Rapport d'information n° 36 (2005-2006) de M. Philippe ADNOT , fait au nom de la commission des finances, déposé le 20 octobre 2005
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AVANT PROPOS
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I. LE CHIFFRAGE DES INVESTISSEMENTS EN FAVEUR DE LA
RECHERCHE UNIVERSITAIRE EST INCERTAIN, MÊME EN CE QUI CONCERNE LA SEULE
PARTICIPATION DE L'ETAT
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II. LA DUALITÉ D'INSTRUMENTS CONTRACTUELS
UTILISÉS POUR GÉRER LES CRÉDITS RELATIFS AUX EQUIPEMENTS
DE LA RECHERCHE UNIVERSITAIRE APPELLE DES CRITIQUES
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III. L'IMPACT DE LA LOI ORGANIQUE DU 1ER AOÛT
2001 RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES (LOLF) SUR LES CREDITS D'EQUIPEMENT DE
LA RECHERCHE UNIVERSITAIRE
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I. LE CHIFFRAGE DES INVESTISSEMENTS EN FAVEUR DE LA
RECHERCHE UNIVERSITAIRE EST INCERTAIN, MÊME EN CE QUI CONCERNE LA SEULE
PARTICIPATION DE L'ETAT
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TRAVAUX DE LA COMMISSION
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AUDITION DE M. FRANÇOIS GOULARD,
MINISTRE DÉLÉGUÉ À L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
ET À LA RECHERCHE
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M. JEAN MARC MONTEIL, DIRECTEUR DE L'ENSEIGNEMENT
SUPÉRIEUR AU MINISTERE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT
SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE
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ANNEXE
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COMMUNICATION DE LA COUR DES COMPTES À LA
COMMISSION DES FINANCES DU SÉNAT SUR LES SUBVENTIONS D'EQUIPEMENT
À LA RECHERCHE UNIVERSITAIRE
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I. LES MASSES FINANCIÈRES EN JEU
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II. LES INVESTISSEMENTS DE LA RECHERCHE
UNIVERSITAIRE A TRAVERS LES CONTRATS DE PLAN ETAT-REGIONS (CPER)
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A. LES OPERATIONS IMMOBILIERES DE RECHERCHE
UNIVERSITAIRE DANS LES CPER
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B. LES SUBVENTIONS D'ÉQUIPEMENT DANS LES
CPER
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C. LA REFLEXION SUR L'AVENIR DES CPER
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A. LES OPERATIONS IMMOBILIERES DE RECHERCHE
UNIVERSITAIRE DANS LES CPER
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III. LES INVESTISSEMENTS DE LA RECHERCHE
UNIVERSITAIRE HORS CPER
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IV. L'IMPACT DE LA MISE EN oeUVRE DE LA LOLF
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COMMUNICATION DE LA COUR DES COMPTES À LA
COMMISSION DES FINANCES DU SÉNAT SUR LES SUBVENTIONS D'EQUIPEMENT
À LA RECHERCHE UNIVERSITAIRE
N° 36
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006
Annexe au procès-verbal de la séance du 20 octobre 2005 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur la communication de la Cour des comptes relative aux subventions d' équipement à la recherche universitaire ,
Par M. Philippe ADNOT,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Claude Belot, Marc Massion, Denis Badré, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Jean-Pierre Masseret, Joël Bourdin, vice-présidents ; M. Philippe Adnot, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Moreigne, François Trucy secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Jacques Baudot, Mme Marie-France Beaufils, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Mme Nicole Bricq, MM. Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, Jean-Claude Frécon, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Claude Haut, Jean-Jacques Jégou, Roger Karoutchi, Alain Lambert, Gérard Longuet, Roland du Luart, François Marc, Michel Mercier, Gérard Miquel, Henri de Raincourt, Michel Sergent, Henri Torre, Bernard Vera.
Recherche. |
AVANT PROPOS
En application de l'article 58-2° de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), la Cour des comptes a réalisé, à la demande de la commission des finances, une enquête sur les subventions d'équipement à la recherche universitaire.
La communication de la haute juridiction financière a été remise à votre commission des finances le 22 juin 2005.
Ayant à coeur de contribuer à valoriser davantage encore les travaux de la Cour des comptes et de favoriser la concrétisation des recommandations émises, votre commission a procédé, le 19 octobre 2005 , à l'audition conjointe de MM. François Goulard, ministre délégué à la recherche, Jean Picq, président de la troisième chambre de la Cour des comptes, Michel Dellacasagrande, directeur des affaires financières au ministère de l'éducation nationale, et de Mmes Claire Bazy-Malaurie, Jeanne Seyvet , conseillers-maîtres, et Elisabeth Giacobino, directrice de la recherche au ministère de l'éducation nationale. La commission des affaires culturelles du Sénat a été associée à cette audition. Par ailleurs, afin d'en favoriser la plus grande diffusion, cette audition a été ouverte à la presse.
Il convient de rappeler que la commission des finances avait demandé une enquête sur les conditions d'élaboration et d'exécution des dispositions des contrats quadriennaux et des contrats de plan Etat-région relatives aux investissements et aux équipements de la recherche universitaire. Elle s'interrogeait plus particulièrement sur la portée de la contractualisation , sur les conditions de préparation et d'exécution des opérations qui bénéficient des financements d'origine diverse, et enfin sur les échanges d'information entre les laboratoires, les universités et le service de l'Etat qui interviennent à l'occasion de ces opérations.
La Cour des comptes a articulé ses observations autour des quatre points suivants : les masses financières en jeu, les investissements de la recherche universitaire à travers les contrats de plan Etats-régions (CPER), les investissements de la recherche universitaire hors CPER, et enfin l'impact de la LOLF.
I. LE CHIFFRAGE DES INVESTISSEMENTS EN FAVEUR DE LA RECHERCHE UNIVERSITAIRE EST INCERTAIN, MÊME EN CE QUI CONCERNE LA SEULE PARTICIPATION DE L'ETAT
A. LES INVESTISSEMENTS EN FAVEUR DE LA RECHERCHE UNIVERSITAIRE
La Cour des comptes a essayé d'identifier les sommes en jeu concernant les investissements en faveur de la recherche universitaire.
1. Le concept de « dépense intérieure de recherche et de développement »
La Cour des comptes a tout d'abord fait référence au concept de « dépense intérieure de recherche et développement » (DIRD), dont l'un des éléments, calculé par la direction de l'enseignement supérieur, est la « dépense d'investissement des universités » (DIU). A la différence des dépenses d'investissement des organismes publics de recherche, la DIU n'est pas une donnée exacte, mais une reconstitution relativement complexe à partir :
- des crédits ordonnancés sur les différents chapitres budgétaires concernés pour les crédits budgétaires, et après répartition forfaitaire entre l'enseignement supérieur et la recherche ;
- d'une enquête sur les ressources globales des universités pour les crédits non budgétaires.
Ainsi en 2002 , la DIU se serait élevée à 521 millions d'euros , soit 11 % des dépenses intérieures de la recherche universitaire. Cette somme, qui a peu évolué entre 1997 et 1999, a augmenté de manière sensible entre 1999 et 2001.
Toutefois, ce chiffre ne comptabilise pas le financement des unités mixtes ou associés de recherche par les grands organismes de recherche . Ce financement n'est pas a-priori négligeable puisque 45 % des unités de recherche reconnues sont des unités mixtes de recherche.
2. Les ressources globales des universités pour la recherche
Il peut, ainsi, être constaté qu'environ 20 % des ressources globales de la recherche universitaire proviennent en 2001 des organismes de recherche publics, soit environ 200 millions d'euros.
Cependant, selon la Cour des comptes « il n'a pas été possible d'estimer ce qui, dans le montant relève de l'investissement et viendrait donc s'ajouter au chiffre de 521 millions d'euros » précédemment cité.
3. Le financement des collectivités territoriales
La Cour des comptes a également étudié l'enquête de la direction des études et de la prospective sur le financement des collectivités territoriales .
La contribution des régions à la recherche et technologie sur les années 2002-2003 s'élèverait à 350 millions d'euros sur les années 2001-2002, dont 75 millions d'euros consacrés au financement d'opérations immobilières et 56 millions d'euros aux équipements. La haute juridiction constate également un effort inégal entre les régions.
Elle critique fortement « l'absence d'un référentiel d'information et de gestion des activités de recherche partagé entre les administrations centrales du ministère et l'ensemble des établissements de recherche et d'enseignement supérieur ».
B. LA CONTRIBUTION FINANCIÈRE DE L'ETAT
La Cour des comptes a réalisé un chiffrage plus précis de la contribution financière de l'Etat.
Ainsi :
- les opérations immobilières comptabilisées à travers les contrats de plan Etat-régions (CPER) et spécifiquement identifiées comme des opérations « recherche » représenteraient 41 millions d'euros par an sur 7 ans ;
- les crédits relatifs à l'équipement seraient évalués à 306,5 millions d'euros dont 27,5 millions financés par les CPER et 279 millions d'euros financés par les volets « recherche » des contrats quadriennaux ;
- enfin les « actions spécifiques » recouvriraient 10 millions d'euros
Au total, le financement de l'Etat s'élèverait à 358 millions d'euros.
Toutefois ce chiffrage est incertain dans la mesure où l'identification des opérations « recherche » est ambiguë . Comme l'avait déjà souligné le ministère lors de l'établissement de la maquette relative à la LOLF, il est peu aisé de séparer l'enseignement supérieur de la recherche universitaire. Le débat portait, alors, particulièrement sur la difficulté de scinder le travail d'un enseignant-chercheur, mais la question de l'immobilier pose les mêmes problèmes : un exemple particulièrement éloquent peut être le cas des bibliothèques.
II. LA DUALITÉ D'INSTRUMENTS CONTRACTUELS UTILISÉS POUR GÉRER LES CRÉDITS RELATIFS AUX EQUIPEMENTS DE LA RECHERCHE UNIVERSITAIRE APPELLE DES CRITIQUES
La Cour des comptes a étudié les investissements en faveur de la recherche universitaire à travers les contrats plan Etat-régions (CPER) et hors CPER ce qui comprend notamment les contrats quadriennaux. Elle remarque que la superposition de ces deux structures contractuelles de gestion des crédits représente un risque de dispersion de l'effort financier, sans compter les projets de structuration de la recherche qui se surajoutent aux dispositifs contractuels déjà existants (pôles de compétitivité, mise en place des pôles de recherche et d'enseignement supérieur...).
A. LES INVESTISSEMENTS DE LA RECHERCHE UNIVERSITAIRE A TRAVERS LES CPER
Rappelons qu'au sein des contrats plan Etat-régions (CPER), le poste « Enseignement supérieur et recherche » constitue le deuxième poste des CPER après les routes, soit 16 % du total.
1. Les opérations immobilières
En loi de finances initiale pour 2005, les autorisations de programme relatives aux opérations immobilières et à leur premier équipement s'élevaient à 207 millions d'euros. Ces crédits sont gérés par la direction de l'enseignement supérieur et sont entièrement contractualisés au sein des CPER 2000-2006.
Parmi ces opérations immobilières, 13 % ont été identifiées « recherche ». Leur financement est réalisé à hauteur de 49 % par l'Etat et à hauteur de 41,5 % par les collectivités territoriales ; le coût d'une opération pouvant aller de 0,17 million d'euros à 29 millions d'euros.
La qualification des opérations « recherche » n'est pas aisée, car par nature, les bâtiments d'une université peuvent aussi bien servir aux missions d'enseignement supérieur qu'à celle de recherche . Ainsi l'opération immobilière de l'université Paris VII sur la ZAC de Tolbiac est inscrite dans le volet enseignement supérieur alors que la moitié du projet concerne la recherche.
L'appellation « recherche » des opérations immobilières n'est toutefois pas sans intérêt pour l'administration puisque, après avoir été agréé par le recteur après avis du délégué régional à la recherche, le projet immobilier labellisé « recherche » est soumis à expertise scientifique . Cette expertise est un outil essentiel dans la mesure où elle « est le moyen d'intervenir sur des projets initialement mal montés ou peu crédibles, de les retarder ou de les redéfinir », elle joue le rôle d'un « contrepoids » face aux exigences des scientifiques.
Cependant, la Cour des comptes se montre sévère sur cette procédure qu'elle estime peu encadrée et relativement secrète (les rectorats et les universités n'en ont pas connaissance).
Selon les réponses obtenues par la Cour des comptes, la direction de la recherche poursuit l'objectif de doter de locaux et d'équipements lourds et mi-lourds un ensemble de bonnes équipes de recherche et ce, sur le fondement « d'un projet scientifique explicite et pertinent ». Les CPER présenteraient ainsi l'avantage de regrouper des financements sur un projet scientifique important et structurant dans un cadre régional . Cependant, l'appréciation stratégique diffère selon la Cour des comptes et la direction de la recherche.
La gestion de ces crédits implique la direction de l'enseignement supérieur ainsi que la direction des affaires financières. Cependant, des problèmes de coordination et de communication entre ces deux services problème ont débouché sur des difficultés d'exécution des CPER notamment pour les opérations sous maîtrise d'ouvrage d'Etat (la couverture en crédits de paiement des AP est de 61 % contre 65 % pour les autres). Par ailleurs, il convient de rappeler qu'entre 2002-et 2003 ces chapitres budgétaires ont fait l'objet de gels de crédits qui ont contribué au retard.
S'agissant des opérations immobilières, l'exécution des contrats de plan Etat-régions connaît un certain retard puisque selon la Cour des comptes, « il faudrait programmer 740 millions d'euros d'AP nouvelles en 2006, soit une augmentation de 370 % pour que l'Etat tienne ses engagements sur la période 2000-2006 ».
La Haute juridiction financière souligne également deux difficultés : d'une part, les opérations décidées en CIADT 1 ( * ) ne sont pas toujours assorties des modalités de financement par l'Etat, et d'autre part, la mobilisation du FEDER peut être longue et mettre en péril le schéma de financement.
L'enquête de la Cour des comptes montre également le rôle que peuvent jouer les établissements publics scientifiques et techniques, et plus particulièrement le Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Ainsi la politique du CNRS compte actuellement 34 opérations immobilières scientifiques dont 10 concernent la recherche universitaire pour un montant total de 15 millions d'euros. Il convient toutefois de souligner qu'au total « l'implication du CNRS dans les laboratoires mixtes ou associés aux universités dans le cadre des CPER porte sur près 67 millions d'euros ».
Par ailleurs, la Cour des comptes note que la prise de décision sur les projets suit « une procédure très stricte » et son expertise scientifique peut, dans certains cas, valider le projet pour l'ensemble de ces partenaires. Elle note également la précaution que prend l'institution de se doter de provisions qui lui permettent de faire face à des imprévus, réactivité que ne possède pas le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche .
La Cour des comptes relève cependant la nécessité pour le CNRS d'améliorer ses relations avec ses partenaires .
2. Les subventions d'équipement dans les CPER
Le volet « recherche et technologie » des CPER inclut les sommes consacrées à l'équipement pour la recherche, volet qui est piloté par la direction de la technologie au ministère .
Le financement de l'équipement est assuré par la direction de la recherche qui gère le chapitre budgétaire concerné ainsi que par le Fonds national de la recherche technologique (FNRT) et le Fonds national de la science (FNS).
L'exécution est jugée satisfaisante puisque, sur les 188,2 millions d'euros prévus par ces trois financements sur sept années (2000-2006), les délégations des cinq premières années s'élèvent à 130,2 millions d'euros, soit 69,2 % du montant initial . Une exécution parfaite des cinq premières années aurait conduit à un taux d'exécution de 71,4 % (les 5/7 ème théoriques). Seul le chapitre 66-71 accumule presque une année de retard.
La procédure concernant la sélection des équipements financés dans le cadre des CPER comprend la réunion d'un comité régional suivie d'une expertise nationale sous le pilotage de la direction de la technologie et des réunions de programmation. La ventilation entre les régions est inégale, ce qui s'explique par la nature des demandes initiales (constructions ou équipement) et le degré de maturité des projets.
Il convient toutefois de noter, que bien souvent, les opérations immobilières sont accompagnées d'un volet dit de premier équipement, ce qui peut rendre difficile l'identification de ces crédits.
La DATAR qui a conduit des travaux sur l'avenir des contrats plan Etat-régions a préconisé, que l'enveloppe « construction » puisse être différenciée de celle consacrée au « premier équipement », afin que ce dernier volet ne subisse pas les conséquences d'un dérapage dans les constructions. Selon la Cour des comptes, cette idée d'individualisation représenterait toutefois une rigidité supplémentaire.
B. LES INVESTISSEMENTS HORS CPER
1. Les contrats quadriennaux
Le contrat quadriennal, ou encore dit contrat d'établissement, comprend un volet « recherche » qui intègre depuis 2000 l'ensemble des organismes de recherche concernés.
Il se caractérise par des crédits fléchés sur les différentes unités de recherche. Un tiers des établissements reçoivent 90 % des crédits , ce qui s'explique par la volonté du ministère de « concentrer le maximum de moyens sur les meilleures équipes pour affronter la compétition internationale, sans perdre de vue l'accompagnement de la montée en puissance des universités périphériques ou l'émergence de jeunes équipes ». Ce chiffre de 90 % représente également l'inégal développement de la recherche dans les établissements. Cependant selon la Cour des comptes « la cohérence de la stratégie de la DR 2 ( * ) avec celle des autres financeurs n'est cependant pas complètement assurée ».
En 2003, ce sont 441 millions d'euros qui étaient inscrits au volet « recherche » des contrats quadriennaux, dont 279 millions d'euros étaient portés sur le chapitre 66-71 « subventions d'équipement à la recherche universitaire ». Il convient toutefois de remarquer que ce chapitre finance aussi bien du fonctionnement que de l'équipement.
2. Les investissements non financés par l'Etat
Il s'agit des financements de l'Union européenne, des collectivités territoriales et du secteur privé.
La Cour des comptes a développé le cas de la région Ile-de-France et plus particulièrement le programme SESAME (Soutien aux Equipes Scientifiques pour l'Acquisition de Moyens Expérimentaux).
Entre 1993 et 2003, dix appels à propositions ont été lancés, 246 projets ont été retenus et financés à hauteur de 62 millions d'euros. Le projet SESAME est ainsi représentatif d'une politique autonome de la région où se situe le plus important potentiel de recherche, l'Ile-de-France regroupant 41 % des chercheurs nationaux.
On peut remarquer que cette autonomie a été réaffirmée au printemps dernier par l'annonce d'un plan sur quinquennal pour la recherche et une augmentation de 27 % du budget consacré à la recherche en 2005 (92 millions d'euros).
Ceci montre la limite de la contractualisation qui ne peut épuiser toutes les initiatives en matière de recherche et qui, au demeurant, n'a pas vocation à encadrer toutes les initiatives.
Toutefois, face à cette situation de multiplication d'initiatives, la Direction de la recherche souhaiterait qu'un minimum de cohérence puisse être mis en place entre les différents positifs (critères d'excellence, procédures de sélection, stratégie de spécialisation scientifique).
III. L'IMPACT DE LA LOI ORGANIQUE DU 1ER AOÛT 2001 RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES (LOLF) SUR LES CREDITS D'EQUIPEMENT DE LA RECHERCHE UNIVERSITAIRE
Selon la Cour des comptes, les difficultés de recensement et d'identification des crédits destinés aux équipements de la recherche universitaire ne sont problématiques que si l'on souhaite faire de l'équipement un indicateur pour la recherche.
Dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les investissements au profit de la recherche universitaire seront inscrits au sein de la mission interministérielle « Recherche et Enseignement supérieur» dans le programme « Formations supérieures et recherche universitaire » piloté par la direction de l'enseignement supérieur.
Au sein de ce programme, l'action 14 « Immobilier » regroupera les crédits des anciens chapitres 56-10 « Investissements. Enseignement supérieur et recherche », 66-72 « Maintenance des bâtiments. Enseignement supérieur et recherche », et 66-73 « Constructions et équipement. Enseignement supérieur et recherche ». Elle concernera les opérations universitaires, que ce soit des constructions, le premier équipement, la maintenance, la sécurisation, l'entretien ou le fonctionnement courant des bâtiments. La distinction enseignement supérieur/recherche ne sera plus apparente.
Les crédits du chapitre 66-71 « Subventions d'équipement à la recherche universitaire » seront, quant à eux, éclatés entre six actions thématiques.
On peut sans aucun doute se féliciter de ce regroupement des crédits qui laissera aux gestionnaires une plus grande marge de manoeuvre, conformément à l'esprit de la LOLF .
