas deux étrangers en garde à vue dont l'un était indien, ne parlait pas ni un mot d'anglais, ni un mot d'hindi, ni un mot de français. Il ne parlait en fait aucune langue, ce qui est pittoresque, et avait perdu ses papiers. Ce garçon pleurait, ce qui m'a un peu ému, et lorsque j'en ai demandé la raison, on m'a dit qu'il était mineur, que c'était une mafia qui l'avait fait venir, que les parents n'avaient pas payé le passage et qu'il était obligé de voler et de commettre des délits de tous ordres pour rembourser ses passeurs.
Il était en rétention et j'ai cru comprendre, même si je ne suis pas sûr du détail, qu'il allait être libéré et qu'il allait probablement prendre une sacrée correction des mafieux en question.
Ce sont à ces gens que je fais allusion en parlant de bandes organisées. Arrêtez de rêver !... (Réaction de Mme Boumediene-Thiery.) Il est bien d'aller visiter la salle d'audience de Roissy, mais allez voir la police, allez voir sur le terrain ce qu'est l'immigration clandestine et vous verrez ce qui se passe.
Votre langage est incroyablement angélique et c'est d'ailleurs affreux parce que ce jeune, une fois relâché, sera de nouveau la proie de sa mafia.
Mme Alima Boumediene-Thiery .- Il sera au moins protégé en tant que mineur.
M. Pascal Clément .- On le mettra dans un foyer pendant un an et il sera libre à 18 ans.
Mme Alima Boumediene-Thiery .- Cela durera quand même au moins un an et il sera protégé.
M. Pascal Clément .- Comme il est mineur, il ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement, comme vous le savez.
Mme Alima Boumediene-Thiery .- Il peut être aussi protégé en tant que jeune majeur.
M. Pascal Clément .- Ce n'est pas obligatoire. Je veux dire que, dans ces affaires, vous ne vous rendez pas compte que la bande organisée existe.
Mme Alima Boumediene-Thiery .- Nous le savons bien !
M. Pascal Clément .- Dans ce cas, vous ne pouvez pas trouver anormal que ce soit prévu dans le texte de loi.
Mme Alima Boumediene-Thiery .- Ce n'est pas contre les jeunes qui en sont victimes qu'il faut agir.
M. Alain Gournac, président .- Je vous prie de laisser le ministre vous répondre.
M. Pascal Clément .- Pour notre part, nous faisons du droit et vous faites, vous, du romantisme. Essayez donc de faire du droit.
Mme Alima Boumediene-Thiery .- Je ne fais pas du romantisme du tout.
M. Pascal Clément .- Bien sûr que si ! Allez voir et vous comprendrez.
Ensuite, vous avez parlé de la validité du mariage. Si vous vous mariez en Algérie, tout cela est valide et parfait, mais pour que cet acte juridique passé en Algérie produise ses conséquences en France, nous avons fixé des conditions : il s'agit de suivre ce que prévoit le projet de loi, c'est-à-dire de passer devant un officier de l'état civil et d'expliquer que l'intention du mariage est bien réelle. Pour obtenir la transcription du mariage, il faut détenir le certificat de capacité matrimoniale donc être reçu en audition. Autrement dit, vous pouvez très bien vous contenter du mariage en Algérie ou ailleurs, mais si vous voulez la transcription, vous entrez dans le système des étrangers ou des mariages mixtes qui ont lieu en France : nous imposons à l'étranger ce qui se passe aujourd'hui en France de par la loi de 2003. Voilà la différence.
Mme Catherine Tasca .- Je commencerai par faire une remarque sur le fond de notre débat qui, comme l'a dit Bernard Frimat, est d'une très grande importance. Je pense en effet qu'il est de l'intérêt de tous les Français de créer les conditions d'une immigration régulière et d'une bonne intégration de populations d'origine étrangère dont, à bien des égards, nous avons besoin. Je pense donc que nous pouvons partager cet objectif.
