3. Le problème du suivi et du traitement des déchets amiantés
Le président du SYRTA a affirmé à la mission : « Un trafic des déchets de l'amiante existe, c'est une évidence ».
Le porte-avions « Clemenceau » : désamiantage et combat juridique En décidant que la dernière phase du désamiantage de l'ancien porte-avions Clemenceau 117 ( * ) aura lieu en Inde, l'État français va en réalité exporter vers ce pays plus de 22 tonnes d'amiante, selon Annie Thiébaud-Mony de Ban Asbestos. C'est ce que dénonce cette association : le 10 mars 2005, le comité France de Ban Abestos et l'Andeva ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris afin d'interdire le départ vers l'Inde du porte-avions. Parallèlement, le Comité anti-amiante de Jussieu, également membre de l'Andeva, a déposé une demande dans le même sens devant le tribunal administratif de Paris, « au cas où la procédure devant le TGI échouerait ». Selon les demandeurs, le départ du bateau violerait le décret sur l'interdiction de l'amiante qui proscrit « la vente et la cession à quelque titre que ce soit de toutes variétés de fibres d'amiante et de tout produit en contenant » , la Convention de Bâle sur les mouvements transfrontaliers de déchets, le Code français de l'environnement qui interdit l'exportation de déchets lorsque le destinataire n'a pas les compétences de les traiter sans porter atteinte à la santé humaine ainsi que la réglementation européenne. Ils estiment, en effet, que les chantiers indiens n'étant pas équipés et les personnes pas formées, le désamiantage ne pourra être réalisé dans de bonnes conditions de sécurité. Selon les avocats de l'État (propriétaire du Clemenceau) et de SDI, l'État a choisi en Inde « le meilleur sous-traitant et le meilleur chantier ». Le ministère de la défense a également indiqué que la France formait des cadres indiens qui dirigeront le chantier de démantèlement du Clemenceau à Alang, dans la province du Gujarat. Enfin, M. Brian Beilvert, le PDG de SDI, assure que cinq techniciens du chantier indien Shee Ram ont acquis une qualification d'opérateur de désamiantage en France. M. Henri Pézerat, membre du réseau Ban Asbestos, a estimé qu'il n'y avait aucun contrôle de l'amiante en Inde et que l'entreprise SDI n'avait pas les moyens de faire respecter la réglementation française sur place. |
Pourtant, une réglementation stricte a été édictée, qui varie en fonction de la nature des déchets. Le décret du 7 février 1996 relatif à la protection des travailleurs contre les risques liés à l'inhalation de poussières d'amiante et l'arrêté du 14 mai 1996 relatif aux règles techniques que doivent respecter les entreprises effectuant des activités de confinement et de retrait de l'amiante fixent les dispositions générales relatives au traitement des déchets amiantés.
Des textes spécifiques viennent ensuite préciser le contenu des dispositions générales. Il s'agit :
- de la circulaire du 19 juillet 1996 relative à l'élimination des déchets générés lors des travaux relatifs aux flocages et aux calorifugeages contenant de l'amiante dans le bâtiment ;
- de la circulaire du 9 janvier 1997 relative à l'élimination des déchets d'amiante ciment générés lors des travaux de réhabilitation et de démolition du bâtiment et des travaux publics, des produits amiante-ciment retirés de la vente et provenant des industries de fabrication d'amiante-ciment et des points de vente ainsi que tous autres stocks ;
- du décret modifié du 28 avril 1988 qui impose un étiquetage amiante, et s'applique aussi aux déchets ;
- de l'arrêté du 17 octobre 1977, qui fixe des consignes de sécurité pour le transport de l'amiante.
La réglementation actuelle distingue aussi deux catégories de déchets :
- les déchets de flocage et de calorifugeage, considérés comme des déchets industriels spéciaux et qui doivent être envoyés dans les centres d'enfouissement technique (CET) de classe 1 118 ( * ) ou bien vitrifiés ;
- les déchets d'amiante-ciment pouvant être stockés dans les CET de classe 2 voire 3.
a) Le traitement des déchets d'amiante friable
Concernant l'amiante friable, le président du SYRTA a rappelé que deux traitements étaient possibles :
- un enfouissement technique de classe 1 ;
- la destruction de l'amiante par torches à plasma. M. Bernard Peyrat a indiqué qu'il s'agissait d'un procédé unique en France, développé par EDF et exploité aujourd'hui par la société INERTAM, qui consiste à chauffer l'amiante à 1.500 degrés : « Vous savez que l'amiante est fait pour résister au feu. Il faut donc, pour le détruire par combustion, que les températures soient très élevées. Une fois fondue, l'amiante est transformé en matériaux vitrifiables ».
En application de la circulaire du 19 juillet 1996, précitée, les matériaux à haut risque de libération de fibres d'amiante doivent :
- être transférés dès leur sortie de la zone de confinement vers les installations d'élimination autorisées à les recevoir ;
- être conditionnés de manière totalement étanche 119 ( * ) ;
- être étiquetés « amiante », sur chaque emballage de conditionnement 120 ( * ) ;
- être transportés de manière à limiter l'envol de fibres. L'arrêté du 30 décembre 2002 relatif au stockage des déchets dangereux précise les modalités de chargement de l'amiante libre et d'acceptation en décharge de classe 1.
* 117 Les travaux de désamiantage de l'ancien porte-avions Clemenceau, entamés en novembre 2004 à Toulon, ont été confiés à la société SDI (Ship Decomissionning Industries Corporation).
* 118 On rappellera les trois types d'installation de stockage : installations de stockage des déchets industriels spéciaux ou centres de classe 1, installations de stockage de déchets ménagers et assimilés ou centres de classe 2 et installations de stockage de déchets inertes ou centres de classe 3.
* 119 On les enferme dans des doubles sacs étanches et on les transporte dans un emballage supplémentaire conforme aux prescriptions du Règlement transport des matières dangereuses par route (RTMDR) de type GRV (Grands récipients en vrac), de façon à être immédiatement identifiés lors de l'arrivée sur l'installation de stockage.
* 120 Tout conditionnement devra être identifié et fermé au moyen d'un scellé numéroté. Le scellé mentionnera le numéro de SIRET de l'entreprise qui a conditionné l'amiante ainsi qu'un numéro d'ordre.