Toutefois, le rapport conjoint de l'Inspection générale des finances, de l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche ainsi que du Conseil général des ponts et chaussées, relatif à la gestion immobilière et financière des universités, conduit à regarder avec circonspection cette nouvelle marge de manoeuvre .
En effet, ce rapport souligne, entre autre, la mauvaise maîtrise de la gestion du patrimoine immobilier aussi bien par les universités que par leur tutelle, tout comme il met en cause le système de financement jugé déresponsabilisant.
Parmi les préconisations, on notera la proposition de mettre en place des schémas directeurs immobiliers pluriannuels qui devraient « permettre la rationalisation des choix à opérer entre par exemple des extensions de surfaces, des reconstructions, des gros travaux, la mise en sécurité des bâtiments. C'est à la lumière de ces schémas directeurs que devraient être pris les différents engagements vis-à-vis des universités, en particulier ceux qui sont pris dans le cadre des CPER. 3 ( * ) ».
En conclusion, la Cour des comptes estime que l'utilisation les investissements en faveur de la recherche universitaire, en tant qu'outil d'une politique de recherche dépendra du rôle de la direction de la recherche dans un programme placé sous le contrôle du directeur de l'enseignement supérieur .
TRAVAUX DE LA COMMISSION
AUDITION DE M. FRANÇOIS GOULARD, MINISTRE
DÉLÉGUÉ À L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET
À LA RECHERCHE
M. JEAN PICQ,
PRESIDENT DE LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR DES COMPTES
MME CLAIRE BAZY MALAURIE,
CONSEILLER-MAÎTRE
MME JEANNE SEYVET,
CONSEILLER-MAÎTRE
M. MICHEL
DELLACASAGRANDE, DIRECTEUR DES AFFAIRES FINANCIERES AU MINISTERE DE L'EDUCATION
NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE
MME ELISABETH GIACOBINO,
DIRECTRICE DE LA RECHERCHE AU MINISTERE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE
L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE
M. JEAN MARC MONTEIL, DIRECTEUR DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR AU MINISTERE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE
Présidence de M. Jean ARTHUIS, président
Séance du 19 octobre 2005
Ordre du jour
Audition de M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche, accompagné de Mme Elisabeth Giacobino, directrice de la recherche, M. Jean-Marc Monteil, directeur de l'enseignement supérieur et M. Michel Dellacasagrande, directeur des affaires financières au ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche , et M. Jean Picq, président de la troisième chambre de la Cour des comptes , accompagné de Mmes Jeanne Seyvet et Claire Bazy-Malaurie, conseillers-maîtres.
La séance est ouverte à 15h30.
M. Jean Arthuis, président - Mes chers collègues, le président Valade va nous rejoindre dans quelques instants ; il est retenu en séance.
L'audition conjointe à laquelle nous allons procéder aujourd'hui est la douzième de ce genre et s'accomplit en application de l'article 58 2 de la loi organique sur les lois de finances, qui donne la possibilité aux commissions des finances de l'Assemblée Nationale et du Sénat de demander à la Cour toutes enquêtes qu'elles jugeraient nécessaires.
A ce titre, la Cour des comptes a transmis à notre commission, en juin dernier, une communication sur les subventions d'équipement à la recherche universitaire. J'avais transmis cette demande à la Cour, sur proposition du rapporteur spécial qui, depuis nous a quitté, Philippe Lachenaud.
Cette communication a également été adressée par voie de référé au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Je salue l'arrivée du président Valade.
Il m'a semblé, conformément à la procédure déjà suivie et afin de valoriser au mieux nos travaux communs avec la Cour des Comptes, qu'était nécessaire une audition conjointe de M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche que je remercie de sa présence de Mme Elisabeth Giacobino, directrice de la recherche, de MM. Jean Marc Monteil et Michel Dellacasagrande, respectivement directeurs de l'enseignement supérieur et des affaires financières, en présence de M. Jean Picq, président de la troisième chambre de la Cour des comptes et de Mmes Claire Bazy Malaurie et Jeanne Seyvet, conseiller maître, à la Cour.
Cette audition est ouverte à la presse afin d'assurer un débat le plus ouvert et le plus fructueux possible.
Notons que, dans la même perspective, les membres de la commission des affaires culturelles ont été invités à participer à cette discussion. Je remercie le président Valade d'avoir manifesté d'emblée autant d'adhésion à cette audition conjointe.
La communication de la Cour des comptes souligne tout d'abord la difficulté à cerner exactement le montant des crédits alloués aux subventions d'équipement à la recherche universitaire et ce même en ce qui concerne la simple participation de l'Etat.
Cela n'a pas dû être simple de conduire cette mission et peut être le président Pic nous dira t il à quelles difficultés pratiques lui même et les hauts magistrats ont été confrontés pour menée à bien cette mission, d'autant que la Cour vient de rendre public un rapport particulier consacré à la gestion de la recherche dans les universités.
Je me permets de souligner à quel point ces échanges sont importants puisque, dans quelques jours, le Sénat va devoir se saisir de votre projet de loi sur la recherche, Monsieur le Ministre. Le Sénat y accorde tant d'importance qu'au moins quatre commissions ont manifesté de l'intérêt pour l'analyse de ce texte. Sans doute y aura t il constitution d'une commission spéciale.
La Cour, dans ce rapport, examine ensuite la gestion de ces crédits dont la grande majorité est contractualisée à travers les contrats de plan Etat régions. Elle examine aussi les contrats quadriennaux. Enfin, elle étudie l'impact de la LOLF sur ces crédits.
Vous avez tous reçu, mes chers collègues, copie de l'enquête de la Cour, ainsi que des réponses formulées par le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche dans le cadre de la procédure contradictoire mise en oeuvre par la haute juridiction financière.
Dans cette perspective, je compte sur chaque interlocuteur pour présenter très brièvement ses principales conclusions et laisser toute sa place à un débat le plus interactif et constructif possible, qui peut d'une certaine manière constituer un prélude au prochain débat sur le projet de loi.
M. Jean Picq, président de la troisième chambre de la Cour des comptes, présentera dans un premier temps les conclusions du rapport communiqué à notre commission, puis M. le ministre, ainsi que les directeurs ici présents du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, pourront répondre aux observations de la Cour des comptes.
Enfin, je vous inviterai, mes chers collègues, ainsi que les membres de la commission des affaires culturelles à intervenir si vous le souhaitez.
Conformément à l'article 58-2 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, il nous appartiendra, à la fin de cette audition, de statuer sur la publication du rapport transmis et qui, sur le plan juridique, est une communication de la Cour des comptes.
La parole est donc à M. Jean Picq, président de la troisième chambre de la Cour des comptes.
M. Jean Picq - Merci, Monsieur le président.
Monsieur le Président, Messieurs les membres de la commission des finances et des affaires culturelles, Monsieur le Ministre, je vais m'en tenir à la demande qui nous est faite de vous présenter cette communication dans ses grandes lignes. Il s'agit bien des subventions d'investissement à la recherche universitaire, sujet précis qui a appelé de la part de la Cour une réponse précise dont je vais donner les grandes lignes, en soulignant d'entrée de jeu ce constat : connaître les investissements consacrés à la recherche dans les universités ne va pas de soi, pour plusieurs raisons que je me contente de mentionner.
La première, c'est qu'il faut distinguer en fonction de la nature des dépenses. Il y a des investissements immobiliers pour la recherche qui bénéficient aux universités et qui sont imputés sur le budget de l'enseignement supérieur, mais sans être identifiés en tant que tels.
Il y a les autres équipements, hors immobilier, portés par les lignes imputées sur le budget du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche mais, là encore, il s'agit soit d'opérations ponctuelles, soit de financements récurrents.
Ces lignes, pour des raisons de globalité, confondent l'équipement et le fonctionnement courant de manière à donner aux équipes - c'est le choix qui a été fait - la souplesse de gestion nécessaire, puisqu'il s'agit de lignes communes inscrites dans l'ancienne nomenclature budgétaire sous le titre VI du budget.
C'est une première difficulté : isoler l'investissement pour la recherche universitaire.
La seconde difficulté du sujet que le Sénat a souhaité que nous traitions, c'est qu'il y a multiplicité des outils contractuels : contrats de plan Etat régions, les contrats quadriennaux passés entre l'Etat les universités, auxquels s'adjoignent les grands établissements de recherche. Il peut y avoir aussi - la Cour n'y fait que discrètement allusion - les fonds ministériels dits « incitatifs ».
Enfin, ultime difficulté, même si dans la contradiction à laquelle vous avez fait allusion, le dialogue a été à la fois constructif et très efficace : plusieurs directions du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche sont concernées, à commencer par les trois ici présentes, qui interviennent dans ces affaires.
Voilà le constat.
Partant de cette difficulté, la Cour a souhaité adopter une démarche analytique. Je vous prie d'excuser le caractère technique de mes propos, mais la question est technique et j'y réponds avec - je l'espère - toute la rigueur voulue, en m'appuyant sur le travail qui a été fait, dont je voudrais dire un mot pour bien marquer son statut. Il s'agit d'un travail qui a été mené par une enquête longue, confiée à Mme Jeanne Seyvet.
Ce document, une fois élaboré, a été adressé à la contradiction des directions ici présentes du ministère de l'enseignement supérieur, mais aussi au CNSR, à la DATAR et au ministère du budget.
A la suite de leurs réponses, nous avons tenu compte de ces contradictions et élaboré le document qui vous a été remis.
Il s'agit donc bien d'un diagnostic partagé parce que contredit.
J'en viens aux trois parties de ce rapport avant d'aborder, en conclusion, les deux problématiques qui me paraissent mériter que l'on y insiste un instant.
La première partie essaye de cerner les masses financières en jeu.
Elle montre que si l'on s'en tient aux estimations de la direction de l'évaluation et de la prospective du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, l'investissement pour la recherche a été, en 2002, de 521 M€, soit 11 % de la dépense pour la recherche universitaire, qui est estimée à 4,184 Md€ et qui comprend les rémunérations des enseignants chercheurs.
Dans ces 512 M€, 462 vont à l'équipement et 59 à l'immobilier.
Ce chiffre ne tient pas compte des investissements qui sont faits par les grands établissements de recherche, par exemple le CNRS.
Le rapport signale, dans un souci d'exhaustivité, que les régions interviennent de plus en plus. Nous avons estimé qu'en moyenne, c'était à peu près 75 M€ par an pour l'immobilier et 50 M€ pour l'équipement.
Enfin, au titre de diverses autres rubriques, le ministère consacre, qu'il s'agisse des équipements inscrits dans les contrats de plan Etat régions, de ce qui figure dans les contrats quadriennaux ou de ce qui est inscrit au titre des opérations immobilières, environ 140 M€ par an.
J'aborde maintenant les deux parties qui répondent à la commande exacte du Sénat : comment se déroulent et s'exécutent les contrats de plan Etat-régions et les contrats quadriennaux ?
S'agissant des contrats de plan Etat-régions, qui couvrent la période 2000 2006, nous nous sommes intéressés à l'exécution des investissements de recherche et avons distingué les opérations immobilières et les subventions d'équipement.
Que souligne le rapport qui mérite d'être signalé ?
Tout d'abord, il y a 163 opérations immobilières qui représentent 676 M€ dans les contrats de plan Etat régions au titre des universités, sur près de 2.000 opérations, soit environ 13 % du montant et des opérations.
La Cour note que l'imputation des opérations à la recherche des universités ne va pas de soi.
Par exemple, l'opération réalisée au titre de la grande université Paris VII sur la zone de Tolbiac est inscrite au titre de l'enseignement supérieur alors que, manifestement, elle a une dimension recherche.
Seconde constatation : la Cour observe que, lorsqu'on regarde l'exécution des contrats de plan Etat régions, ces opérations immobilières sont financées à 49 % par l'Etat et à 41,5 % par les régions.
Elle note que les régions les plus actives sont celles qui ont le plus gros potentiel de recherche : Rhône Alpes, l'Ile de France, PACA et Midi Pyrénées.
Elle constate que ces opérations immobilières qui sont dans les contrats de plan Etat-régions ont souvent pu être le levier de ce que l'on appelle de manière un peu prétentieuse des « opérations stratégiques ».
Par exemple, le rapport signale l'effort fait à l'université Paris-Sud en ce qui concerne l'optique, ce qui est fait en Midi-Pyrénées en matière de valorisations agricoles non alimentaires ou en Rhône-Alpes en matière d'imagerie fonctionnelle et métabolique.
S'agissant de l'exécution budgétaire, le rapport note que, si les régions tiennent leurs engagements, ce n'est pas le cas de l'Etat, dont la gestion budgétaire a été marquée par des gels de crédits. Par ailleurs, un mauvais suivi de l'exécution faute d'une base de données partagée avec les rectorats, a pu conduire à d'importants retards.
Nous signalons, à la page 22 du rapport, qu'en 2003, le taux d'exécution des opérations immobilières était de 52,55 %, que le retard était déjà de plus de 100 M€ et qu'en 2004, ce même taux d'exécution atteint un peu moins de 60 %, alors qu'il aurait dû atteindre 71,4 %, soit un retard proche de 270 M€. Dans la réponse qu'il nous a adressée, le ministère nous a précisé que l'enveloppe pour 2005 serait fixée à 158 M€. La Cour en déduit qu'il faudrait un accroissement très important pour l'année 2006, dernière année des contrats de plan Etat-régions, pour que l'Etat soit en mesure de tenir ses engagements.
En ce qui concerne l'équipement, qui est suivi par la direction de la technologie, le rapport note que l'exécution est en revanche globalement satisfaisante et que les régions ont été inégalement servies parce que les projets sont d'une maturité qui varie et avec des investissements d'une taille qui va de quelques milliers à quelque centaines de millions d'euros.
Le rapport cite l'exemple très remarquable du projet Minerve à Orsay, où quinze laboratoires regroupant 200 chercheurs, 40 techniciens et 30 doctorants se sont associés, financés par huit sources différentes.
Enfin, toujours dans cette deuxième partie, le rapport note que, dans l'ensemble, le couplage entre les opérations immobilières et les opérations d'équipement se fait correctement, avec des exceptions qui ont été notées à Grenoble et à Paris VII, pour des raisons d'insuffisance de crédits.
La troisième partie évoque les investissements de la recherche universitaire dans les contrats quadriennaux, second volet de la commande que vous nous aviez faite.
La Cour fait deux constatations principales. La première est que les contrats quadriennaux qui comportent un volet recherche sont pour l'essentiel « fléchés » et constituent l'instrument privilégié de pilotage sélectif de la direction de la recherche. Dans ces contrats, la part recherche est estimée à 441 M€ et concerne aussi bien l'équipement que le fonctionnement.
Les autres financeurs que sont l'Union européenne et les régions interviennent aussi par ailleurs dans la recherche universitaire. Le rapport signale qu'à côté de ces contrats quadriennaux se développent, à l'initiative des régions, des programmes sur appels d'offres, avec des propositions sélectionnées dans des conditions d'impartialité s'adressant à tous les acteurs de la recherche, les grands établissements scientifiques et les universités. Il évoque ainsi le programme SESAME - Soutien aux Equipes Scientifiques pour l'Acquisition de Moyens Expérimentaux dédiés à des équipements mi lourds - financé par la région Ile-de-France. En dix ans, dans le cadre de ce programme, 246 projets ont été retenus pour un montant de 62 M€.
Nous avons estimé, à partir de ce que nous avait indiqué la région Ile-de-France, à 22 M€ le total des subventions accordées aux universités en dix ans.
La Cour observe que le fait que la région où se situe le plus fort potentiel de recherche ait choisi de mener une politique autonome montre bien le changement important du paysage et donc les limites, au sens intellectuel du terme, de la contractualisation entre l'Etat et les régions puisque, à côté des CPER et des contrats quadriennaux se développent maintenant des initiatives faisant l'objet de financements propres aux régions.
En conclusion, le rapport pointe deux problématiques que je voudrais rapidement évoquer. La première concerne la mise en oeuvre de la LOLF.
La Cour constate que la nouvelle architecte budgétaire n'offre pas de solution à la difficulté que ce rapport a relevé en ce qui concerne le recensement des crédits affectés à la recherche dans les universités, ce qui peut poser à l'évidence un problème si on estime --ce qui est à débattre- que l'équipement peut être un indicateur d'efficience pour la recherche.
La Cour reprend surtout une observation que la commission des finances du Sénat et le ministère connaissent concernant le choix qui a été fait de présenter la recherche universitaire dans le fameux programme I « formation supérieure et recherche universitaire », piloté par la direction de l'enseignement supérieur et séparé des programmes des autres organismes publics de recherche : le programme III « recherches scientifiques et techniques pluridisciplinaires » qui vise notamment le CNRS, le CEA, piloté par direction de la recherche, le programme IV, qui touche à la recherche dans la gestion des milieux et des ressources, qui vise notamment l'INRA, le SEMAGREF, mais aussi l'IFREMER, le CIRAD et l'IRD, piloté par la direction de la technologie.
Les actions 6 à 12 de ce programme I « recherche universitaire » sont ventilées selon les mêmes thèmes que celles du programme III. On distingue par exemple les sciences de la vie, les mathématiques, la physique, les sciences humaines et sociales, mais les trois batteries d'indicateurs retenues pour ces trois programmes, certes sur le même modèle, ne sont pas bâties de manière identique. La consolidation de ces indicateurs de la mission « recherche » ne nous paraît donc ni acquise, ni aisée.
Pour ce qui concerne, l'immobilier, qui était un des thèmes de ce rapport, la Cour observe que les crédits concernant les opérations immobilières sont regroupés au sein d'une action 14 « immobilier » du programme I et continueront donc d'englober toutes les opérations immobilières, qu'elles soient ou non consacrées à la recherche.
En revanche, une souplesse de gestion sera donnée, puisque cette action 14 couvrira aussi bien les constructions que le premier équipement, la maintenance ou la sécurisation.
Enfin, les crédits de l'ancien chapitre 66-71, consacrés aux moyens des laboratoires, se trouveront ventilés entre les six actions qui constituent les thèmes de la recherche universitaire, au sein du même programme et toujours sans distinguer entre l'équipement et le fonctionnement. De ce fait, nous concluons en disant que la question de la place des investissements dans la recherche universitaire en tant qu'outil d'une politique de recherche - qui était le coeur de votre préoccupation - reste liée au rôle que jouera la direction de la recherche dans un programme dont le responsable est le directeur de l'enseignement supérieur.
La seconde problématique touche à la multiplicité des instruments contractuels liés à la transformation considérable que notre pays a connu depuis vingt cinq ans avec la décentralisation : CPER, contrats quadriennaux, financements incitatifs de l'Etat, qui vont maintenant connaître une nouvelle aventure à travers l'Agence nationale de la recherche, financements incitatifs des régions.
Le rapport souligne que l'Etat gère déjà deux dispositifs contractuels autonomes. Il est clair que le paysage qui vient d'être décrit accentue encore le sentiment de dispersion.
La Cour souligne que cette dispersion n'a pas échappé aux instances gouvernementales et que la DATAR a, il y a deux ans, lancé une réflexion sur ce que pourrait être l'articulation entre ces instruments contractuels.
Elle a également noté que le CIAT de décembre 2003 a esquissé des scénarios d'évolution des contrats de plan Etat régions qui tirent la leçon de cette difficulté en évoquant soit de nouveaux contrats de plan qui seraient limités à un nombre restreint de politiques, soit des documents plus larges, qui seraient à moyen terme et qui laisseraient à l'Etat et aux régions une plus grande liberté de contractualisation.
Dans ce cadre, la direction de la recherche a souligné qu'au-delà des problèmes politiques d'articulation, il y avait au minimum des exigences communes à respecter pour l'allocation des fonds : d'une part l'attribution sous des critères d'excellence, d'autre part la qualité des procédures et leur impartialité ; enfin le souhait que ces opérations, quel que soit le financeur, s'intègrent dans une stratégie scientifique commune.
Monsieur le président, permettez-moi en concluant ce bref exposé d'exprimer deux souhaits. Le premier, c'est que la Cour, par son travail, ait tenu son office, c'est à dire qu'elle ait donné au Parlement, mais aussi au ministère et au ministre qui a reçu copie de la communication, des clefs d'identification des problèmes.
Derrière son apparence technique, il me semble que ce rapport soulève des questions essentielles : celle de l'architecture budgétaire présente et à venir, dont nous avons souligné la complexité, l'intrication ; celle du pilotage, du fait de la multiplicité des directions concernées ; celle des instruments contractuels existant et évoluant du fait des nombreux acteurs; enfin, celle de la connaissance et des systèmes d'information, puisqu'il n'existe pas actuellement, à notre connaissance, de système qui permette d'avoir un référentiel commun pour partager l'information.
