ANNEXE 1
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ITALIE ET SUISSE : EXEMPLES DE MISE EN oeUVRE PRAGMATIQUE DE LA TARIFICATION À L'ACTIVITÉ

Ces deux pays ont en commun le caractère décentralisé de leur système de santé qui relève des régions en Italie et des cantons en Suisse. Ces autorités locales ont des compétences étendues en matière d'organisation de l'offre de soins, y compris dans le domaine hospitalier tandis que l'Etat exerce la responsabilité de la sécurité sanitaire et fixe le panier de biens et services auquel tous les assurés doivent avoir accès.

La tarification à l'activité a été introduite en Italie en 1995 et en Suisse en 1998.

A l'instar de ce qui se passe actuellement en France, la mise en oeuvre de la T2A s'est inscrite, dans ces deux pays, dans une réforme plus large du système de santé. Par ailleurs, en Italie comme en Suisse, l'activation de ces nouveaux mécanismes a pris du retard sur le calendrier initialement prévu et a nécessité des ajustements destinés à répondre à des besoins exprimés par les établissements de santé.

A. La tarification à l'activité est un élément des réformes apportées aux systèmes de santé

Comme c'est le cas dans tous les pays développés, la Suisse et l'Italie se sont trouvées confrontées à des hausses régulières des dépenses de santé provoquées par les effets conjugués des innovations technologiques, du vieillissement de la population et de la demande croissante de soins liés à l'amélioration du niveau de vie.

Dans ce contexte, ces deux pays ont été conduits à engager un important mouvement de réforme de leurs systèmes de santé afin d'en renforcer l'efficacité et d'en rationaliser les dépenses. La mise en oeuvre de la T2A s'inscrit dans cette évolution, en apportant sa contribution à l'optimisation des dépenses hospitalières.

1. La recherche d'une meilleure organisation du système de santé

a) Le choix de la décentralisation en Italie

En Italie, le système de santé a été entièrement réorganisé au cours des trente dernières années.

En 1978, le choix a été fait de basculer d'un système d'assurances sociales, financé par des cotisations sociales et pris en charge par une multitude de sociétés mutuelles, vers un système de santé universel. L'objectif poursuivi était de fournir un accès aux soins universels et gratuits sur le modèle du National Health Service britannique.

A sa mise en place, le système de santé national a fait l'objet d'une gestion conjointe par les trois niveaux d'administration, national, régional et local :

- le niveau national avait en charge la planification sanitaire et la détermination du budget global ;

- le niveau régional devait adapter à ses besoins les priorités nationales, élaborer la planification de l'offre de soins et répartir les budgets entre les unités sanitaires locales ;

- les unités sanitaires locales, sorte d'agences locales de santé placées sous l'autorité des élus locaux, avaient la responsabilité de la fourniture des services sanitaires, soit par leurs propres structures (centres de santé, hôpitaux), soit en contractant avec des professionnels ou hôpitaux.

Cette architecture a provoqué de nombreux conflits entre le niveau national et les niveaux décentralisés. Les questions budgétaires, notamment, ont été à l'origine de profonds désaccords entre l'Etat et les régions qui dénonçaient l'insuffisance des moyens. L'objectif de maîtrise des dépenses n'a pas été atteint.

Après ce premier échec, deux autres réformes ont suivi, en 1992 et en 1999, pour donner au système sanitaire italien son visage actuel :

- La première d'entre elle a été placée sous le double signe de la concurrence et de la régionalisation. Elle a mis en place la tarification à l'activité ;

- puis en 1999, une nouvelle étape a été franchie dans le processus de décentralisation avec l'extension au domaine sanitaire des principes de fédéralisme fiscal. Cette réforme a mis fin au principe d'un budget national redistribué entre les régions par le Gouvernement central et a confié la responsabilité financière du système de soins aux régions.

b) L'introduction d'une assurance maladie obligatoire en Suisse

En Suisse, c'est la loi LAMal du 18 mars 1994 sur l'assurance maladie qui a posé les bases de la réforme du système de santé.

