TRAVAUX DE LA COMMISSION

AUDITION DE M. FRANÇOIS GOULARD, MINISTRE DÉLÉGUÉ À L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET À LA RECHERCHE
M. JEAN PICQ, PRESIDENT DE LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR DES COMPTES
MME CLAIRE BAZY MALAURIE, CONSEILLER-MAÎTRE
MME JEANNE SEYVET, CONSEILLER-MAÎTRE
M. MICHEL DELLACASAGRANDE, DIRECTEUR DES AFFAIRES FINANCIERES AU MINISTERE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE
MME ELISABETH GIACOBINO, DIRECTRICE DE LA RECHERCHE AU MINISTERE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE

M. JEAN MARC MONTEIL, DIRECTEUR DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR AU MINISTERE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE

Présidence de M. Jean ARTHUIS, président

Séance du 19 octobre 2005

Ordre du jour

Audition de M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche, accompagné de Mme Elisabeth Giacobino, directrice de la recherche, M. Jean-Marc Monteil, directeur de l'enseignement supérieur et M. Michel Dellacasagrande, directeur des affaires financières au ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche , et M. Jean Picq, président de la troisième chambre de la Cour des comptes , accompagné de Mmes Jeanne Seyvet et Claire Bazy-Malaurie, conseillers-maîtres.

La séance est ouverte à 15h30.

M. Jean Arthuis, président - Mes chers collègues, le président Valade va nous rejoindre dans quelques instants ; il est retenu en séance.

L'audition conjointe à laquelle nous allons procéder aujourd'hui est la douzième de ce genre et s'accomplit en application de l'article 58 2 de la loi organique sur les lois de finances, qui donne la possibilité aux commissions des finances de l'Assemblée Nationale et du Sénat de demander à la Cour toutes enquêtes qu'elles jugeraient nécessaires.

A ce titre, la Cour des comptes a transmis à notre commission, en juin dernier, une communication sur les subventions d'équipement à la recherche universitaire. J'avais transmis cette demande à la Cour, sur proposition du rapporteur spécial qui, depuis nous a quitté, Philippe Lachenaud.

Cette communication a également été adressée par voie de référé au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Je salue l'arrivée du président Valade.

Il m'a semblé, conformément à la procédure déjà suivie et afin de valoriser au mieux nos travaux communs avec la Cour des Comptes, qu'était nécessaire une audition conjointe de M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche que je remercie de sa présence de Mme Elisabeth Giacobino, directrice de la recherche, de MM. Jean Marc Monteil et Michel Dellacasagrande, respectivement directeurs de l'enseignement supérieur et des affaires financières, en présence de M. Jean Picq, président de la troisième chambre de la Cour des comptes et de Mmes Claire Bazy Malaurie et Jeanne Seyvet, conseiller maître, à la Cour.

Cette audition est ouverte à la presse afin d'assurer un débat le plus ouvert et le plus fructueux possible.

Notons que, dans la même perspective, les membres de la commission des affaires culturelles ont été invités à participer à cette discussion. Je remercie le président Valade d'avoir manifesté d'emblée autant d'adhésion à cette audition conjointe.

La communication de la Cour des comptes souligne tout d'abord la difficulté à cerner exactement le montant des crédits alloués aux subventions d'équipement à la recherche universitaire et ce même en ce qui concerne la simple participation de l'Etat.

Cela n'a pas dû être simple de conduire cette mission et peut être le président Pic nous dira t il à quelles difficultés pratiques lui même et les hauts magistrats ont été confrontés pour menée à bien cette mission, d'autant que la Cour vient de rendre public un rapport particulier consacré à la gestion de la recherche dans les universités.

Je me permets de souligner à quel point ces échanges sont importants puisque, dans quelques jours, le Sénat va devoir se saisir de votre projet de loi sur la recherche, Monsieur le Ministre. Le Sénat y accorde tant d'importance qu'au moins quatre commissions ont manifesté de l'intérêt pour l'analyse de ce texte. Sans doute y aura t il constitution d'une commission spéciale.

La Cour, dans ce rapport, examine ensuite la gestion de ces crédits dont la grande majorité est contractualisée à travers les contrats de plan Etat régions. Elle examine aussi les contrats quadriennaux. Enfin, elle étudie l'impact de la LOLF sur ces crédits.

Vous avez tous reçu, mes chers collègues, copie de l'enquête de la Cour, ainsi que des réponses formulées par le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche dans le cadre de la procédure contradictoire mise en oeuvre par la haute juridiction financière.

Dans cette perspective, je compte sur chaque interlocuteur pour présenter très brièvement ses principales conclusions et laisser toute sa place à un débat le plus interactif et constructif possible, qui peut d'une certaine manière constituer un prélude au prochain débat sur le projet de loi.

M. Jean Picq, président de la troisième chambre de la Cour des comptes, présentera dans un premier temps les conclusions du rapport communiqué à notre commission, puis M. le ministre, ainsi que les directeurs ici présents du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, pourront répondre aux observations de la Cour des comptes.

Enfin, je vous inviterai, mes chers collègues, ainsi que les membres de la commission des affaires culturelles à intervenir si vous le souhaitez.

Conformément à l'article 58-2 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, il nous appartiendra, à la fin de cette audition, de statuer sur la publication du rapport transmis et qui, sur le plan juridique, est une communication de la Cour des comptes.

La parole est donc à M. Jean Picq, président de la troisième chambre de la Cour des comptes.

M. Jean Picq - Merci, Monsieur le président.

Monsieur le Président, Messieurs les membres de la commission des finances et des affaires culturelles, Monsieur le Ministre, je vais m'en tenir à la demande qui nous est faite de vous présenter cette communication dans ses grandes lignes. Il s'agit bien des subventions d'investissement à la recherche universitaire, sujet précis qui a appelé de la part de la Cour une réponse précise dont je vais donner les grandes lignes, en soulignant d'entrée de jeu ce constat : connaître les investissements consacrés à la recherche dans les universités ne va pas de soi, pour plusieurs raisons que je me contente de mentionner.

La première, c'est qu'il faut distinguer en fonction de la nature des dépenses. Il y a des investissements immobiliers pour la recherche qui bénéficient aux universités et qui sont imputés sur le budget de l'enseignement supérieur, mais sans être identifiés en tant que tels.

Il y a les autres équipements, hors immobilier, portés par les lignes imputées sur le budget du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche mais, là encore, il s'agit soit d'opérations ponctuelles, soit de financements récurrents.

Ces lignes, pour des raisons de globalité, confondent l'équipement et le fonctionnement courant de manière à donner aux équipes - c'est le choix qui a été fait - la souplesse de gestion nécessaire, puisqu'il s'agit de lignes communes inscrites dans l'ancienne nomenclature budgétaire sous le titre VI du budget.

C'est une première difficulté : isoler l'investissement pour la recherche universitaire.

La seconde difficulté du sujet que le Sénat a souhaité que nous traitions, c'est qu'il y a multiplicité des outils contractuels : contrats de plan Etat régions, les contrats quadriennaux passés entre l'Etat les universités, auxquels s'adjoignent les grands établissements de recherche. Il peut y avoir aussi - la Cour n'y fait que discrètement allusion - les fonds ministériels dits « incitatifs ».

Enfin, ultime difficulté, même si dans la contradiction à laquelle vous avez fait allusion, le dialogue a été à la fois constructif et très efficace : plusieurs directions du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche sont concernées, à commencer par les trois ici présentes, qui interviennent dans ces affaires.

Voilà le constat.

Partant de cette difficulté, la Cour a souhaité adopter une démarche analytique. Je vous prie d'excuser le caractère technique de mes propos, mais la question est technique et j'y réponds avec - je l'espère - toute la rigueur voulue, en m'appuyant sur le travail qui a été fait, dont je voudrais dire un mot pour bien marquer son statut. Il s'agit d'un travail qui a été mené par une enquête longue, confiée à Mme Jeanne Seyvet.

Ce document, une fois élaboré, a été adressé à la contradiction des directions ici présentes du ministère de l'enseignement supérieur, mais aussi au CNSR, à la DATAR et au ministère du budget.

A la suite de leurs réponses, nous avons tenu compte de ces contradictions et élaboré le document qui vous a été remis.

Il s'agit donc bien d'un diagnostic partagé parce que contredit.

J'en viens aux trois parties de ce rapport avant d'aborder, en conclusion, les deux problématiques qui me paraissent mériter que l'on y insiste un instant.

La première partie essaye de cerner les masses financières en jeu.

Elle montre que si l'on s'en tient aux estimations de la direction de l'évaluation et de la prospective du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, l'investissement pour la recherche a été, en 2002, de 521 M€, soit 11 % de la dépense pour la recherche universitaire, qui est estimée à 4,184 Md€ et qui comprend les rémunérations des enseignants chercheurs.

Dans ces 512 M€, 462 vont à l'équipement et 59 à l'immobilier.

Ce chiffre ne tient pas compte des investissements qui sont faits par les grands établissements de recherche, par exemple le CNRS.

Le rapport signale, dans un souci d'exhaustivité, que les régions interviennent de plus en plus. Nous avons estimé qu'en moyenne, c'était à peu près 75 M€ par an pour l'immobilier et 50 M€ pour l'équipement.

Enfin, au titre de diverses autres rubriques, le ministère consacre, qu'il s'agisse des équipements inscrits dans les contrats de plan Etat régions, de ce qui figure dans les contrats quadriennaux ou de ce qui est inscrit au titre des opérations immobilières, environ 140 M€ par an.

J'aborde maintenant les deux parties qui répondent à la commande exacte du Sénat : comment se déroulent et s'exécutent les contrats de plan Etat-régions et les contrats quadriennaux ?

S'agissant des contrats de plan Etat-régions, qui couvrent la période 2000 2006, nous nous sommes intéressés à l'exécution des investissements de recherche et avons distingué les opérations immobilières et les subventions d'équipement.

Que souligne le rapport qui mérite d'être signalé ?

Tout d'abord, il y a 163 opérations immobilières qui représentent 676 M€ dans les contrats de plan Etat régions au titre des universités, sur près de 2.000 opérations, soit environ 13 % du montant et des opérations.

La Cour note que l'imputation des opérations à la recherche des universités ne va pas de soi.

Par exemple, l'opération réalisée au titre de la grande université Paris VII sur la zone de Tolbiac est inscrite au titre de l'enseignement supérieur alors que, manifestement, elle a une dimension recherche.

Seconde constatation : la Cour observe que, lorsqu'on regarde l'exécution des contrats de plan Etat régions, ces opérations immobilières sont financées à 49 % par l'Etat et à 41,5 % par les régions.

Elle note que les régions les plus actives sont celles qui ont le plus gros potentiel de recherche : Rhône Alpes, l'Ile de France, PACA et Midi Pyrénées.

Elle constate que ces opérations immobilières qui sont dans les contrats de plan Etat-régions ont souvent pu être le levier de ce que l'on appelle de manière un peu prétentieuse des « opérations stratégiques ».

Par exemple, le rapport signale l'effort fait à l'université Paris-Sud en ce qui concerne l'optique, ce qui est fait en Midi-Pyrénées en matière de valorisations agricoles non alimentaires ou en Rhône-Alpes en matière d'imagerie fonctionnelle et métabolique.

S'agissant de l'exécution budgétaire, le rapport note que, si les régions tiennent leurs engagements, ce n'est pas le cas de l'Etat, dont la gestion budgétaire a été marquée par des gels de crédits. Par ailleurs, un mauvais suivi de l'exécution faute d'une base de données partagée avec les rectorats, a pu conduire à d'importants retards.

Nous signalons, à la page 22 du rapport, qu'en 2003, le taux d'exécution des opérations immobilières était de 52,55 %, que le retard était déjà de plus de 100 M€ et qu'en 2004, ce même taux d'exécution atteint un peu moins de 60 %, alors qu'il aurait dû atteindre 71,4 %, soit un retard proche de 270 M€. Dans la réponse qu'il nous a adressée, le ministère nous a précisé que l'enveloppe pour 2005 serait fixée à 158 M€. La Cour en déduit qu'il faudrait un accroissement très important pour l'année 2006, dernière année des contrats de plan Etat-régions, pour que l'Etat soit en mesure de tenir ses engagements.