En revanche, de ce côté-ci de la table, car c'est là où nous divergeons, nous nous efforçons de faire entendre au Gouvernement que l'accumulation des mesures législatives -je ne parle même pas des déclarations et opérations médiatiques- touchant à la situation, à l'accueil ou au séjour des étrangers, de notre point de vue, crée ou attise, comme cela a déjà été dit, un climat de défiance à l'égard des étrangers, voire de rejet et de xénophobie. Par conséquent, attention, monsieur le garde des sceaux.
Vous nous avez appris que vous alliez présenter un projet de loi, mais vous ne nous avez pas dit dans quel délai.
M. Pascal Clément .- Au cours du premier semestre.
Mme Catherine Tasca .- Il s'agit donc d'un texte dont nous venons d'avoir l'analyse. Or votre collègue, M. Nicolas Sarkozy, qui vient de faire adopter un texte sur le terrorisme, nous a annoncé ici même, il y a quelques jours, qu'il préparait un nouveau projet de loi concernant également l'immigration pour la rentrée.
Nous disons donc au Gouvernement qu'il faut faire attention à cela parce que, premièrement, cela ne contribue pas à créer les bonnes conditions d'une immigration régulière, deuxièmement, cela ne nous aide pas dans la politique d'intégration des étrangers et, troisièmement, encore une fois, on souffle sur un feu dont je pense qu'ici, tout le monde sera d'accord pour dire qu'il est extrêmement dangereux : le feu de la xénophobie.
C'est ma remarque de fond.
Maintenant, dans votre projet de loi, monsieur le garde des sceaux, vous avez évoqué à deux reprises un nouvel allongement du délai pour acquérir le droit de demander la nationalité après mariage.
M. Pascal Clément .- Le délai est en fait de trois ans plus deux, soit cinq ans.
Mme Catherine Tasca .- Vous l'assortissez de la même condition pour les enfants nés de ce type de mariage. La question que je me pose est la suivante : quelle sera l'interprétation sur la continuité du séjour ? Faudra-t-il soustraire de la continuité du séjour les périodes passées dans le pays de l'autre parent ou cela entre-t-il dans le calendrier ?
Le fait d'avoir des enfants est une preuve de vraie vie familiale et, dans ce cas, je pense qu'il faut accepter l'idée que ces familles se rendent périodiquement dans le pays d'origine de l'un ou l'autre des parents. Il faut que ce que soit dit, monsieur le garde des sceaux.
M. Pascal Clément .- Personne ne vous empêchera d'aller en vacances où que ce soit. En revanche, si vous faites votre scolarité dans un pays étranger plutôt qu'en France, cela change tout.
Si vous le permettez, je vais répondre à vos questions en commençant par vous remercier de votre propos liminaire, puisque nous le partageons. Il est heureux de montrer aux Français que nous ne sommes pas toujours en désaccord sur tout. Le but est d'arriver à une intégration réussie et, pour ce faire, nous prenons un certain nombre de moyens les uns et les autres.
Cependant, vous me permettrez de dire que ce n'est pas « comme d'habitude ». Vous m'opposez le fait que notre instabilité juridique en matière d'immigration irait dans la fréquence du balancier de l'alternance. Or, s'agissant du projet de loi que je vous ai annoncé, il porte sur un sujet dont on n'a jamais parlé : le problème du mariage à l'étranger d'un Français avec un étranger. L'idée est de combler un vide juridique. C'est donc totalement nouveau et ce n'est pas en réaction à des situations précédentes.
Nous venons en effet de constater que la moitié des naturalisations provenait de ces mariages et qu'il y avait donc, habilement, de la part d'un certain nombre d'intéressés, une fraude au mariage. Nous répondons à un problème concret qui se présente à nous et nous le faisons non pas d'une façon idéologique ou pour stigmatiser. Allez interroger les agents de la police aux frontières ou de la police nationale ; ils vous diront que c'est tellement criant que le législateur ne peut pas ne pas s'en occuper. Le problème n'est pas idéologique mais franchement pratique.
Mme Catherine Tasca .- Mais il a des conséquences idéologiques. On est en train d'allumer le feu de la xénophobie qui ne demande qu'à se développer.
M. Pascal Clément .- Oui, mais en étant trop laxiste, on allume aussi le feu de la xénophobie, et vous en savez quelque chose. Je parle de votre parti et non pas de vous.