Cette loi instaure une assurance maladie obligatoire pour l'ensemble des résidents. La gestion du système est assurée par des caisses maladie, assureurs privés qui prennent en charge l'assurance obligatoire santé de base dans le cadre d'une activité sans but lucratif.

La loi indique que les prestations couvertes par l'assurance maladie doivent être « efficaces, appropriées et économiques ».

La réforme ne modifie pas le financement du système de santé qui est assuré par les contributions des assureurs (37,5 %), la fiscalité fédérale, cantonale et municipale (24,9 %) et des paiements directs, c'est-à-dire la participation à la charge des assurés (28,8 %). Diverses autres sources de financement complètent le volet des recettes.

La loi laisse aux cantons une grande indépendance dans l'organisation des soins mais elle impose des obligations en termes de planification sanitaire, qui doit être définie en tenant compte des établissements privés existants. Elle incite au développement des collaborations intercantonales. Ces contraintes en matière hospitalière sont d'autant plus faciles à imposer que l'Etat fédéral participe aux côtés des cantons au financement des infrastructures hospitalières.

Ce texte autorise la mise en oeuvre de la tarification à l'activité, tant pour le financement pris en charge par les compagnies d'assurance santé que pour les budgets financés par les cantons.

2. L'évolution du mode de financement des établissements de santé

Le choix d'un échelon décentralisé a facilité une gestion de proximité. Il s'accompagne du développement de nouveaux outils de régulation des dépenses parmi lesquels figure la T2A

a) Optimiser les dépenses hospitalières

La réforme italienne affiche son ambition d'accroître l'efficacité des dépenses hospitalières. La tarification à l'activité est présentée comme un outil d'optimisation des coûts car elle établit un lien entre les dotations financières des établissements et leurs activités médicales. Elle permet ainsi à ces derniers de mieux répondre aux besoins exprimés par la population et de résorber les phénomènes de file d'attente connus par le système italien.

Le recours à ce mécanisme permet de dynamiser l'activité des établissements et de poser un regard plus juste sur leurs besoins de financement.

La réforme prévoit également d'accroître l'équité dans la distribution des ressources entre les établissements publics et privés participant au service national de santé.

Les autorités suisses partagent ce même souci d'une allocation optimale des ressources. Mais compte tenu des particularités du système helvétique, la T2A y est aussi conçue comme un vecteur d'optimisation du système budgétaire et comptable des différents établissements de santé. L'objectif poursuivi est le développement d'indicateurs pertinents pour opérer la répartition des coûts entre les différents financeurs, et notamment entre les assureurs privés et les pouvoirs publics.

b) Rationaliser l'offre de soins hospitaliers

La mise en oeuvre de la tarification à l'activité est également employée pour contribuer à la rationalisation des soins.

C'est notamment le cas en Suisse, pays dont l'équipement en infrastructures sanitaires est excédentaire : la Confédération dispose en effet du plus haut niveau d'équipements de haute technologie et de la concentration de médecins la plus élevée d'Europe.

La conjugaison d'une meilleure planification hospitalière, rendue possible par la loi assurance maladie, et de ce nouveau mécanisme de financement, doit favoriser une action de restructuration des capacités hospitalières. La T2A permet d'identifier les établissements dont l'activité est faible ou en inadéquation avec les besoins du bassin de population au sein duquel ils sont implantés. Grâce à ces analyses, les autorités locales peuvent adapter leurs outils de planification sanitaire et favoriser des regroupements ou des synergies entre établissements.

Les autorités italiennes ont exprimé les mêmes attentes à l'égard de la T2A et ont également utilisé ce nouvel outil pour favoriser le développement de nouveaux modes de prise en charge hospitalière, comme l'hospitalisation à domicile ou la chirurgie ambulatoire, en leur attribuant des tarifs incitatifs.

