N° 272
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006
Annexe au procès-verbal de la séance du 22 mars 2006 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur la simplification de la gestion des ambassades,
Par M. Adrien GOUTEYRON,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Claude Belot, Marc Massion, Denis Badré, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Jean-Pierre Masseret, Joël Bourdin, vice-présidents ; M. Philippe Adnot, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Moreigne, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Jacques Baudot, Mme Marie-France Beaufils, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Mme Nicole Bricq, MM. Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Jean-Claude Frécon, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Claude Haut, Jean-Jacques Jégou, Roger Karoutchi, Alain Lambert, Gérard Longuet, Roland du Luart, François Marc, Michel Mercier, Gérard Miquel, Henri de Raincourt, Michel Sergent, Henri Torre, Bernard Vera.
Affaires étrangères. |
AVANT - PROPOS
La LOLF est totalement entrée en vigueur le 1 er janvier 2006. Comme tous les membres de la commission des finances du Sénat, votre rapporteur spécial a souhaité vivre les premiers moments de la mise en oeuvre de la LOLF pour la mission le concernant, relative à l'« action extérieure de l'Etat ». Il a porté son attention sur les structures déconcentrées, et s'est ainsi intéressé au déploiement de la loi organique, non dans les seuls services du Quai d'Orsay, mais plus globalement, dans le réseau français à l'étranger (ambassades, consulats, centres culturels, missions économiques, service de coopération technique internationale de police, attachés de défense et d'armement, autres services de l'Etat à l'étranger). Cette approche est conforme au document de politique transversale « Action extérieure de l'Etat » 1 ( * ) , annexé au projet de loi de finances initiale pour 2006, véritable préfiguration de ce que pourrait être une mission interministérielle.
Outre des auditions organisées avec M. Antoine Pouillieute, directeur général de l'administration du ministère des affaires étrangères et ses principaux collaborateurs, et avec une partie de l'équipe chargée de réaliser un audit de modernisation sur les services administratifs et financiers uniques (SAFU), votre rapporteur spécial a souhaité se rendre dans différents postes à l'étranger, pour des missions de contrôle très courtes, visant la qualité de la gestion des crédits, en particulier de fonctionnement, à l'étranger . En application de l'article 57 de la LOLF, votre rapporteur spécial s'est ainsi rendu à Londres, en janvier 2006, à Madrid, en février 2006, et en Afrique du Sud, à Johannesburg, Pretoria et au Cap, en mars 2006. Les observations formulées au ministre des affaires étrangères à l'issue de ces déplacements sont jointes au présent rapport d'information 2 ( * ) .
Deux récentes missions à Athènes et Berlin, au mois de mai 2006, lui ont permis de confirmer les premières constatations qui avaient fait l'objet d'une communication devant votre commission des finances, le 22 mars 2006.
La LOLF peut-elle produire une modernisation des administrations ?
La préoccupation de votre rapporteur spécial était de voir si la LOLF était de nature à produire la modernisation de l'administration à laquelle beaucoup nos concitoyens aspirent. Au cours de ses déplacements à l'étranger, il a souhaité poser une question : la nouvelle « constitution budgétaire » est-elle réellement de nature à produire une modernisation et une rationalisation de la gestion des services ?
S'il a constaté un certain nombre de points positifs dans la mise en oeuvre de la LOLF depuis le 1 er janvier 2006, parmi lesquels l'implication personnelle des ambassadeurs, une prise en main des aspects comptables et une mise à disposition des crédits dans le réseau français à l'étranger globalement satisfaisante, votre rapporteur spécial note à ce stade, pour s'en préoccuper, une absence, la logique de performance, et un oubli, la fongibilité des crédits .
Ces deux aspects, performance et fongibilité, figurent pourtant parmi les aspects les plus novateurs de la LOLF. La fongibilité des crédits permet en effet aux gestionnaires de dégager des gains de productivité, et de les récompenser en leur permettant d'affecter une partie de ces gains dans l'amélioration du fonctionnement de leur service.
En l'absence de toute possibilité de mettre en oeuvre, dans le réseau de l'action extérieure à l'étranger, la fongibilité en matière de crédits de fonctionnement, les conditions n'apparaissent pas réunies pour tirer parti de la LOLF et moderniser les structures déconcentrées à l'étranger en réalisant des gains de productivité .
L'impossibilité apparaît technique : le cloisonnement dans la gestion entre les 589 ordonnateurs secondaires à l'étranger (31 programmes sur 133 sont représentés, parfois pour des actions d'un volume budgétaire limité) empêche d'atteindre une masse critique de crédits de fonctionnement sur laquelle une action de rationalisation aurait un sens. Cette impossibilité masque, selon votre rapporteur spécial, des égoïsmes administratifs d'un autre âge : on peine à imaginer pourquoi la réussite de la stratégie d'un ministère à l'étranger, dans le domaine de la coopération civile ou militaire, du développement des échanges économiques, de la lutte contre le terrorisme, serait obérée dès lors que celui-ci confierait la gestion de ses crédits de fonctionnement (fournitures, locaux, téléphone, recours aux prestations d'interprétariat, d'agence de voyage, d'agence bancaire etc...) à une structure professionnalisée et spécialisée, compétente pour l'ensemble des crédits de fonctionnements, dans un poste donné, et pour toutes les questions de gestion transversales (« back office » ou soutien : ressources humaines, immobilier, achats, véhicules etc...).