Le second souhait est que cette identification des questions, opérée à partir d'un diagnostic établi de manière contradictoire, permette au débat politique de se nouer entre le Gouvernement et le Parlement sur la manière d'y répondre. Dans sa mission d'assistance au Parlement, la Cour a pour règle d'or de s'en tenir à ce que ce mot signifie : aider et non se substituer, en se plaçant sur un terrain qui n'est pas le sien, celui des réponses politiques à un inventaire dont vous aurez relevé qu'il est d'une rare complexité et qu'il porte pourtant sur un sujet d'une importance qui n'échappe à personne.
Je vous remercie.
M. le président - Merci.
Nous n'allons pas commenter votre rapport. Le premier qui peut le faire, c'est le ministre chargé de la recherche.
J'invite M. Goulard à s'exprimer maintenant.
M. le ministre - Merci.
Mesdames et Messieurs, je vous remercie de m'entendre sur ce sujet majeur que nous abordons sous un angle extrêmement technique.
Mon intervention s'inscrit dans un double contexte, et d'abord dans celui de la loi organique. Il est clair qu'un rapport de la Cour des Comptes demandé par des commissions parlementaires est aujourd'hui un instrument majeur qui permet d'éclairer le dialogue nécessaire, voulu par le législateur, entre le Parlement et l'exécutif sur l'utilisation des fonds publics.
Nous sommes donc là dans une relation de dialogue entre l'exécutif et le législatif qui doit devenir parfaitement normale et habituelle, la Cour des Comptes apportant son éclairage. Nul doute que ce type de rencontre sera appelé, à l'initiative des commissions du Parlement, à se multiplier.
Le second contexte est celui de ce que le Premier ministre a appelé le « pacte pour la recherche » : la prochaine présentation, probablement devant le Sénat, du projet de loi sur la recherche, une attention portée à la recherche scientifique, qui donne du relief aux questions dont nous traitons cet après midi.
Je voudrais ajouter que la Cour vient de publier un rapport public particulier sur la recherche universitaire dont je me permets de dire, même si ce n'est pas l'objet de notre discussion, qu'il constitue un travail qui n'a pas de précédent et qui permet d'éclairer la recherche universitaire de manière extrêmement complète, quelquefois très critique, mais en tout cas riche d'enseignements pour la politique que nous entendons conduire.
Cela étant dit, il y a en effet de vraies difficultés à cerner le montant et l'utilisation des subventions d'équipement dans la recherche universitaire. Les sources de cette complexité, de ces difficultés, ont été à l'instant largement exposées.
Vous le savez, au sein de l'université, deux missions sont de plus en plus inséparables, l'enseignement supérieur et la recherche. Il n'y a pas d'enseignement supérieur digne de ce nom qui ne soit étroitement connecté à la recherche. Cela a des conséquences sur la gestion budgétaire et sur la gestion des équipements : un bâtiment de recherche, à l'université, est aussi un bâtiment d'enseignement.
La distinction entre les missions de l'université est à peu près impossible et relève dans un certain nombre de cas d'une distinction forfaitaire ou de règles qui ont leur part d'arbitraire.
Seconde difficulté : les outils que nous mettons en oeuvre pour allouer des ressources à la recherche universitaire.
Deux logiques se croisent sans s'affronter, celle des contrats de plans Etat-régions, au sein desquels l'Etat entend retracer ses cofinancements d'équipements avec les collectivités territoriales, qui sont des outils de présentation et de mise en oeuvre de politiques à dimension territoriale en relation avec des collectivités locales et, d'autre part, celle des contrats quadriennaux, qui sont des outils extrêmement importants pour nous dans la conduite de la politique universitaire.
Deux outils, donc, deux objectifs qui ne sont pas identiques, avec des rythmes et des périodes de temps qui ne sont pas les mêmes.
La conclusion des contrats quadriennaux s'étale en trois vagues. Les contrats durent quatre ans ; les CPER n'ont ni la même durée, ni la même date de déclenchement.
Les observations de la Cour sont totalement fondées ; elles recueillent notre approbation et tout ce qui a été dit par le président Picq correspond très exactement à la réalité.
Je voudrais apporter quelques précisions sur des points évoqués à l'instant.
Le FNS et le FRT sont en effet des fonds en voie d'extinction du fait de la création de la nouvelle Agence nationale de la recherche. Aucune autorisation d'engagement ne figure plus au sein de ces fonds et les crédits de paiement correspondant aux « services votés » sont aujourd'hui supportés par le budget de l'Agence nationale de la recherche. C'est ainsi que se fait la transition entre le système ancien d'intervention directe de l'Etat et le système nouveau d'appels à projets géré par l'ANR.
Dans les constatations de la Cour, il y a, de façon sous jacente, le fait que des données résultent de la comptabilité de l'Etat et, d'autre part, d'enquêtes faites par la DEP, au ministère. Elles n'ont pas une valeur comptable mais statistique. Nous reconnaissons bien volontiers qu'elles pourraient être améliorées en qualité et en rigueur.
Concernant les contrats de plan-Etat régions sur la période 2000-2006, le retard est incontestable. Ce n'est pas une excuse, mais une réalité ; le retard est toutefois moindre que dans d'autres secteurs. On peut considérer que, dans le domaine des universités, l'exécution est plus satisfaisante que la moyenne puisqu'à la fin 2006, s'agissant des autorisations d'engagement, nous aurons atteint un taux d'évolution de 84 %. Sur un montant total de 2,185 Md€, 1,831 Md€ auront ainsi été engagés.
Nous avons en effet des difficultés particulières en Ile-de-France, où le programme SESAME n'a pas toujours été bien coordonné avec les contrats quadriennaux et, d'une façon plus générale, avec les moyens de l'université. C'est une réalité : la coordination a été déficiente.
Il est certain que l'intervention croissante des collectivités territoriales peut amener un certain nombre de désordres. D'un autre côté, je crois souhaitable que les collectivités territoriales qui en ont l'intention puissent soutenir les efforts de recherche, qui ont des conséquences sur l'économie régionale nul ne peut le contester.
Une bonne coordination est évidemment préférable. En particulier, un financement territorial ne doit pas permettre d'acquérir un équipement dont le fonctionnement ne serait pas garanti par des inscriptions de crédits dans les contrats quadriennaux ou dans les moyens généraux de l'université. Il y a là une vraie source de difficultés même si, dans le principe, nul ne peut contester le droit et l'opportunité d'une intervention des collectivités territoriales.
Quant à la mise en oeuvre de la LOLF, il est exact que les crédits de l'université sont financés au travers du programme 1 et, d'autre part, les crédits de la recherche au sein des programmes 3 à 6 de la MIRES. Il n'y aura jamais de solution totalement satisfaisante, il faut en être conscient. Nous avons d'une part une direction chargée de suivre les universités dans leur généralité, dans l'ensemble de leurs fonctions, tant d'enseignement supérieur que de recherche et, d'autre part, la recherche qui est conduite par les universités, très fréquemment en association avec de grands organismes de recherche au sein des universités mixtes.
Il y a donc nécessité d'une double approche, d'un double rattachement, tant il est vrai qu'il existe des établissements publics avec cette double mission et que l'on impulse aussi des politiques de recherche. Les deux devant se croiser, il faut qu'il y ait coordination, car il ne peut y avoir séparation.
La conclusion que j'en tire à ce stade est que nous avons affaire à des réalités complexes, à des politiques qui ne peuvent se réduire à des notions et donc à une organisation par trop simplifiée qui n'est pas à mon sens accessible.
Les objectifs ne peuvent être réduits à un seul. Il faut donc que nous ayons des outils de suivi, des outils de gestion, des outils d'information qui permettent de retracer ce qui se fait en fonction de la vision que l'on veut en avoir.
On sait que, dans les organisations générales, quelles qu'elles soient, il y a de la complexité. Les outils de comptabilité générale sont globalisants et il existe des systèmes d'information qui permettent d'avoir des visions adaptées aux politiques que l'on entend poursuivre.
Je me réjouis du travail qui a été fait à l'initiative du Sénat par la Cour des Comptes et je voudrais formuler le voeu qui s'exprime dans la devise de la Cour : « Dat ordinem lucendo ».
M. le président - Merci.
Vous évoquiez à la fois le recours à la comptabilité, puis à des données statistiques. Est-ce à dire que vos systèmes d'information ne sont pas vraiment adaptés au pilotage et que, sans les surestimer, il y a là comme une déficience ?
M. le ministre - Le terme de déficience est peut être fort, mais l'université et la recherche ne font pas exception à une règle très générale au sein de l'Etat : nous avons des progrès à faire en termes d'outils de gestion et d'information. Cela me paraît non seulement une évidence absolue, mais aussi une nécessité d'aller plus loin et de faire mieux.
Un des grands objectif de la future loi sur la recherche -c'est un point qui est mis en exergue par le rapport public particulier de la Cour- est la nécessité de progresser dans l'évaluation de cette recherche. Il n'y a pas d'évaluation s'il n'y a pas, d'une façon ou d'une autre, de mesure des coûts financiers.
Or, les coûts financiers ne peuvent être ni parcellaires, ni partiels. Il faudra donc, au fil du temps, que nous améliorions nos systèmes d'information. La LOLF, de ce point de vue, si elle fournit un cadre favorable, ne résout évidemment pas tous les problèmes, notamment quand on entre dans un détail comme celui là, avec cette difficulté de définir des missions et des programmes qui doivent s'adapter à des objectif multiples, et nous avons bien, en l'occurrence, des objectif multiples.
Le débat sur les indicateurs est un autre débat. Nous aurons à peaufiner les indicateurs au fil du temps. Nous savons bien, les uns et les autres, que ce qui a été fait dans une première étape demandera à être examiné à l'issue d'une première phase, qui permettra d'avoir une observation critique sur les indicateurs et leur pertinence. Un autre aspect est celui des outils de gestion et d'information.
M. le président - La réforme du système d'information est elle à l'oeuvre ou est ce de l'ordre l'incantation ?
M. le ministre - Mesdames et Messieurs les Directeurs...
M. Michel Dellacasagrande - Il y a deux réformes du système d'information. La première touche l'ensemble du budget de l'Etat dont l'éducation nationale n'a pas la maîtrise d'oeuvre, qui revient aux finances. Il s'agit de l'application ACCOR qui sera applicable à l'éducation nationale comme à l'ensemble des ministères.
Il existe un second niveau, qui est celui des systèmes d'information des universités. Il va effectivement falloir que nous adaptions nos systèmes d'information concernant les universités, notamment budgétaires et comptables, à la nouvelle loi organique.
ACCOR va déjà permettre, lorsqu'il fonctionnera, d'avoir des informations bien plus riches que les informations que nous avons aujourd'hui.
M. le ministre - Un très gros travail est engagé, mais non achevé. Pour l'illustrer, je voudrais décrire les sources de financement d'un laboratoire universitaire.
Aujourd'hui, un laboratoire universitaire, dans la majorité des cas, est ce que l'on appelle une unité mixte, qui fait intervenir l'université avec des enseignants chercheur, mais qui est également une unité rattachée à un organisme de recherche par exemple le CNRS, l'INSERM ou l'INRA lesquels apportent à cette unité leurs chercheurs et ingénieurs.
Il peut y avoir des financements issus des collectivités territoriales, qui peuvent être fléchés ; c'est souvent le cas quand une collectivité territoriale décide de s'impliquer dans telle ou telle thématique de recherche.
L'unité en question va en outre concourir pour des appels à projets de l'Agence nationale de la recherche. Elle peut, si elle est retenue, recevoir des financements également fléchés, qui vont permettre à cette unité de recherche de conduire un certain nombre de travaux, acheter des matériels nouveaux et avoir des crédits de fonctionnement.
La même unité de recherche peut concourir, seule ou avec d'autres, à un appel à projets européen dans le cadre des programmes cadres de recherche développement. Elle peut également être destinataire de fonds européens pour des recherches conduites en son sein.
Enfin, il n'est pas exclu qu'elle contractualise avec des entreprises pour des projets qui peuvent intéresser l'économie privée.
Nous avons donc une multiplicité de sources de financement. Il faut absolument que nous ayons des outils qui permettent de retracer ce qui se passe à l'échelle la plus intéressante, celle de l'unité de recherche, dont tout dépend. C'est elle qui est efficace ou qui ne l'est pas ; c'est elle qui est le noyau de la recherche universitaire ; c'est son activité que l'on va chercher à évaluer et c'est son coût et l'origine de ses financements qu'il faut impérativement retracer.
M. le président - La parole est au président Valade, qui doit retourner en séance publique.
M. Jacques Valade - Merci.
Effectivement, la séance publique m'appelle : nous examinons le projet de loi sur la lutte contre le dopage, qui relève de la compétence de notre commission, et j'aimerais entendre la réponse du ministre à l'issue de la discussion générale sur ce texte.
Monsieur le Président, je voudrais vous remercier de nous avoir associés à cette audition des magistrats de la Cour des comptes, du ministre et de ses collaborateurs.
Nous sommes en effet, comme vous même, préoccupés à la fois par le contenu de la loi de programme que MM. François Goulard et Gilles de Robien nous ont présenté récemment et que nous allons bientôt étudier, après que le Conseil économique et social ait rendu son avis.
Nous sommes préoccupés parce que les moyens que le Gouvernement va mettre à la disposition de la recherche française ne peuvent s'accommoder ni d'improvisation, ni de la pérennisation du système actuel.
L'effort qui a été fait, à la fois de normalisation et d'organisation de la recherche, n'aura de sens - et la réponse qu'il vient de faire à l'instant est significative - que dans la mesure où le potentiel de recherche français, qui n'est pas négligeable, saura se retrouver dans les méandres de l'organisation actuelle.
Il est évident que nous sommes favorables à un renforcement des procédures, mais également des moyens de distribution des crédits nécessaires.
Nous sommes par conséquent très favorables à l'Agence nationale de la recherche et à l'Agence d'évaluation de la recherche, mais nous sommes soucieux de simplification et nous aurons l'occasion d'avancer des solutions alternatives dans le cadre de la commission spéciale qui devrait être créée.
En effet, comment voulez-vous qu'un chercheur qui n'est pas expérimenté, le patron d'une équipe, tout particulièrement d'une jeune équipe, puisse se retrouver dans ce que M. François Goulard a parfaitement décrit - avec une maîtrise que j'apprécie, car il y a peu de temps qu'on lui a confié ce dossier - entre les crédits de l'enseignement supérieur, les crédits du CNRS (ou de l'INSERM suivant la nature des recherches concernées), la possibilité de contracter avec les autorités locales, notamment régionales, l'accès à des crédits européens et, désormais, la nécessité de concourir - dans le cadre des objectifs définis par le Haut conseil de la science et de la technologie - aux crédits disponibles au sein de l'Agence nationale de la recherche?
Tout cela est excellent, se développe de façon rationnelle, mais nous sommes en France apparemment incapables - je rejoins les observations de la Cour - de simplifier nos dispositifs, de remédier à leur empilement et, de ce fait, à la dispersion que cela entraîne pour le chercheur. Alors que ce dernier devrait se consacrer à la recherche, une grande partie de son temps est investie dans la maîtrise des procédures, dans le cadre d'objectifs que je trouve par ailleurs très bien définis.
Il y a là une perte de temps que nous déplorons les uns et les autres.
M. le président - Nous, c'est simple, parce que ce n'est pas vérifiable ! La qualité du système d'information est telle que l'on n'a pas besoin de se poser trop de questions !
M. Jacques Valade - Mais, nous qui sommes des intellectuels et non des financiers, nous essayons de comprendre et nous avons un peu de peine, Monsieur le Ministre.
M. le ministre - L'analyse du président Valade est évidemment parfaitement pertinente et son expérience permet de l'asseoir sur des constatations qu'il a faites depuis longtemps.
Il y a aujourd'hui, dans le monde de la recherche et dans le monde entier, une multiplicité de sources de financement. Il existe, dans tous les grands pays de recherche à travers le monde, des sources variées de financement et les équipes sont habituées à avoir recours à des agences diverses. Cela s'appelle des appels à projets. C'est le cas en Europe et sur le plan national, mais tous les pays de recherche sont confrontés à cela.
On peut faire en sorte que ces sources de financement multiples ne soient pas sources de complexité quotidienne pour les chercheurs. C'est le cas de la réforme que nous allons généraliser, qui est celle du mandataire unique, même en cas de présence de plusieurs financeurs dans une unité mixte.
On doit, davantage qu'aujourd'hui, soulager les équipes de recherche des tâches administratives. Nous parlons actuellement, au sein du ministère, du renforcement de l'administration des universités. Aujourd'hui, l'administration d'une université n'est pas suffisamment musclée pour répondre aux impératifs extrêmement nombreux, parfois contradictoires et en tous cas d'une importance vitale pour l'avenir du pays. Il faut absolument que nous relevions le niveau des secrétariats généraux d'universités, qui n'est pas suffisant.
M. le président - Un de vos prédécesseurs, interrogé à propos d'une éventuelle réduction des crédits des universités, à qui l'on demandait comment il allait répartir la centaine de millions de trésorerie disponible globalement, avait répondu qu'il allait la répartir proportionnellement aux crédits de chaque université, car il était incapable de savoir ce qui se passait dans chacune d'elles !
M. le ministre - Il est exact qu'un certain nombre d'université ne voient clair ni dans leurs prévisions, ni dans leur exécution budgétaires. On a des surprises : quand on dialogue avec des présidents d'université, certains ne savent pas quelle est la situation financière de celle ci. Ce n'est pas à eux d'être totalement capables de le dire et de le faire, mais ils doivent avoir auprès d'eux des administrateurs capables de leur donner en permanence un état de la situation financière de l'université. Or, ce n'est par toujours le cas.
Nous devons aussi faire en sorte que notre administration centrale s'organise en fonction de réalités nouvelles. Il faut - et c'est l'objet d'une réforme en cours - avoir un pilotage des nouveaux outils qui assurent une cohérence. Aujourd'hui, nous n'avons non pas besoin d'un renforcement numérique, mais de muscler notre administration.
Il y a cependant, contrairement aux apparences, de vraies mesures de simplification. L'Agence de l'évaluation peut paraître un organe supplémentaire. En réalité, c'est une simplification par rapport à la multiplicité des systèmes d'évaluation existants. Nous allons supprimer le CNE et le CNER en même temps que nous créons l'Agence.
Nous allons faire travailler l'Agence de l'évaluation avec deux principes, un principe d'universalité - tout est évalué et un principe d'unité - tout est évalué avec les mêmes instruments de mesure. C'est une vraie simplification, mais le défi est réel.
M. le président - La parole est à Mme Giacobino.
Mme Elisabeth Giacobino - Monsieur le Président, en réponse à votre question sur les échelles de temps concernant la mise en place d'outils informatiques, je voulais préciser que nous travaillons dessus actuellement. Nous avons, au ministère, un outil informatique qui n'est pas assez performant, appelé SIREDO. Nous sommes en train de travailler sur la version SIREDO III, qui permettra un partage et une remontée des informations directement des établissements universitaires.
Une fois que cet ensemble sera mis en place avec un workflow correct, nous aurons les outils souples et performants qui nous permettront de répondre, comme disait M. le ministre, aux objectifs et aux interrogations politiques sur l'utilisation des crédits et des moyens.
M. le président - C'est vraiment la réforme de fond du système d'information et non un palier 2006 pour faire des retraitements et donner l'impression que l'on respecte la LOLF.
Mme Elisabeth Giacobino - C'est un vrai besoin, nous en sommes bien conscients, mais c'est un investissement important. Les grandes entreprises sont également en train de rendre leur système d'information beaucoup plus performant. Tout cela doit être externalisé. On ne peut le faire en interne. C'est fait par des entreprises spécialisées.
M. le président - Si, dans un an, on vous pose les mêmes questions...
Mme Elisabeth Giacobino - Nous devrions avoir progressé largement.
M. le président - J'en accepte l'augure.
La parole est aux rapporteurs spéciaux.
M. Maurice Blin, rapporteur spécial - Une observation modeste, qui m'est soufflée par le propos que tenait à l'instant M. le ministre.
Vous avez dit - et vous avez raison - qu'au plan non seulement national, mais européen et mondial, le financement des grands, coûteux et longs projets de recherche est multiple. La simplicité d'hier est morte et on a maintenant affaire à un, deux, trois, quatre financeurs différents.
