b) Des moyens insuffisants et inadaptés à la mission de veille
Le professeur Claude Got a estimé que le problème de l'InVS aujourd'hui était celui de ses moyens, et plus généralement qu' « on ne finance pas au niveau où il le faudrait les organismes de connaissance par rapport aux organismes opérationnels ».
Mme Martine Aubry est allé dans le même sens, déplorant qu'il n'y ait aujourd'hui « que 270 personnes à l'InVS au lieu de 670 à l'INRS, ce qui est évidemment insuffisant, d'autant plus que très peu s'occupent du travail ».
Le professeur Got a rappelé que, faute d'une évaluation des actions de l'institut, l'insuffisance de son budget n'a jamais été réellement prise en compte par les autorités budgétaires : « Il ne suffit donc pas de créer un organisme : il faut avoir la capacité de vérifier qu'il est bien entré dans une logique qui est la logique de la question posée ... Le texte législatif qui a présidé à sa création était pourtant de très bonne qualité et obligeait à dresser ce bilan ».
Selon lui, un véritable bilan aurait permis de révéler l'incapacité de l'InVS, en l'état de ses moyens, à répondre à ses missions. « Vous ne vous en êtes pas aperçus parce que vous n'avez pas eu les moyens, le temps ou l'inclinaison à ce type de démarches, mais si vous aviez demandé au directeur de l'InVS : Qu'avez-vous fait ? Est-ce bien en accord avec ce qu'a prescrit la loi ? Avez-vous assez de moyens ? », il aurait répondu non. Vous l'auriez entendu ou non et, éventuellement, dans un texte budgétaire, vous auriez dit : « Attention, l'InVS a des besoins » .
L'insuffisance de ses moyens budgétaires a en effet conduit l'InVS à concentrer son action sur certaines priorités, en contradiction avec sa mission de veille systématique.
En sa qualité de membre du comité scientifique, le professeur Claude Got a ajouté : « On n'a pas beaucoup de moyens. On va être les meilleurs sur les domaines qui nous paraissent prioritaires. On a identifié des risques : on va mettre les moyens là-dessus ... c'est l'inverse d'une veille ».
Le directeur général de l'institut a confirmé que, faute de moyens, les services avaient dû restreindre leur champ de compétences, en concentrant la veille sur les risques identifiés comme majeurs. C'est ainsi que le réchauffement climatique n'a pas été considéré comme un risque imminent, expliquant l'absence de l'InVS au moment de la crise de la canicule. Il a toutefois indiqué que, suite notamment à la crise de l'été 2003, l'institut a bénéficié d'un renforcement de ses moyens : au lieu de 150 personnes à temps plein en 2001, il dispose aujourd'hui de 280 personnes permanentes et 80 personnes à contrat à durée déterminée à temps plein.
L'évolution de la dotation de l'InVS depuis 2001 a été la suivante :
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
18,2 |
24,0 |
31,9 |
48,6 |
36,3 |
en millions d'euros
M. Gérard Larcher a indiqué, à cet égard, que les effectifs du département santé au travail allaient être renforcés, notamment dans la perspective de la constitution du réseau de médecins du travail.
Pour Mme Martine Aubry, ce département restera sous dotée eu égard à l'ampleur de ses missions. Elle a estimé devant la mission que « quand on voit que ce rapport sur la santé au travail prévoit (...) dix personnes en 2005 et seulement cinquante à l'horizon 2009, on comprend que c'est à l'évidence bien insuffisant ».
Les interlocuteurs de la mission ont souligné en outre le nombre insuffisant de toxicologues au sein de l'InVS . En effet, alors que les épidémiologistes analysent l'incidence sur les populations des expositions toxiques a posteriori , la toxicologie permet d'étudier la dangerosité des produits chimiques dans une optique préventive. Une veille systématique requiert par conséquent de disposer d'un nombre suffisant de toxicologues.
Le professeur Got, à qui a été confiée en 2003 une mission d'évaluation du fonctionnement des centres anti-poisons et des centres de pharmacovigilance, a témoigné que ces centres étaient «réellement à la dérive », soulignant que « la toxicologie n'a pas bénéficié d'un réel soutien sur le plan universitaire. Les jeunes s'y intéressent peu et les espoirs de carrière et de développement des structures sont faibles depuis une quinzaine d'années ».
L'InVS doit donc développer un système de toxico-vigilance. Le nombre de postes à créer dans ce domaine avait été estimé à 70 il y a deux ans, mais ils ne sont toujours pas pourvus aujourd'hui.
Le directeur général de l'InVS a enfin indiqué que la priorité pour 2005 consistait à « être aussi réactif que possible sur l'ensemble des risques » et, pour cela, mettre en place un schéma directeur des systèmes d'information.