Mme Alima Boumediene-Thiery .- Vous n'avez pas répondu à l'une de mes questions : celle qui porte sur la durée de la communauté de vie que vous passez de trois ans à cinq ans. Vous indiquez qu'en l'absence de résidence en France du conjoint étranger pendant trois ans, la communauté de vie sera portée à cinq ans...
M. Pascal Clément .- Excusez-moi, mais si ce sont des gens qui se marient vraiment, qui ont des enfants vraiment et qui sont français vraiment, qu'est-ce qui vous gêne ?
Mme Alima Boumediene-Thiery .- Rien du tout. Je pense simplement au fait qu'ils n'ont pas l'autorisation du regroupement familial.
M. Pascal Clément .- Etes-vous en train de prendre la défense des fraudeurs ou voulez-vous défendre les gens qui veulent vraiment s'installer en France pour devenir français ?
Mme Alima Boumediene-Thiery .- Laissez-moi vous l'expliquer. Je critique cela parce qu'ils n'ont pas l'autorisation du regroupement familial, qu'ils n'ont pas les moyens nécessaires, qu'ils n'ont pas le logement adéquat, qu'ils n'ont pas de contrat de travail à durée indéterminée avec les 24 fiches de salaire ! Si l'ANAEM ne leur donne pas l'autorisation du regroupement familial et si on la leur refuse, comment voulez-vous qu'il y ait une communauté de vie ?
M. Pascal Clément .- En l'absence d'habitation en France, il faudra cinq ans de communauté de vie à l'étranger pour obtenir la nationalité. Connaissez-vous des pays aussi généreux ? Donnez-moi un exemple. L'Algérie accorde-t-elle les mêmes avantages, par exemple ? Vous savez bien que non.
Mme Alima Boumediene-Thiery .- Pourquoi me parlez-vous de l'Algérie ? Je suis française et j'habite en France.
M. Pascal Clément .- Aucun pays n'est aussi généreux que la France. J'en profite pour répondre également à Mme Catherine Tasca que si l'adoption du projet de loi que je présente doit conduire à une montée du racisme, qu'est-ce que cela doit être chez les autres !
Mme Alima Boumediene-Thiery .- Dans ce cas, il faut faciliter le regroupement familial, monsieur le ministre ! Il n'y aura alors même plus besoin de la condition des cinq ans : ils seront là tout de suite et ils vivront ensemble. Le regroupement familial est difficile. Il suffit de faciliter le regroupement familial et on pourra alors mettre une condition de dix ans si vous le voulez : il n'y aura pas de problème !
M. Alain Gournac, président .- Y a-t-il d'autres questions à poser à M. le garde des sceaux ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur .- J'ai une question plus matérielle, si vous me le permettez. Les juridictions ont-elles aujourd'hui les moyens de traiter les contentieux qui se développent ?
M. Pascal Clément .- En 2004, 18 emplois de juge des libertés et de la détention ont été créés notamment dans les juridictions qui ont dans leur ressort un aéroport international ou un port ou qui sont situées dans une région frontalière : 5 postes à Bobigny (aéroport de Roissy), 3 à Lyon (aéroport de Satolas), 1 à Créteil (aéroport d'Orly), 1 à Boulogne-sur-mer, 2 à Perpignan, 1 à Lille, 1 à Nice et 1 à Strasbourg.
11 emplois ont été créés dans les parquets ayant une forte activité en cette matière : 2 à Bobigny, 1 à Lyon, 1 à Créteil, 1 à Evry, 1 à Meaux, 1 à Pontoise, 1 à Versailles, 1 à Perpignan, 1 à Lille et 1 à Strasbourg.
En 2006, de nouveaux emplois pourraient être créés dans les juridictions qui ont dans leur champ de compétences un centre de rétention administrative dont le nombre de places est en progression : Créteil, Evry, Lille, Marseille, Montpellier, Rouen et Toulouse.
M. Alain Gournac, président .- Mes chers collègues, je pense que chacun a pu s'exprimer, monsieur le garde des sceaux, je vous remercie de votre propos et de vos réponses.