Cela me paraît être l'un des problèmes les plus difficiles à gérer car s'il n'y a pas, dans des opérations aussi ambitieuses et risquées, un critère de réussite, de progrès, d'évaluation, tout ceci peut durer longtemps sans résultat vraiment palpable. A terme, au bout d'un an, deux, trois, peut être plus, il faut une évaluation accompagnée de conséquences, d'effets, de sanctions.
Nous butons là sur un problème qui ne tient pas au débat de ce soir, mais au fait que l'habitude a été prise de payer, de chercher, de trouver quelquefois des exemples comme ceux du CEA sont à cet égard tout à fait parlants. Parfois, on ne trouve pas et cela peut durer un certain temps ; dès lors, lassé de financer des opérations sans visage, l'Etat est susceptible de dire : « Cela suffit : on arrête ». Mais non, il faut continuer à chercher pour enfin trouver !
En d'autres termes, la mollesse, la faiblesse des instruments d'évaluation et de sanctions des investissements faits dans la recherche en université - surtout en université - me paraît un des points faibles de ce dispositif.
Envisagez-vous que l'on puisse, demain, conduire ces difficiles opérations avec plus de rigueur, d'obéissance au résultat qu'aujourd'hui ? En tout cas, ailleurs, c'est le cas. Les investisseurs sont souvent l'Etat fédéral, mais aussi de grandes entreprises qui poursuivent le résultat, le profit. Sera ce le cas demain ? Si c'est le cas, comment cette opération sera t elle conduite ?
Vous allez parler d'un mandataire unique. C'est une excellente idée. Qui sera-t-il ? Pourrait-il être non universitaire ? Sera-ce l'Etat ? L'Etat n'est pas capable de tout ! Cela me paraît difficile. Qui, demain, pourrait incarner la validité de cette fonction nouvelle qu'on appelle mandataire unique ?
M. le ministre - Une réflexion d'ensemble et deux réponses...
On ne peut pas juger de la valeur d'une recherche à la même aune suivant qu'il s'agit d'une recherche fondamentale ou d'une recherche finalisée. Il y a, là encore, des réalités assez complexes et différentes.
L'évaluation est un art en soi, qui va retenir des critères différents, suivant que l'on est dans un domaine de sciences dures ou de sciences humaines, que l'on est en recherche fondamentale ou en recherche proche de l'application.
Je ferai deux réponses à votre préoccupation. La future Agence de l'évaluation va évaluer l'ensemble des organismes de recherche qui fonctionnent sur subventions ou sur crédits publics, mais il y aura des conséquences. Il faut avoir le courage de dire que l'évaluation a un sens si elle sert de support à l'allocation des ressources, faute de quoi l'évaluation est purement académique et sans aucune impact !
L'évaluation est faite pour que les meilleures équipes aient le maximum de ressources. C'est là le vrai sens de l'évaluation.
Naturellement, ce n'est pas parce que l'on a mis cela dans la loi que l'exécution est conforme. Il faudra que nous assurions jour après jour - et que les assemblées parlementaires en fassent le bilan régulièrement - qu'il y a bien une politique d'évaluation de la recherche, fondamentale ou appliquée, avec des critères qui peuvent varier. En sciences dures et en recherche fondamentale, ce sont les critères de publication qui vont prévaloir. En recherche appliquée, c'est la capacité à avoir des contrats avec des entreprises qui va être le critère de réussite, mais il y aura un système cohérent, un système d'ensemble, qui aura des conséquences sonnantes et trébuchantes.
Seconde réponse : il faut absolument concilier deux objectifs. Le premier, c'est de donner une sérénité aux chercheurs. On n'est pas chercheur comme on est commercial - et j'ai de l'estime pour les deux métiers, qui sont aussi nécessaires les uns que les autres.
Le chercheur a besoin de sérénité. Il faut une permanence au financement de la recherche et une récurrence dans le financement des organismes de recherche et des équipes mais, en même temps, on doit avoir une part du financement qui dépend de la qualité de la recherche et de la capacité à présenter des projets intéressants.
C'est tout le sens de cette Agence de la recherche qui lance aujourd'hui - les crédits commencent à arriver - des appels à projets. Les équipes sont en compétition, il existe une émulation parfaitement saine ; des commissions scientifiques retiennent les meilleurs projets et leur apportent des financements supplémentaires.
C'est à la fois la conciliation de la sérénité nécessaire du chercheur et de l'émulation qui doit exister entre les équipes. Tous les grands pays de recherche procèdent ainsi, avec une part plus forte de l'émulation chez certains, on le sait, une habitude qui n'est pas encore prise chez nous mais qui doit se prendre, faute de quoi nous resterons à l'écart des grands courants de la recherche contemporaine qui s'organisent autour des appels à projets.
Les mandataires uniques sont les responsables des laboratoires qui agissent pour le compte des différents organismes de rattachement. C'est une mise en oeuvre administrative, mais c'est le sens de cette réforme.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial - Je voudrais rendre tout d'abord hommage à mon prédécesseur, Jean Philippe Lachenaud, qui est à l'origine de la réunion que nous tenons aujourd'hui. Lorsqu'il était rapporteur de l'enseignement supérieur et de la recherche universitaire, il avait demandé à la commission des finances de pouvoir bénéficier de ce travail qui va nous permettre, je l'espère, de progresser.
Je pense que l'on est sur la bonne voie. Il ne faut pas seulement partir des critères de charge mais aussi des résultats pour arriver à apprécier la manière dont on doit organiser les financements.
Je poserai trois questions sur le financement des investissements dans la recherche pour ce qui est hors contrats de plan et dans les contrats de plan.
Je comprends que l'on ne puisse séparer facilement la recherche et l'enseignement supérieur. Je conduits à l'heure actuelle une réalisation dans le cadre d'un contrat de plan où il y a des investissements pour la recherche et pour l'enseignement supérieur. Si vous me demandiez la répartition de l'un et de l'autre, je ne serais pas capable de le faire ; si vous me demandiez de le faire, je serais capable de le faire.
Je pense que ce n'est peut être pas organisé pour qu'on puisse vous le dire, mais il n'est pas impossible non plus qu'on puisse vous le dire.
Je pense qu'il ne faut pas renoncer à améliorer nos outils ni à mieux les apprécier. Au moment où on négocie le contrat de plan, on ne sait pas encore grand chose de l'objet que l'on veut réaliser. On a une idée de ce à quoi on veut arriver, mais on n'a pas encore eu la réflexion de l'architecte ni celle des équipes. On détermine une enveloppe et, souvent, on essaie de se débrouiller. Le problème est que les choses ne sont pas nécessairement identiques à l'arrivée.
Pour les contrats quadriennaux, la dépense suit à peu près. Comment pourrait-on faire pour qu'il y ait moins d'écarts entre les différents établissements et que ce soit plus suivi ?
Concernant les CPER, comment va-t-on faire pour combler le retard ? Les opérateurs qui n'ont pas réussi à conduire leur dossier d'une manière suffisamment rapide - et je rejoins ce que vous avez dit sur la gouvernance - ont des excuses. Le problème est que l'on demande à des équipes d'universitaires de conduire des chantiers pour lesquels ils ne sont pas qualifiés. Je me demande vraiment pourquoi on continue à demander aux universités de conduire des opérations de rénovation de l'habitat étudiant, alors qu'il existe des organismes dont c'est la profession et qui pourraient gérer cela parfaitement, libérant ainsi un peu de temps, un peu d'énergie et un peu de moyens pour aller à l'essentiel, là où les équipes d'HLM ne peuvent remplacer l'équipe de laboratoire pour déterminer exactement ce que l'on va investir.
Je pense donc qu'en centralisant mieux ces efforts, on serait plus efficace. On le voit dans le dernier tableau qui figure dans le document remis par la Cour : il existe des écarts colossaux de réalisation dans le cadre du contrat de plan. Quelles mesures allez-vous prendre pour que l'on puisse rétablir l'équilibre ?
Je reviens à mon expérience personnelle : on a fait un concours d'architecture, passé des contrats avec les entreprises. On est en train de les réaliser et on nous dit qu'il n'y a plus d'argent. Que fait-on avec les entreprises ? On leur dit de s'arrêter ? Il y a là un vrai problème auquel il va falloir trouver des solutions.
On a beaucoup parlé des régions. Je connais des conseils généraux qui investissent autant que l'Etat et les régions pour mener à bien des réalisations universitaires. On pourrait ajouter qu'il existe des agglomérations qui y participent. Il faut donc parler des collectivités locales d'une manière générales parce qu'elles sont souvent très associées et c'est d'ailleurs légitime.
Que faire pour que les contrats quadriennaux soient plus harmonieux ? Que peut-on faire pour rattraper le retard dans les CPER ? Quelles mesures allez-vous mettre en place dans le cadre de la LOLF ? Allez vous organiser une concertation entre les directions de la recherche et de l'enseignement supérieur ou allez-vous les fusionner ?
M. le président - Est-ce que la LOLF a entraîné des modifications dans l'organisation de votre ministère ou n'est ce qu'une peinture ?
M. le ministre - Nous sommes en train de revoir l'organisation interne du ministère. Il y aura des changements assez importants.
M. Michel Charasse - Est-ce que il y a des gens qui étaient brouillés entre eux avant et qui sont obligés de se parler maintenant ?
M. le ministre - Evidemment !
Monsieur le Rapporteur, vous avez raison : on peut faire à 95 % une distinction entre les financements qui intéressent d'abord la recherche et ceux qui intéressent d'abord l'enseignement supérieur. Un amphi est destiné à l'enseignement et non à la recherche, même si celui qui enseigne est un enseignant chercheur. A contrario, un laboratoire peut être relativement peu fréquenté par les étudiants, mais il y a des frontières. Une école doctorale, ce sont des étudiants et des chercheurs et cela se passe dans des laboratoires qui ont des équipements principalement dédiés à la recherche.
Bref, la distinction est largement possible. On arrive à un degré de finesse qui n'a pas forcément un très grand d'intérêt. On doit pouvoir, avec des conventions simples, présenter des chiffres qui soient solides.
Le suivi des contrats quadriennaux n'est pas réellement problématique. Leur exécution, à ma connaissance, est satisfaisante. Pour nous, c'est l'outil de pilotage principal. C'est là que nous pouvons discuter avec les présidents et les responsables d'université pour voir quels sont leurs objectifs, mais également les nôtres.
Nous faisons aujourd'hui un constat qui est probablement le plus pénalisant pour l'enseignement supérieur, celui du taux d'échec en premier cycle.
L'université française a beaucoup évolué. Elle s'est professionnalisée. Les masters, les doctorats sont très généralement de très grande qualité, mais nous traînons le boulet de l'échec en premier cycle : 41 % d'étudiants qui ne décrochent pas, même au bout de trois, quatre, cinq ans, le diplôme de premier cycle.
C'est un gaspillage de deniers publics et de capacités pour les jeunes étudiants qui échouent.
Dans nos prochains contrats, nous allons introduire des objectifs d'amélioration de la réussite en premier cycle. Certaines universités font mieux que d'autres, avec des méthodes simples, du tutorat, des cours de soutien. On peut faire mieux, à moyens inchangés.
Je ne tiens pas le discours démagogique selon lequel rien n'est possible sans argent supplémentaire. N'importe quel organisme y arrive en général. Il s'agit de gains de productivité. C'est également possible dans le domaine de l'enseignement supérieur, il faut avoir le courage de le dire.
Nous allons, dans les contrats quadriennaux, globaliser les crédits de recherche. Là où il y aura des projets de recherche de la part de l'université, nous donnerons une marge de manoeuvre à celles ci pour allouer les ressources que le ministère leur attribue. Nous n'attribuons pas toutes les ressources, mais celles ci seront largement globalisées. C'est une illustration des politiques que nous menons grâce aux contrats quadriennaux.
Sur les CPER, c'est incontestablement beaucoup moins satisfaisant. Ce n'est pas de même nature.
L'origine des retards est diverse. Cela peut venir d'un projet qui n'est pas prêt. Il est vrai que, lorsqu'on signe le contrat de plan, on ne sait pas comment les choses pourront s'exécuter. Les projets sont plus ou moins avancés pour des raisons techniques ; il peut y avoir aussi et c'est fréquemment le cas des manques de crédits de paiement. La situation est vraiment très pénalisante lorsque l'absence de crédits de paiement entraîne des arrêts de chantiers. Heureusement, il y en a très peu.
Il est vrai que les collectivités territoriale sont amenées, sur le financement d'ensemble qui court sur tout le contrat de plan, à faire des avances, à accroître leur part de financement par rapport à ce qui est prévu globalement dans les premières années, à charge pour l'Etat de rattraper. Comme toujours, quand on prend l'engagement de rattraper, il faut être sûr de pouvoir tenir.
La vérité oblige à dire que l'Etat devra prolonger des financements au delà de 2006 pour honorer son engagement. Il en en toujours été ainsi. Les uns et les autres avons une certaine expérience du maniement des deniers publics dans telle ou telle fonction et nous savons que l'exécution des contrats de plan se fait toujours ainsi.
Il est exact que les régions n'ont pas le monopole de l'intervention. En l'occurrence, les agglomérations et les départements jouent leur rôle.
Sur l'immobilier, vous avez parfaitement raison. Il y a des défaillances dans la gestion des projets immobiliers de la part de l'Etat. Si l'Etat était un constructeur parfaitement performant, nous le saurions !
C'est la raison pour laquelle, aujourd'hui, nous envisageons, pour rattraper le retard, de créer une agence de l'immobilier universitaire, comme cela a été fait dans d'autres départements ministériels, pour avoir une équipe dédiée, une cellule qui puisse prendre ces sujet à bras le corps et sortir de la lourdeur procédurale que l'on connaît, ne pas rejeter a priori des formules telles que les « partenariats publics-privés », qui peuvent être performants.
On a par exemple des valorisations immobilières à réaliser dans le patrimoine de l'Etat, qui peuvent permettre de construire plus vite et dans de meilleures conditions des locaux neufs sur un campus, en regroupant des sites. Bref, il y a de l'ingénierie, de l'intelligence à mettre par rapport aux structures lourdes de l'administration en la matière. Ce ne sont pas les fonctionnaires qui sont en cause mais nos procédures qui ne sont pas toujours adaptées aux réalités de la construction et de la libération des emprises foncières.
Enfin, s'agissant de l'articulation entre les directions de l'enseignement supérieur et de la recherche, la solution est dans la coopération entre elles. Il y aura une refonte interne des directions : une direction générale de l'enseignement supérieur, une direction générale de la recherche et de l'innovation, qui exercera un mandat de gestion pour le compte de la DES pour les crédits de recherche universitaire.
Il n'y a pas de solution parfaite puisqu'il a une double responsabilité. On ne peut nier qu'il y a une fonction d'enseignement supérieur et de tutelle générale des universités et une tutelle de la recherche. Les deux existent. Elles ne se confondent pas. Il faut les croiser et y mettre des responsables qui montrent leurs capacités à travailler ensemble. C'est ce qui se fait dans beaucoup d'organisations.
Les conflits internes à l'administration ne sont pas admissibles. S'ils existent parfois, c'est aussi parce que le politique ne s'occupe pas toujours assez de ce qui se passe à l'intérieur du ministère. Quand ce n'est pas tolérable, on change, mais il est nécessaire que les hauts directeurs concernés travaillent en parfaite entente. C'est actuellement le cas et vous ne pouvez citer un dysfonctionnement qui ait pour origine un conflit interne à l'administration à l'heure actuelle.
M. le président - La parole est aux commissaires.
M. Yves Fréville - J'ai trop longtemps navigué dans les milieux de la recherche universitaire, à peu près à tous les échelons, pour ne pas prendre un grand intérêt à ce rapport de la Cour des comptes.
J'ai apprécié les propos de M. le ministre et du président Valade sur le rôle crucial du laboratoire comme bénéficiaire des subventions.
Il aurait peut être fallu, dans le rapport, montrer la distinction entre les crédits allant aux laboratoires et les équipements communs, car il y a aussi dans la recherche scientifique des équipements communs qui peuvent bénéficier à plusieurs équipes et qui sont structurants.
Je crois également qu'il est bon d'avoir plusieurs sources de financement. Chaque organisme a ses critères et si l'on n'avait qu'une source, on n'aurait qu'une seule catégorie de critères. Ce n'est pas souhaitable.
En second lieu, en jouant sur la multiplicité des sources de financement, on arrive à trouver l'argent nécessaire. Vous avez dit qu'il y a un problème de secret. En effet, le directeur de laboratoire n'aime pas toujours donner toutes les sources de financement qu'il y a réussi à mobiliser. Il y a longtemps, il existait des actions spécifiques appelées ATP - actions thématiques programmées - surnommées « actions ténébreuses pour parisiens ».
Cela montre qu'il fallait connaître les arcanes, mais on arriverait à jouer sur la fongibilité des crédits. Il ne faut pas oublier qu'il y a trente ans, on a réuni les crédits de fonctionnement recherche avec les crédits d'équipement, à la demande des directeurs de laboratoires, afin de pouvoir arbitrer entre les petits équipements et les crédits de fonctionnement.
Je ne voudrais pas que des règles comptables aillent à l'encontre de la LOLF et de cette idée de fongibilité, ce qui n'empêche pas qu'il est logique de séparer l'un et l'autre pour voir clair.
La première question s'adresse à la Cour et au ministère. J'ai été extrêmement étonné de constater que les dépenses d'équipement passent de 170 M€ en 1999 à 363 M€ en 2000. Il est dit dans le rapport : « On constate une rupture imputable à une croissance des équipements qui reste inexpliquée ». Il y a une explication que vos services, Monsieur le Ministre, arriveront certainement à fournir.
Ma deuxième remarque concerne la LOLF. Lorsqu'on examine les crédits de paiement des formations universitaires, on s'aperçoit qu'on peut, pour la première fois, faire un rapport capital / travail, en ce qui concerne les subventions fonctionnement équipement soutien de programme / coût du travail, suivant la norme de 50 %. On constate ici et j'aurais aimé que ceci soit davantage mis en relief par la Cour la modicité des crédits d'équipement face aux crédits de traitement.
Si on prend des disciplines qui utilisent beaucoup d'équipement - la physique, la chimie, les sciences de l'homme - on arrive à un rapport de 15 %. Le problème de la recherche n'est pas de ne pas avoir de chercheurs. On a recruté je ne sais combien de dizaines de milliers de chercheurs universitaires, dont 10.000 au cours des dernières années, sans leur donner les crédits d'équipement leur permettant de travailler ! On a recruté des quantités de jeunes maîtres de conférences qui n'ont pas eu les crédits d'équipement qui auraient permis de valoriser leur effort, de telle sorte qu'on se demande pourquoi on a recruté tant d'enseignants !
Je ne décris pas la situation pour les sciences de l'homme pour lesquelles je faisais le rapport action 11 : on arrive à 7 %. Les crédits d'équipement ne représentent rien par rapport aux crédits affectés aux salaires. Il y a là, Monsieur le Ministre, un problème de rééquilibrage dans l'effort de recherche. On dit toujours qu'il faut recruter des chercheurs ou des enseignants chercheurs : il est ridicule de le faire si on ne leur donne pas de moyens. La fongibilité asymétrique me semblerait devoir jouer là aussi.
Il faudrait sans doute qu'il y ait aussi un rééquilibrage au sein de la recherche universitaire et, sans doute, du CNRS.
J'aurais également aimé comprendre comment on répartit les crédits par grande discipline. Peut être aurait il été utile d'avoir une idée de la concentration des crédits de recherche car, si l'évaluation veut dire quelque chose, il faut que cela corresponde à une concentration de l'effort. Ce serait des indicateurs que vous pourriez développer.
M. Michel Charasse - Je ne suis pas, comme certains de mes collègues, spécialiste des questions de recherche mais je m'y intéresse en tant que parlementaire et en tant que citoyen. Je m'y suis intéressé lorsque j'étais au gouvernement ; déjà, à l'époque, je n'y comprenais rien ! Malheureusement, dans ce domaine, ma connaissance n'avance pas beaucoup !
Quand on aborde les problèmes de recherche, c'est toujours très compliqué mais c'est peut être inhérent à la matière.
Je contrôlais un jour, en tant que rapporteur budgétaire de la coopération, un établissement de recherche public français au Sénégal. Dès mon arrivée, je leur avais posé deux questions : qu'est ce que vous cherchez ? Qu'est ce que vous trouvez ? Deux heures après, je n'avais toujours pas de réponse !
