B. PERMETTRE UN CONTRÔLE EFFECTIF DE LA VALIDITÉ DES MARIAGES
Composante de la liberté individuelle, la liberté du mariage est protégée par la Constitution 59 ( * ) . L'irrégularité du séjour de l'un des deux futurs époux ne constitue pas en soi un indice sérieux de l'absence de consentement au mariage 60 ( * ) et ne peut être invoquée pour s'opposer à sa célébration.
Il n'en est pas moins possible et même nécessaire de s'assurer de la réalité de l'intention matrimoniale afin d'éviter que le mariage ne soit contracté uniquement à des fins étrangères aux droits et obligations prévus par le code civil. Les instruments de contrôle existent, ont été récemment renforcés mais restent perfectibles, singulièrement dans le cas des unions célébrées à l'étranger .
1. Des instruments perfectibles
Préalablement au mariage, les officiers de l'état civil doivent s'entretenir avec les futurs époux, le cas échéant séparément, afin de vérifier leur intention matrimoniale. Cette obligation d'audition conditionne la publication des bans. Elle est également mise à la charge des agents diplomatiques ou consulaires pour les mariages qu'ils célèbrent à l'étranger.
En cas d'indices sérieux laissant présumer l'absence d'intention matrimoniale, le procureur de la République, saisi par l'officier de l'état civil, peut surseoir à la célébration du mariage pour une durée d'un mois, renouvelable une fois, et s'y opposer s'il est établi que celui-ci renferme une cause de nullité.
La validité des mariages conclus à l'étranger lorsqu'un conjoint est français fait l'objet d'un contrôle a posteriori, qui s'exerce au moment de la demande de transcription du mariage sur les registres de l'état civil français. L'agent diplomatique ou consulaire surseoit à la transcription en cas d'indices sérieux de mariage frauduleux et informe le ministère public qui doit se prononcer dans un délai de six mois. En outre, la loi du 26 novembre 2003 a prévu l'obligation d'entendre les époux préalablement à la transcription.
Un décret n° 2005-170 du 23 février 2005 a concentré les contentieux relatifs aux mariages à l'étranger sur le seul tribunal de grande instance de Nantes, juridiction spécialisée dans le domaine de l'état civil étranger, à compter du 1 er mars 2005.
Lors de son audition, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice a estimé que l'application de ces dispositions avait déjà permis de faire échec à la conclusion de nombreux mariages blancs ou forcés : les procureurs de la République ont ainsi été saisis de 5.272 dossiers de ce type pour la seule année 2004.
Toutefois, comme l'a indiqué M. Claude Pernès, maire de Rosny-sous-Bois, représentant de l'Association des maires de France, de nombreux maires rencontrent des difficultés pour déterminer les éléments devant les conduire à signaler aux parquets les dossiers pouvant justifier, au regard de la loi et de l'application qui en est faite par les tribunaux, une opposition à la célébration du mariage. Pour répondre à leurs préoccupations, la chancellerie a diffusé, le 2 mai 2005, une circulaire expliquant les principales dispositions de la loi du 26 novembre 2003, recensant de manière non exhaustive les critères susceptibles d'être retenus et demandant l'organisation de réunions de concertation sur ce sujet entre les maires et les procureurs. Sans doute est-il nécessaire de renforcer la coopération entre le parquet et les officiers de l'état civil .
Sur le plan pénal, une nouvelle infraction passible de 5 ans d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende a été créée pour les personnes ayant contracté un mariage aux seules fins d'obtenir un titre de séjour ou d'acquérir ou de faire acquérir la nationalité française. Les mêmes peines peuvent être requises en cas d'organisation ou de tentative d'organisation de mariages frauduleux et être portées à 10 ans d'emprisonnement et 750.000 euros d'amende en cas d'infraction en bande organisée. 14 condamnations ont été prononcées sur le fondement de ces dispositions en 2004, dont 11 à des peines d'emprisonnement parmi lesquelles 3 comportaient une partie ferme.
La loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, récemment adoptée à l'initiative du Sénat, institue un dispositif spécifique de lutte contre les mariages forcés :
- l'âge nubile des femmes est relevé de 15 à 18 ans et un devoir de respect mutuel entre époux est introduit dans le code civil ;
- l'obligation d'auditionner les époux et de surseoir à la transcription du mariage, ainsi que la possibilité de surseoir à sa célébration sont étendues aux cas où il existe un doute sur la liberté du consentement, et non pas seulement sur l'existence de ce consentement ;
- les officiers de l'état civil et les agents consulaires sont autorisés à déléguer l'audition à un fonctionnaire titulaire ; en outre, pour les mariages contractés dans un pays autre que le pays de célébration, l'audition peut être déléguée à l'officier de l'état civil territorialement compétent ;
- le ministère public est autorisé à demander la nullité d'un mariage contracté sans le consentement libre des époux et l'exercice d'une contrainte sur les époux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, est explicitement un cas de nullité du mariage ;
- les délais de recevabilité des demandes en nullité des mariages célébrés sans le consentement libre des époux sont étendus.
* 59 Décision du Conseil constitutionnel n° 93-325 DC du 13 août 1993.
* 60 Décision du Conseil constitutionnel n° 203-484 DC du 20 novembre 2003.