En ce qui concerne l'équipement, qui est suivi par la direction de la technologie, le rapport note que l'exécution est en revanche globalement satisfaisante et que les régions ont été inégalement servies parce que les projets sont d'une maturité qui varie et avec des investissements d'une taille qui va de quelques milliers à quelque centaines de millions d'euros.

Le rapport cite l'exemple très remarquable du projet Minerve à Orsay, où quinze laboratoires regroupant 200 chercheurs, 40 techniciens et 30 doctorants se sont associés, financés par huit sources différentes.

Enfin, toujours dans cette deuxième partie, le rapport note que, dans l'ensemble, le couplage entre les opérations immobilières et les opérations d'équipement se fait correctement, avec des exceptions qui ont été notées à Grenoble et à Paris VII, pour des raisons d'insuffisance de crédits.

La troisième partie évoque les investissements de la recherche universitaire dans les contrats quadriennaux, second volet de la commande que vous nous aviez faite.

La Cour fait deux constatations principales. La première est que les contrats quadriennaux qui comportent un volet recherche sont pour l'essentiel « fléchés » et constituent l'instrument privilégié de pilotage sélectif de la direction de la recherche. Dans ces contrats, la part recherche est estimée à 441 M€ et concerne aussi bien l'équipement que le fonctionnement.

Les autres financeurs que sont l'Union européenne et les régions interviennent aussi par ailleurs dans la recherche universitaire. Le rapport signale qu'à côté de ces contrats quadriennaux se développent, à l'initiative des régions, des programmes sur appels d'offres, avec des propositions sélectionnées dans des conditions d'impartialité s'adressant à tous les acteurs de la recherche, les grands établissements scientifiques et les universités. Il évoque ainsi le programme SESAME - Soutien aux Equipes Scientifiques pour l'Acquisition de Moyens Expérimentaux dédiés à des équipements mi lourds - financé par la région Ile-de-France. En dix ans, dans le cadre de ce programme, 246 projets ont été retenus pour un montant de 62 M€.

Nous avons estimé, à partir de ce que nous avait indiqué la région Ile-de-France, à 22 M€ le total des subventions accordées aux universités en dix ans.

La Cour observe que le fait que la région où se situe le plus fort potentiel de recherche ait choisi de mener une politique autonome montre bien le changement important du paysage et donc les limites, au sens intellectuel du terme, de la contractualisation entre l'Etat et les régions puisque, à côté des CPER et des contrats quadriennaux se développent maintenant des initiatives faisant l'objet de financements propres aux régions.

En conclusion, le rapport pointe deux problématiques que je voudrais rapidement évoquer. La première concerne la mise en oeuvre de la LOLF.

La Cour constate que la nouvelle architecte budgétaire n'offre pas de solution à la difficulté que ce rapport a relevé en ce qui concerne le recensement des crédits affectés à la recherche dans les universités, ce qui peut poser à l'évidence un problème si on estime --ce qui est à débattre- que l'équipement peut être un indicateur d'efficience pour la recherche.

La Cour reprend surtout une observation que la commission des finances du Sénat et le ministère connaissent concernant le choix qui a été fait de présenter la recherche universitaire dans le fameux programme I « formation supérieure et recherche universitaire », piloté par la direction de l'enseignement supérieur et séparé des programmes des autres organismes publics de recherche : le programme III « recherches scientifiques et techniques pluridisciplinaires » qui vise notamment le CNRS, le CEA, piloté par direction de la recherche, le programme IV, qui touche à la recherche dans la gestion des milieux et des ressources, qui vise notamment l'INRA, le SEMAGREF, mais aussi l'IFREMER, le CIRAD et l'IRD, piloté par la direction de la technologie.

Les actions 6 à 12 de ce programme I « recherche universitaire » sont ventilées selon les mêmes thèmes que celles du programme III. On distingue par exemple les sciences de la vie, les mathématiques, la physique, les sciences humaines et sociales, mais les trois batteries d'indicateurs retenues pour ces trois programmes, certes sur le même modèle, ne sont pas bâties de manière identique. La consolidation de ces indicateurs de la mission « recherche » ne nous paraît donc ni acquise, ni aisée.

Pour ce qui concerne, l'immobilier, qui était un des thèmes de ce rapport, la Cour observe que les crédits concernant les opérations immobilières sont regroupés au sein d'une action 14 « immobilier » du programme I et continueront donc d'englober toutes les opérations immobilières, qu'elles soient ou non consacrées à la recherche.

En revanche, une souplesse de gestion sera donnée, puisque cette action 14 couvrira aussi bien les constructions que le premier équipement, la maintenance ou la sécurisation.

Enfin, les crédits de l'ancien chapitre 66-71, consacrés aux moyens des laboratoires, se trouveront ventilés entre les six actions qui constituent les thèmes de la recherche universitaire, au sein du même programme et toujours sans distinguer entre l'équipement et le fonctionnement. De ce fait, nous concluons en disant que la question de la place des investissements dans la recherche universitaire en tant qu'outil d'une politique de recherche - qui était le coeur de votre préoccupation - reste liée au rôle que jouera la direction de la recherche dans un programme dont le responsable est le directeur de l'enseignement supérieur.

La seconde problématique touche à la multiplicité des instruments contractuels liés à la transformation considérable que notre pays a connu depuis vingt cinq ans avec la décentralisation : CPER, contrats quadriennaux, financements incitatifs de l'Etat, qui vont maintenant connaître une nouvelle aventure à travers l'Agence nationale de la recherche, financements incitatifs des régions.

Le rapport souligne que l'Etat gère déjà deux dispositifs contractuels autonomes. Il est clair que le paysage qui vient d'être décrit accentue encore le sentiment de dispersion.

La Cour souligne que cette dispersion n'a pas échappé aux instances gouvernementales et que la DATAR a, il y a deux ans, lancé une réflexion sur ce que pourrait être l'articulation entre ces instruments contractuels.

Elle a également noté que le CIAT de décembre 2003 a esquissé des scénarios d'évolution des contrats de plan Etat régions qui tirent la leçon de cette difficulté en évoquant soit de nouveaux contrats de plan qui seraient limités à un nombre restreint de politiques, soit des documents plus larges, qui seraient à moyen terme et qui laisseraient à l'Etat et aux régions une plus grande liberté de contractualisation.

Dans ce cadre, la direction de la recherche a souligné qu'au-delà des problèmes politiques d'articulation, il y avait au minimum des exigences communes à respecter pour l'allocation des fonds : d'une part l'attribution sous des critères d'excellence, d'autre part la qualité des procédures et leur impartialité ; enfin le souhait que ces opérations, quel que soit le financeur, s'intègrent dans une stratégie scientifique commune.

Monsieur le président, permettez-moi en concluant ce bref exposé d'exprimer deux souhaits. Le premier, c'est que la Cour, par son travail, ait tenu son office, c'est à dire qu'elle ait donné au Parlement, mais aussi au ministère et au ministre qui a reçu copie de la communication, des clefs d'identification des problèmes.

Derrière son apparence technique, il me semble que ce rapport soulève des questions essentielles : celle de l'architecture budgétaire présente et à venir, dont nous avons souligné la complexité, l'intrication ; celle du pilotage, du fait de la multiplicité des directions concernées ; celle des instruments contractuels existant et évoluant du fait des nombreux acteurs; enfin, celle de la connaissance et des systèmes d'information, puisqu'il n'existe pas actuellement, à notre connaissance, de système qui permette d'avoir un référentiel commun pour partager l'information.

Le second souhait est que cette identification des questions, opérée à partir d'un diagnostic établi de manière contradictoire, permette au débat politique de se nouer entre le Gouvernement et le Parlement sur la manière d'y répondre. Dans sa mission d'assistance au Parlement, la Cour a pour règle d'or de s'en tenir à ce que ce mot signifie : aider et non se substituer, en se plaçant sur un terrain qui n'est pas le sien, celui des réponses politiques à un inventaire dont vous aurez relevé qu'il est d'une rare complexité et qu'il porte pourtant sur un sujet d'une importance qui n'échappe à personne.

Je vous remercie.

M. le président - Merci.

Nous n'allons pas commenter votre rapport. Le premier qui peut le faire, c'est le ministre chargé de la recherche.

J'invite M. Goulard à s'exprimer maintenant.

M. le ministre - Merci.

Mesdames et Messieurs, je vous remercie de m'entendre sur ce sujet majeur que nous abordons sous un angle extrêmement technique.

Mon intervention s'inscrit dans un double contexte, et d'abord dans celui de la loi organique. Il est clair qu'un rapport de la Cour des Comptes demandé par des commissions parlementaires est aujourd'hui un instrument majeur qui permet d'éclairer le dialogue nécessaire, voulu par le législateur, entre le Parlement et l'exécutif sur l'utilisation des fonds publics.

Nous sommes donc là dans une relation de dialogue entre l'exécutif et le législatif qui doit devenir parfaitement normale et habituelle, la Cour des Comptes apportant son éclairage. Nul doute que ce type de rencontre sera appelé, à l'initiative des commissions du Parlement, à se multiplier.

Le second contexte est celui de ce que le Premier ministre a appelé le « pacte pour la recherche » : la prochaine présentation, probablement devant le Sénat, du projet de loi sur la recherche, une attention portée à la recherche scientifique, qui donne du relief aux questions dont nous traitons cet après midi.

Je voudrais ajouter que la Cour vient de publier un rapport public particulier sur la recherche universitaire dont je me permets de dire, même si ce n'est pas l'objet de notre discussion, qu'il constitue un travail qui n'a pas de précédent et qui permet d'éclairer la recherche universitaire de manière extrêmement complète, quelquefois très critique, mais en tout cas riche d'enseignements pour la politique que nous entendons conduire.

Cela étant dit, il y a en effet de vraies difficultés à cerner le montant et l'utilisation des subventions d'équipement dans la recherche universitaire. Les sources de cette complexité, de ces difficultés, ont été à l'instant largement exposées.

Vous le savez, au sein de l'université, deux missions sont de plus en plus inséparables, l'enseignement supérieur et la recherche. Il n'y a pas d'enseignement supérieur digne de ce nom qui ne soit étroitement connecté à la recherche. Cela a des conséquences sur la gestion budgétaire et sur la gestion des équipements : un bâtiment de recherche, à l'université, est aussi un bâtiment d'enseignement.

La distinction entre les missions de l'université est à peu près impossible et relève dans un certain nombre de cas d'une distinction forfaitaire ou de règles qui ont leur part d'arbitraire.

Seconde difficulté : les outils que nous mettons en oeuvre pour allouer des ressources à la recherche universitaire.

Deux logiques se croisent sans s'affronter, celle des contrats de plans Etat-régions, au sein desquels l'Etat entend retracer ses cofinancements d'équipements avec les collectivités territoriales, qui sont des outils de présentation et de mise en oeuvre de politiques à dimension territoriale en relation avec des collectivités locales et, d'autre part, celle des contrats quadriennaux, qui sont des outils extrêmement importants pour nous dans la conduite de la politique universitaire.

Deux outils, donc, deux objectifs qui ne sont pas identiques, avec des rythmes et des périodes de temps qui ne sont pas les mêmes.

La conclusion des contrats quadriennaux s'étale en trois vagues. Les contrats durent quatre ans ; les CPER n'ont ni la même durée, ni la même date de déclenchement.

Les observations de la Cour sont totalement fondées ; elles recueillent notre approbation et tout ce qui a été dit par le président Picq correspond très exactement à la réalité.

Je voudrais apporter quelques précisions sur des points évoqués à l'instant.

Le FNS et le FRT sont en effet des fonds en voie d'extinction du fait de la création de la nouvelle Agence nationale de la recherche. Aucune autorisation d'engagement ne figure plus au sein de ces fonds et les crédits de paiement correspondant aux « services votés » sont aujourd'hui supportés par le budget de l'Agence nationale de la recherche. C'est ainsi que se fait la transition entre le système ancien d'intervention directe de l'Etat et le système nouveau d'appels à projets géré par l'ANR.

Dans les constatations de la Cour, il y a, de façon sous jacente, le fait que des données résultent de la comptabilité de l'Etat et, d'autre part, d'enquêtes faites par la DEP, au ministère. Elles n'ont pas une valeur comptable mais statistique. Nous reconnaissons bien volontiers qu'elles pourraient être améliorées en qualité et en rigueur.