Le rapport de la Cour ne m'a pas étonné ; la Cour a effectivement, à la demande de la commission, réalisé un exercice difficile, dans un domaine très compliqué. J'ai trouvé l'exposé du président Picq à la fois très honnête, très clair et assez laborieux dans la démarche. Il fallait en effet aller à la recherche de la recherche, et ce n'était pas si simple !
Arrivera-t-on un jour à connaître combien la collectivité nationale met d'argent, où et qui paye ? Je n'en sais rien mais, pour un profane comme moi, on a le sentiment qu'il n'y a pas vraiment de pilote dans l'avion ! Ce n'est pas une critique dirigée contre vous mais une réflexion générale. Je peux d'ailleurs mettre « pilote » au pluriel !
Je voudrais savoir si le maquis qui résulte de tous ces financements, les procédures contractuels multiples qui doivent inévitablement entraîner des doublons, des superpositions et autres sont un frein - et c'est à la Corse que je m'adresse - ou une dynamique pour notre recherche ?
La Cour n'avait à répondre à la question, mais cela peut être l'objet d'une recherche spécifique : on oppose toujours la recherche universitaire à la recherche des grands établissements non universitaires et à la recherche privée. Est-ce plus efficace que dans les grands établissements ? C'est une question que l'on peut se poser un jour.
Lorsque j'étais administrateur à l'université de Clermont I, je me suis rendu compte, en tant que représentant des collectivités locales, qu'en matière de recherche, la principale recherche était la recherche d'argent. Je voudrais savoir - et c'est autant à la Cour qu'au ministre que je m'adresse - si la recherche de financements extérieurs entraîne des perturbations, des changements de programme, des modifications de processus ? Est-elle source de retards ou de remise en cause ?
Quand on sollicitait les collectivités locales, on était parfois amenés à demander qu'on axe les programmes de recherche sur tel ou tel secteur. Ceci doit par ailleurs bouleverser toute une série de choses : est ce positif ou perd on quand même du temps ?
Je note que dans les ressources de la recherche, la part des redevances de brevets est très faible. Cela signifie-t-il que l'université française ne dépose pratiquement pas de brevets, ne trouve rien, n'aboutit à rien ou bien le dépôt de brevet est-il une formalité tellement lourde et contraignante que beaucoup de laboratoires renoncent à le faire ?
M. le président - J'ai entendu des chercheurs me dire : « On n'a pas d'argent pour déposer des brevets ». Est ce un sujet ?
M. Michel Charasse - Ne faudrait-il pas un service unique au ministère qui soit chargé de cela ?
Je voudrais également savoir ce qu'il en est de la gestion du patrimoine des universités qui leur a été légué au fil du temps - fermes, exploitations agricoles, châteaux, etc. Cela ne concerne pas tant les chercheurs que les présidents et les responsables d'université.
Enfin, comment peut-on arriver à diriger une galaxie de gens et d'organismes indépendants qui ont parfois tendance à considérer que toute question et tout contrôle est une ingérence insupportable ?
M. Jean-Léonce Dupont - S'agissant de l'évaluation de l'ensemble des chercheurs et des sites de recherche, il me semble que l'on va dans le bon sens en essayant d'harmoniser ces systèmes d'évaluation. Je reprends les propos du ministre disant que les meilleures équipes auront le maximum de moyens.
Je ne voudrais cependant pas qu'il y ait asymétrie et que l'on ne donne des moyens en termes de chercheurs et de dotation budgétaire qu'aux sites les plus avancés.
Néanmoins, on peut souscrire à l'idée que, de temps en temps, des chercheurs, après vingt ans de recherche, puissent être fatigués, que de jeunes chercheurs n'aient pas forcément choisi l'orientation correspondant à leur profil et se retrouvent dans des unités où ils ne sont pas toujours à leur place. Quid lorsque les évaluations ne donnent pas des résultats satisfaisants ?
J'ai bien compris qu'un certain nombre de programmes nécessitaient une certaine pérennité, mais il faut aussi dire qu'il est parfois utile d'arrêter certains programmes. Dans un pays qui, culturellement, manifeste à cet égard des réticences, n'y aurait-il pas une vraie réflexion à mener en ce domaine ? Nous savons créer des structures supplémentaires, mais nous avons énormément de mal à arrêter ce qui ne fonctionne pas. Or, ce n'est pas forcément une hypothèse d'école...
En deuxième lieu, face aux problèmes de gestion patrimoniale, de management de l'ensemble des équipes, notamment de recherche, face aux défauts d'ingénierie administrative auxquels faisait référence Monsieur le Ministre, et qui sont réels, on ne pourra aller plus loin dans cette politique que si l'on est capable de mettre en place une expertise locale. Je crois néanmoins qu'il est absolument nécessaire d'observer la situation dans les autres universités à travers le monde et de permettre une liberté supplémentaire de mise en oeuvre. Si nous ne nous interrogeons pas sur la possibilité de développer cette plus grande liberté de mise en oeuvre, je pense que nous passerons à côté d'une partie de ce que nous recherchons !
Ma dernière observation concerne l'échec en premier cycle. Je partage, Monsieur le Ministre, votre idée de développer les expériences, notamment le tutorat. Mais, dans la mesure où l'on refuse collectivement le système de sélection à l'entrée à l'université, il faut travailler sur l'orientation en amont afin de diminuer ce taux d'échec.
M. Pierre Laffitte - Je voudrais m'associer à ce qui vient d'être dit ainsi qu'à la remarque faite par M. Fréville concernant l'unité dans laquelle se font les opérations de recherche.
Il y a là, me semble-t-il, un élément tout à fait majeur pour lequel l'idée de libérer les énergies est fondamentale. Ceci d'autant plus - et je m'adresse à la Cour des comptes - que nous avons évoqué essentiellement les financements publics. Mais, dans les bons laboratoires, on sait que plus de la moitié du financement global, y compris les dépenses concernant les personnels, provient d'autres sources (fondations internationales ou financements privés).
Nous nous orientons de plus en plus vers un système - notamment avec les pôles de compétitivité - où le financement privé risque d'être prépondérant.
J'ai posé une question à une Cour des comptes régionale, à laquelle je n'ai pas obtenu de réponse : qu'en est-il des structures de gouvernance de ces pôles de compétitivité où, dans de nombreux de cas, les responsables sont des industriels ? Comment les industriels qui recevront indirectement un financement public et qui pourront participer à des décisions auxquelles ils seront éventuellement parties prenantes vont ils être sécurisés vis-à-vis des remarques de la Cour ? Les projets devant être labellisés par l'Etat, ils ne seront pas les décideurs ; seront-ils codécideurs puisqu'ils les auront proposés ?
J'ai été nommé responsable pour un des pôles de compétitivité, mais je ne suis pas industriel. Cela ne me concerne donc pas mais cela concerne beaucoup de membres des conseils d'administration. Faudra-t-il qu'ils s'abstiennent de participer à certains votes ?
C'est une question de fond pour laquelle la sécurisation est nécessaire, d'autant qu'il y aura des consortiums avec parfois des tensions entre industriels. Ce problème est d'autant plus important que, dans beaucoup de cas, il y aura des plates-formes public/privé diverses, permettant de réaliser des opérations pour tous les membres des pôles de compétitivité. On va se trouver dans une situation complexe. Mais il nous faut aller dans ce sens, puisque cela se passe ainsi dans le monde entier.
Ces opérations existent déjà largement, mais sont parfois un peu opaques. Tel ne doit plus être le cas. J'en ai organisé depuis plus de trente ans, sous le contrôle rigoureux de la Cour des comptes, à l'école des Mines de Paris ; on a toujours estimé que cela fonctionnait bien.
Le projet de loi permet de régulariser un certain nombre de ces opérations et ceci me semble constituer un très grand progrès. Il en ira de même pour les pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) ainsi que pour les « campus » de recherche.
Une solution pourrait être d'utiliser plus largement les fondations, notamment celles reconnues d'utilité publique ; ces dernières, par ailleurs, sont soumises à un contrôle rigoureux de l'Etat, à la fois au travers de la présence des membres représentant l'Etat, par le biais du commissaire aux comptes, etc.
M. Denis Badré - Pierre Laffitte rappelait qu'à côté des financements publics, il y a des financements privés. Je rappelle qu'il y a aussi des financements européens. Ce que le PCRD apporte, il n'est peut être pas indispensable que le BCRD l'apporte ; si c'est le BCRD et non le PCRD, on peut peut-être réduire d'autant notre contribution au budget européen. Les deux sont quand même très liés et tout ce que l'Europe fait peut retentir positivement ou négativement sur nos finances.
Je m'interroge toujours sur la coordination, à mon sens insuffisante, qui existe entre BCRD et PCRD et sur les synergies qu'il faudrait développer pour que, ensemble, l'Union arrive et ses Etats-membres arrivent à mettre en place une politique de recherche digne de ce nom qui nous permette d'être compétitifs, notamment par rapport aux Etats-Unis.
M. le président - Nous sommes ici dans le cadre de nos prérogatives de contrôle. Le préalable à tout contrôle est que ce soit contrôlable. J'ai compris que vos systèmes d'information étaient perfectibles et je fais l'hypothèse que le travail de la Cour n'a pas dû être facile. La matière est complexe mais sans doute est ce aussi le révélateur de systèmes qui n'ont pas pour finalité d'informer.
Ce n'est contrôlable que si un minimum de principes sont respectés. Chacun, dans son laboratoire, fait probablement ce qu'il peut, cache un peu la trésorerie pour ne pas risquer de ne pas obtenir tel ou tel crédit. Il faut sortir de ce monde, d'autant que nous aurons sans doute, à l'avenir, à passer beaucoup moins de temps sur les lois de finances initiales et beaucoup plus sur les lois de règlement, c'est à dire sur les lois de finances de la réalité budgétaire.
Il y a un immense effort à faire pour nous y préparer et j'aurais souhaité - si c'est compatible avec le statut et la mission de la Cour - que le président Picq ou Mmes les conseillers maîtres nous disent comment les magistrats ont vécu cette mission. Arrive-t-on à diligenter un contrôle ? Quel type de contrôle avez-vous dû surmonter ? Les chercheurs sont probablement un peu comme les magistrats des juridictions de l'ordre judiciaire : ayant accompli il y a bien longtemps une mission de contrôle, au nom de l'indépendance, les magistrats étaient informaticiens ! Cela a été un échec total !
Peut être est-il judicieux que les chercheurs acceptent que, pour certaines fonctions relevant de la logistique, de l'intendance, de l'administration, on puisse faire appel à des compétences qui ne sont pas forcément les leurs, afin qu'ils puissent aller jusqu'au bout de leur talents.
J'attacherai donc un certain prix à ce que nous ayons des gages sur la lumière que l'on pourrait mettre dans toutes les pièces des universités. Il m'arrive de rencontrer des universitaires : la plupart du temps, je ne comprends rien à ce que me disent mes interlocuteurs - et je ne suis pas sûr qu'ils disposent eux-mêmes d'informations pour y voir clair !
Peut-on continuer longtemps ainsi ? Je dis l'importance de cette exigence de clarté, au moment où l'Etat s'apprête à faire un effort sans précédent pour la recherche. Je suis d'accord pour faire un effort, mais qu'on prenne les moyens de savoir ce que cela va devenir et que l'on réponde à cette exigence de reddition de comptes !
M. le ministre - Je voudrais d'abord dire au sénateur Fréville que ce saut qui apparaît dans des montants de dépenses ne peut s'expliquer que par des modifications de périmètre. Je crois que, dans un cas, on avait uniquement l'enseignement supérieur et que, dans l'autre, on a mis la recherche, au moment où on est passé d'une série de CPER à une autre. Cela doit tenir assez largement à cela. Ce n'est pas très brillant, en effet, en ce qui concerne la clarté de la présentation.
M. le président - N'est-ce pas lié à des régulations budgétaires de fin d'exercice ?
M. le ministre - Non, ce sont des écarts de périmètre.
Pour répondre également à l'une de vos réflexions, autant le cadre budgétaire doit être large - on doit reconnaître de l'autonomie aux équipes qui gèrent - autant le cadre qui sert de base à l'information doit être serré. On doit avoir des informations très précises et surtout dans une forme telle que les croisements soient possibles, que toutes les interrogations reçoivent réponse. On aura une banque de données interrogeable, facilement modulable, qu'il s'agisse des questions légitimes du Parlement, des outils de pilotage de l'exécutif et des informations dont l'administration a besoin au jour le jour.
On a besoin d'inventer une approche de l'information de gestion, de l'information de pilotage, dans ce domaine de l'administration comme dans d'autres. Les chantiers sont ouverts mais on sait d'expérience que c'est un chantier qui n'est jamais terminé et qui, dans le cas de l'administration, appelle un assez fort rattrapage.
La baisse tendancielle des moyens de fonctionnement des chercheurs est une réalité très bien décrite dans le rapport particulier de la Cour. On a créé des emplois d'enseignants chercheurs non pour la recherche, mais avant tout pour l'enseignement. C'est l'augmentation des effectifs à l'université qui a provoqué, au fil du temps, une augmentation des effectifs d'enseignants chercheurs, sans qu'on adapte les moyens de la recherche à ces augmentations.
Aujourd'hui, en même temps qu'il y a augmentation des emplois de recherche - mais pas exclusivement des chercheurs - il y a augmentation sensible des moyens de la recherche. L'un ne peut aller sans l'autre.
Je précise que, pour ce qui est des créations d'emplois, nous travaillons aujourd'hui sur une règle de 50-50 : 50 % d'emplois de chercheurs, 50 % d'emplois d'ingénieurs et techniciens, qui sont absolument nécessaires et qui permettent de donner plus d'efficacité à la recherche, car ce sont des assistants indispensables des chercheurs.
La fongibilité asymétrique est une possibilité donnée à tout gestionnaire d'exercer ses propres arbitrages ; il est probable que, dans certains établissements, on préférera augmenter les moyens de fonctionnement plutôt que les effectifs - mais ce sera de la responsabilité de chaque gestionnaire. Nous parlons des universités, mais on pourrait parler des grands organismes de recherche.
Au sénateur Charasse, je dirais que, s'agissant des pilotes dans l'avion, il a employé une formule assez exacte. Je ne voudrais pas mettre tel ou tel en cause. Sur la longue période, je pense que les administrations et les hauts fonctionnaires ont fait leur travail en suivant, dans l'exercice de leurs responsabilités, tant les organismes que les universités. Ce suivi est de qualité mais il a manqué, sur la longue période, des grandes orientations claires. Je crois qu'on peut le dire et s'accorder sur ce constat.
Les pouvoirs publics ne s'intéressent pas assez, à mon sens, à ces questions essentielles que posent l'enseignement supérieur et la recherche, qui appellent des prises de positions politiques, donc des orientations données à l'administration. La prise de conscience qu'il est impératif d'augmenter notre effort de recherche devra amener le pouvoir politique, dans les prochaines années, à s'intéresser de plus près à la politique de la recherche et, naturellement, à la politique universitaire.
Quant à la situation française, il est vrai que nous avons l'université, les grands organismes. Il y a naturellement une recherche privée, une recherche dans les fondations. Est-ce bien ou non ? Je n'en sais rien, mais c'est ainsi. Il serait absurde de vouloir faire du passé table rase et dire que l'université n'est pas bonne ou que les organismes ne sont pas bons.
On doit travailler à partir de nos forces existantes - elles sont réelles - et faire en sorte que les acteurs coopèrent mieux. Il y a certainement du décloisonnement à faire. On en reparlera. Un grand débat sur la recherche va s'ouvrir mais je ne pars pas du principe que nous avons une mauvaise organisation. Elle est certes perfectible mais tellement prégnante qu'il serait illusoire de vouloir en changer par un coup de baguette magique !
M. Michel Charasse - Ce n'est pas la question que j'ai posée ! Je voudrais avoir un jour un indice de performances comparatif des diverses catégories de recherche !
M. le ministre - Je vous appellerai à l'aide pour convaincre que notre orientation sur le projet de loi sur la recherche est la bonne ! Nous voulons précisément avoir une unité dans l'évaluation de la recherche, qu'elle soit universitaire ou qu'elle vienne des grands organismes, afin d'avoir un outil de comparaison universel qui permette de dire que tel laboratoire du CNRS, qui a les mêmes activités que tel laboratoire du CEA -c'est le cas en sciences du vivant- a de meilleures performances que l'autre.
M. Michel Charasse - Mais il faut aussi comprendre pourquoi !
M. le président - Les meilleurs chercheurs du monde voudront ils venir dans nos laboratoires ?
M. le ministre - C'est une autre question et on y travaille !
La recherche de financement doit-elle avoir une influence sur la recherche qui est conduite ? Oui et non, car il est légitime que l'Etat affiche des priorités en matière de recherche. Les pouvoirs publics, en la matière, sont l'expression d'une demande sociale plus ou moins clairement exprimée, mais que nous avons le devoir de traduire dans des orientations.
Un exemple : la recherche en matière d'environnement est une demande sociale relativement récente mais très forte aujourd'hui. On doit dire au monde de la recherche que nous avons besoin, sur tel et tel thème, d'avancées significatives. Cela veut dire que nous avons du pilotage, nous mettons du financement, nous faisons des appels à projets et nous orientons, d'une certaine manière, les travaux des équipes de recherche.
Telle équipe qui travaillait en agronomie sur la productivité de telle ou telle plante, de telle ou telle culture, va être amenée à s'intéresser davantage à l'impact environnemental de la culture en question. C'est du pilotage en fonction de priorités qui sont définies par la puissance publique ou par des commissions scientifiques.
Il existe deux niveaux : le politique pour les grandes orientations et les commissions scientifiques pour le choix des thèmes plus ou moins pertinents. Chacun a naturellement son rôle.
Il y a donc du pilotage, mais aussi de la liberté. Il n'y a pas de recherche sans liberté. Par exemple, dans l'Agence de la recherche, 30 % des ressources sont consacrées aux programmes blancs. Les équipes de recherche proposent des projets ; des commissions scientifiques les examinent. Personne n'a dit à l'avance sur quoi devaient porter ces recherches et, suivant la qualité de ce qui est proposé, on agrée, on retient et on met des financements.
Je crois qu'il faut concilier les deux. Il n'y a pas de réponse unique, mais un effort permanent pour avoir de la liberté, une logique propre à la recherche et à la communauté scientifique, ainsi que des commandes, car nous nous préoccupons également de sécurité, d'économie, d'environnement, de santé publique, etc.
M. Michel Charasse - L'Etat met une certaine somme d'argent dans une recherche qu'il commande à un laboratoire ou à un groupe de laboratoires. Ce groupe de laboratoires va à la recherche de financements privés, les obtient mais, à la suite des négociations, arrive à modifier complètement le programme commandé. Cela arrive-t-il ou non ? Le savez-vous et pouvez-vous donner votre opinion, étant entendu que c'est l'argent des contribuables et qu'il est sacré ?
M. le ministre - En effet. Je ne suis, pas plus que vous, spécialiste de la recherche et je respecte l'indépendance de la communauté scientifique et des hommes et des femmes de sciences.
M. Michel Charasse - Si on donne des crédits pour chercher sur des ânes et qu'on découvre qu'on a cherché sur des chèvres, ce n'est pas exactement le même type d'animal !
M. le ministre - Il ne s'agit pas de cela ! Dans l'exemple que vous citez, il est normal qu'une équipe de recherche puisse répondre à des projets qui sont commandés par une fondation privée d'utilité publique, une entreprise ou l'Etat, lorsqu'il s'agit de l'Agence de la recherche. Chaque organisme doit vérifier qu'il y a eu une réponse pertinente à la question posée, pour laquelle il a apporté des financements. L'Agence de la recherche a des procédures d'évaluation et doit, à l'issue d'une période d'un an, deux ans ou trois ans, suivant la durée des projets, regarder si on a répondu à la question qui était posée.
Pour l'attribution de nouveaux financements, on tiendra naturellement compte du sérieux dans la réponse au projet. Il y aura comme toujours des défauts et des défaillances.
Sur les brevets, vous posez une question difficile. Il est certain que l'université et la recherche en général ne déposent pas assez de brevets et n'ont pas assez de ressources venant des brevets. Toutefois, la question de savoir si l'on doit déposer brevet ou non n'est jamais très simple. Le brevet est très coûteux. Il doit être international pour être efficace, sous peine d'être sans effet. En brevetant, on diffuse et, dans certains, cas on n'a pas forcément intérêt à le faire. Ce n'est pas simple de situer le bon niveau. Il n'y a des réponses que sur les dossiers individuels.
