(3) Des chantiers de désamiantage clandestins
L'impossibilité de diligenter des contrôles sur tous les chantiers ouverts n'incite pas les maîtres d'ouvrage à respecter les obligations réglementaires.
M. Gilles Evrard, président de la CNAM, a, par ailleurs, souligné la recrudescence, depuis l'interdiction de l'amiante, de « déflocages sauvages » réalisés par des entreprises non qualifiées : « Malheureusement, de nombreuses entreprises, voire des artisans, effectuent des désamiantages sans déclaration de chantier, sans être certifiés ».
Il a indiqué qu'une campagne de contrôle avait été lancée en mars 2004 pour mesurer l'ampleur de ces désamiantages clandestins.
Devant la mission, M. Gérard Larcher s'est dit particulièrement sensibilisé par ce problème et a indiqué qu'une nouvelle campagne nationale de contrôle était en cours, menée conjointement avec les agents des CRAM et l'inspection du travail.
Deux catégories de chantiers sont particulièrement concernées :
• les chantiers qui traitent l'amiante non friable 106 ( * ) ;
« Très peu réglementé, le retrait de l'amiante non friable concerne des dizaines de milliers de petits chantiers qui échappent pour l'heure actuelle presque totalement au regard des pouvoirs publics », a déploré Michel Héry, chargé de mission à l'INRS. On rappellera que les entreprises de ce secteur n'ont pas à justifier d'une qualification certifiée, situation à laquelle il faudrait remédier, selon le président du SYRTA, parce qu'elle a conduit « un certain nombre d'entreprises de démolition, qui ne se posent pas trop de questions » à investir le secteur.
• les travaux à domicile, réalisés chez des particuliers, qui sont autant de « petits chantiers », ouverts, dans leur grande majorité sans précaution particulière, portant notamment sur la restauration de maisons individuelles.
Certains chantiers publics ne sont pas non plus exempts de critiques, comme le montre le cas de l'école primaire de la rue de Tlemcen, dans le XX e arrondissement de Paris, où, après le décès d'une enseignante, l'enquête a fait apparaître que « les bouches d'aération et les câbles électriques ont été laissés à l'air libre et la poussière qui s'est révélée être polluée par l'amiante, a continué de tomber à même le sol » 107 ( * ) .
Les professionnels du secteur ont imputé la multiplication des désamiantages « clandestins » au souci de certains chefs d'entreprises et de certains propriétaires de réduire le coût des opérations : les mesures réglementaires obligatoires de protection représentent en effet de 50 à 80 % du coût d'un désamiantage. La tentation est par conséquence grande de s'en affranchir, alors que les chantiers sont rarement contrôlés.
Pour remédier à cette situation, un des volets du plan santé travail, présenté en février 2005, vise à améliorer le contrôle de la réglementation, notamment par le renforcement du corps de l'inspection du travail, qui pourra s'appuyer sur des centres techniques régionaux.
Afin de réduire le nombre des chantiers sauvages, la mission considère que deux évolutions réglementaires sont aujourd'hui souhaitables :
• disposer d'une liste nationale de tous les chantiers ouverts en France, pour faciliter le contrôle des inspecteurs du travail et des agents de la CRAM ;
• rendre obligatoire la qualification des entreprises intervenant sur l'amiante non friable.
* 106 Au sens de la réglementation (annexe de la circulaire DRT 98/10 du 5 novembre 1998), on entend par amiante non friable : les joints plats, l'amiante-ciment, le vinyl-amiante, les produits d'étanchéité, les matières plastiques, les colles, les mastics, les mousses chargées de fibres, les enduits et les mortiers de densité élevée, les revêtements routiers, les éléments de friction.
* 107 « Libération » du mardi 22 juin 2004 : « A Paris, école en grève pour cause d'amiante ».