Concernant les contrats de plan-Etat régions sur la période 2000-2006, le retard est incontestable. Ce n'est pas une excuse, mais une réalité ; le retard est toutefois moindre que dans d'autres secteurs. On peut considérer que, dans le domaine des universités, l'exécution est plus satisfaisante que la moyenne puisqu'à la fin 2006, s'agissant des autorisations d'engagement, nous aurons atteint un taux d'évolution de 84 %. Sur un montant total de 2,185 Md€, 1,831 Md€ auront ainsi été engagés.

Nous avons en effet des difficultés particulières en Ile-de-France, où le programme SESAME n'a pas toujours été bien coordonné avec les contrats quadriennaux et, d'une façon plus générale, avec les moyens de l'université. C'est une réalité : la coordination a été déficiente.

Il est certain que l'intervention croissante des collectivités territoriales peut amener un certain nombre de désordres. D'un autre côté, je crois souhaitable que les collectivités territoriales qui en ont l'intention puissent soutenir les efforts de recherche, qui ont des conséquences sur l'économie régionale nul ne peut le contester.

Une bonne coordination est évidemment préférable. En particulier, un financement territorial ne doit pas permettre d'acquérir un équipement dont le fonctionnement ne serait pas garanti par des inscriptions de crédits dans les contrats quadriennaux ou dans les moyens généraux de l'université. Il y a là une vraie source de difficultés même si, dans le principe, nul ne peut contester le droit et l'opportunité d'une intervention des collectivités territoriales.

Quant à la mise en oeuvre de la LOLF, il est exact que les crédits de l'université sont financés au travers du programme 1 et, d'autre part, les crédits de la recherche au sein des programmes 3 à 6 de la MIRES. Il n'y aura jamais de solution totalement satisfaisante, il faut en être conscient. Nous avons d'une part une direction chargée de suivre les universités dans leur généralité, dans l'ensemble de leurs fonctions, tant d'enseignement supérieur que de recherche et, d'autre part, la recherche qui est conduite par les universités, très fréquemment en association avec de grands organismes de recherche au sein des universités mixtes.

Il y a donc nécessité d'une double approche, d'un double rattachement, tant il est vrai qu'il existe des établissements publics avec cette double mission et que l'on impulse aussi des politiques de recherche. Les deux devant se croiser, il faut qu'il y ait coordination, car il ne peut y avoir séparation.

La conclusion que j'en tire à ce stade est que nous avons affaire à des réalités complexes, à des politiques qui ne peuvent se réduire à des notions et donc à une organisation par trop simplifiée qui n'est pas à mon sens accessible.

Les objectifs ne peuvent être réduits à un seul. Il faut donc que nous ayons des outils de suivi, des outils de gestion, des outils d'information qui permettent de retracer ce qui se fait en fonction de la vision que l'on veut en avoir.

On sait que, dans les organisations générales, quelles qu'elles soient, il y a de la complexité. Les outils de comptabilité générale sont globalisants et il existe des systèmes d'information qui permettent d'avoir des visions adaptées aux politiques que l'on entend poursuivre.

Je me réjouis du travail qui a été fait à l'initiative du Sénat par la Cour des Comptes et je voudrais formuler le voeu qui s'exprime dans la devise de la Cour : « Dat ordinem lucendo ».

M. le président - Merci.

Vous évoquiez à la fois le recours à la comptabilité, puis à des données statistiques. Est-ce à dire que vos systèmes d'information ne sont pas vraiment adaptés au pilotage et que, sans les surestimer, il y a là comme une déficience ?

M. le ministre - Le terme de déficience est peut être fort, mais l'université et la recherche ne font pas exception à une règle très générale au sein de l'Etat : nous avons des progrès à faire en termes d'outils de gestion et d'information. Cela me paraît non seulement une évidence absolue, mais aussi une nécessité d'aller plus loin et de faire mieux.

Un des grands objectif de la future loi sur la recherche -c'est un point qui est mis en exergue par le rapport public particulier de la Cour- est la nécessité de progresser dans l'évaluation de cette recherche. Il n'y a pas d'évaluation s'il n'y a pas, d'une façon ou d'une autre, de mesure des coûts financiers.

Or, les coûts financiers ne peuvent être ni parcellaires, ni partiels. Il faudra donc, au fil du temps, que nous améliorions nos systèmes d'information. La LOLF, de ce point de vue, si elle fournit un cadre favorable, ne résout évidemment pas tous les problèmes, notamment quand on entre dans un détail comme celui là, avec cette difficulté de définir des missions et des programmes qui doivent s'adapter à des objectif multiples, et nous avons bien, en l'occurrence, des objectif multiples.

Le débat sur les indicateurs est un autre débat. Nous aurons à peaufiner les indicateurs au fil du temps. Nous savons bien, les uns et les autres, que ce qui a été fait dans une première étape demandera à être examiné à l'issue d'une première phase, qui permettra d'avoir une observation critique sur les indicateurs et leur pertinence. Un autre aspect est celui des outils de gestion et d'information.

M. le président - La réforme du système d'information est elle à l'oeuvre ou est ce de l'ordre l'incantation ?

M. le ministre - Mesdames et Messieurs les Directeurs...

M. Michel Dellacasagrande - Il y a deux réformes du système d'information. La première touche l'ensemble du budget de l'Etat dont l'éducation nationale n'a pas la maîtrise d'oeuvre, qui revient aux finances. Il s'agit de l'application ACCOR qui sera applicable à l'éducation nationale comme à l'ensemble des ministères.

Il existe un second niveau, qui est celui des systèmes d'information des universités. Il va effectivement falloir que nous adaptions nos systèmes d'information concernant les universités, notamment budgétaires et comptables, à la nouvelle loi organique.

ACCOR va déjà permettre, lorsqu'il fonctionnera, d'avoir des informations bien plus riches que les informations que nous avons aujourd'hui.

M. le ministre - Un très gros travail est engagé, mais non achevé. Pour l'illustrer, je voudrais décrire les sources de financement d'un laboratoire universitaire.

Aujourd'hui, un laboratoire universitaire, dans la majorité des cas, est ce que l'on appelle une unité mixte, qui fait intervenir l'université avec des enseignants chercheur, mais qui est également une unité rattachée à un organisme de recherche par exemple le CNRS, l'INSERM ou l'INRA lesquels apportent à cette unité leurs chercheurs et ingénieurs.

Il peut y avoir des financements issus des collectivités territoriales, qui peuvent être fléchés ; c'est souvent le cas quand une collectivité territoriale décide de s'impliquer dans telle ou telle thématique de recherche.

L'unité en question va en outre concourir pour des appels à projets de l'Agence nationale de la recherche. Elle peut, si elle est retenue, recevoir des financements également fléchés, qui vont permettre à cette unité de recherche de conduire un certain nombre de travaux, acheter des matériels nouveaux et avoir des crédits de fonctionnement.

La même unité de recherche peut concourir, seule ou avec d'autres, à un appel à projets européen dans le cadre des programmes cadres de recherche développement. Elle peut également être destinataire de fonds européens pour des recherches conduites en son sein.

Enfin, il n'est pas exclu qu'elle contractualise avec des entreprises pour des projets qui peuvent intéresser l'économie privée.

Nous avons donc une multiplicité de sources de financement. Il faut absolument que nous ayons des outils qui permettent de retracer ce qui se passe à l'échelle la plus intéressante, celle de l'unité de recherche, dont tout dépend. C'est elle qui est efficace ou qui ne l'est pas ; c'est elle qui est le noyau de la recherche universitaire ; c'est son activité que l'on va chercher à évaluer et c'est son coût et l'origine de ses financements qu'il faut impérativement retracer.

M. le président - La parole est au président Valade, qui doit retourner en séance publique.

M. Jacques Valade - Merci.

Effectivement, la séance publique m'appelle : nous examinons le projet de loi sur la lutte contre le dopage, qui relève de la compétence de notre commission, et j'aimerais entendre la réponse du ministre à l'issue de la discussion générale sur ce texte.

Monsieur le Président, je voudrais vous remercier de nous avoir associés à cette audition des magistrats de la Cour des comptes, du ministre et de ses collaborateurs.

Nous sommes en effet, comme vous même, préoccupés à la fois par le contenu de la loi de programme que MM. François Goulard et Gilles de Robien nous ont présenté récemment et que nous allons bientôt étudier, après que le Conseil économique et social ait rendu son avis.

Nous sommes préoccupés parce que les moyens que le Gouvernement va mettre à la disposition de la recherche française ne peuvent s'accommoder ni d'improvisation, ni de la pérennisation du système actuel.

L'effort qui a été fait, à la fois de normalisation et d'organisation de la recherche, n'aura de sens - et la réponse qu'il vient de faire à l'instant est significative - que dans la mesure où le potentiel de recherche français, qui n'est pas négligeable, saura se retrouver dans les méandres de l'organisation actuelle.

Il est évident que nous sommes favorables à un renforcement des procédures, mais également des moyens de distribution des crédits nécessaires.

Nous sommes par conséquent très favorables à l'Agence nationale de la recherche et à l'Agence d'évaluation de la recherche, mais nous sommes soucieux de simplification et nous aurons l'occasion d'avancer des solutions alternatives dans le cadre de la commission spéciale qui devrait être créée.

En effet, comment voulez-vous qu'un chercheur qui n'est pas expérimenté, le patron d'une équipe, tout particulièrement d'une jeune équipe, puisse se retrouver dans ce que M. François Goulard a parfaitement décrit - avec une maîtrise que j'apprécie, car il y a peu de temps qu'on lui a confié ce dossier - entre les crédits de l'enseignement supérieur, les crédits du CNRS (ou de l'INSERM suivant la nature des recherches concernées), la possibilité de contracter avec les autorités locales, notamment régionales, l'accès à des crédits européens et, désormais, la nécessité de concourir - dans le cadre des objectifs définis par le Haut conseil de la science et de la technologie - aux crédits disponibles au sein de l'Agence nationale de la recherche?

Tout cela est excellent, se développe de façon rationnelle, mais nous sommes en France apparemment incapables - je rejoins les observations de la Cour - de simplifier nos dispositifs, de remédier à leur empilement et, de ce fait, à la dispersion que cela entraîne pour le chercheur. Alors que ce dernier devrait se consacrer à la recherche, une grande partie de son temps est investie dans la maîtrise des procédures, dans le cadre d'objectifs que je trouve par ailleurs très bien définis.

Il y a là une perte de temps que nous déplorons les uns et les autres.

M. le président - Nous, c'est simple, parce que ce n'est pas vérifiable ! La qualité du système d'information est telle que l'on n'a pas besoin de se poser trop de questions !

M. Jacques Valade - Mais, nous qui sommes des intellectuels et non des financiers, nous essayons de comprendre et nous avons un peu de peine, Monsieur le Ministre.

M. le ministre - L'analyse du président Valade est évidemment parfaitement pertinente et son expérience permet de l'asseoir sur des constatations qu'il a faites depuis longtemps.

Il y a aujourd'hui, dans le monde de la recherche et dans le monde entier, une multiplicité de sources de financement. Il existe, dans tous les grands pays de recherche à travers le monde, des sources variées de financement et les équipes sont habituées à avoir recours à des agences diverses. Cela s'appelle des appels à projets. C'est le cas en Europe et sur le plan national, mais tous les pays de recherche sont confrontés à cela.

On peut faire en sorte que ces sources de financement multiples ne soient pas sources de complexité quotidienne pour les chercheurs. C'est le cas de la réforme que nous allons généraliser, qui est celle du mandataire unique, même en cas de présence de plusieurs financeurs dans une unité mixte.

On doit, davantage qu'aujourd'hui, soulager les équipes de recherche des tâches administratives. Nous parlons actuellement, au sein du ministère, du renforcement de l'administration des universités. Aujourd'hui, l'administration d'une université n'est pas suffisamment musclée pour répondre aux impératifs extrêmement nombreux, parfois contradictoires et en tous cas d'une importance vitale pour l'avenir du pays. Il faut absolument que nous relevions le niveau des secrétariats généraux d'universités, qui n'est pas suffisant.

M. le président - Un de vos prédécesseurs, interrogé à propos d'une éventuelle réduction des crédits des universités, à qui l'on demandait comment il allait répartir la centaine de millions de trésorerie disponible globalement, avait répondu qu'il allait la répartir proportionnellement aux crédits de chaque université, car il était incapable de savoir ce qui se passait dans chacune d'elles !