Faut-il un service unique au ministère ? Je ne crois pas car les universités sont des personnes morales de droit public qui ont leur autonomie.
M. Michel Charasse - Elles reçoivent quand même les financements qu'on leur apporte. Elles ont donc une autonomie relative.
M. le ministre - C'est vrai. Il faut être très proche de l'endroit où se fait la recherche pour pouvoir juger de l'opportunité du dépôt de brevet. Nous essayons de dynamiser les SAIC, des services chargés de ces questions au sein des universités, mais je suis d'accord avec vous pour dire qu'il y a du travail.
Quant au patrimoine des universités, il n'est pas si considérable. Sur les 18 millions de m 2 , plus de 90 % sont détenus par l'Etat. La surface appartenant à l'université est donc minoritaire. Vous avez cependant raison de dire qu'il convient de faire des efforts pour la bonne exploitation.
A Jean Léonce Dupont, je voulais dire que nous avons des fermetures de laboratoires. Aujourd'hui, on ferme 10 % des laboratoires par an. Il y a donc un mouvement naturel dans les ouvertures et les fermetures. De là à dire que l'on sanctionne rapidement une absence de production scientifique, peut être pas - pas toujours. Notre but est certainement de mieux évaluer et de mieux repérer ce qui marche et ce qui ne marche pas.
Vous m'avez interrogé sur la carrière des chercheurs. Il est vrai qu'un chercheur peut être plus on moins productif en fonction de l'étape de sa carrière ; il peut être plus ou moins doué pour la recherche. Certains, qui ont réussit au recrutement d'enseignant chercheur, au bout de quelques années, peuvent se révéler meilleurs enseignants que chercheurs.
Il faut une certaine souplesse. A partir d'un certain âge, on est moins productif. Cela dépend aussi des sciences : en mathématiques, on sait que les jeunes sont beaucoup moins productifs. C'est moins vrai dans d'autres sciences, mais il ne faut pas négliger le fait que l'encadrement des équipes de recherche est une activité en soi. Un chercheur qui a été extrêmement productif et qui l'est moins de façon naturelle peut être un excellent directeur de laboratoire, qui comprend les difficultés de ses jeunes chercheurs et qui les remet sur la bonne voie en raison de son expérience.
Il y a une place pour chacun dans notre appareil d'enseignement et de recherche. On va y mettre de la souplesse avec la modulation des obligations d'enseignement. Les universités pourront décider que certains seront déchargés temporairement de leurs obligations d'enseignement pour faire davantage de recherche, mais il faut un système de responsabilité au sein de l'université.
Je pars du principe que les hommes et les femmes qui se livrent à la recherche ont une haute conscience de leur métier et n'ont pas besoin qu'on les rappelle à leur devoir. La réputation, dans le domaine scientifique, est extrêmement importante. Le fait d'avoir une mauvaise évaluation n'est jamais jugé comme positif et c'est à mon avis une bonne stimulation pour aller de l'avant.
L'autonomie universitaire est une vaste question et je ne pense pas, Monsieur le Président, que ce soit le lieu d'entamer un débat.
Nous entendons favoriser les coopérations universitaires avec les pôles de recherche et d'enseignement supérieur qui constitueront une souplesse qui permettra à plusieurs universités de travailler ensemble ou avec des organismes de recherche. On a là une partie de la réponse aux cloisonnements qui peuvent exister aujourd'hui.
Nous allons également globaliser les budgets de recherche dans le cadre de contrats, avec des objectifs précisés par l'université. On met donc de l'autonomie sur des points bien précis, mais l'université est autonome juridiquement et le sénateur Charasse a raison de dire qu'elle ne l'est pas financièrement, puisque c'est de l'argent public qui la fait vivre.
M. le président - Sur ce dernier point, ne pourrait on pas imaginer que, à défaut d'être autonome financièrement, chaque université ait sa propre autonomie comptable, avec sa situation patrimoniale ?
M. le ministre - Elle a son autonomie comptable et financière, mais je dois à la vérité de dire que la matière dont la situation financière et bilancielle de l'université est retracée, comme souvent dans les établissements publics, n'est pas satisfaisante aujourd'hui.
M. le président - Ne pourrait on pas au moins décider que l'on établit le patrimoine de chaque université ?
M. le ministre - C'est théoriquement fait.
M. le président - Comment se fait-il alors que le ministre soit incapable de connaître la situation de trésorerie des universités ?
M. le ministre - Je ne suis pas omniscient !
M. le président - Quand on demande où est la trésorerie des universités, on répond qu'on ne sait pas !
M. le ministre - Il y a un agent comptable : on a donc une situation de trésorerie.
Il est vrai qu'on a des faiblesses en matière de trésorerie non dans les universités mais dans certains grands organismes de recherche, où il y a eu des limitations arbitraires de dépenses, alors que la situation de trésorerie était quelquefois pléthorique, comme il y a quelques années au CNRS.
Aujourd'hui, nous avons à faire face à des décalages entres des autorisations d'engagement et des crédits de paiement pour un certain nombre d'établissements publics. Nos mécaniques budgétaires de l'Etat, articulées sur les mécaniques budgétaires de gestion comptable et de trésorerie des établissements publics ne sont pas d'une limpidité totale. Il faut être vraiment compétent et se plonger dans chaque situation pour y voir clair.
Certains présidents d'université connaissent mal la situation réelle anticipée de trésorerie et certains présidents d'organismes ne comprennent pas bien la situation financière réelle.
M. Michel Charasse - J'ai connu cela à Bercy : beaucoup d'organismes ont une trésorerie pléthorique et ne veulent pas y toucher face à la pénurie de crédits dans une année budgétaire donnée. C'est la raison pour laquelle le CNRS, vraisemblablement, appliquait des règles strictes d'engagement de dépenses alors qu'il était assis sur un tas d'or dont il ne voulait pas se séparer.
Si les universités sont indépendantes, elles n'en sont pas moins sous tutelle financière et administrative. C'est le travail du chancelier de l'université, qui est le recteur, de faire ouvrir les trésors. Si on ne le fait pas, on aboutit à cette situation !
M. le président - Et on entretient des protestations lancinantes.
M. Michel Charasse - Il arrive un jour un ministre du budget qui s'approprie la trésorerie grâce à un article de loi et l'affaire est réglée !
M. Yves Fréville - L'université ne paye pas son personnel enseignant. En outre, les immeubles n'ont pas été dévolus aux universités, qui n'ont donc ni les bâtiments, ni le personnel !
M. le président - Ne pourrait-on imaginer que, dans vos systèmes d'information, à partir de maintenant, dans chaque université, on ait connaissance de la masse salariale...
M. le ministre - On l'a !
M. le président - ... Et qu'on tienne des documents synthétiques qui fassent apparaître ces données ? Même chose pour le patrimoine et les immeubles...
M. le ministre - Les informations existent pour les universités au moment du budget primitif. Elles n'ont pas un caractère comptable puisque c'est en dehors du budget de l'université. Comme le disait par ailleurs le sénateur Fréville, la dévolution des biens n'a pas été faite ; pour l'essentiel, ce sont des immeubles de l'Etat et non de l'établissement public qui sont utilisés.
M. le président - C'est peut être ce qui est devant vous, Monsieur le Ministre.
M. le ministre - On aborde là des sujets majeurs, complexes.
La comptabilité et les systèmes de gestion des établissements publics sont des questions qui dépassent le modeste ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche que je suis.
La question des pôles de compétitivité, Monsieur le sénateur Laffitte, est une question extrêmement importante. Ce sont des associations qui sont en charge de leur gouvernance, mais elles ne gèrent pas les fonds. Les fonds dévolus aux pôles de compétitivité ne transitent pas par l'association, sauf les frais de fonctionnement, qui sont quasiment négligeables dans l'ensemble.
Je prends l'exemple de la recherche. L'Agence de la recherche va financer des projets de recherche qui vont relever de pôles de compétitivité. Les financements iront aux organismes de recherche. Quand ces projets s'inscrivent dans un pôle de compétitivité, il y aura un abondement des financements de l'ANR au titre du pôle de compétitivité, mais qui ira à l'organisme de recherche et non à l'association charger de la gouvernance du pôle. Celle ci doit s'entendre comme une gouvernance de projet et non de gestion.
Nous allons par ailleurs légaliser certaines associations de recherche et favoriser la coopération public-privé, au travers notamment de la labellisation Carnot, inspirée de ce qui se fait en Allemagne. Nous en avons parlé à Postdam l'un et l'autre. C'est un sujet en soi, mais aussi un sujet de la loi sur la recherche.
Au sénateur Badré, je dirais que sa remarque est tout à fait pertinente. Nous avons une coordination très insuffisante entre les PCRD et la recherche de chacun des Etats de l'Union pour une raison extrêmement simple : aujourd'hui, il existe une opacité dans la conduite des programmes au sein de l'Union européenne. J'ai eu l'occasion de le dire au dernier Conseil « compétitivité » réunissant les ministres de la recherche à Luxembourg.
La Commission envisage de réformer la gouvernance des PCRD. Nous avons posé comme condition qu'il y ait une information permanente des Etats sur la conduite des programmes de sorte que chacun des Etats puisse coordonner ses efforts de recherche avec ceux de l'Union. Aujourd'hui, cette coordination est inopérante faute d'informations.
Quant au président Arthuis, on a déjà largement abordé les sujets qu'il a évoqués.
Quand on renforce les capacités en ingénieurs et en techniciens, c'est aussi pour décharger les chercheurs d'un certain nombre de tâches. Un ingénieur de recherche peut être celui qui va gérer l'ensemble d'un laboratoire en déchargeant les chercheurs de tâches qui ne sont pas forcément pour eux les plus productives.
M. le président - La Cour a t elle des observations ?
M. Jean Picq - Je voudrais remercier le sénateur Charasse pour les qualificatifs qu'il a voulu donner à mon exposé. Si, à la Cour, on n'est pas clair, honnête et laborieux, il vaut alors mieux changer de métier !
Deux remarques à propos de la gestion et tout d'abord une remarque plus générale en réponse à la question du sénateur Fréville. De fait, comme l'a souligné le président en introduisant cette séance, nous nous sommes tenus à la commande qui nous avait été faite pas le Sénat, mais je veux rappeler que vous disposez de toute une série de publications récentes de la Cour sur le CNRS, sur le financement dans le secteur biomédical, qui aurait pu intéresser le sénateur Laffitte, sur le rôle du ministère de la recherche il y a deux ans et le rapport publié la semaine dernière sur la gestion de la recherche dans les universités.
J'ai indiqué au président Arthuis que la Cour était à la disposition de la commission pour présenter ce rapport qui a le mérite d'être une enquête très approfondie sur les différents leviers de la recherche dans les universités, qui insiste sur sa complexité et qui est une enquête sur le terrain. Près de cent laboratoires ont été visités. Je vous y renvoie parce que je crois que vous y trouverez une partie des réponses aux questions que vous avez posées.
Vous avez eu raison de souligner qu'à côté des financements incitatifs, la situation des dotations récurrentes par chercheur avait baissé. Dans ce rapport, il est indiqué qu'entre 1988 et 2001, les effectifs d'enseignants chercheurs ont progressé de 58 % alors que la dotation de crédits par chercheur, elle, a baissé, en valeur constante. En 2001, elle était à 77,3. Vous avez souligné là une réalité, mais qu'il faut prendre dans sa complexité : on recrute des chercheurs et, en même temps, les moyens de fonctionnement se sont trouvés réduits.
Ma deuxième observation est pour souligner ce que j'avais dit en conclusion de mon intervention. Il me semble que derrière ce rapports très technique et peut être parfois un peu fastidieux à lire les questions posées sont tout à fait centrales : avoir de bon systèmes d'information est le b a ba dans n'importe quelle organisation, qu'elle soit publique ou privée. S'interroger sur l'articulation, dès lors qu'il y a de multiples acteurs politiques, c'est également un sujet majeur.
Il se trouve qu'il existe des techniques contractuelles qui, en France, ont indiscutablement permis de grands progrès. Le ministre y a fait allusion à propos des contrats quadriennaux. Vous avez évoqué les contrats de plan Etat-régions. Que l'on s'interroge à l'avenir sur l'articulation entre ces instruments, sur la place des différentes collectivités territoriales est tout à fait nécessaire.
Je crois que toutes les questions posées sur l'architecture financière, les systèmes d'information, le pilotage par le ministère, qui sont des questions hautement politiques, sont aussi l'illustration de ce que nous avons essayé de décrire.
Je voudrais insister sur un point concernant la gestion : la conviction commune que nous avons eue est que la qualité des systèmes d'information, des outils de gestion et la clarification des responsabilités s'imposent à la recherche comme à tous les domaines.
J'en donnerai deux exemples. Le premier concerne les publications. Vous vous souvenez des débats qui ont eu lieu sur le classement de Shanghai. Pour que l'on puisse avoir des publications qui rendent bien compte de ce qui se passe dans les universités, encore faut-il que les universités sachent ce qui se passe chez elles, que les chercheurs publient avec des références précises. Nous avons relevé qu'à Lyon, les chercheurs publient sous plus d'une centaine de dénominations !
Second exemple, on y a fait allusion : les financements européens. Les appels d'offres européens exigent maintenant que les équipes des laboratoires puissent répondre à des appels d'offres, avec des documentations importantes, qui supposent des qualifications juridiques et la connaissance des coûts complets.
Si on n'a pas connaissance des coûts complets, on ne peut répondre. Une bonne gestion n'est pas un luxe mais une nécessité pour obtenir ces financements et je crois que tout ce qui pourra permettre aux chercheurs d'être allégés des charges administratives, sans renoncer à ce qui est nécessaire pour la connaissance de leurs affaires, sera important.
Enfin, comme vous l'avez souhaité, je laisse le soin à Mme Seyvet, qui a été rapporteur dans cette longue enquête, de vous dire ce qu'elle a éprouvé au cours de cette longue investigation.
Mme Jeanne Seyvet - Les informations existent aux différents niveaux et sont communiquées. On a véritablement accès aux informations sur les budgets globaux des unités de recherche en rencontrant les directeurs de laboratoires ou leurs équipes ; on a véritablement accès aux budgets des universités en rencontrant les équipes dirigeantes de l'université et on a véritablement accès aux chiffres des ministères en rencontrant les équipes des ministères. La difficulté est qu'à chaque étage, on n'agrége pas les mêmes choses et on ne diffuse pas forcément un type d'information pertinent pour l'étage du dessus.
La question qui se pose est davantage de savoir quels sont les outils dont le ministère et éventuellement le Parlement ont besoin pour le suivi du pilotage d'une politique de recherche dans les universités. Subsidiairement, il faut construire le système d'information qui permet de récolter les données qui existent, mais dont la consolidation n'est pas forcément simple.
Pour donner un exemple, il a été question de SIREDO pour la partie relative aux contrats quadriennaux. On nous dit qu'on va avoir une version qui permettra un retour des universités, mais la même question se pose pour les contrats de plan Etat-régions, où on a un outil qui ne permet pas aux recteurs, à ce jour, de faire remonter l'information vers l'administration centrale.
Je ne veux pas dire qu'il est nécessaire d'avoir une remontée d'informations systématique dans tous les domaines ; nous sommes, pour les contrats de plan Etat-régions, dans une gestion décentralisée et il n'est pas nécessaire d'avoir des remontées d'informations en permanence.
De la même manière, les universités ont un certain type d'autonomie et il faut donc bien peser les indicateurs, dont la remontée au niveau central est nécessaire pour le pilotage d'une politique de recherche.
On a donc une grande disponibilité des équipes, un accès aux chiffres, mais peut être pas de réflexion totalement aboutie sur les indicateurs et les chiffres dont on a besoin au niveau central.
M. le président - Merci pour toutes ces précisions.
Nous allons clore cette audition conjointe pour suites à donner. Vous avez observé que je n'ai pas employé le terme d'« audition contradictoire », car il ne saurait être question de contredire les propos de la Cour. La Cour a délibéré ; elle nous livre le fruit de ses investigations et de ses réflexions.
Ceci était très intéressant par rapport à la mission que Philippe Lachenaud, en son temps, avait souhaité voir confiée à la Cour, mais cela été aussi un tremplin pour la réflexion préalable à la discussion du projet de loi qui sera en discussion devant le Sénat dès le mois de décembre prochain.
Je vous remercie, Monsieur le Ministre. Je remercie vos directeurs. Nous aurons d'autres occasions de rencontre. Je remercie également le président Jean Picq et Mmes les conseillers-maîtres de la Cour.
Ainsi s'achève cette audition conjointe. Je remercie nos collègues de la commission des affaires culturelles.
ANNEXE
COMMUNICATION DE LA COUR DES COMPTES À LA COMMISSION DES FINANCES DU SÉNAT SUR LES SUBVENTIONS D'EQUIPEMENT À LA RECHERCHE UNIVERSITAIRE
42364 |
COMMUNICATION A LA COMMISSION DES FINANCES DU CONTROLE BUDGETAIRE ET DES COMPTES ECONOMIQUES DE LA NATION
DU SENAT
Article 58-2 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances
LES SUBVENTIONS D'EQUIPEMENT A LA RECHERCHE UNIVERSITAIRE |
Juin 2005
SOMMAIRE
Pages
I. LES MASSES FINANCIÈRES EN JEU 65
A. LES INVESTISSEMENTS POUR LA RECHERCHE DANS LES UNIVERSITÉS 65
1. Un chiffrage des investissements de la recherche universitaire dans la DIRD 65
2. L'enquête sur les ressources globales des universités pour la recherche 67
3. L'enquête sur le financement par les collectivités territoriales 67
B. LE FINANCEMENT PAR L'ETAT 68
II.
LES
INVESTISSEMENTS DE LA RECHERCHE UNIVERSITAIRE
A TRAVERS LES CONTRATS DE
PLAN ETAT-REGIONS (CPER)
71
A. LES OPERATIONS IMMOBILIERES DE RECHERCHE UNIVERSITAIRE DANS LES CPER 71
1. L'identification « recherche » des opérations immobilières 71
c. Le rôle de l'identification « recherche » des opérations 73
2. Description analytique des opérations immobilières recherche des CPER 73
a. Les données sur la gestion 76
d. Deux autres difficultés doivent être notées. 79
4. Le rôle des EPST : l'exemple du CNRS 79
a. Description quantitative 79
b. Appréciation qualitative 80
B. LES SUBVENTIONS D'ÉQUIPEMENT DANS LES CPER 80
c. La ventilation régionale 83
2. Le couplage immobilier-équipement au sein des CPER 84
C. LA REFLEXION SUR L'AVENIR DES CPER 85
III.
LES
INVESTISSEMENTS DE LA RECHERCHE UNIVERSITAIRE
HORS CPER
87
A. LES CONTRATS QUADRIENNAUX 87
c. La dualité d'instruments contractuels 89
B. LES INVESTISSEMENTS NON FINANCÉS PAR L'ETAT 89
a. Les sources de financement 89
b. L'exemple de la région Ile de France 89
IV. L'IMPACT DE LA MISE EN OEUVRE DE LA LOLF 93
En application de l'article 58-2 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, le Président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation du Sénat a demandé à la Cour, par courrier du 18 mai 2004 4 ( * ) , de réaliser une enquête portant sur les subventions d'équipement à la recherche universitaire. Cette demande était ensuite précisée :
« La commission des finances du Sénat demande à la Cour des comptes de réaliser une enquête sur les conditions d'élaboration et d'exécution des dispositions des contrats quadriennaux et des contrats de plan Etat-Régions relatives aux investissements et aux équipements de la recherche universitaire.
Sans pour autant entendre limiter les investigations de la Cour des comptes, la Commission s'interroge notamment :
- sur la portée de la contractualisation ;
- sur les conditions de préparation et d'exécution des opérations qui bénéficient de financements d'origine diverse (Etat par financement budgétaire direct, EPST pour les unités mixtes de recherche, Régions, autres collectivités, Europe, Entreprises et autres organismes privés) ;
- et sur les échanges d'information entre les laboratoires, les universités et les services de l'Etat qui interviennent à l'occasion de ces opérations ».
***
Pour répondre à la demande du Sénat, une enquête a été menée au niveau central essentiellement auprès du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche (directions de la recherche, de l'enseignement supérieur, de l'évaluation et de la prospective et des affaires financières), du CNRS, de la DATAR et du CNASEA. La Cour a pu aussi s'appuyer sur d'autres travaux menés par la Cour et des CRC dans les universités et a pu ainsi intégrer les constats effectués dans treize d'entre elles.
