2. Les causes de la hausse des prix des produits dérivés
Si la hausse des prix du pétrole brut s'est accompagnée d'une importante augmentation des prix des produits dérivés, les raisons de ces évolutions ne sont pas identiques. En ce qui concerne les produits dérivés, les tensions sur les prix résultent essentiellement des modifications structurelles de la demande et des goulots d'étranglement au niveau du raffinage.
Les procédés de raffinage Il existe plus de trente procédés unitaires de raffinage du pétrole ou des sous-produits du pétrole. Dans le schéma suivant sont recensés les principaux avec les produits auxquels ils aboutissent. Le but du raffinage du pétrole est de séparer les différents éléments ou composants du pétrole afin d'obtenir des produits utilisables et qui correspondent aux attentes des consommateurs et aux spécifications des principaux standards internationaux (Union européenne et Etats-Unis). Actuellement, la demande la plus importante concerne les éléments légers (pour les carburants). La première étape est une distillation à pression atmosphérique : le brut est chauffé à 350°C dans une colonne de 60 m de haut. Les composés dont la température d'ébullition est inférieure à 350°C se vaporisent et montent dans la tour. Les vapeurs se condensent lorsqu'elles ont atteint l'altitude qui correspond à leur température de rosée. Les produits se séparent ainsi, se condensant tout au long de la tour, les plus légers (basse température de rosée, environ 30°C) sont récupérés en haut de la tour, les plus lourds restent en bas. La colonne est divisée en différents étages qui correspondent à différentes températures et permettent ainsi de récupérer des produits de moins en moins lourds, en allant du bas vers le haut de la colonne. Les résidus de cette distillation sont soumis à une distillation sous vide, ce qui permet d'abaisser les températures d'ébullition. On obtient alors du gazole, des distillats lourds et un résidu qui entre dans la composition des bitumes ou des fiouls lourds. En fonction des produits souhaités, des procédés de craquage, viscoréduction, filtration, lavage, extraction au solvant, isomérisation, reformage, alkylation et désulfuration peuvent être utilisés et combinés. Le craquage correspond à une réduction de la taille des molécules. Il peut être thermique ou catalytique. La viscoréduction est un exemple de craquage thermique et permet de réduire la viscosité des résidus lourds issus de la distillation sous vide en "coupant" ces produits. On obtient par exemple des fiouls lourds. Un craquage catalytique transforme du distillat lourd (issu de la première distillation) en petites molécules : gaz, essences et gazole. Le reformage catalytique est un processus d'amélioration des naphtas lourds pour obtenir des essences dont l'indice d'octane est élevé. Source : CNUCED |
Source : CNUCED
On distingue traditionnellement 5 secteurs pour l'utilisation des produits dérivés du pétrole : les transports, la pétrochimie, le chauffage, l'électricité et l'usage non énergétique. Depuis trente ans, la part respective de ces secteurs a fortement évolué. Ainsi, la part des transports est passée de 40% à 50% entre 1971 et 2002. Sur la même période, la part du chauffage a été réduite de 39% à 24%. Cette évolution implique un besoin accru des produits les plus légers au détriment des produits plus lourds.
Or, l'offre ne s'est pas complètement adaptée à l'évolution de la demande en raison de l'apparition de goulots d'étranglement au niveau du raffinage. D'une part, les capacités de raffinage sont insuffisantes dans certaines zones économiques comme l'Asie ou les Etats-Unis; d'autre part, l'outil de raffinage est inadapté à la demande.
a) Des capacités de raffinage trop limitées
Les surcapacités de raffinage qui existaient depuis le milieu des années 70 ont disparu à partir du milieu des années 90. En effet, les deux chocs pétroliers et la crise financière asiatique ont infléchi la demande et de nombreuses unités ont fermé.
Entre 1990 et 2004, les capacités de raffinage au niveau mondial sont passées de 74,8 millions de barils/jour à 84,6 millions de barils/jour, mais cette augmentation n'a fait que suivre la demande. En conséquence, le taux d'utilisation des raffineries est extrêmement élevé (85%), ce qui rend le marché très sensible à tout risque d'interruption.
Au niveau mondial, les capacités de raffinage restent suffisantes. En revanche, certaines zones très consommatrices comme les Etats-Unis ou l'Asie sont déficitaires.
Ecart entre la capacité de raffinage
et la
demande de produits raffinés par région
Source : TOTAL
Aux Etats-Unis, les capacités de raffinage sont passées entre 1981 et 2005 de 18,6 à 17 millions de barils/jour. Comme le faisait remarquer le président du National Petrochemical & Refiners Association (NPRA), M. Bob Slaughter, lors de son audition, alors que la demande en essence a crû de 20% pendant les 20 dernières années, les capacités de raffinage ont diminué de 10%. Aucune nouvelle raffinerie n'a ainsi été construite depuis 1976. En conséquence, les Etats-unis importent par jour, non seulement 10 millions de barils de pétrole, mais également 3 millions de barils de produits raffinés.
La faiblesse des investissements dans de nouvelles unités de production s'explique en partie par les faibles marges qui ont longtemps résulté de l'activité de raffinage. Aux Etats-Unis, le retour sur investissement pour l'industrie du raffinage a été de 5,5% entre 1993 et 2002, contre 12,7% pour les autres industries. Pour faire face à cette situation, l'industrie du raffinage s'est profondément restructurée : les unités les plus petites et les moins rentables ont été fermées et on a assisté à une forte concentration des activités de raffinage : aux Etats-Unis, le nombre de raffineries est passé de 325 en 1981 à 148 aujourd'hui, tandis que les parts de marché des 5 plus grandes compagnies de raffinage sont passées d'un tiers à la moitié.
Au-delà du problème de la rentabilité d'une raffinerie, le développement de nouvelles capacités de raffinage dans les pays consommateurs est largement freiné par les contraintes administratives et l'opposition des populations concernées par la construction d'une nouvelle raffinerie. Lors de leur déplacement aux Etats-Unis, vos rapporteurs ont ainsi appris que le coût d'obtention du permis de construire s'élevait à 75 millions de dollars et que cette simple opération nécessitait plusieurs années de discussion avec l'administration. Quant à la résistance que les industriels rencontrent au niveau local pour tout nouveau projet de raffinerie, elle a été résumée par deux sigles bien connus : NIMBY (not in my backyard) et BANANA (build absolutely nothing anywehre near anybody). Il est d'ailleurs symptomatique que le gouvernement américain ait proposé d'utiliser les bases militaires pour construire de nouvelles raffineries.
Enfin, une grande partie des investissements est consacrée à l'adaptation de l'industrie du raffinage au renforcement des spécifications à caractère environnemental pour les produits du pétrole, notamment les essences et le gazole.
Au niveau communautaire, par exemple, la directive 98/70/CE modifiée par la directive 2003/17/CE instaure l'obligation de mettre sur le marché de l'essence et du gazole d'une teneur en soufre maximale de 10mg/kg à partir du 1er janvier 2005 et rend cette teneur limite obligatoire à partir du 1er janvier 2009.
De même, la directive 99/32 prévoit dans son principe la limitation de la teneur en soufre des fiouls lourds à 1% en masse à partir du 1er janvier 2003.
Aux Etats-Unis, les compagnies de raffinage sont confrontées à une « balkanisation » des normes environnementales dans la mesure où ces dernières sont de la compétence des Etats. Ainsi, quinze nouvelles réglementations sont sensées entrer en vigueur entre 2006 et 2012.
Compte tenu des faibles marges, les spécifications environnementales ont conduit les industriels à investir sur leurs sites les plus rentables et à limiter très fortement leurs investissements d'extension de capacité de raffinage.