B. L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE

1. Les Objectifs du Millénaire pour le développement

Lors de sa séance du lundi 20 juin l'Assemblée a examiné en discussion commune deux rapports sur les objectifs du Millénaire pour le développement adoptés par l'Organisation des Nations unies à l'issue de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée, à Durban du 31 août au 8 septembre :

- un rapport de la commission de l'environnement, de l'agriculture et des questions territoriales sur l'environnement et les objectifs du Millénaire pour le développement présenté par M. John Dupraz (Suisse, LDR) ;

- un rapport de la commission des questions économiques et du développement sur la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement présenté par M. Klaus Werner Jonas (Allemagne, Soc).

Dans sa présentation M. John Dupraz a déploré que seulement 5 États membres du Conseil de l'Europe respectent l'objectif visant à consacrer 0,7 % du produit intérieur brut à l'aide au développement et appelé à une meilleure coordination des politiques de l'Organisation mondiale du commerce, de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international pour la réalisation des objectifs du Millénaire.

M. Klaus Werner Jonas a constaté le retard pris dans la réalisation des objectifs du Millénaire et demandé qu'un cahier des charges précis soit donné à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international.

Premier intervenant de la délégation française, M. Jean-Guy Branger a plaidé pour une meilleure scolarisation des jeunes filles notamment en Afrique :

« Je suis heureux que notre Assemblée puisse débattre à partir de deux excellents rapports sur les objectifs du Millénaire adoptés dans le cadre de l'Organisation des Nations Unies.

Je crois qu'il convient de se féliciter de la récente décision prise par les États les plus industrialisés d'annuler la dette publique des pays les plus pauvres de notre planète. Tout au plus, je formulerai le voeu que ce signal positif donné à ces États s'accompagne d'une remise en ordre de la «gouvernance». La liste des États aidés ne comprend pas le Zimbabwe: la famine de la population y est délibérément organisée par les gouvernants, détenteurs quant à eux d'immenses fortunes détournées. Je voudrais pour ma part féliciter notre rapporteur qui insiste sur l'urgence des efforts dans le domaine de l'éducation et «particulièrement pour les filles".

L'Afrique a connu pendant l'année un taux de croissance économique de plus de 5 % que nous pourrions lui envier. Mais ce développement est entièrement annulé par la pression démographique. Or, on sait que le seul facteur qui a une influence sur cette pression est la scolarisation des filles.

C'est d'ailleurs le meilleur investissement que puissent faire les gouvernements locaux et les bailleurs de l'aide internationale : la scolarisation des filles s'accompagne d'un retard de l'âge au mariage et par conséquent d'un meilleur respect de la santé des jeunes femmes ; elle favorise également l'exercice des responsabilités familiales : les enfants moins nombreux sont mieux soignés ; surtout, les enfants d'une femme alphabétisée sauront tous lire, écrire et compter, comme le montrent toutes les statistiques faites sur le terrain.

En conclusion, je me félicite de l'accès plus fréquent des femmes aux cercles où se prennent les décisions, y compris dans les États africains. Mais je trouve cette présence encore très insuffisante, notamment parce qu'il semble que l'objectif de scolarisation des filles soit encore considéré par les ministres, les banquiers, tous hommes, comme une sorte de superflu remis à des lendemains plus prospères, alors même que c'est la condition principale de cette prospérité. »

M. Michel Hunault a insisté sur la nécessité d'élargir la liste des pays bénéficiaires des allègements de dette et sur l'importance du respect des principes de la bonne gouvernance par les États aidés :

« Je tiens à saluer le travail remarquable de nos deux rapporteurs, leur contribution essentielle pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement, en matière de développement durable, de respect de l'environnement et de lutte contre la pauvreté.

Je veux aussi me réjouir du fait que notre Assemblée fasse une place de choix lors de cette session à ces sujets essentiels pour l'avenir de l'humanité. Les Objectifs du Millénaire pour le développement des Nations unies, que la communauté mondiale s'est fixés en 2000, sont l'expression de sa volonté de lutter contre la pauvreté. L'occasion nous est donnée de souligner le rôle et l'importance des institutions établies par les accords de Bretton Woods : le FMI et la Banque Mondiale.

Notre discussion se déroule seulement quelques jours après la décision historique prise par les pays les plus riches de la planète d'effacer la dette des pays les plus pauvres. Il s'agit là de l'aboutissement d'une prise de conscience, d'une mobilisation mondiale contre la pauvreté, pour laquelle s'est mobilisée l'opinion publique mais aussi la société civile et de nombreuses organisations non gouvernementales. La pauvreté massive dans un monde prospère est moralement inacceptable. Elle constitue une insulte à la dignité humaine.