M. le ministre - Il est exact qu'un certain nombre d'université ne voient clair ni dans leurs prévisions, ni dans leur exécution budgétaires. On a des surprises : quand on dialogue avec des présidents d'université, certains ne savent pas quelle est la situation financière de celle ci. Ce n'est pas à eux d'être totalement capables de le dire et de le faire, mais ils doivent avoir auprès d'eux des administrateurs capables de leur donner en permanence un état de la situation financière de l'université. Or, ce n'est par toujours le cas.

Nous devons aussi faire en sorte que notre administration centrale s'organise en fonction de réalités nouvelles. Il faut - et c'est l'objet d'une réforme en cours - avoir un pilotage des nouveaux outils qui assurent une cohérence. Aujourd'hui, nous n'avons non pas besoin d'un renforcement numérique, mais de muscler notre administration.

Il y a cependant, contrairement aux apparences, de vraies mesures de simplification. L'Agence de l'évaluation peut paraître un organe supplémentaire. En réalité, c'est une simplification par rapport à la multiplicité des systèmes d'évaluation existants. Nous allons supprimer le CNE et le CNER en même temps que nous créons l'Agence.

Nous allons faire travailler l'Agence de l'évaluation avec deux principes, un principe d'universalité - tout est évalué et un principe d'unité - tout est évalué avec les mêmes instruments de mesure. C'est une vraie simplification, mais le défi est réel.

M. le président - La parole est à Mme Giacobino.

Mme Elisabeth Giacobino - Monsieur le Président, en réponse à votre question sur les échelles de temps concernant la mise en place d'outils informatiques, je voulais préciser que nous travaillons dessus actuellement. Nous avons, au ministère, un outil informatique qui n'est pas assez performant, appelé SIREDO. Nous sommes en train de travailler sur la version SIREDO III, qui permettra un partage et une remontée des informations directement des établissements universitaires.

Une fois que cet ensemble sera mis en place avec un workflow correct, nous aurons les outils souples et performants qui nous permettront de répondre, comme disait M. le ministre, aux objectifs et aux interrogations politiques sur l'utilisation des crédits et des moyens.

M. le président - C'est vraiment la réforme de fond du système d'information et non un palier 2006 pour faire des retraitements et donner l'impression que l'on respecte la LOLF.

Mme Elisabeth Giacobino - C'est un vrai besoin, nous en sommes bien conscients, mais c'est un investissement important. Les grandes entreprises sont également en train de rendre leur système d'information beaucoup plus performant. Tout cela doit être externalisé. On ne peut le faire en interne. C'est fait par des entreprises spécialisées.

M. le président - Si, dans un an, on vous pose les mêmes questions...

Mme Elisabeth Giacobino - Nous devrions avoir progressé largement.

M. le président - J'en accepte l'augure.

La parole est aux rapporteurs spéciaux.

M. Maurice Blin, rapporteur spécial - Une observation modeste, qui m'est soufflée par le propos que tenait à l'instant M. le ministre.

Vous avez dit - et vous avez raison - qu'au plan non seulement national, mais européen et mondial, le financement des grands, coûteux et longs projets de recherche est multiple. La simplicité d'hier est morte et on a maintenant affaire à un, deux, trois, quatre financeurs différents.

Cela me paraît être l'un des problèmes les plus difficiles à gérer car s'il n'y a pas, dans des opérations aussi ambitieuses et risquées, un critère de réussite, de progrès, d'évaluation, tout ceci peut durer longtemps sans résultat vraiment palpable. A terme, au bout d'un an, deux, trois, peut être plus, il faut une évaluation accompagnée de conséquences, d'effets, de sanctions.

Nous butons là sur un problème qui ne tient pas au débat de ce soir, mais au fait que l'habitude a été prise de payer, de chercher, de trouver quelquefois des exemples comme ceux du CEA sont à cet égard tout à fait parlants. Parfois, on ne trouve pas et cela peut durer un certain temps ; dès lors, lassé de financer des opérations sans visage, l'Etat est susceptible de dire : « Cela suffit : on arrête ». Mais non, il faut continuer à chercher pour enfin trouver !

En d'autres termes, la mollesse, la faiblesse des instruments d'évaluation et de sanctions des investissements faits dans la recherche en université - surtout en université - me paraît un des points faibles de ce dispositif.

Envisagez-vous que l'on puisse, demain, conduire ces difficiles opérations avec plus de rigueur, d'obéissance au résultat qu'aujourd'hui ? En tout cas, ailleurs, c'est le cas. Les investisseurs sont souvent l'Etat fédéral, mais aussi de grandes entreprises qui poursuivent le résultat, le profit. Sera ce le cas demain ? Si c'est le cas, comment cette opération sera t elle conduite ?

Vous allez parler d'un mandataire unique. C'est une excellente idée. Qui sera-t-il ? Pourrait-il être non universitaire ? Sera-ce l'Etat ? L'Etat n'est pas capable de tout ! Cela me paraît difficile. Qui, demain, pourrait incarner la validité de cette fonction nouvelle qu'on appelle mandataire unique ?

M. le ministre - Une réflexion d'ensemble et deux réponses...

On ne peut pas juger de la valeur d'une recherche à la même aune suivant qu'il s'agit d'une recherche fondamentale ou d'une recherche finalisée. Il y a, là encore, des réalités assez complexes et différentes.

L'évaluation est un art en soi, qui va retenir des critères différents, suivant que l'on est dans un domaine de sciences dures ou de sciences humaines, que l'on est en recherche fondamentale ou en recherche proche de l'application.

Je ferai deux réponses à votre préoccupation. La future Agence de l'évaluation va évaluer l'ensemble des organismes de recherche qui fonctionnent sur subventions ou sur crédits publics, mais il y aura des conséquences. Il faut avoir le courage de dire que l'évaluation a un sens si elle sert de support à l'allocation des ressources, faute de quoi l'évaluation est purement académique et sans aucune impact !

L'évaluation est faite pour que les meilleures équipes aient le maximum de ressources. C'est là le vrai sens de l'évaluation.

Naturellement, ce n'est pas parce que l'on a mis cela dans la loi que l'exécution est conforme. Il faudra que nous assurions jour après jour - et que les assemblées parlementaires en fassent le bilan régulièrement - qu'il y a bien une politique d'évaluation de la recherche, fondamentale ou appliquée, avec des critères qui peuvent varier. En sciences dures et en recherche fondamentale, ce sont les critères de publication qui vont prévaloir. En recherche appliquée, c'est la capacité à avoir des contrats avec des entreprises qui va être le critère de réussite, mais il y aura un système cohérent, un système d'ensemble, qui aura des conséquences sonnantes et trébuchantes.

Seconde réponse : il faut absolument concilier deux objectifs. Le premier, c'est de donner une sérénité aux chercheurs. On n'est pas chercheur comme on est commercial - et j'ai de l'estime pour les deux métiers, qui sont aussi nécessaires les uns que les autres.

Le chercheur a besoin de sérénité. Il faut une permanence au financement de la recherche et une récurrence dans le financement des organismes de recherche et des équipes mais, en même temps, on doit avoir une part du financement qui dépend de la qualité de la recherche et de la capacité à présenter des projets intéressants.

C'est tout le sens de cette Agence de la recherche qui lance aujourd'hui - les crédits commencent à arriver - des appels à projets. Les équipes sont en compétition, il existe une émulation parfaitement saine ; des commissions scientifiques retiennent les meilleurs projets et leur apportent des financements supplémentaires.

C'est à la fois la conciliation de la sérénité nécessaire du chercheur et de l'émulation qui doit exister entre les équipes. Tous les grands pays de recherche procèdent ainsi, avec une part plus forte de l'émulation chez certains, on le sait, une habitude qui n'est pas encore prise chez nous mais qui doit se prendre, faute de quoi nous resterons à l'écart des grands courants de la recherche contemporaine qui s'organisent autour des appels à projets.

Les mandataires uniques sont les responsables des laboratoires qui agissent pour le compte des différents organismes de rattachement. C'est une mise en oeuvre administrative, mais c'est le sens de cette réforme.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial - Je voudrais rendre tout d'abord hommage à mon prédécesseur, Jean Philippe Lachenaud, qui est à l'origine de la réunion que nous tenons aujourd'hui. Lorsqu'il était rapporteur de l'enseignement supérieur et de la recherche universitaire, il avait demandé à la commission des finances de pouvoir bénéficier de ce travail qui va nous permettre, je l'espère, de progresser.

Je pense que l'on est sur la bonne voie. Il ne faut pas seulement partir des critères de charge mais aussi des résultats pour arriver à apprécier la manière dont on doit organiser les financements.

Je poserai trois questions sur le financement des investissements dans la recherche pour ce qui est hors contrats de plan et dans les contrats de plan.

Je comprends que l'on ne puisse séparer facilement la recherche et l'enseignement supérieur. Je conduits à l'heure actuelle une réalisation dans le cadre d'un contrat de plan où il y a des investissements pour la recherche et pour l'enseignement supérieur. Si vous me demandiez la répartition de l'un et de l'autre, je ne serais pas capable de le faire ; si vous me demandiez de le faire, je serais capable de le faire.

Je pense que ce n'est peut être pas organisé pour qu'on puisse vous le dire, mais il n'est pas impossible non plus qu'on puisse vous le dire.

Je pense qu'il ne faut pas renoncer à améliorer nos outils ni à mieux les apprécier. Au moment où on négocie le contrat de plan, on ne sait pas encore grand chose de l'objet que l'on veut réaliser. On a une idée de ce à quoi on veut arriver, mais on n'a pas encore eu la réflexion de l'architecte ni celle des équipes. On détermine une enveloppe et, souvent, on essaie de se débrouiller. Le problème est que les choses ne sont pas nécessairement identiques à l'arrivée.

Pour les contrats quadriennaux, la dépense suit à peu près. Comment pourrait-on faire pour qu'il y ait moins d'écarts entre les différents établissements et que ce soit plus suivi ?

Concernant les CPER, comment va-t-on faire pour combler le retard ? Les opérateurs qui n'ont pas réussi à conduire leur dossier d'une manière suffisamment rapide - et je rejoins ce que vous avez dit sur la gouvernance - ont des excuses. Le problème est que l'on demande à des équipes d'universitaires de conduire des chantiers pour lesquels ils ne sont pas qualifiés. Je me demande vraiment pourquoi on continue à demander aux universités de conduire des opérations de rénovation de l'habitat étudiant, alors qu'il existe des organismes dont c'est la profession et qui pourraient gérer cela parfaitement, libérant ainsi un peu de temps, un peu d'énergie et un peu de moyens pour aller à l'essentiel, là où les équipes d'HLM ne peuvent remplacer l'équipe de laboratoire pour déterminer exactement ce que l'on va investir.

Je pense donc qu'en centralisant mieux ces efforts, on serait plus efficace. On le voit dans le dernier tableau qui figure dans le document remis par la Cour : il existe des écarts colossaux de réalisation dans le cadre du contrat de plan. Quelles mesures allez-vous prendre pour que l'on puisse rétablir l'équilibre ?

Je reviens à mon expérience personnelle : on a fait un concours d'architecture, passé des contrats avec les entreprises. On est en train de les réaliser et on nous dit qu'il n'y a plus d'argent. Que fait-on avec les entreprises ? On leur dit de s'arrêter ? Il y a là un vrai problème auquel il va falloir trouver des solutions.

On a beaucoup parlé des régions. Je connais des conseils généraux qui investissent autant que l'Etat et les régions pour mener à bien des réalisations universitaires. On pourrait ajouter qu'il existe des agglomérations qui y participent. Il faut donc parler des collectivités locales d'une manière générales parce qu'elles sont souvent très associées et c'est d'ailleurs légitime.

Que faire pour que les contrats quadriennaux soient plus harmonieux ? Que peut-on faire pour rattraper le retard dans les CPER ? Quelles mesures allez-vous mettre en place dans le cadre de la LOLF ? Allez vous organiser une concertation entre les directions de la recherche et de l'enseignement supérieur ou allez-vous les fusionner ?

M. le président - Est-ce que la LOLF a entraîné des modifications dans l'organisation de votre ministère ou n'est ce qu'une peinture ?