B. La réforme est mise en oeuvre progressivement

En Italie comme en Suisse, la T2A a concerné d'abord les activités de médecine, chirurgie et obstétrique. Les activités de psychiatrie et de soins de suite et de réadaptation ne sont toujours pas concernées par la réforme.

1. Le financement des établissements

Le recours à la tarification à l'activité nécessite un important travail préparatoire notamment de classification des pathologies. Dans ce domaine, la Suisse et l'Italie se sont appuyées sur les travaux menés aux Etats-Unis pour l'établissement des Diagnostic Related Groups (DRG), équivalents de nos groupes homogènes de séjour (GHS), qu'ils ont transposés dans leur propre système de santé.

Parallèlement, des études d'évaluation des coûts de fonctionnement des établissements de santé ont été réalisées.

Ces étapes franchies, les autorités compétentes ont pu affecter un tarif à chaque GHS.

L'organisation décentralisée des systèmes de santé, suisse et italien, a un effet direct sur ces questions de détermination des tarifs et soulève la question des moyens existants pour maintenir une certaine homogénéité tarifaire entre les différentes entités locales.

a) La fixation des tarifs

En Suisse , les tarifs applicables sont fixés canton par canton, selon la méthode que chacun juge la plus appropriée. A titre d'exemple, dans le canton de Vaud, l'échelle des tarifs est constituée de deux branches distinctes, l'une destinée aux hôpitaux universitaires, l'autre aux sept hôpitaux régionaux. L'écart entre ces différents tarifs est de l'ordre de deux points, déductions faites des coûts de formation et de recherche. Cette latitude laissée aux instances locales ne va pas sans poser certains problèmes d'équité entre les cantons et ne facilite pas la coopération intercantonale.

En Italie , bien que le système hospitalier soit géré au niveau régional, les tarifs sont déterminés par l'Etat. Toutefois, les régions conservent un pouvoir d'appréciation. Elles peuvent modifier ou compléter les tarifs avec comme seule obligation celle de financer, par des recettes propres, les éventuels dépassements budgétaires que leur politique pourrait entraîner.

Ce mécanisme accorde en fait une grande marge de liberté aux autorités régionales. A titre d'exemple, les régions Piémont et Lombardie ont adopté deux dispositifs différents de tarification des prothèses. Dans la première, la région prend en charge 50 % du prix de la prothèse en sus du tarif du GHS, alors que dans la seconde, la prothèse fait l'objet d'une prise en charge intégrale en complément du GHS.

b) Les différentes enveloppes de financement

La mise en oeuvre de la T2A s'accompagne de la définition de plusieurs enveloppes dont l'objet est d'assurer la prise en charge de missions d'intérêt général qui sont considérées comme ne pouvant pas être financées à l'activité.

En Italie , trois canaux de financement des hôpitaux coexistent dans le nouveau système :

- la tarification à la pathologie, qui couvre l'hospitalisation complète, les prestations ambulatoires, la psychiatrie, les dépenses de pharmacie des hôpitaux ;

- le financement des plans nationaux et régionaux en matière de santé ;

- les « financements extraordinaires », qui permettent de couvrir d'éventuels déficits ou de soutenir la réalisation de grands investissements tels que la construction d'un nouvel hôpital.

Un financement complémentaire pour les missions d'enseignement et de recherches est assuré par une majoration spécifique des tarifs (+ 8 %) et par la prise en charge des frais de personnel par le ministère, l'université ou la région.

En Suisse , la réflexion est moins avancée qu'en Italie. Si les dépenses d'investissements font l'objet d'un financement spécifique pris en charge par les autorités nationales et cantonales, plusieurs études sont en cours pour évaluer la nécessité de créer d'autres enveloppes destinées à prendre en charge des dépenses spécifiques. A ce titre, les missions d'enseignement et de recherche, la permanence des soins et les missions sociales assurées par les établissements de santé font l'objet d'une attention particulière.