Comme le remarquait M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, lors de l'examen au Sénat du projet de loi de règlement pour 2004, « le maintien de gestions séparées pour tous les ordonnateurs secondaires délégués de l'Etat à l'étranger me paraît singulièrement anachronique : tenir autant de comptabilités séparées, devenues plus complexes dans le cadre du nouveau plan comptable, et ce uniquement pour des crédits de fonctionnement que chaque administration s'entête à vouloir gérer par-devers elle, constitue un défi au bon sens. Je ne vois pas ce que la gestion des quotes-parts de téléphone, de chauffage ou de gardiennage ajoute à la compétence d'un chef de service spécialisé ».
La conséquence de l'indépendance de gestion des ministères à l'étranger, et l'émiettement des crédits de fonctionnement qui en résulte, est certes budgétaire : la situation actuelle engendre très clairement des surcoûts. Elle est dès lors aussi, et surtout, éminemment politique.
Sans réforme de sa gestion, le Quai d'Orsay risque de subir des coupes budgétaires affectant ses missions essentielles
La conviction de votre rapporteur spécial est la suivante : dans un contexte budgétaire contraint, face à la montée des crédits affectés aux actions multilatérales, décidées pour l'essentiel dans le cadre de l'ONU, le ministère des affaires étrangères subira des coupes sur les crédits qui concernent le coeur de métier du Quai d'Orsay - les emplois diplomatiques et les implantations à l'étranger - s'il n'est pas en mesure de réformer suffisamment sa gestion 3 ( * ) .
Or votre rapporteur spécial constate que la LOLF, uniquement perçue dans ses aspects les plus complexes par les agents, n'apportera pas d'amélioration dans le fonctionnement du réseau tant que les fonctions « support » n'auront pas été réformées.
L'argument selon lequel la LOLF est entrée en vigueur trop récemment pour pouvoir produire encore ses pleins effets ne paraît pas recevable s'agissant de l'action extérieure de l'Etat : c'est la structure de gestion actuelle des crédits à l'étranger qui empêche l'application de la fongibilité des crédits dans ce qu'elle peut avoir de vertueux pour la modernisation de l'administration.
Votre rapporteur spécial invite en conséquence à la création de secrétaires généraux uniques dans chaque poste à l'étranger, recevant dans un budget opérationnel de programme (BOP) la totalité des crédits de fonctionnement, qu'il s'agisse du Quai d'Orsay, mais aussi des missions économiques et des « petits » services représentés à l'étranger, afin qu'il soit possible de faire jouer dans toute son efficacité le principe de fongibilité des crédits prévu par la LOLF et de faire émerger, enfin, des gains de productivité. Ces crédits seraient abondés du niveau central par un programme « soutien » regroupant les crédits de fonctionnement (titre 3, donc hors personnel) de tous les ministères à l'étranger , dans une mission « Action extérieure de l'Etat » devenue dès lors interministérielle.
Les conclusions du récent audit de modernisation sur les services administratifs et financiers uniques 4 ( * ) (SAFU), présentés en avril 2006, comme la signature d'un contrat de performance pour la période 2006-2008, le 18 avril 2006, entre le secrétaire général du ministère des affaires étrangères et le directeur du budget, constituent du point de vue de votre rapporteur spécial des éléments encourageants , car ils entretiennent l'espoir d'une structure administrative unique dans chaque poste à l'étranger.
Néanmoins, votre rapporteur spécial peut craindre au vu de certains des travaux récents engagés à l'initiative du Quai d'Orsay que la réforme reste « au milieu du gué », voire que ses conditions d'exécution, qui nécessitent une action interministérielle, et des difficultés de méthode, n'entraînent un échec, s'agissant du moins des gains de gestion qui doivent être attendus de la mise en place de la LOLF, et d'une gestion rationnelle dans les postes à l'étranger.
C'est pour cette raison que votre commission des finances a souhaité la publication des principales conclusions de votre rapporteur spécial sous la forme du présent rapport d'information.
Il s'agit d'exprimer une volonté politique forte, celle que les réformes de gestion permettent au Quai d'Orsay de préserver sa capacité d'initiative à l'étranger.
* 1 http://alize.finances.gouv.fr/budget/plf2006/jaunes/pdf/DPTAE.pdf
* 2 Cf annexe 2.
* 3 Contrairement à ce que d'aucuns imaginent, les crédits dédiés à l'action extérieure de l'Etat ne baissent pas, mais, faute de dégager des gains de productivités suffisants, le réseau français à l'étranger voit ses marges de manoeuvre réduites au profit des actions multilatérales.
* 4 http://www.performance-publique.gouv.fr/pdf/audit/audit_2/rapport-v2-affaires_etrangeres-safu.pdf