M. le ministre - Nous sommes en train de revoir l'organisation interne du ministère. Il y aura des changements assez importants.

M. Michel Charasse - Est-ce que il y a des gens qui étaient brouillés entre eux avant et qui sont obligés de se parler maintenant ?

M. le ministre - Evidemment !

Monsieur le Rapporteur, vous avez raison : on peut faire à 95 % une distinction entre les financements qui intéressent d'abord la recherche et ceux qui intéressent d'abord l'enseignement supérieur. Un amphi est destiné à l'enseignement et non à la recherche, même si celui qui enseigne est un enseignant chercheur. A contrario, un laboratoire peut être relativement peu fréquenté par les étudiants, mais il y a des frontières. Une école doctorale, ce sont des étudiants et des chercheurs et cela se passe dans des laboratoires qui ont des équipements principalement dédiés à la recherche.

Bref, la distinction est largement possible. On arrive à un degré de finesse qui n'a pas forcément un très grand d'intérêt. On doit pouvoir, avec des conventions simples, présenter des chiffres qui soient solides.

Le suivi des contrats quadriennaux n'est pas réellement problématique. Leur exécution, à ma connaissance, est satisfaisante. Pour nous, c'est l'outil de pilotage principal. C'est là que nous pouvons discuter avec les présidents et les responsables d'université pour voir quels sont leurs objectifs, mais également les nôtres.

Nous faisons aujourd'hui un constat qui est probablement le plus pénalisant pour l'enseignement supérieur, celui du taux d'échec en premier cycle.

L'université française a beaucoup évolué. Elle s'est professionnalisée. Les masters, les doctorats sont très généralement de très grande qualité, mais nous traînons le boulet de l'échec en premier cycle : 41 % d'étudiants qui ne décrochent pas, même au bout de trois, quatre, cinq ans, le diplôme de premier cycle.

C'est un gaspillage de deniers publics et de capacités pour les jeunes étudiants qui échouent.

Dans nos prochains contrats, nous allons introduire des objectifs d'amélioration de la réussite en premier cycle. Certaines universités font mieux que d'autres, avec des méthodes simples, du tutorat, des cours de soutien. On peut faire mieux, à moyens inchangés.

Je ne tiens pas le discours démagogique selon lequel rien n'est possible sans argent supplémentaire. N'importe quel organisme y arrive en général. Il s'agit de gains de productivité. C'est également possible dans le domaine de l'enseignement supérieur, il faut avoir le courage de le dire.

Nous allons, dans les contrats quadriennaux, globaliser les crédits de recherche. Là où il y aura des projets de recherche de la part de l'université, nous donnerons une marge de manoeuvre à celles ci pour allouer les ressources que le ministère leur attribue. Nous n'attribuons pas toutes les ressources, mais celles ci seront largement globalisées. C'est une illustration des politiques que nous menons grâce aux contrats quadriennaux.

Sur les CPER, c'est incontestablement beaucoup moins satisfaisant. Ce n'est pas de même nature.

L'origine des retards est diverse. Cela peut venir d'un projet qui n'est pas prêt. Il est vrai que, lorsqu'on signe le contrat de plan, on ne sait pas comment les choses pourront s'exécuter. Les projets sont plus ou moins avancés pour des raisons techniques ; il peut y avoir aussi et c'est fréquemment le cas des manques de crédits de paiement. La situation est vraiment très pénalisante lorsque l'absence de crédits de paiement entraîne des arrêts de chantiers. Heureusement, il y en a très peu.

Il est vrai que les collectivités territoriale sont amenées, sur le financement d'ensemble qui court sur tout le contrat de plan, à faire des avances, à accroître leur part de financement par rapport à ce qui est prévu globalement dans les premières années, à charge pour l'Etat de rattraper. Comme toujours, quand on prend l'engagement de rattraper, il faut être sûr de pouvoir tenir.

La vérité oblige à dire que l'Etat devra prolonger des financements au delà de 2006 pour honorer son engagement. Il en en toujours été ainsi. Les uns et les autres avons une certaine expérience du maniement des deniers publics dans telle ou telle fonction et nous savons que l'exécution des contrats de plan se fait toujours ainsi.

Il est exact que les régions n'ont pas le monopole de l'intervention. En l'occurrence, les agglomérations et les départements jouent leur rôle.

Sur l'immobilier, vous avez parfaitement raison. Il y a des défaillances dans la gestion des projets immobiliers de la part de l'Etat. Si l'Etat était un constructeur parfaitement performant, nous le saurions !

C'est la raison pour laquelle, aujourd'hui, nous envisageons, pour rattraper le retard, de créer une agence de l'immobilier universitaire, comme cela a été fait dans d'autres départements ministériels, pour avoir une équipe dédiée, une cellule qui puisse prendre ces sujet à bras le corps et sortir de la lourdeur procédurale que l'on connaît, ne pas rejeter a priori des formules telles que les « partenariats publics-privés », qui peuvent être performants.

On a par exemple des valorisations immobilières à réaliser dans le patrimoine de l'Etat, qui peuvent permettre de construire plus vite et dans de meilleures conditions des locaux neufs sur un campus, en regroupant des sites. Bref, il y a de l'ingénierie, de l'intelligence à mettre par rapport aux structures lourdes de l'administration en la matière. Ce ne sont pas les fonctionnaires qui sont en cause mais nos procédures qui ne sont pas toujours adaptées aux réalités de la construction et de la libération des emprises foncières.

Enfin, s'agissant de l'articulation entre les directions de l'enseignement supérieur et de la recherche, la solution est dans la coopération entre elles. Il y aura une refonte interne des directions : une direction générale de l'enseignement supérieur, une direction générale de la recherche et de l'innovation, qui exercera un mandat de gestion pour le compte de la DES pour les crédits de recherche universitaire.

Il n'y a pas de solution parfaite puisqu'il a une double responsabilité. On ne peut nier qu'il y a une fonction d'enseignement supérieur et de tutelle générale des universités et une tutelle de la recherche. Les deux existent. Elles ne se confondent pas. Il faut les croiser et y mettre des responsables qui montrent leurs capacités à travailler ensemble. C'est ce qui se fait dans beaucoup d'organisations.

Les conflits internes à l'administration ne sont pas admissibles. S'ils existent parfois, c'est aussi parce que le politique ne s'occupe pas toujours assez de ce qui se passe à l'intérieur du ministère. Quand ce n'est pas tolérable, on change, mais il est nécessaire que les hauts directeurs concernés travaillent en parfaite entente. C'est actuellement le cas et vous ne pouvez citer un dysfonctionnement qui ait pour origine un conflit interne à l'administration à l'heure actuelle.

M. le président - La parole est aux commissaires.

M. Yves Fréville - J'ai trop longtemps navigué dans les milieux de la recherche universitaire, à peu près à tous les échelons, pour ne pas prendre un grand intérêt à ce rapport de la Cour des comptes.

J'ai apprécié les propos de M. le ministre et du président Valade sur le rôle crucial du laboratoire comme bénéficiaire des subventions.

Il aurait peut être fallu, dans le rapport, montrer la distinction entre les crédits allant aux laboratoires et les équipements communs, car il y a aussi dans la recherche scientifique des équipements communs qui peuvent bénéficier à plusieurs équipes et qui sont structurants.

Je crois également qu'il est bon d'avoir plusieurs sources de financement. Chaque organisme a ses critères et si l'on n'avait qu'une source, on n'aurait qu'une seule catégorie de critères. Ce n'est pas souhaitable.

En second lieu, en jouant sur la multiplicité des sources de financement, on arrive à trouver l'argent nécessaire. Vous avez dit qu'il y a un problème de secret. En effet, le directeur de laboratoire n'aime pas toujours donner toutes les sources de financement qu'il y a réussi à mobiliser. Il y a longtemps, il existait des actions spécifiques appelées ATP - actions thématiques programmées - surnommées « actions ténébreuses pour parisiens ».

Cela montre qu'il fallait connaître les arcanes, mais on arriverait à jouer sur la fongibilité des crédits. Il ne faut pas oublier qu'il y a trente ans, on a réuni les crédits de fonctionnement recherche avec les crédits d'équipement, à la demande des directeurs de laboratoires, afin de pouvoir arbitrer entre les petits équipements et les crédits de fonctionnement.

Je ne voudrais pas que des règles comptables aillent à l'encontre de la LOLF et de cette idée de fongibilité, ce qui n'empêche pas qu'il est logique de séparer l'un et l'autre pour voir clair.

La première question s'adresse à la Cour et au ministère. J'ai été extrêmement étonné de constater que les dépenses d'équipement passent de 170 M€ en 1999 à 363 M€ en 2000. Il est dit dans le rapport : « On constate une rupture imputable à une croissance des équipements qui reste inexpliquée ». Il y a une explication que vos services, Monsieur le Ministre, arriveront certainement à fournir.

Ma deuxième remarque concerne la LOLF. Lorsqu'on examine les crédits de paiement des formations universitaires, on s'aperçoit qu'on peut, pour la première fois, faire un rapport capital / travail, en ce qui concerne les subventions fonctionnement équipement soutien de programme / coût du travail, suivant la norme de 50 %. On constate ici et j'aurais aimé que ceci soit davantage mis en relief par la Cour la modicité des crédits d'équipement face aux crédits de traitement.

Si on prend des disciplines qui utilisent beaucoup d'équipement - la physique, la chimie, les sciences de l'homme - on arrive à un rapport de 15 %. Le problème de la recherche n'est pas de ne pas avoir de chercheurs. On a recruté je ne sais combien de dizaines de milliers de chercheurs universitaires, dont 10.000 au cours des dernières années, sans leur donner les crédits d'équipement leur permettant de travailler ! On a recruté des quantités de jeunes maîtres de conférences qui n'ont pas eu les crédits d'équipement qui auraient permis de valoriser leur effort, de telle sorte qu'on se demande pourquoi on a recruté tant d'enseignants !

Je ne décris pas la situation pour les sciences de l'homme pour lesquelles je faisais le rapport action 11 : on arrive à 7 %. Les crédits d'équipement ne représentent rien par rapport aux crédits affectés aux salaires. Il y a là, Monsieur le Ministre, un problème de rééquilibrage dans l'effort de recherche. On dit toujours qu'il faut recruter des chercheurs ou des enseignants chercheurs : il est ridicule de le faire si on ne leur donne pas de moyens. La fongibilité asymétrique me semblerait devoir jouer là aussi.

Il faudrait sans doute qu'il y ait aussi un rééquilibrage au sein de la recherche universitaire et, sans doute, du CNRS.

J'aurais également aimé comprendre comment on répartit les crédits par grande discipline. Peut être aurait il été utile d'avoir une idée de la concentration des crédits de recherche car, si l'évaluation veut dire quelque chose, il faut que cela corresponde à une concentration de l'effort. Ce serait des indicateurs que vous pourriez développer.

M. Michel Charasse - Je ne suis pas, comme certains de mes collègues, spécialiste des questions de recherche mais je m'y intéresse en tant que parlementaire et en tant que citoyen. Je m'y suis intéressé lorsque j'étais au gouvernement ; déjà, à l'époque, je n'y comprenais rien ! Malheureusement, dans ce domaine, ma connaissance n'avance pas beaucoup !

Quand on aborde les problèmes de recherche, c'est toujours très compliqué mais c'est peut être inhérent à la matière.

Je contrôlais un jour, en tant que rapporteur budgétaire de la coopération, un établissement de recherche public français au Sénégal. Dès mon arrivée, je leur avais posé deux questions : qu'est ce que vous cherchez ? Qu'est ce que vous trouvez ? Deux heures après, je n'avais toujours pas de réponse !

Le rapport de la Cour ne m'a pas étonné ; la Cour a effectivement, à la demande de la commission, réalisé un exercice difficile, dans un domaine très compliqué. J'ai trouvé l'exposé du président Picq à la fois très honnête, très clair et assez laborieux dans la démarche. Il fallait en effet aller à la recherche de la recherche, et ce n'était pas si simple !

Arrivera-t-on un jour à connaître combien la collectivité nationale met d'argent, où et qui paye ? Je n'en sais rien mais, pour un profane comme moi, on a le sentiment qu'il n'y a pas vraiment de pilote dans l'avion ! Ce n'est pas une critique dirigée contre vous mais une réflexion générale. Je peux d'ailleurs mettre « pilote » au pluriel !

