2. Les relations avec les pays voisins
Les conclusions du Conseil européen du 17 décembre 2004 et le cadre de négociation adopté le 3 octobre 2005 soulignent la nécessité pour la Turquie d'un engagement sans équivoque en faveur de relations de bon voisinage.
Malgré quelques tensions ces dernières semaines, le climat s'est nettement détendu entre la Turquie et la Grèce depuis le tremblement de terre qu'a connu Istanbul et sa région en 1999. Plusieurs visites de haut niveau, tant militaires que politiques, ont par exemple eu lieu en 2005. Cependant, les contentieux liés à la mer Égée persistent : délimitation du plateau continental, des eaux territoriales, de l'espace aérien, appartenance de certains îlots non habités...
En ce qui concerne Chypre , la Turquie met en avant son soutien au plan Annan, mais les perspectives d'une évolution de ce dossier sont suspendues dans l'attente des élections législatives qui auront lieu à Chypre au printemps 2006, voire jusqu'à l'élection présidentielle de 2008. Notre collègue, Louis Le Pensec, a sur ce sujet présenté une communication devant la délégation le 12 octobre 2005.
En tout état de cause, l'appartenance de la Grèce et de la République de Chypre à l'Union européenne permet à ces pays à la fois d'être pleinement informés des progrès réalisés par la Turquie et de peser sur chaque étape du processus de négociations, puisque celles-ci se tiennent dans le cadre d'une conférence intergouvernementale où toutes les décisions sont prises à l'unanimité des États membres.
La Turquie connaît également des relations difficiles avec l'Arménie , puisque cette frontière à l'extrémité orientale du pays est fermée depuis la guerre entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan à propos du Haut-Karabagh. C'est pourquoi nous avons souhaité nous rendre à Kars , préfecture de près de 90 000 habitants frontalière avec l'Arménie. Pour l'anecdote, et sans que nous en fûmes informés au préalable, le dernier roman d'Ohran Pamuk paru en France, à la rentrée 2005, se déroule à... Kars.
Nous avons été frappés par la grande ouverture des habitants de ces confins et leur grande « envie d'Europe » . Nous avons par exemple rencontré des représentants des avocats, d'associations familiales ou de parents d'enfants handicapés, ainsi que des représentants des éleveurs. Toutes ces personnes, au courant à la fois des débats européens et français sur la Turquie, sont extrêmement favorables au rapprochement entre leur pays et l'Union européenne.
Le maire de Kars, Naif Alibeyoglu, est également président de l'association turque des autorités locales, homologue de notre association des maires de France. Il milite activement pour améliorer la coopération entre les pays et peuples du Caucase ; il a déjà franchi la frontière avec l'Arménie, par exemple pour se rendre à un festival organisé à Gumru (Arménie). Il a d'ailleurs invité le maire de cette ville à participer au festival de Kars : ce festival culturel du Caucase s'est tenu du 30 septembre au 2 octobre 2005 sur le thème « Notre avenir commun dans le Caucase » et a rassemblé des artistes et des troupes de plusieurs pays (Turquie, Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie, Russie, Slovénie et Norvège). La ville de Kars est d'ailleurs jumelée à la fois avec une ville arménienne et avec une ville azérie.
Nous avons par ailleurs rencontré plusieurs conseillères du maire, qui, avec l'appui de la femme de ce dernier, se battent pour améliorer les droits des femmes en Turquie. Notre visite à Kars a d'ailleurs mis en lumière le rôle important joué par les femmes dans la société turque, ce qui ne peut cependant obérer les violences dont elles sont encore trop souvent les victimes. Au total, cette visite en province, qui s'est terminée par une rencontre avec des lycéens, nous a montré l'image d'une autre Turquie. Alors que l'image d'Épinal de la Turquie veut que les régions hors d'Istanbul, d'Ankara ou de l'Ouest du pays soient « arriérées », c'est tout le contraire que nous avons vu : des gens ouverts, dynamiques, tournés vers l'Europe et vers leurs voisins proches, malgré les difficultés dues à la géopolitique. Les habitants de ces régions attendent naturellement beaucoup de l'Europe et c'est en soutenant ce mouvement, ces initiatives locales, que nous permettrons à la Turquie d'avancer dans ses réformes et aux mentalités d'évoluer progressivement.