c) L'évolution de l'offre des pays non OPEP
Les pays non OPEP constituent un groupe très hétérogène avec des pays aussi différents que les Etats-Unis, la Chine ou encore le Mexique. Leurs coûts de production sont plus élevés que pour les pays de l'OPEP (ces derniers atteignent ainsi 12 dollars le baril dans le golfe du Mexique et 15 dollars en mer du Nord contre 3 à 5 dollars pour les pays du Moyen-Orient). Pourtant, leur part de marché est plus importante : en 2002, elle atteignait 43% grâce à une production de 48 millions de barils/jour contre 37% pour les pays de l'OPEP avec une production de 25,1 millions de barils/jour.
Les pays non OPEP ont profité de la forte augmentation des prix liée au second choc pétrolier pour concurrencer les pays de l'OPEP et s'installer durablement comme producteurs sur le marché du pétrole. Selon les pays, les compagnies opérant sur leur territoire sont internationales ou nationales, mais toutes produisent au maximum de leurs capacités. En trente ans, de nouveaux gisements ont été découverts, notamment en Amérique latine et en Afrique, qui ont plus que compensé la perte de vitesse de certaines zones comme les Etats-Unis ou le Royaume Uni. Toutefois, à long terme, il est peu probable que l'offre des pays non OPEP puisse continuer à augmenter. Au contraire, un déclin de la production est à prévoir si le volume de pétrole non conventionnel n'augmente pas de manière substantielle.
(1) Des prévisions de production contrastées
En ce qui concerne l'évolution de l'offre des pays non OPEP, deux écoles s'affrontent : les optimistes pour qui l'offre va augmenter jusqu'en 2010 puis stagner jusqu'en 2030 et les pessimistes qui prévoient une chute brutale de la production après 2010.
Parmi les optimistes, on peut citer l'AIE et le département de l'énergie américain.
Selon les pronostics de l' AIE , l'offre de pétrole des pays non OPEP passerait de 50,4 millions de barils/jour en 2004 à 57,2 millions de barils/jour en 2010, puis stagnerait à 56,9 millions de barils/jour en 2020 et 56,6 millions de barils/jour en 2030. La Russie et les pays riverains de la mer Caspienne, l'Afrique de l'Ouest et l'Amérique latine sont les régions qui soutiendront l'offre des pays non OPEP. En outre, l'AIE prévoit une montée en puissance du pétrole non conventionnel dont la production devrait passer de 1,7 million de barils/jour en 2002 à 3,9 millions de barils/jour en 2010 et 10,7 millions de barils/jour en 2030. Il représenterait alors 8% de la production totale de pétrole.
Le département de l'énergie américain s'appuie sur d'autres statistiques mais ses prévisions sont encore plus optimistes. Selon lui, la production des pays non OPEP atteindrait 56 millions de barils/jour en 2010 et continuerait de progresser pour s'élever à 63,2 millions de barils/jour en 2020 et 69 millions de barils/jour en 2030. Contrairement à l'AIE, cette augmentation de la production ne s'expliquerait pas par le développement du pétrole non conventionnel dont la production atteindrait « seulement » 2,8 millions de barils/jour en 2010 et 5,4 millions de barils/jour en 2030. Le département de l'énergie américain mise plutôt sur une forte croissance de la production des pays riverains de la mer Caspienne (qui passerait de 1,8 million de barils/jour en 2002 à 8 millions de barils/jour en 2030), de l'Amérique latine (qui passerait de 3,8 millions de barils/jour en 2002 à 6,9 millions de barils/jour en 2030) et de l'Afrique (qui passerait de 2,9 millions de barils/jour en 2002 à 8,1 millions de barils/jour en 2030).
Les prévisions de production des pays non OPEP
selon l'AIE et le département de l'énergie
américain
(en millions de barils/jour)
Prévisions |
2010 |
2030 |
AIE |
57,2 |
56,6 |
Département de l'énergie américain |
56 |
69 |
D'autres analyses sont beaucoup moins optimistes sur le long terme. Récemment, Peter Wells, directeur général de la société de conseil Neftex Petroleum Advisors Ltd, a publié un article dans le Oil & Gas Journal sur l'évolution de la production des pays non OPEP à moyen et long terme.
Selon lui, la production des pays de la CEI atteindrait un pic de production entre 2008 et 2014 et s'élèverait entre 11 et 14 millions de barils/jour. Par ailleurs, la production des pays non OPEP non CEI atteindrait également un pic de production entre 2007 et 2011 à un maximum compris entre 48 et 49 millions de barils/jour. En conséquence, la production des pays non OPEP pourrait n'atteindre que 33 à 37 millions de barils/jour en 2025, contre 54 millions de barils/jour dans la prévision du département de l'énergie américain.
Lors de son audition, Olivier Rech, chargé d'étude à la direction des études économiques de l'Institut Français du Pétrole, a également insisté sur le ralentissement du flux de production dans les pays non OPEP. Il constatait ainsi que les 100 milliards par an investis dans cette zone ne permettaient pas de créer plus de 0,5 million de barils/jour supplémentaire. Certes, les progrès technologiques ont contribué à la réévaluation des réserves, mais ils ont également accéléré les rythmes de production et donc la déplétion des champs.
Que peut-on conclure de ces analyses parfois contradictoires ?
La plupart des pays producteurs non OPEP de pétrole conventionnel soit ont dépassé leur pic de production (cas des Etats-Unis et des gisements de la mer du Nord), soit devraient l'atteindre avant 2015. A l'exception des nouveaux gisements en mer profonde dans le golfe de Guinée ou au Brésil, il s'agit de gisements matures et le ratio réserves/production estime à 15 ans le nombre d'années de production des champs existants.
Les défis pour les pays producteurs non OPEP sont donc nombreux s'ils veulent augmenter leurs capacités de production puis, à moyen terme, en freiner le ralentissement.