Je voudrais savoir si le maquis qui résulte de tous ces financements, les procédures contractuels multiples qui doivent inévitablement entraîner des doublons, des superpositions et autres sont un frein - et c'est à la Corse que je m'adresse - ou une dynamique pour notre recherche ?

La Cour n'avait à répondre à la question, mais cela peut être l'objet d'une recherche spécifique : on oppose toujours la recherche universitaire à la recherche des grands établissements non universitaires et à la recherche privée. Est-ce plus efficace que dans les grands établissements ? C'est une question que l'on peut se poser un jour.

Lorsque j'étais administrateur à l'université de Clermont I, je me suis rendu compte, en tant que représentant des collectivités locales, qu'en matière de recherche, la principale recherche était la recherche d'argent. Je voudrais savoir - et c'est autant à la Cour qu'au ministre que je m'adresse - si la recherche de financements extérieurs entraîne des perturbations, des changements de programme, des modifications de processus ? Est-elle source de retards ou de remise en cause ?

Quand on sollicitait les collectivités locales, on était parfois amenés à demander qu'on axe les programmes de recherche sur tel ou tel secteur. Ceci doit par ailleurs bouleverser toute une série de choses : est ce positif ou perd on quand même du temps ?

Je note que dans les ressources de la recherche, la part des redevances de brevets est très faible. Cela signifie-t-il que l'université française ne dépose pratiquement pas de brevets, ne trouve rien, n'aboutit à rien ou bien le dépôt de brevet est-il une formalité tellement lourde et contraignante que beaucoup de laboratoires renoncent à le faire ?

M. le président - J'ai entendu des chercheurs me dire : « On n'a pas d'argent pour déposer des brevets ». Est ce un sujet ?

M. Michel Charasse - Ne faudrait-il pas un service unique au ministère qui soit chargé de cela ?

Je voudrais également savoir ce qu'il en est de la gestion du patrimoine des universités qui leur a été légué au fil du temps - fermes, exploitations agricoles, châteaux, etc. Cela ne concerne pas tant les chercheurs que les présidents et les responsables d'université.

Enfin, comment peut-on arriver à diriger une galaxie de gens et d'organismes indépendants qui ont parfois tendance à considérer que toute question et tout contrôle est une ingérence insupportable ?

M. Jean-Léonce Dupont - S'agissant de l'évaluation de l'ensemble des chercheurs et des sites de recherche, il me semble que l'on va dans le bon sens en essayant d'harmoniser ces systèmes d'évaluation. Je reprends les propos du ministre disant que les meilleures équipes auront le maximum de moyens.

Je ne voudrais cependant pas qu'il y ait asymétrie et que l'on ne donne des moyens en termes de chercheurs et de dotation budgétaire qu'aux sites les plus avancés.

Néanmoins, on peut souscrire à l'idée que, de temps en temps, des chercheurs, après vingt ans de recherche, puissent être fatigués, que de jeunes chercheurs n'aient pas forcément choisi l'orientation correspondant à leur profil et se retrouvent dans des unités où ils ne sont pas toujours à leur place. Quid lorsque les évaluations ne donnent pas des résultats satisfaisants ?

J'ai bien compris qu'un certain nombre de programmes nécessitaient une certaine pérennité, mais il faut aussi dire qu'il est parfois utile d'arrêter certains programmes. Dans un pays qui, culturellement, manifeste à cet égard des réticences, n'y aurait-il pas une vraie réflexion à mener en ce domaine ? Nous savons créer des structures supplémentaires, mais nous avons énormément de mal à arrêter ce qui ne fonctionne pas. Or, ce n'est pas forcément une hypothèse d'école...

En deuxième lieu, face aux problèmes de gestion patrimoniale, de management de l'ensemble des équipes, notamment de recherche, face aux défauts d'ingénierie administrative auxquels faisait référence Monsieur le Ministre, et qui sont réels, on ne pourra aller plus loin dans cette politique que si l'on est capable de mettre en place une expertise locale. Je crois néanmoins qu'il est absolument nécessaire d'observer la situation dans les autres universités à travers le monde et de permettre une liberté supplémentaire de mise en oeuvre. Si nous ne nous interrogeons pas sur la possibilité de développer cette plus grande liberté de mise en oeuvre, je pense que nous passerons à côté d'une partie de ce que nous recherchons !

Ma dernière observation concerne l'échec en premier cycle. Je partage, Monsieur le Ministre, votre idée de développer les expériences, notamment le tutorat. Mais, dans la mesure où l'on refuse collectivement le système de sélection à l'entrée à l'université, il faut travailler sur l'orientation en amont afin de diminuer ce taux d'échec.

M. Pierre Laffitte - Je voudrais m'associer à ce qui vient d'être dit ainsi qu'à la remarque faite par M. Fréville concernant l'unité dans laquelle se font les opérations de recherche.

Il y a là, me semble-t-il, un élément tout à fait majeur pour lequel l'idée de libérer les énergies est fondamentale. Ceci d'autant plus - et je m'adresse à la Cour des comptes - que nous avons évoqué essentiellement les financements publics. Mais, dans les bons laboratoires, on sait que plus de la moitié du financement global, y compris les dépenses concernant les personnels, provient d'autres sources (fondations internationales ou financements privés).

Nous nous orientons de plus en plus vers un système - notamment avec les pôles de compétitivité - où le financement privé risque d'être prépondérant.

J'ai posé une question à une Cour des comptes régionale, à laquelle je n'ai pas obtenu de réponse : qu'en est-il des structures de gouvernance de ces pôles de compétitivité où, dans de nombreux de cas, les responsables sont des industriels ? Comment les industriels qui recevront indirectement un financement public et qui pourront participer à des décisions auxquelles ils seront éventuellement parties prenantes vont ils être sécurisés vis-à-vis des remarques de la Cour ? Les projets devant être labellisés par l'Etat, ils ne seront pas les décideurs ; seront-ils codécideurs puisqu'ils les auront proposés ?

J'ai été nommé responsable pour un des pôles de compétitivité, mais je ne suis pas industriel. Cela ne me concerne donc pas mais cela concerne beaucoup de membres des conseils d'administration. Faudra-t-il qu'ils s'abstiennent de participer à certains votes ?

C'est une question de fond pour laquelle la sécurisation est nécessaire, d'autant qu'il y aura des consortiums avec parfois des tensions entre industriels. Ce problème est d'autant plus important que, dans beaucoup de cas, il y aura des plates-formes public/privé diverses, permettant de réaliser des opérations pour tous les membres des pôles de compétitivité. On va se trouver dans une situation complexe. Mais il nous faut aller dans ce sens, puisque cela se passe ainsi dans le monde entier.

Ces opérations existent déjà largement, mais sont parfois un peu opaques. Tel ne doit plus être le cas. J'en ai organisé depuis plus de trente ans, sous le contrôle rigoureux de la Cour des comptes, à l'école des Mines de Paris ; on a toujours estimé que cela fonctionnait bien.

Le projet de loi permet de régulariser un certain nombre de ces opérations et ceci me semble constituer un très grand progrès. Il en ira de même pour les pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) ainsi que pour les « campus » de recherche.

Une solution pourrait être d'utiliser plus largement les fondations, notamment celles reconnues d'utilité publique ; ces dernières, par ailleurs, sont soumises à un contrôle rigoureux de l'Etat, à la fois au travers de la présence des membres représentant l'Etat, par le biais du commissaire aux comptes, etc.

M. Denis Badré - Pierre Laffitte rappelait qu'à côté des financements publics, il y a des financements privés. Je rappelle qu'il y a aussi des financements européens. Ce que le PCRD apporte, il n'est peut être pas indispensable que le BCRD l'apporte ; si c'est le BCRD et non le PCRD, on peut peut-être réduire d'autant notre contribution au budget européen. Les deux sont quand même très liés et tout ce que l'Europe fait peut retentir positivement ou négativement sur nos finances.

Je m'interroge toujours sur la coordination, à mon sens insuffisante, qui existe entre BCRD et PCRD et sur les synergies qu'il faudrait développer pour que, ensemble, l'Union arrive et ses Etats-membres arrivent à mettre en place une politique de recherche digne de ce nom qui nous permette d'être compétitifs, notamment par rapport aux Etats-Unis.

M. le président - Nous sommes ici dans le cadre de nos prérogatives de contrôle. Le préalable à tout contrôle est que ce soit contrôlable. J'ai compris que vos systèmes d'information étaient perfectibles et je fais l'hypothèse que le travail de la Cour n'a pas dû être facile. La matière est complexe mais sans doute est ce aussi le révélateur de systèmes qui n'ont pas pour finalité d'informer.

Ce n'est contrôlable que si un minimum de principes sont respectés. Chacun, dans son laboratoire, fait probablement ce qu'il peut, cache un peu la trésorerie pour ne pas risquer de ne pas obtenir tel ou tel crédit. Il faut sortir de ce monde, d'autant que nous aurons sans doute, à l'avenir, à passer beaucoup moins de temps sur les lois de finances initiales et beaucoup plus sur les lois de règlement, c'est à dire sur les lois de finances de la réalité budgétaire.

Il y a un immense effort à faire pour nous y préparer et j'aurais souhaité - si c'est compatible avec le statut et la mission de la Cour - que le président Picq ou Mmes les conseillers maîtres nous disent comment les magistrats ont vécu cette mission. Arrive-t-on à diligenter un contrôle ? Quel type de contrôle avez-vous dû surmonter ? Les chercheurs sont probablement un peu comme les magistrats des juridictions de l'ordre judiciaire : ayant accompli il y a bien longtemps une mission de contrôle, au nom de l'indépendance, les magistrats étaient informaticiens ! Cela a été un échec total !

Peut être est-il judicieux que les chercheurs acceptent que, pour certaines fonctions relevant de la logistique, de l'intendance, de l'administration, on puisse faire appel à des compétences qui ne sont pas forcément les leurs, afin qu'ils puissent aller jusqu'au bout de leur talents.

J'attacherai donc un certain prix à ce que nous ayons des gages sur la lumière que l'on pourrait mettre dans toutes les pièces des universités. Il m'arrive de rencontrer des universitaires : la plupart du temps, je ne comprends rien à ce que me disent mes interlocuteurs - et je ne suis pas sûr qu'ils disposent eux-mêmes d'informations pour y voir clair !

Peut-on continuer longtemps ainsi ? Je dis l'importance de cette exigence de clarté, au moment où l'Etat s'apprête à faire un effort sans précédent pour la recherche. Je suis d'accord pour faire un effort, mais qu'on prenne les moyens de savoir ce que cela va devenir et que l'on réponde à cette exigence de reddition de comptes !

M. le ministre - Je voudrais d'abord dire au sénateur Fréville que ce saut qui apparaît dans des montants de dépenses ne peut s'expliquer que par des modifications de périmètre. Je crois que, dans un cas, on avait uniquement l'enseignement supérieur et que, dans l'autre, on a mis la recherche, au moment où on est passé d'une série de CPER à une autre. Cela doit tenir assez largement à cela. Ce n'est pas très brillant, en effet, en ce qui concerne la clarté de la présentation.

M. le président - N'est-ce pas lié à des régulations budgétaires de fin d'exercice ?

M. le ministre - Non, ce sont des écarts de périmètre.

Pour répondre également à l'une de vos réflexions, autant le cadre budgétaire doit être large - on doit reconnaître de l'autonomie aux équipes qui gèrent - autant le cadre qui sert de base à l'information doit être serré. On doit avoir des informations très précises et surtout dans une forme telle que les croisements soient possibles, que toutes les interrogations reçoivent réponse. On aura une banque de données interrogeable, facilement modulable, qu'il s'agisse des questions légitimes du Parlement, des outils de pilotage de l'exécutif et des informations dont l'administration a besoin au jour le jour.

On a besoin d'inventer une approche de l'information de gestion, de l'information de pilotage, dans ce domaine de l'administration comme dans d'autres. Les chantiers sont ouverts mais on sait d'expérience que c'est un chantier qui n'est jamais terminé et qui, dans le cas de l'administration, appelle un assez fort rattrapage.