Un relevé de constatations provisoires a été adressé aux directions du ministère mentionnées ci-dessus, à l'IGAENR, à la direction du budget du ministère des finances et, sous forme d'extrait, au CNRS et au Président de la région Ile de France. Les réponses reçues du CNRS, de l'IGAENR, du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sous la signature du directeur des affaires financières et de la direction du budget apportent des précisions dont il a été tenu compte dans la présente communication. Les directions d'administration centrale n'ont pas donné suite à la proposition d'audition qui leur avait été faite.
INTRODUCTION
La question posée par la commission des finances, de l'économie générale et du plan du Sénat sur le financement par des crédits dédiés à l'équipement des travaux de recherche menés dans les universités renvoie plus particulièrement aux modalités de ce financement et aux processus de décision qui sont prévus dans ce domaine, notamment pour ce qui concerne la partie inscrite dans les contrats. L'absence d'identification directe de l'équipement dans les financements publics reçus par les universités oblige à une analyse globale du financement des universités.
Deux distinctions doivent en effet être opérées au préalable.
La première distinction concerne la nature des dépenses : les investissements immobiliers pour la recherche sont inclus dans les opérations bénéficiant aux universités imputées sur le budget de l'enseignement supérieur mais sans être identifiés en tant que tels. Les autres équipements sont portés par les lignes imputées sur le budget du ministère chargé de la recherche, qu'il s'agisse d'opérations ponctuelles, ou des financements récurrents ; ces lignes confondent équipement et fonctionnement courant, le choix ayant été fait, pour donner de la souplesse aux équipes, de les regrouper sur des lignes communes inscrites au titre VI du budget du ministère chargé de la recherche
La seconde distinction concerne le type de procédure utilisé : les opérations ponctuelles portées par les universités sont le domaine quasi-exclusif des contrats de plan Etat-régions, auxquels sont appelés à participer aux côtés de l'Etat les grands organismes de recherche, ainsi que le FEDER, en partenariat avec les régions ; certaines opérations d'équipement sont elles aussi incluses dans ces contrats. En revanche, le financement récurrent des équipes est inscrit dans les contrats quadriennaux qui lient les établissements d'enseignement supérieur et l'Etat. Les équipes reçoivent en outre de nombreux autres crédits qui leur sont alloués directement pour des opérations ou des projets déterminés.
L'ensemble de ces financements exclut les rémunérations des enseignants-chercheurs qui oeuvrent dans les équipes rattachées à l'université, inscrites dans les chapitres de rémunération du budget de l'enseignement supérieur.
Cette situation a conduit la Cour a adopter une démarche analytique procédure par procédure, après avoir situé les enjeux financiers grâce aux informations disponibles de manière éparse.
I. LES MASSES FINANCIÈRES EN JEU
A. LES INVESTISSEMENTS POUR LA RECHERCHE DANS LES UNIVERSITÉS
Le financement des équipements de la recherche universitaire est difficile à cerner pour au moins trois raisons :
- il est difficile d'isoler dans l'ensemble des investissements d'une université ceux qui sont exclusivement consacrés à la recherche ;
- ces investissements peuvent être financés par l'université soit sur crédits budgétaires soit sur ses ressources propres, mais aussi par d'autres partenaires : organismes publics de recherche, collectivités territoriales, crédits européens dont le FEDER, partenaires privés.
- si la nomenclature budgétaire identifie les opérations immobilières, elle n'identifie pas les équipements, à l'exception des équipements lourds dans les crédits de fonctionnement.
1. Un chiffrage des investissements de la recherche universitaire dans la DIRD
La direction des études et de la prospective (DEP) au ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche (MENESR), chiffre annuellement les dépenses d'investissement des universités, car elles constituent l'un des éléments de la dépense intérieure de recherche développement (DIRD), notion utilisée pour les débats nationaux et européens sur la recherche-développement 5 ( * ) . Dans cet ensemble, les chiffres concernant la recherche universitaire ne sont pas issus d'une enquête nationale, contrairement aux chiffres concernant la recherche dans les organismes publics de recherche et à ceux de la recherche industrielle. Ils sont en effet le résultat d'une reconstitution :
- pour la partie des crédits budgétaires, à partir des données sur les crédits ordonnancés existant à l'administration centrale, ces données se voyant appliquer des hypothèses de répartition explicitées ci-après ;
- pour les autres crédits, il est fait appel aux données issues de l'enquête sur les ressources globales des universités pour leur activité de recherche conduite par la direction de la recherche (DR) du même ministère (cf. infra).
a. Pour 2002, les dépenses d'investissement des universités répertoriées au titre de ce concept de DIRD se montent à 521 M€ dont 462 M€ en équipement et 59 M€ en opérations immobilières, soit 11% des dépenses intérieures de la recherche universitaire chiffrées à 4 184 M€ en incluant 50% des dépenses de rémunération des enseignants-chercheurs.
Cette estimation a un caractère forfaitaire ; elle résulte des hypothèses figurant dans le tableau ci-dessous :
Tableau n° 1 : Les hypothèses de construction de la DIRD par la DEP |
|||
Chapitre/article |
Part recherche Taux retenu |
Nature des charges |
Commentaire |
56-10/10 |
25 % |
équipement |
|
56-10/50 |
100 % |
immobilier |
constructions recherche (n'existe plus en 2000) |
66-70/10 |
100 % |
équipement |
n'existe plus depuis 2000 |
66-71/50 |
100 % |
fonctionnement et équipement |
ventilé selon 51% fonctionnement, 28% infrastructure, 21% équipement. |
66-73/10 |
25 % |
immobilier |
constructions enseignement supérieur |
66-73/50 |
100 % |
immobilier |
constructions recherche (n'existe plus en 2000) |
De plus, la répartition des chapitres 56-10 et 66-73 entre leurs articles 10 et 50 respectifs (enseignement supérieur et recherche) est elle-même forfaitaire. Ce choix permet cependant d'éviter les doubles comptes pour le calcul de la DIRD et il est constant ces dernières années.
L'autre volet du chiffrage (dit « hors budgétaire contractuel »), est issu quant à lui d'une enquête portant sur les ressources dont la traduction en dépenses résulte elle aussi d'hypothèses forfaitaires qui, par exemple, ne retiennent aucune dépense immobilière.
Enfin, pour éviter les doubles comptes, ne sont pas pris en compte les financements directs des équipes mixtes ou associées aux universités qui restent imputées aux organismes publics de recherche concernés.
b. Sur la période 1997-2002, on constate une rupture entre 1997-1999 et 2000-2001, imputable à une croissance des équipements qui reste inexpliquée mais qui est probablement due à une solution de continuité dans les données recueillies par les systèmes d'information du ministère. L'entrée en vigueur des nouveaux CPER en 2000 n'explique sans doute pas pareil écart.
Tableau n° 2 : Dépenses de la recherche universitaire 1997-2002 en M€ |
||||
Année |
Equipement |
Immobilier |
Total investissements |
Dépenses totales |
1997 |
197 |
72 |
270 |
2797 |
1998 |
173 |
93 |
266 |
2995 |
1999 |
170 |
78 |
246 |
3025 |
2000 |
363 |
58 |
421 |
3775 |
2001 |
433 |
58 |
490 |
4026 |
2002 |
462 |
59 |
521 |
4184 |
Source : DEP
En conclusion, le chiffrage de 521 M€ des investissements de la recherche universitaire est le plus satisfaisant que l'on puisse trouver aujourd'hui.
2. L'enquête sur les ressources globales des universités pour la recherche
Créée pour les besoins de la négociation des contrats quadriennaux, l'enquête sur les ressources globales des universités pour la recherche permet de connaître la structure du financement de la recherche à partir des contrats quadriennaux.
Tableau n° 3 : Ressources globales de la recherche universitaire contractualisée -2001 |
|||
Sources de financement recherche |
Structure |
Montant (en milliers €) |
|
Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche |
39 % |
384 556 |
|
dont FNS |
1 % |
8 264 |
|
dont FRT |
1 % |
5 856 |
|
autres ministères |
4 % |
37 376 |
|
CNRS |
11 % |
108 837 |
|
INSERM |
4 % |
41 334 |
|
autres organismes de recherche |
5 % |
49 892 |
|
collectivités locales |
9 % |
90 619 |
|
contrats de recherche |
} 139 794 |
9 % |
90 876 |
prestations et expertises |
} 14 % |
4 % |
39 461 |
redevances sur brevets et logiciels |
} |
1 % |
9 457 |
UE |
8 % |
77 665 |
|
étranger |
1 % |
9 381 |
|
ressources propres et associations |
5 % |
44 734 |
|
Total |
100 % |
984 178 |
Source : DR
La contribution des organismes de recherche (CNRS, INSERM, autres...) aux unités mixtes et associées s'élèverait ainsi à près de 200 M€. Sur les 3 127 unités reconnues par la direction de la recherche, 1 409 sont des unités mixtes de recherche, l'ordre de grandeur étant de 1 100 pour le CNRS, 300 pour l'INSERM et 60 pour l'INRA. Il n'a pas été possible d'estimer ce qui, dans ce montant, relève de l'investissement et viendrait donc s'ajouter au chiffre de 521 M€ résultant de la DIRD : seules les unités mixtes elles-mêmes sont capables d'avoir une vision complète de leur budget.
3. L'enquête sur le financement par les collectivités territoriales
Enfin, l'enquête de la DEP sur le financement régional de la recherche et technologie, lancée en 2002, renouvelée en 2003 et 2004, donne un éclairage intéressant sur la participation des collectivités territoriales en matière de recherche et technologie, même si elle souffre encore d'insuffisances méthodologiques.
On peut retenir que l'ordre de grandeur du budget des régions consacré à la recherche et technologie était en moyenne sur les deux années 2001-2002 de 350 M€. La répartition par objectif met en évidence que 75 M€ sont consacrés au financement d'opérations immobilières. La part consacrée aux équipements est de 16 %, soit 56 M€.
L'effort relatif des régions est assez inégal : de 1,5 % du budget total (Ile-de-France) à près de 6 % (Aquitaine et Languedoc Roussillon). La participation aux contrats de plan Etat-Régions (CPER) représente en moyenne 40 % de leur budget total de recherche et technologie (90 % pour le Languedoc Roussillon et 26 % pour l'Ile-de-France).
Dans la double perspective de la contractualisation entre des partenaires publics divers et de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, les informations disponibles témoignent de l'absence d'un référentiel d'information et de gestion des activités de recherche partagé entre les administrations centrales du ministère et l'ensemble des établissements de recherche et d'enseignement supérieur.
B. LE FINANCEMENT PAR L'ETAT
L'Etat finance les investissements des universités dans le domaine de la recherche selon des modalités diverses et le recensement appelle une analyse de lignes et de procédures elles aussi diverses.
Les crédits destinés aux opérations immobilières 6 ( * ) (inscrites aux chapitres 56-10/10 et 50 et 66-73/10 et 50) sont gérés par la direction de l'enseignement supérieur et totalement dédiés aux engagements de l'Etat dans les contrats de plan Etat-Régions (CPER). Les engagements de l'Etat dans les CPER pour les seules opérations immobilières spécifiées « recherche » se montent à 41 M€/an en moyenne sur les sept années des contrats (voir tableau 4).
Les crédits destinés aux équipements, qu'ils soient liés ou non à des opérations immobilières, sont pour partie inscrits dans les CPER. Ils sont financés soit par la direction de la recherche sur le chapitre 66-71 ou le FNS (fonds national de la science - chapitre 66-05), soit par la direction de la technologie sur le FRT (fonds de la recherche et de la technologie - chapitre 66-04). C'est la direction de la technologie qui effectue le suivi de l'exécution des CPER pour l'ensemble du volet recherche et technologie et qui joue le rôle de correspondant pour la DATAR. Les engagements annuels de l'Etat, tels qu'ils résultent du tableau de bord de la direction de technologie et calculés sur la base d'1/7 ème théorique sont en moyenne annuelle de 20 M€ sur le 66-71, de 2.5M€ sur le FRT et de 5M€ sur le FNS. 7 ( * )
Mais la plus grande partie des crédits destinés à l'équipement provient des volets « recherche » des contrats quadriennaux conclus entre l'Etat et les universités et elle est financée sur le chapitre 66-71 géré par la direction de la recherche. Ces contrats sont l'outil principal de pilotage de la recherche universitaire par la direction. Ils représentent 279 M€ en 2003, dont 21 % d'équipement (estimation DR) et 79 % en soutien de programme (voir partie IV).
Enfin, le ministère de la recherche finance aussi des équipements dans le cadre des « actions spécifiques ».
Tableau n° 4 : Estimation des principaux financements budgétaires annuels (M€ ) |
||||
Chapitre |
direction gestionnaire |
CPER au 1/7 ème théorique |
Contrats quadriennaux
|
Actions spécifiques |
Opérations immobilières |
DES |
41 |
||
56-10 et 66-73 articles 10 et 50 |
(sur un total de 315) |
-- |
-- |
|
Equipement |
||||
66-71 |
DR |
20 (sur 20) |
60 ou 137(sur 279) |
10 (sur 47) |
66-04 FRT |
DT |
2.5 (sur 17) |
-- |
? |
66-05 FNS |
DR |
5 (sur 5) |
-- |
? |
En conclusion, les incertitudes de chiffrage des investissements de la recherche universitaire sont donc importantes, même en ce qui concerne la seule participation de l'Etat à leur financement.
________________
II. LES INVESTISSEMENTS DE LA RECHERCHE UNIVERSITAIRE A TRAVERS LES CONTRATS DE PLAN ETAT-REGIONS (CPER)
A. LES OPERATIONS IMMOBILIERES DE RECHERCHE UNIVERSITAIRE DANS LES CPER
1. L'identification « recherche » des opérations immobilières
a) Au plan budgétaire
Les opérations immobilières et leur premier équipement sont financés par l'Etat sur les chapitres 56-10 et 66-73, selon que la maîtrise d'ouvrage est assurée par l'Etat ou par l'établissement ou la région. Ces lignes sont gérées par la direction de l'enseignement supérieur.
Pour les deux chapitres, sont concernés les articles 10 et 50 8 ( * ) . Les montants qui sont portés en projet de loi de finances sur les articles 50 de ces deux chapitres ne résultent que d'une convention, postérieure à l'arbitrage budgétaire, qui a pour objectif de séparer les montants qui seront intégrés au BCRD - budget civil de recherche développement - (article 50) et ceux qui le seront au BCES - budget coordonné de l'enseignement supérieur (article 10).
Tableau n° 5 : Répartition des AP en LFI (en M€) |
||||||
LFI |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
56-10 |
107 |
125 |
199 |
184 |
106 |
77 |
dont art. 10 |
107 |
125 |
174 |
159 |
81 |
55 |
50 |
25 |
25 |
25 |
22 |
||
66-73 |
209 |
259 |
205 |
209 |
164 |
130 |
dont art.10 |
209 |
259 |
185 |
189 |
138 |
104 |
50 |
21 |
21 |
26 |
26 |
||
Total 0I |
316 |
385 |
404 |
393 |
270 |
207 |
dont art. 50 |
(46) |
(46) |
(51) |
(48) |
Source : tableaux de gestion DAF et DES
b) Au plan opérationnel
L'ensemble des crédits des lignes 56-10 articles 10 et 50 et 66-73 articles 10 et 50 est contractualisé dans les contrats de plan Etat-Régions (CPER) 2000-2006. Lors de leur négociation, une distinction a été faite entre le volet enseignement supérieur et le volet recherche, mais la pratique a été très hétérogène dans les régions en matière d'identification et d'affectation des opérations immobilières à l'un ou l'autre de ces volets.
Des travaux menés entre les directions ont permis d'identifier des opérations destinées spécifiquement à la « recherche ». Elles représentent 13 % de l'ensemble.
Tableau n° 6 : Opérations « immobilier recherche » des CPER |
|||
Nombre |
Coût total (M€) |
Financement Etat-DES (M€) |
|
Ensemble des opérations immobilières des universités inscrites aux CPER |
1 286 |
4 940 |
2 204 |
Dont opérations recherche |
163 |
676 |
290 |
% |
12,7 |
13,7 |
13,2 |
Source : DES
L'analyse de la nature des projets montre cependant que la frontière entre la destination « recherche » ou « enseignement supérieur » n'est pas précise, comme en témoignent quelques cas concrets examinés par la Cour ou les CRC :
|
La DES considère qu'en réalité, recherche et enseignement supérieur sont indissociables dans toute opération, puisque les doctorants et les enseignants chercheurs occupent des laboratoires aussi bien que des locaux d'enseignement, que de nombreux bâtiments abritent à la fois des salles d'enseignement et de recherche et que, par exemple, une bibliothèque en sciences humaines et sociales est en réalité un outil de recherche. La distinction entre les deux destinations serait ainsi dépourvue de signification.
c) Le rôle de l'identification « recherche » des opérations
Au cours de l'instruction de l'agrément du projet immobilier par la DES, l'opération une fois identifiée « recherche » est soumise à expertise scientifique.
L'agrément des opérations immobilières ayant été déconcentré 9 ( * ) depuis novembre 2003, c'est désormais le recteur qui sollicitera l'avis du délégué régional à la recherche et à la technologie (DRRT) lequel, vraisemblablement, pourra s'appuyer sur la MSTP qui en était auparavant chargée par la direction de la recherche.
L'expertise scientifique projet par projet est l'outil principal de la direction de la recherche. Elle est le moyen d'intervenir sur des projets initialement mal montés ou peu crédibles, de les retarder ou de les redéfinir. Elle est utilisée par les services constructeurs des rectorats, de même que l'appui scientifique en phase d'élaboration fine ou d'exécution du projet, pour être un contrepoids aux exigences des scientifiques en matière de m², de conception ou d'aménagement de locaux.
Dans le cadre du chantier de Paris VII sur la ZAC de Tolbiac , le recours à l'expertise scientifique a permis, en cours de réalisation de l'opération, de procéder à des arbitrages devenus nécessaires par manque de crédits et portant, par exemple, sur la nature de l'animalerie et le niveau d'équipement des laboratoires de biologie. Une autre expertise s'est révélée nécessaire, préalablement à la décision définitive d'implanter les laboratoires de chimie sur une zone qui devrait être traversée par une future ligne ferroviaire souterraine, afin de déterminer le niveau des vibrations prévisibles et leur incidence sur le fonctionnement des appareils à installer. |
La Cour n'a eu accès qu'à six expertises dont la DES a confirmé qu'elles étaient bien les « briques » scientifiques de la procédure d'agrément. Elles ne paraissent pas témoigner d'une procédure très strictement encadrée (signataire de l'expertise, forme du compte-rendu sont variées). Une seule réserve apparaît, sur ces six expertises, qui pointe le défaut radical de bouclage du plan de financement de l'une des opérations immobilières. De plus, les conclusions des expertises scientifiques ne sont pas connues des universités, ni des rectorats .
2. Description analytique des opérations immobilières recherche des CPER
Les 163 opérations immobilières destinées à la recherche se montent à 676 M€ et représentent 13 % du montant de l'ensemble des opérations immobilières de l'enseignement supérieur et de la recherche gérées par la DES et 13 % en nombre. Leurs principales caractéristiques sont les suivantes :
- Le coût moyen d'une opération est de 4 M€, avec une forte dispersion : de 0,17 M€ pour la part recherche d'une construction pour la filière STAPS à 29 M€ pour l'Institut de physique du globe pour l'Ilot Cuvier à Paris.
- Le financement est assuré à 49 % par l'Etat et à 41,5 % par les collectivités territoriales (dont 29,9% par les régions). S'y ajoutent 21,4 M€ en provenance du Fonds européen de développement régional (FEDER) qui intervient en Aquitaine, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Picardie, Poitou-Charentes, Guadeloupe et Guyane. Les états de la DES laissent apparaître encore à mi-2004 un déficit de financement de 16 M€ sur 676 M€.
- La ventilation par région est très contrastée. Le tableau 7 compare le poids des régions dans la recherche en France (% de la DIRD), leur poids dans la recherche universitaire (source DEP) et leur poids dans les opérations immobilières recherche des CPER (source DES).