Les Objectifs du sommet du Millénaire visent à lutter contre la pauvreté, à faire disparaître la faim, à garantir à tous une éducation, à réduire la mortalité infantile, à assurer la durabilité et l'accès des ressources environnementales, notamment à l'eau potable, dans une perspective de développement durable et respectueux de l'environnement. Les institutions créées à Bretton Woods réaffirment à travers les Objectifs du Millénaire pour le développement, les idéaux de leurs fondateurs. Il y a en effet urgence à lutter contre la pauvreté.

Au cours des années 90, le revenu par tête a diminué dans cinquante-quatre pays en développement, en particulier en Afrique, en Europe orientale et en Asie centrale. L'aide publique au développement s'est élevée à 68,5 milliards de dollars, soit seulement 0,25 % du Produit Intérieur Brut. Nous savons qu'il manque cinquante milliards de dollars par an pour atteindre les Objectifs du Millénaire des Nations Unies pour le développement. Il faut aussi préciser que 30 % de cette aide publique au développement sont, en fait, un allègement de la dette et non une contribution en capitaux. Ainsi, une bonne partie de ces mesures est décidée simplement parce qu'il n'y a plus de moyens de récupérer les sommes dues ! Il faut donc, au-delà de la récente décision d'effacer la dette des pays les plus pauvres, élargir la liste des États bénéficiaires de cet effacement car la dette prive les pays les plus pauvres des ressources nécessaires aux investissements dans les secteurs essentiels de l'éducation et de la santé.

Notre Assemblée parlementaire est la plus vieille institution démocratique d'Europe et réunit la quasi-totalité des États de l'Europe. Elle n'a cessé de concourir à la construction d'un monde où le respect des droits de l'homme et de la démocratie sont élevés au premier rang de l'organisation politique. Notre Assemblée, dans une économie mondialisée, doit jouer également un rôle essentiel dans la lutte contre la pauvreté, en faveur du développement des nations en veillant au respect des principes de bonne gouvernance. C'est au respect de cette exigence de la bonne gouvernance que l'on peut en effet espérer concrétiser les Objectifs du projet du Millénaire des Nations Unies pour le développement.

Chaque année dans cet hémicycle du Conseil de l'Europe, nous devrions instaurer un débat sur le thème de la lutte contre la pauvreté et de l'aide au développement.

Les Objectifs du Millénaire sont véritablement ambitieux, mais il faut les rapprocher d'un chiffre effrayant: pour la première fois en 2004, les sommes consacrées aux dépenses militaires ont dépassé le chiffre de 1000 milliards de dollars.

Les grandes qualités du projet Millénaire sont certainement l'ampleur de son ambition et l'approche multisectorielle adoptée et que nous voyons cet après-midi lors de cette discussion.

Je souhaite que, à l'avenir nous soyons très vigilants sur l'utilisation de l'aide mondiale au développement, que nous veillons à la transparence, à la traçabilité des sommes consacrées à ces objectifs du développement afin que ce soit bien les populations qui soient les bénéficiaires de cette aide. L'aide doit être orientée vers l'éducation et vers l'accès aux ressources.

Chaque année l'organisation non gouvernementale Transparency International établit un classement des pays les plus corrompus : il y a en effet une corrélation entre les pays les moins développés et la corruption, là il n'existe pas d'État de droit, de système financier, de démocratie.

Notre Assemblée n'a cessé de promouvoir la démocratie, le respect des droits de l'homme. Aujourd'hui, et ce débat le démontre, elle apporte une contribution essentielle pour atteindre les objectifs qui nous rassemblent: la lutte contre la pauvreté, le respect de l'environnement. La concrétisation de ces objectifs permettra aussi d'assurer le respect de la dignité de tout être humain ! Les orateurs qui se sont succédé avant moi dans ce débat ont mis en perspective l'enjeu de notre débat mais aussi nos responsabilités.

Je conclurai en souhaitant que l'ensemble de nos résolutions puissent contribuer à construire un monde meilleur pour des milliards d'êtres humains. »

L'Assemblée a ensuite adopté :

- la résolution n° 1449 qui demande aux États membres de progresser vers la mise en place de modes de production durables, d'améliorer l'accès de leurs citoyens à l'eau, de consacrer 0,7 % de leur produit intérieur brut à l'aide au développement, de favoriser la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto et d'agir pour préserver l'eau, l'air et le sol. Ce texte appelle également les Parlements nationaux à maintenir une priorité politique pour la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement.

- la résolution n° 1450 qui réclame un allègement de la dette pour les pays les plus pauvres et les plus endettés, appelle les États membres à soutenir financièrement et politiquement le Fonds monétaire international et la Banque mondiale dans le but de progresser dans la réalisation des objectifs du Millénaire et soutient le projet de la Banque mondiale "Éducation pour tous".

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