La baisse tendancielle des moyens de fonctionnement des chercheurs est une réalité très bien décrite dans le rapport particulier de la Cour. On a créé des emplois d'enseignants chercheurs non pour la recherche, mais avant tout pour l'enseignement. C'est l'augmentation des effectifs à l'université qui a provoqué, au fil du temps, une augmentation des effectifs d'enseignants chercheurs, sans qu'on adapte les moyens de la recherche à ces augmentations.

Aujourd'hui, en même temps qu'il y a augmentation des emplois de recherche - mais pas exclusivement des chercheurs - il y a augmentation sensible des moyens de la recherche. L'un ne peut aller sans l'autre.

Je précise que, pour ce qui est des créations d'emplois, nous travaillons aujourd'hui sur une règle de 50-50 : 50 % d'emplois de chercheurs, 50 % d'emplois d'ingénieurs et techniciens, qui sont absolument nécessaires et qui permettent de donner plus d'efficacité à la recherche, car ce sont des assistants indispensables des chercheurs.

La fongibilité asymétrique est une possibilité donnée à tout gestionnaire d'exercer ses propres arbitrages ; il est probable que, dans certains établissements, on préférera augmenter les moyens de fonctionnement plutôt que les effectifs - mais ce sera de la responsabilité de chaque gestionnaire. Nous parlons des universités, mais on pourrait parler des grands organismes de recherche.

Au sénateur Charasse, je dirais que, s'agissant des pilotes dans l'avion, il a employé une formule assez exacte. Je ne voudrais pas mettre tel ou tel en cause. Sur la longue période, je pense que les administrations et les hauts fonctionnaires ont fait leur travail en suivant, dans l'exercice de leurs responsabilités, tant les organismes que les universités. Ce suivi est de qualité mais il a manqué, sur la longue période, des grandes orientations claires. Je crois qu'on peut le dire et s'accorder sur ce constat.

Les pouvoirs publics ne s'intéressent pas assez, à mon sens, à ces questions essentielles que posent l'enseignement supérieur et la recherche, qui appellent des prises de positions politiques, donc des orientations données à l'administration. La prise de conscience qu'il est impératif d'augmenter notre effort de recherche devra amener le pouvoir politique, dans les prochaines années, à s'intéresser de plus près à la politique de la recherche et, naturellement, à la politique universitaire.

Quant à la situation française, il est vrai que nous avons l'université, les grands organismes. Il y a naturellement une recherche privée, une recherche dans les fondations. Est-ce bien ou non ? Je n'en sais rien, mais c'est ainsi. Il serait absurde de vouloir faire du passé table rase et dire que l'université n'est pas bonne ou que les organismes ne sont pas bons.

On doit travailler à partir de nos forces existantes - elles sont réelles - et faire en sorte que les acteurs coopèrent mieux. Il y a certainement du décloisonnement à faire. On en reparlera. Un grand débat sur la recherche va s'ouvrir mais je ne pars pas du principe que nous avons une mauvaise organisation. Elle est certes perfectible mais tellement prégnante qu'il serait illusoire de vouloir en changer par un coup de baguette magique !

M. Michel Charasse - Ce n'est pas la question que j'ai posée ! Je voudrais avoir un jour un indice de performances comparatif des diverses catégories de recherche !

M. le ministre - Je vous appellerai à l'aide pour convaincre que notre orientation sur le projet de loi sur la recherche est la bonne ! Nous voulons précisément avoir une unité dans l'évaluation de la recherche, qu'elle soit universitaire ou qu'elle vienne des grands organismes, afin d'avoir un outil de comparaison universel qui permette de dire que tel laboratoire du CNRS, qui a les mêmes activités que tel laboratoire du CEA -c'est le cas en sciences du vivant- a de meilleures performances que l'autre.

M. Michel Charasse - Mais il faut aussi comprendre pourquoi !

M. le président - Les meilleurs chercheurs du monde voudront ils venir dans nos laboratoires ?

M. le ministre - C'est une autre question et on y travaille !

La recherche de financement doit-elle avoir une influence sur la recherche qui est conduite ? Oui et non, car il est légitime que l'Etat affiche des priorités en matière de recherche. Les pouvoirs publics, en la matière, sont l'expression d'une demande sociale plus ou moins clairement exprimée, mais que nous avons le devoir de traduire dans des orientations.

Un exemple : la recherche en matière d'environnement est une demande sociale relativement récente mais très forte aujourd'hui. On doit dire au monde de la recherche que nous avons besoin, sur tel et tel thème, d'avancées significatives. Cela veut dire que nous avons du pilotage, nous mettons du financement, nous faisons des appels à projets et nous orientons, d'une certaine manière, les travaux des équipes de recherche.

Telle équipe qui travaillait en agronomie sur la productivité de telle ou telle plante, de telle ou telle culture, va être amenée à s'intéresser davantage à l'impact environnemental de la culture en question. C'est du pilotage en fonction de priorités qui sont définies par la puissance publique ou par des commissions scientifiques.

Il existe deux niveaux : le politique pour les grandes orientations et les commissions scientifiques pour le choix des thèmes plus ou moins pertinents. Chacun a naturellement son rôle.

Il y a donc du pilotage, mais aussi de la liberté. Il n'y a pas de recherche sans liberté. Par exemple, dans l'Agence de la recherche, 30 % des ressources sont consacrées aux programmes blancs. Les équipes de recherche proposent des projets ; des commissions scientifiques les examinent. Personne n'a dit à l'avance sur quoi devaient porter ces recherches et, suivant la qualité de ce qui est proposé, on agrée, on retient et on met des financements.

Je crois qu'il faut concilier les deux. Il n'y a pas de réponse unique, mais un effort permanent pour avoir de la liberté, une logique propre à la recherche et à la communauté scientifique, ainsi que des commandes, car nous nous préoccupons également de sécurité, d'économie, d'environnement, de santé publique, etc.

M. Michel Charasse - L'Etat met une certaine somme d'argent dans une recherche qu'il commande à un laboratoire ou à un groupe de laboratoires. Ce groupe de laboratoires va à la recherche de financements privés, les obtient mais, à la suite des négociations, arrive à modifier complètement le programme commandé. Cela arrive-t-il ou non ? Le savez-vous et pouvez-vous donner votre opinion, étant entendu que c'est l'argent des contribuables et qu'il est sacré ?

M. le ministre - En effet. Je ne suis, pas plus que vous, spécialiste de la recherche et je respecte l'indépendance de la communauté scientifique et des hommes et des femmes de sciences.

M. Michel Charasse - Si on donne des crédits pour chercher sur des ânes et qu'on découvre qu'on a cherché sur des chèvres, ce n'est pas exactement le même type d'animal !

M. le ministre - Il ne s'agit pas de cela ! Dans l'exemple que vous citez, il est normal qu'une équipe de recherche puisse répondre à des projets qui sont commandés par une fondation privée d'utilité publique, une entreprise ou l'Etat, lorsqu'il s'agit de l'Agence de la recherche. Chaque organisme doit vérifier qu'il y a eu une réponse pertinente à la question posée, pour laquelle il a apporté des financements. L'Agence de la recherche a des procédures d'évaluation et doit, à l'issue d'une période d'un an, deux ans ou trois ans, suivant la durée des projets, regarder si on a répondu à la question qui était posée.

Pour l'attribution de nouveaux financements, on tiendra naturellement compte du sérieux dans la réponse au projet. Il y aura comme toujours des défauts et des défaillances.

Sur les brevets, vous posez une question difficile. Il est certain que l'université et la recherche en général ne déposent pas assez de brevets et n'ont pas assez de ressources venant des brevets. Toutefois, la question de savoir si l'on doit déposer brevet ou non n'est jamais très simple. Le brevet est très coûteux. Il doit être international pour être efficace, sous peine d'être sans effet. En brevetant, on diffuse et, dans certains, cas on n'a pas forcément intérêt à le faire. Ce n'est pas simple de situer le bon niveau. Il n'y a des réponses que sur les dossiers individuels.

Faut-il un service unique au ministère ? Je ne crois pas car les universités sont des personnes morales de droit public qui ont leur autonomie.

M. Michel Charasse - Elles reçoivent quand même les financements qu'on leur apporte. Elles ont donc une autonomie relative.

M. le ministre - C'est vrai. Il faut être très proche de l'endroit où se fait la recherche pour pouvoir juger de l'opportunité du dépôt de brevet. Nous essayons de dynamiser les SAIC, des services chargés de ces questions au sein des universités, mais je suis d'accord avec vous pour dire qu'il y a du travail.

Quant au patrimoine des universités, il n'est pas si considérable. Sur les 18 millions de m 2 , plus de 90 % sont détenus par l'Etat. La surface appartenant à l'université est donc minoritaire. Vous avez cependant raison de dire qu'il convient de faire des efforts pour la bonne exploitation.

A Jean Léonce Dupont, je voulais dire que nous avons des fermetures de laboratoires. Aujourd'hui, on ferme 10 % des laboratoires par an. Il y a donc un mouvement naturel dans les ouvertures et les fermetures. De là à dire que l'on sanctionne rapidement une absence de production scientifique, peut être pas - pas toujours. Notre but est certainement de mieux évaluer et de mieux repérer ce qui marche et ce qui ne marche pas.

Vous m'avez interrogé sur la carrière des chercheurs. Il est vrai qu'un chercheur peut être plus on moins productif en fonction de l'étape de sa carrière ; il peut être plus ou moins doué pour la recherche. Certains, qui ont réussit au recrutement d'enseignant chercheur, au bout de quelques années, peuvent se révéler meilleurs enseignants que chercheurs.

Il faut une certaine souplesse. A partir d'un certain âge, on est moins productif. Cela dépend aussi des sciences : en mathématiques, on sait que les jeunes sont beaucoup moins productifs. C'est moins vrai dans d'autres sciences, mais il ne faut pas négliger le fait que l'encadrement des équipes de recherche est une activité en soi. Un chercheur qui a été extrêmement productif et qui l'est moins de façon naturelle peut être un excellent directeur de laboratoire, qui comprend les difficultés de ses jeunes chercheurs et qui les remet sur la bonne voie en raison de son expérience.

Il y a une place pour chacun dans notre appareil d'enseignement et de recherche. On va y mettre de la souplesse avec la modulation des obligations d'enseignement. Les universités pourront décider que certains seront déchargés temporairement de leurs obligations d'enseignement pour faire davantage de recherche, mais il faut un système de responsabilité au sein de l'université.

Je pars du principe que les hommes et les femmes qui se livrent à la recherche ont une haute conscience de leur métier et n'ont pas besoin qu'on les rappelle à leur devoir. La réputation, dans le domaine scientifique, est extrêmement importante. Le fait d'avoir une mauvaise évaluation n'est jamais jugé comme positif et c'est à mon avis une bonne stimulation pour aller de l'avant.

L'autonomie universitaire est une vaste question et je ne pense pas, Monsieur le Président, que ce soit le lieu d'entamer un débat.

Nous entendons favoriser les coopérations universitaires avec les pôles de recherche et d'enseignement supérieur qui constitueront une souplesse qui permettra à plusieurs universités de travailler ensemble ou avec des organismes de recherche. On a là une partie de la réponse aux cloisonnements qui peuvent exister aujourd'hui.

Nous allons également globaliser les budgets de recherche dans le cadre de contrats, avec des objectifs précisés par l'université. On met donc de l'autonomie sur des points bien précis, mais l'université est autonome juridiquement et le sénateur Charasse a raison de dire qu'elle ne l'est pas financièrement, puisque c'est de l'argent public qui la fait vivre.

M. le président - Sur ce dernier point, ne pourrait on pas imaginer que, à défaut d'être autonome financièrement, chaque université ait sa propre autonomie comptable, avec sa situation patrimoniale ?

M. le ministre - Elle a son autonomie comptable et financière, mais je dois à la vérité de dire que la matière dont la situation financière et bilancielle de l'université est retracée, comme souvent dans les établissements publics, n'est pas satisfaisante aujourd'hui.

M. le président - Ne pourrait on pas au moins décider que l'on établit le patrimoine de chaque université ?

M. le ministre - C'est théoriquement fait.

M. le président - Comment se fait-il alors que le ministre soit incapable de connaître la situation de trésorerie des universités ?

