2. Le retard des infrastructures énergétiques
Historiquement, l'interconnexion des réseaux européens d'électricité a été motivée par des considérations de sécurité plus que d'échanges commerciaux. Elle apparaît tout à fait insuffisante aujourd'hui.
Le montant nécessaire afin de compléter le réseau transeuropéen d'électricité et de gaz est estimé à environ 28 milliards d'euros pour les seuls projets prioritaires (20 milliards dans l'Union européenne et 8 milliards dans les pays tiers). Ces investissements seront financés principalement par les gestionnaires de réseaux d'énergie et d'autres opérateurs privés et complétés, si besoin est, par des aides de la Communauté européenne.
L'aide européenne restera toutefois marginale. En effet, si le soutien communautaire aux études peut atteindre 50 % des coûts, le taux applicable à la construction est normalement limité à 10 %. Dans des cas exceptionnels, pour les projets prioritaires devant surmonter des défis financiers importants et présentant des bénéfices particulièrement importants à l'échelle européenne, le soutien pourrait atteindre 20 %.
Parmi les projets prioritaires transeuropéens concernant la France, il convient de signaler :
- le renforcement des réseaux électriques entre la France, la Belgique, les Pays-Bas et l'Allemagne ;
- l'augmentation des capacités d'interconnexion électrique aux frontières de l'Italie avec la France, l'Autriche et la Suisse ;
- l'augmentation des capacités d'interconnexion électrique entre la France, l'Espagne et le Portugal ;
- la construction de nouveaux gazoducs à partir de l'Algérie vers l'Espagne, la France et l'Italie.
3. Un marché qui demeure de fait encore cloisonné
Les différences de rythme dans l'ouverture des marchés ont provoqué des distorsions de concurrence auquel il a été tenté de remédier par un mécanisme prévu par les directives, connu sous le nom de « clause de réciprocité ». Cette clause permet aux États membres de refuser les importations de gaz ou d'électricité à ses clients éligibles en provenance de pays où ce type de clients ne serait pas éligible. Huit États membres ont introduit cette clause dans leur législation nationale : Autriche, Belgique, Danemark, Allemagne, Italie, Luxembourg, Pays-Bas et Espagne.
Mais l'usage de cette clause de réciprocité est problématique. En pratique, elle peut être difficile à mettre en oeuvre par l'absence de lien direct entre le consommateur éligible et le fournisseur, lorsque l'électricité est échangée via une bourse ou des intermédiaires. Politiquement, il peut être délicat pour les gouvernements de priver les clients éligibles de leur pays du choix de leurs fournisseurs étrangers.
Les asymétries dans l'ouverture des marchés affectent le bon fonctionnement du marché intérieur. Le fait pour une entreprise de détenir une clientèle captive dans un État membre, et donc l'assurance de revenus, permet de faciliter son développement sur d'autres marchés nationaux, par le biais d'acquisitions. Ainsi, les pays concernés et la Commission considèrent que le développement d'EDF sur les marchés britannique, allemand, italien et espagnol ne repose pas sur des bases de concurrence loyale.
En effet, la libéralisation du gaz et de l'électricité a surtout accéléré la concentration du secteur aux mains de quelques grands groupes. Dans l'électricité, ce sont EDF, EON, Rwe, Suez-Electrabel ou Vattenfall. Pour le gaz, ce sont principalement ENI, Gaz de France ou Rhurgas. Cette concentration est d'ailleurs loin d'être achevée. L'année 2005 a été marquée par la bataille boursière sur le marché espagnol entre ENDESA et Gas Natural. L'année 2006 débute en France par la fusion, annoncée le 27 février, de Gaz de France et de Suez.
Si l'interpénétration des marchés nationaux par les fusions-acquisitions s'est accrue, les flux transfrontaliers d'électricité sont restés jusqu'à présent marginaux. Le volume total des échanges dans le secteur de l'électricité ne représentait en 2004 qu'environ 10,7 % de la production de la Communauté, soit une hausse de deux points seulement par rapport à 2000.