Ces études complémentaires répondent à une attente très forte des gestionnaires d'établissements qui ont constaté que les tarifs des GHS ne couvraient pas la totalité des frais engendrés par ce type d'activité, notamment pour les services d'urgences.

2. Le bilan de l'application de la réforme

Le bilan de la réforme dans ces deux pays demeure mitigé. Les autorités italiennes considèrent que les résultats obtenus sont plutôt bons en matière d'optimisation de l'offre de soins mais reconnaissent que des ajustements sont venus modifier l'épure financière de la réforme. En Suisse, la réforme a conduit les gestionnaires d'établissements à développer les outils de contrôle de gestion, mais il est trop tôt pour évaluer les effets d'une réforme qui n'est pas encore appliquée sur la totalité du territoire.

a) Des résultats pas toujours à la hauteur des objectifs fixés par la réforme

Le système sanitaire italien a atteint une partie des objectifs assignés à la réforme en matière d'optimisation de l'offre de soins. Le nombre d'admissions comme la durée moyenne de séjour ont décru de 25 % tandis que les hospitalisations de jour augmentaient, passant de 19.000 à 27.000.

Cet indicateur peut être considéré comme pertinent car la réduction de la durée moyenne des séjours est en partie causée par la modification du mode de financement des établissements. La dotation budgétaire n'étant plus calculée à partir d'un prix de journée mais d'un tarif associé à une pathologie, la question de la durée du séjour n'a plus d'effet immédiat sur le budget de l'établissement et les comportements indésirables n'ont plus lieu d'être.

Les autorités ont pu constater que, dans les établissements publics, une plus grande attention est portée à la préparation du budget prévisionnel et aux dépenses générales. Dans les hôpitaux privés, la réforme a favorisé la spécialisation des établissements dans la fourniture de soins spécialisés et complexes.

Toutefois, des problèmes importants de financement demeurent et de nombreux établissements de santé bénéficient d'une dotation budgétaire complémentaire pour équilibrer leurs comptes, en totale dérogation avec les règles du financement à l'activité.

En Suisse les autorités observent que le codage des pathologies, devenu crucial pour le financement des établissements, a vu sa qualité s'améliorer grandement dans tous les cantons où la T2A a été introduite.

D'une manière générale, le mode de financement a incité tous les hôpitaux à analyser leurs coûts au moyen d'une comptabilité analytique afin de séparer les activités financées par GHS de celles relevant d'autres formes de dotations budgétaires.

b) Des aménagements à la réforme ont été nécessaires

En Suisse comme en Italie, le calendrier de la réforme a dû être adapté. Cette adaptation relève de deux logiques différentes.

La première a trait aux compétences exercées par les autorités locales. Dans l'un et l'autre pays, il existe encore des lieux qui n'ont pas souhaité mettre en oeuvre la T2A, soit en raison de leur opposition à ce mode de tarification à l'activité, c'est le cas de la Campanie en Italie, soit en raison de la taille des établissements installés sur le territoire qui rend ce mode de financement inopérant.

La seconde a trait à la rapidité avec laquelle la T2A a pu être mise en oeuvre : les calendriers ont souvent connu des retards ou des pauses destinées à permettre aux établissements de s'adapter à ce nouveau financement à l'activité.

Les autorités italiennes tirent trois conclusions de leur propre expérience de mise en oeuvre de la T2A :

- il est difficile de maîtriser une tarification à l'activité qui inclut des mécanismes de régulation des dépenses dans le cadre d'une enveloppe budgétaire déterminée à l'avance ;

- si la T2A a été exploitée pour analyser l'activité hospitalière, pour la rationaliser, elle se révèle être davantage un outil de gestion qu'un mécanisme de financement ;

- la T2A implique une nouvelle organisation de l'hôpital, elle doit s'accompagner d'un regroupement des services et d'une meilleure association des médecins à la gestion des établissements.

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