M. le ministre - Je ne suis pas omniscient !

M. le président - Quand on demande où est la trésorerie des universités, on répond qu'on ne sait pas !

M. le ministre - Il y a un agent comptable : on a donc une situation de trésorerie.

Il est vrai qu'on a des faiblesses en matière de trésorerie non dans les universités mais dans certains grands organismes de recherche, où il y a eu des limitations arbitraires de dépenses, alors que la situation de trésorerie était quelquefois pléthorique, comme il y a quelques années au CNRS.

Aujourd'hui, nous avons à faire face à des décalages entres des autorisations d'engagement et des crédits de paiement pour un certain nombre d'établissements publics. Nos mécaniques budgétaires de l'Etat, articulées sur les mécaniques budgétaires de gestion comptable et de trésorerie des établissements publics ne sont pas d'une limpidité totale. Il faut être vraiment compétent et se plonger dans chaque situation pour y voir clair.

Certains présidents d'université connaissent mal la situation réelle anticipée de trésorerie et certains présidents d'organismes ne comprennent pas bien la situation financière réelle.

M. Michel Charasse - J'ai connu cela à Bercy : beaucoup d'organismes ont une trésorerie pléthorique et ne veulent pas y toucher face à la pénurie de crédits dans une année budgétaire donnée. C'est la raison pour laquelle le CNRS, vraisemblablement, appliquait des règles strictes d'engagement de dépenses alors qu'il était assis sur un tas d'or dont il ne voulait pas se séparer.

Si les universités sont indépendantes, elles n'en sont pas moins sous tutelle financière et administrative. C'est le travail du chancelier de l'université, qui est le recteur, de faire ouvrir les trésors. Si on ne le fait pas, on aboutit à cette situation !

M. le président - Et on entretient des protestations lancinantes.

M. Michel Charasse - Il arrive un jour un ministre du budget qui s'approprie la trésorerie grâce à un article de loi et l'affaire est réglée !

M. Yves Fréville - L'université ne paye pas son personnel enseignant. En outre, les immeubles n'ont pas été dévolus aux universités, qui n'ont donc ni les bâtiments, ni le personnel !

M. le président - Ne pourrait-on imaginer que, dans vos systèmes d'information, à partir de maintenant, dans chaque université, on ait connaissance de la masse salariale...

M. le ministre - On l'a !

M. le président - ... Et qu'on tienne des documents synthétiques qui fassent apparaître ces données ? Même chose pour le patrimoine et les immeubles...

M. le ministre - Les informations existent pour les universités au moment du budget primitif. Elles n'ont pas un caractère comptable puisque c'est en dehors du budget de l'université. Comme le disait par ailleurs le sénateur Fréville, la dévolution des biens n'a pas été faite ; pour l'essentiel, ce sont des immeubles de l'Etat et non de l'établissement public qui sont utilisés.

M. le président - C'est peut être ce qui est devant vous, Monsieur le Ministre.

M. le ministre - On aborde là des sujets majeurs, complexes.

La comptabilité et les systèmes de gestion des établissements publics sont des questions qui dépassent le modeste ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche que je suis.

La question des pôles de compétitivité, Monsieur le sénateur Laffitte, est une question extrêmement importante. Ce sont des associations qui sont en charge de leur gouvernance, mais elles ne gèrent pas les fonds. Les fonds dévolus aux pôles de compétitivité ne transitent pas par l'association, sauf les frais de fonctionnement, qui sont quasiment négligeables dans l'ensemble.

Je prends l'exemple de la recherche. L'Agence de la recherche va financer des projets de recherche qui vont relever de pôles de compétitivité. Les financements iront aux organismes de recherche. Quand ces projets s'inscrivent dans un pôle de compétitivité, il y aura un abondement des financements de l'ANR au titre du pôle de compétitivité, mais qui ira à l'organisme de recherche et non à l'association charger de la gouvernance du pôle. Celle ci doit s'entendre comme une gouvernance de projet et non de gestion.

Nous allons par ailleurs légaliser certaines associations de recherche et favoriser la coopération public-privé, au travers notamment de la labellisation Carnot, inspirée de ce qui se fait en Allemagne. Nous en avons parlé à Postdam l'un et l'autre. C'est un sujet en soi, mais aussi un sujet de la loi sur la recherche.

Au sénateur Badré, je dirais que sa remarque est tout à fait pertinente. Nous avons une coordination très insuffisante entre les PCRD et la recherche de chacun des Etats de l'Union pour une raison extrêmement simple : aujourd'hui, il existe une opacité dans la conduite des programmes au sein de l'Union européenne. J'ai eu l'occasion de le dire au dernier Conseil « compétitivité » réunissant les ministres de la recherche à Luxembourg.

La Commission envisage de réformer la gouvernance des PCRD. Nous avons posé comme condition qu'il y ait une information permanente des Etats sur la conduite des programmes de sorte que chacun des Etats puisse coordonner ses efforts de recherche avec ceux de l'Union. Aujourd'hui, cette coordination est inopérante faute d'informations.

Quant au président Arthuis, on a déjà largement abordé les sujets qu'il a évoqués.

Quand on renforce les capacités en ingénieurs et en techniciens, c'est aussi pour décharger les chercheurs d'un certain nombre de tâches. Un ingénieur de recherche peut être celui qui va gérer l'ensemble d'un laboratoire en déchargeant les chercheurs de tâches qui ne sont pas forcément pour eux les plus productives.

M. le président - La Cour a t elle des observations ?

M. Jean Picq - Je voudrais remercier le sénateur Charasse pour les qualificatifs qu'il a voulu donner à mon exposé. Si, à la Cour, on n'est pas clair, honnête et laborieux, il vaut alors mieux changer de métier !

Deux remarques à propos de la gestion et tout d'abord une remarque plus générale en réponse à la question du sénateur Fréville. De fait, comme l'a souligné le président en introduisant cette séance, nous nous sommes tenus à la commande qui nous avait été faite pas le Sénat, mais je veux rappeler que vous disposez de toute une série de publications récentes de la Cour sur le CNRS, sur le financement dans le secteur biomédical, qui aurait pu intéresser le sénateur Laffitte, sur le rôle du ministère de la recherche il y a deux ans et le rapport publié la semaine dernière sur la gestion de la recherche dans les universités.

J'ai indiqué au président Arthuis que la Cour était à la disposition de la commission pour présenter ce rapport qui a le mérite d'être une enquête très approfondie sur les différents leviers de la recherche dans les universités, qui insiste sur sa complexité et qui est une enquête sur le terrain. Près de cent laboratoires ont été visités. Je vous y renvoie parce que je crois que vous y trouverez une partie des réponses aux questions que vous avez posées.

Vous avez eu raison de souligner qu'à côté des financements incitatifs, la situation des dotations récurrentes par chercheur avait baissé. Dans ce rapport, il est indiqué qu'entre 1988 et 2001, les effectifs d'enseignants chercheurs ont progressé de 58 % alors que la dotation de crédits par chercheur, elle, a baissé, en valeur constante. En 2001, elle était à 77,3. Vous avez souligné là une réalité, mais qu'il faut prendre dans sa complexité : on recrute des chercheurs et, en même temps, les moyens de fonctionnement se sont trouvés réduits.

Ma deuxième observation est pour souligner ce que j'avais dit en conclusion de mon intervention. Il me semble que derrière ce rapports très technique et peut être parfois un peu fastidieux à lire les questions posées sont tout à fait centrales : avoir de bon systèmes d'information est le b a ba dans n'importe quelle organisation, qu'elle soit publique ou privée. S'interroger sur l'articulation, dès lors qu'il y a de multiples acteurs politiques, c'est également un sujet majeur.

Il se trouve qu'il existe des techniques contractuelles qui, en France, ont indiscutablement permis de grands progrès. Le ministre y a fait allusion à propos des contrats quadriennaux. Vous avez évoqué les contrats de plan Etat-régions. Que l'on s'interroge à l'avenir sur l'articulation entre ces instruments, sur la place des différentes collectivités territoriales est tout à fait nécessaire.

Je crois que toutes les questions posées sur l'architecture financière, les systèmes d'information, le pilotage par le ministère, qui sont des questions hautement politiques, sont aussi l'illustration de ce que nous avons essayé de décrire.

Je voudrais insister sur un point concernant la gestion : la conviction commune que nous avons eue est que la qualité des systèmes d'information, des outils de gestion et la clarification des responsabilités s'imposent à la recherche comme à tous les domaines.

J'en donnerai deux exemples. Le premier concerne les publications. Vous vous souvenez des débats qui ont eu lieu sur le classement de Shanghai. Pour que l'on puisse avoir des publications qui rendent bien compte de ce qui se passe dans les universités, encore faut-il que les universités sachent ce qui se passe chez elles, que les chercheurs publient avec des références précises. Nous avons relevé qu'à Lyon, les chercheurs publient sous plus d'une centaine de dénominations !

Second exemple, on y a fait allusion : les financements européens. Les appels d'offres européens exigent maintenant que les équipes des laboratoires puissent répondre à des appels d'offres, avec des documentations importantes, qui supposent des qualifications juridiques et la connaissance des coûts complets.

Si on n'a pas connaissance des coûts complets, on ne peut répondre. Une bonne gestion n'est pas un luxe mais une nécessité pour obtenir ces financements et je crois que tout ce qui pourra permettre aux chercheurs d'être allégés des charges administratives, sans renoncer à ce qui est nécessaire pour la connaissance de leurs affaires, sera important.

Enfin, comme vous l'avez souhaité, je laisse le soin à Mme Seyvet, qui a été rapporteur dans cette longue enquête, de vous dire ce qu'elle a éprouvé au cours de cette longue investigation.

Mme Jeanne Seyvet - Les informations existent aux différents niveaux et sont communiquées. On a véritablement accès aux informations sur les budgets globaux des unités de recherche en rencontrant les directeurs de laboratoires ou leurs équipes ; on a véritablement accès aux budgets des universités en rencontrant les équipes dirigeantes de l'université et on a véritablement accès aux chiffres des ministères en rencontrant les équipes des ministères. La difficulté est qu'à chaque étage, on n'agrége pas les mêmes choses et on ne diffuse pas forcément un type d'information pertinent pour l'étage du dessus.

La question qui se pose est davantage de savoir quels sont les outils dont le ministère et éventuellement le Parlement ont besoin pour le suivi du pilotage d'une politique de recherche dans les universités. Subsidiairement, il faut construire le système d'information qui permet de récolter les données qui existent, mais dont la consolidation n'est pas forcément simple.

Pour donner un exemple, il a été question de SIREDO pour la partie relative aux contrats quadriennaux. On nous dit qu'on va avoir une version qui permettra un retour des universités, mais la même question se pose pour les contrats de plan Etat-régions, où on a un outil qui ne permet pas aux recteurs, à ce jour, de faire remonter l'information vers l'administration centrale.

Je ne veux pas dire qu'il est nécessaire d'avoir une remontée d'informations systématique dans tous les domaines ; nous sommes, pour les contrats de plan Etat-régions, dans une gestion décentralisée et il n'est pas nécessaire d'avoir des remontées d'informations en permanence.

De la même manière, les universités ont un certain type d'autonomie et il faut donc bien peser les indicateurs, dont la remontée au niveau central est nécessaire pour le pilotage d'une politique de recherche.

On a donc une grande disponibilité des équipes, un accès aux chiffres, mais peut être pas de réflexion totalement aboutie sur les indicateurs et les chiffres dont on a besoin au niveau central.

M. le président - Merci pour toutes ces précisions.

Nous allons clore cette audition conjointe pour suites à donner. Vous avez observé que je n'ai pas employé le terme d'« audition contradictoire », car il ne saurait être question de contredire les propos de la Cour. La Cour a délibéré ; elle nous livre le fruit de ses investigations et de ses réflexions.

Ceci était très intéressant par rapport à la mission que Philippe Lachenaud, en son temps, avait souhaité voir confiée à la Cour, mais cela été aussi un tremplin pour la réflexion préalable à la discussion du projet de loi qui sera en discussion devant le Sénat dès le mois de décembre prochain.

Je vous remercie, Monsieur le Ministre. Je remercie vos directeurs. Nous aurons d'autres occasions de rencontre. Je remercie également le président Jean Picq et Mmes les conseillers-maîtres de la Cour.

Ainsi s'achève cette audition conjointe. Je remercie nos collègues de la commission des affaires culturelles.

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