Tableau n° 7 : poids des régions |
||||||
% de la DIRD
|
% de la recherche universitaire
|
% coût des opérations immobilières
(source DES) |
||||
Ile-de-France |
39,6 |
39,6 |
29,5 |
29,5 |
22,7 |
22,7 |
Rhône-Alpes |
10,7 |
31,8 |
11,7 |
27,6 |
13,0 |
40,8 |
PACA |
7,7 |
6,6 |
14,6 |
|||
Midi-Pyrénées |
7,1 |
5,5 |
5,9 |
|||
Languedoc-Roussillon |
6,3 |
3,8 |
7,3 |
|||
Bretagne |
3,5 |
21,3 |
4,3 |
28,5 |
1,4 |
28,9 |
Outre-Mer |
3,3 |
1,5 |
5,5 |
|||
Aquitaine |
2,8 |
4,4 |
8,8 |
|||
Alsace |
2,7 |
3,9 |
0,7 |
|||
Nord-Pas-de-Calais |
2,7 |
5,3 |
1,1 |
|||
Lorraine |
2,4 |
3,7 |
4,3 |
|||
Pays de la Loire |
2,1 |
3,2 |
4,6 |
|||
Centre |
1,8 |
2,2 |
2,6 |
|||
Auvergne |
1,2 |
7 |
1,7 |
14 |
0,0 |
7,6 |
Poitou-Charentes |
1,1 |
2 |
1,3 |
|||
Basse-Normandie |
0,9 |
1,5 |
1,1 |
|||
Bourgogne |
0,9 |
1,6 |
1,8 |
|||
Haute-Normandie |
0,8 |
1,8 |
0,3 |
|||
Franche-Comté |
0,6 |
1,5 |
0,0 |
|||
Picardie |
0,6 |
1,4 |
2,2 |
|||
Champagne-Ardenne |
0,5 |
1,4 |
0,3 |
|||
Limousin |
0,3 |
0,9 |
0,5 |
|||
Corse |
0,1 |
0,2 |
0,1 |
|||
TOTAL |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
Interrogée sur l'objectif qu'elle poursuit à travers les opérations financées par les CPER dans les établissements d'enseignement supérieur, la direction de la recherche souligne que ces opérations sont initiées et arbitrées au niveau régional. Elle estime que son rôle est de doter un ensemble de bonnes équipes de recherche sur le fondement d'un projet scientifique explicite et pertinent, de locaux et d'équipements scientifiques lourds ou mi-lourds dont le coût dépasse largement les possibilités ouvertes par le contrat quadriennal et dont l'usage concerne souvent plusieurs établissements d'enseignement supérieur et un ou plusieurs organismes de recherche.
A ses yeux, les opérations des CPER permettent d'associer les financements des différentes parties prenantes (universités, organismes de recherche, Etat, régions) à un projet scientifique d'envergure ayant un caractère structurant par rapport au dispositif régional.
A titre d'exemple, la DR cite quelques opérations réalisées entre 2000 et 2004 qui présentent un intérêt stratégique particulier aux plans scientifique et économique :
- la construction et le développement des maisons des sciences de l'homme (MSH) sont un exemple de structuration de la recherche dans le domaine des Sciences Humaines et Sociales conduite à l'aide des CPER ; - l'optique a un poids important en Ile-de-France (environ 3 Md€ de chiffre d'affaires, 10.000 emplois et 10% de croissance annuelle). Deux grands projets en synergie ont été retenus dans le cadre du CPER : 3,5 M€ pour le projet POLA (Pôle Laser) et 1,16 M€ pour le projet MINERVE (Microsystèmes, Imageries, Nano- sciences, Enseignement, Recherche, Valorisation et Entreprises) à Paris sud ; - la région Midi-Pyrénées a joué un rôle précurseur dès 1997 dans le domaine des valorisations agricoles non alimentaires (VANA). Dans le cadre du CPER, un projet VANA regroupant notamment l'INSA et l'INP de Toulouse a été financé au titre de la recherche universitaire à hauteur de 1 M€ ; - le CPER de Rhône-Alpes a mis l'accent sur le domaine biologie-santé en développant les équipements d'imageries ; ainsi, l'université Lyon I a reçu 2 M€ au titre de la recherche universitaire pour l'installation d'une plate-forme d'imagerie fonctionnelle et métabolique. |
Les analyses effectuées par la Cour montrent cependant que la plupart des opérations de la liste ne relèvent pas des critères stratégiques affichés par la DR. A l'inverse, des opérations dont on peut penser qu'elles offrent une occasion de restructurer la politique de recherche des équipes ou des établissements, n'y apparaissent pas.
A l'université Joseph Fourier de Grenoble , la 2 ème phase de la réhabilitation du bâtiment Jean Roget était inscrite au CPER pour un montant total de 5,8 M€. En septembre 1999, le projet était centré sur une mise en sécurité qui s'accompagnait d'une restructuration laboratoire par laboratoire. Sous l'impulsion d'un directeur d'unité, l'université s'en est saisie pour réaliser une opération plus ambitieuse de rationalisation des laboratoires en rupture avec le mode d'organisation traditionnel. Elle a consisté à créer, d'une part, des services communs regroupant et rationalisant des fonctions de support des laboratoires (laverie, chambres froides, microscopie, etc...), d'autre part, des espaces banalisés, pouvant être découpés en modules pour abriter des laboratoires, un tel découpage pouvant sans trop de difficultés être remanié à l'avenir, évitant ainsi de figer la structuration de la recherche menée dans ces locaux. L'opération de Paris VII sur la ZAC de Tolbiac offre d'autres exemples d'interaction forte entre opération immobilière et politique scientifique : les déménagements en tiroir rendus nécessaires par le désamiantage de Jussieu ont conduit au rapprochement physique des unités de mathématiques de Paris VI et VII sur le même site provisoire. Celles de Paris VI vont réintégrer le site de Jussieu, tandis que celles de Paris VII se trouvent en suspens du fait des retards importants de l'opération ZAC Tolbiac ; elles sont donc tentées de se joindre à nouveau à celles de Paris VI, ce qui serait une perspective scientifique alternative à la vocation actuelle du pôle mathématique de Paris VII misant sur les développements interdisciplinaires entre biologie et technologies de l'information. Ce point entre désormais dans la mission confiée, fin 2004, par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche à un groupe consultatif d'experts scientifiques pour l'éclairer sur la cohérence des projets de réimplantation des universités Paris VI et Paris VII sur le campus de Jussieu et la ZAC Tolbiac. |
3. La gestion budgétaire
a) Les données sur la gestion
La direction de l'enseignement supérieur est le service gestionnaire de l'immobilier, la DAF étant ordonnateur et gestionnaire des crédits de paiements. La fluidité de l'information n'est pas optimale et il a fallu la crise de 2004 (cf. infra) pour que les deux directions mènent conjointement les enquêtes qu'elles menaient habituellement séparément auprès des rectorats pour chiffrer les besoins en AP et en CP.
Il n'a pas été possible à la DES de produire l'état de la gestion des 163 opérations immobilières recherche des CPER. Elle ne dispose de ces informations que pour la préparation des délégations de l'exercice suivant et ne les saisit pas dans une base de données de suivi de gestion par opérations.
La base de données BABEL, partagée entre l'administration centrale et les rectorats devrait permettre de résoudre à l'avenir ces problèmes d'information. A la suite de la décision prise en novembre 2003 de déconcentrer la procédure d'agrément, la DES a renseigné la base pour les opérations immobilières inscrites dans les CPER 2000-2006. En avril 2004, il a été demandé aux recteurs de renseigner à leur tour la base pour la partie qui les concerne et sur laquelle ils détiennent seuls l'information. L'évolution de BABEL vers un système d'information sur le patrimoine immobilier est prévue pour la fin de l'année 2005, notamment grâce à un module dédié aux CP correspondant aux AP de l'Etat et à l'identification des opérations destinées, même partiellement, à la recherche.
Faute de données sur l'exécution des opérations recherche, il n'est pas possible de scinder les deux chapitres concernés en fonction de la destination des crédits.
b) La gestion des crédits
Les années 2000 et 2001 sont assez typiques de la gestion décrite par le précédent rapport de la Cour sur les opérations d'investissement dans l'enseignement supérieur, en 2002 : beaucoup de reports, des AP ouvertes à un niveau très supérieur à la LFI, et un taux d'exécution sur crédits ouverts qui fléchit. Dans la durée, c'est en 2002 que l'exécution sur crédits ouverts est la plus basse sur le chapitre 66-73 (maître d'ouvrage établissement ou collectivité territoriale) avec un creux à 70 % d'AP engagées/AP ouvertes, alors que ce creux apparaît plus tardivement, en 2003, sur le chapitre 56-10 (maîtrise d'ouvrage Etat) avec 76 %.
Ce sont les opérations sous maîtrise d'ouvrage Etat (56-10) qui semblent prendre le plus de retard ; par ailleurs, à fin 2003, leur « couverture » 10 ( * ) en CP est de 450 M€ sur 733 M€ d'AP engagées (61 %). Les taux d'exécution sont meilleurs sur le 66-73 (maîtrise d'ouvrage autre) : 519 M€ de CP sont engagés contre 798 M€ d'AP, soit un taux de 65 %.
Les gels de crédits opérés en 2002, 2003 et 2004, qui ont particulièrement concerné les chapitres 56-10 et 66-73, ont eu indiscutablement des conséquences lourdes sur la gestion. La programmation des délégations de crédits a été particulièrement perturbée en 2004. Les demandes de CP exprimées par les préfets s'élevaient à 281,3 M€ sur 56-10 et à 255,3 M€ sur 66-73. Les crédits ouverts en 2004 n'ont permis de mettre en place des délégations de CP que pour respectivement 111,9 M€ et 86,7 M€. Au 30 juin 2004, la quasi-totalité des CP ouverts étaient consommés. Des cessations de paiement avaient été constatées dès le mois de mai précédent.
En ce qui concerne les autorisations de programme, au niveau national les demandes des préfets se montaient à 483 M€. Les AP ouvertes sur les deux chapitres permettaient de construire une programmation de 313 M€, qui a été notifiée aux préfets en mars. Compte tenu de la pénurie en CP (pour 2004 et sans doute au-delà), le ministère a limité à 150 M€ la délégation d'AP 2004, base sur laquelle a été définie une nouvelle programmation par région alors que les conférences administratives régionales (CAR) avaient pour une grande part déjà statué.
A Grenoble , le manque de crédits a conduit à retarder le dépôt de la demande de permis de construire de l'opération Neurosciences à l'Université Joseph Fourier, alors que le dossier était techniquement prêt. En Picardie , les besoins étaient chiffrés à 7,1 M€ pour 2004 ; le ministère a annoncé une délégation de 5,1 M€ qui s'est traduite ensuite par une dotation de 1,2 M€. Cette dotation va être consacrée à 4 opérations (dont 2 opérations recherche de l'université de technologie de Compiègne pour lesquelles l'université avait dû faire des avances de trésorerie : la réfection du centre de recherche de Royallieu, déjà largement engagée, et l'étude de faisabilité du CERTE, centre européen de recherche en technologie environnementale) sur les 18 qui sont en phase active (on peut remarquer qu'aucune des 4 opérations n'est sous maîtrise d'ouvrage Etat). Il resterait à l'Etat 17 M€ à engager en AP et près de 24 M€ en CP, sur deux exercices, pour respecter le CPER, alors que la Région Picardie a tenu ses engagements. Dans l'académie de Montpellier , la situation est atypique. La pénurie de crédits est pour l'instant relativement indolore, car un gros projet impliquant l'institut Charles Gerhardt à l'université de Montpellier 2, le pôle chimie, a été remis à l'étude par l'un des partenaires et les 3 M€ prévus ont été retirés de la programmation de l'année 2004. Ainsi, avec une délégation d'AP 2004 limitée pour l'académie à 5,1 M€ (après notification de 7,7 M€ sur des besoins exprimés de 11,8 M€), il va être possible de ne plus retarder un autre projet de recherche prioritaire, celui de l'Institut universitaire de génomique fonctionnelle. Pour Paris , la priorité absolue va à la réalisation du désamiantage de Jussieu et donc à l'implantation de Paris VII sur la ZAC de Tolbiac. Mais Paris est aussi l'une des très rares académies (avec la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie) où l'Etat était fin 2003 en avance sur le rythme théorique d'exécution de ses engagements (l'avance était de 21 M€ sur 355 M€ d'engagements au total). Pour 2004, l'académie de Paris avait chiffré à 61,6 M€ ses besoins en AP ; 32,8 M€ lui ont été notifiés et finalement 15,9 M€ ont été effectivement délégués. |
Au niveau national, face à ces difficultés, un décret de virement du chapitre 66-72 (maintenance) vers le chapitre 66-73 est intervenu pour 11 M€ en juillet, suivi par un décret d'avance de 42 M€ le 3 septembre portant sur le 56-10 pour l'essentiel. La LFR 2004 a ouvert en outre 100 M€ de CP.
c) L'exécution des CPER
Le tableau de l'annexe 3 donne l'état d'exécution en AP des CPER par région sur les années 2000 à 2004. Les lignes 56-10 et 66-73 devraient ensemble contribuer pour 316 M€ par an à l'exécution des CPER (sur la base du 1/7 ème théorique de 2 211 M€) : elles ont contribué jusqu'ici pour 292 M€ en 2000, 305 en 2001, 323 en 2002, 239 en 2003 et 150 M€ en 2004. En 2003, le taux d'exécution des opérations immobilières était de 52,55 % contre 57,1 % ; le retard était déjà de plus de 100 M€. En 2004, ce même taux d'exécution atteint 59,37 % contre 71,4 % correspondant aux 5/7 ème de la durée des CPER ; le retard est proche de 270 M€.
Le ministère précise, dans sa réponse écrite, que l'enveloppe financière pour 2005 a été fixée à une demie année théorique de chaque CPER régional, soit 158M€. Dès lors, il faudrait programmer 740M€ d'AP nouvelles en 2006 (soit une augmentation de +370%) pour que l'Etat tienne ses engagements sur la période 2000-2006.
d) Deux autres difficultés doivent être notées.
Une première tient à ce que les opérations décidées en CIADT après la signature des CPER ne sont pas assorties des modalités de leur financement par l'Etat (redéploiement d'AP ou nouvelles ouvertures). Ceci concerne 5 opérations sur les 163 opérations recherche des CPER : elles représentent 5,5% du montant global.
La seconde concerne la mobilisation du FEDER, bien que les cas litigieux dans ce domaine, rapportés par la DES, ne soient pas des opérations de recherche. Le risque provient de l'exigence du respect d'un délai maximal entre l'acceptation du dossier et la première demande de crédits : tout retard peut mettre en péril le schéma de financement retenu. Le montant total attendu du FEDER est de 21,4 M€, concentrés sur les régions Aquitaine pour 5,6 M€ (soit 9 % du coût total), Picardie pour 1,14 M€ (soit 8 %), Poitou-Charentes pour 0,91 M€ (soit 10 %), PACA pour 5,34 M€ (soit 5 %), Guadeloupe pour 8,38 M€ (soit 23 %).
4. Le rôle des EPST : l'exemple du CNRS
a) Description quantitative
En parallèle avec la liste de ses engagements au titre des CPER, le CNRS pilote au niveau central sa politique immobilière par une programmation triennale glissante. Celle-ci comporte actuellement 34 opérations immobilières scientifiques, pour des montants de 13 M€ en 2002, 5M€ en 2003, 3M€ en 2004, 12 M€ en 2005 et 7M€ en 2006 (état en février 2004, programmation en cours de révision). S'y ajoutent des opérations d'intérêt général (administratives, sociales ou d'infrastructures de campus) pour 2 à 3,5 M€ par an. Parmi ces 34 opérations, 20 sont inscrites aux CPER, dont 10 concernent la recherche universitaire pour une programmation totale de 15 M€ (voir tableau 16).
De plus, les montants inscrits par le CNRS se situent en général au dessus de ses engagements initiaux au CPER : ainsi en PACA, le projet CIML de Luminy est passé de 1,5 à 4 M€, et en Languedoc Roussillon les enveloppes pour les projets IBP et CEFE ont respectivement doublé. Une exception est à noter : le projet Orsay-Saclay PCRI, réduit de 2 M€ à 0,4M€ au cours de la mise au point du projet.
Toutes les opérations immobilières du CNRS ne sont pas contractualisées, ce qui lui donne une relative marge de manoeuvre. L'organisme prend, par ailleurs, la précaution d'inscrire deux provisions dans sa programmation : l'une de 500 à 750 k€ selon les années pour « études et aléas », l'autre du même montant pour des opérations d'aménagement de laboratoires.
Enfin, le CNRS finance aussi des équipements dans ses équipes mixtes ou associées avec les universités (en liaison ou non avec des opérations immobilières).
Au total, l'implication du CNRS dans des laboratoires mixtes ou associés aux universités dans le cadre des CPER porte sur 67 M€, dont 15 sur opérations immobilières et peut se résumer ainsi :
Tableau n° 8 : Engagements du CNRS (en millions d'euros) |
||||||
Engagements initiaux au titre des |
programme |
Equipement |
Opérations immobilières |
Ressources propres |
Total E+OI+RP |
|
CPER |
CNRS |
E |
OI |
RP |
||
Unités mixtes ou associées |
43,584 |
66,446 |
47,437 |
14,791 |
4,374 |
66,602 |
TOTAL général |
99,521 |
142,156 |
85,383 |
49,998 |
7,698 |
143,079 |
Part Labo mixtes |
43,79 % |
46,74 % |
55,56 % |
29,58 % |
56,82 % |
46,55 % |
Les crédits CNRS sont à comptabiliser dans la part Etat des CPER.
b) Appréciation qualitative
Au CNRS, la prise de décision sur les projets suit une procédure très stricte : avant-projets normalisés, intervention des départements scientifiques puis de la direction des études et des programmes, examen en comité de direction. Un comité de suivi des projets supervise le déroulement de la phase préalable et le comité de direction examine chaque année, avant la préparation du budget de l'année suivante, un dossier d'actualisation de la programmation immobilière triennale.
Le CNRS joue un rôle particulier pour les projets de ses équipes mixtes : sa propre expertise scientifique interne est susceptible de valider le projet en très grande partie pour l'ensemble des autres partenaires (université et région notamment) et ses financements sont prévus et affichés avec une assez grande clarté. Cependant, ses relations avec les conseils régionaux et les préfets et recteurs transitent par les délégués régionaux du CNRS et il ne semble pas y avoir de mécanisme efficace pour traiter d'éventuelles divergences de vue. La création des directions interrégionales chargées de renforcer ses relations avec ses principaux partenaires devrait être l'occasion d'améliorer les échanges du CNRS avec les recteurs, les DRRT et les collectivités territoriales.
B. LES SUBVENTIONS D'ÉQUIPEMENT DANS LES CPER
1. La gestion
a) Les montants
Contrairement à ce qui existe pour le volet « construction » précédemment évoqué, les sommes consacrées à l'équipement pour la recherche dans les CPER sont répertoriées dans leur volet « recherche et technologie », qui couvre aussi par ailleurs le financement de bourses (formation par la recherche), de structures de transfert de technologie ou d'essaimage, et des actions collectives en matière de culture scientifique, technique et industrielle. C'est la direction de la technologie qui, au ministère de la recherche, pilote l'ensemble du volet recherche et technologie, tient la base de données correspondante (sans interface avec l'échelon régional) et assure la liaison avec la DATAR.
Du côté de l'Etat, le financement de l'équipement de la recherche universitaire dans les CPER est porté par la ligne 66-71/50 gérée par la direction de la recherche, mais aussi pour partie par le Fonds de la recherche technologique (FRT, 66-04/10) géré par la direction de la technologie et par le Fonds national de la science (FNS, 66-05). Les organismes publics de recherche comme le CNRS, l'INRA et l'INSERM participent également au financement de projets d'équipement inclus dans les CPER.
L'exécution se situe à un niveau satisfaisant, sauf sur le chapitre 66-71 où le retard est équivalent à une année (tableau 9). La couverture des AP par des CP s'effectuant sur deux ans, et les crédits étant de consommation plutôt rapide, l'utilisation des crédits ouverts en loi de finances peut être jugée satisfaisante.
Tableau n° 9 : L'équipement de la recherche universitaire dans les CPER (source DT) |
|||||||
en M€ |
Engagements sur la période |
1/7 ème théorique |
Dotation LFI moyenne 2000-2004 |
Poids CPER dans la ligne |
Cumul des délégations 2000-2004 |
Taux d'exécution CPER (théorique 5/7 ème = 71,4%) |
Avance (+) ou retard (-) en M€ |
66-71 |
134,7 |
19,2 |
315 |
6 % |
80,9 |
60,1 % |
- 15,3 |
FRT (1) |
17 |
2,5 |
164 |
1,5% |
12,1 |
70,1 % |
- 1,6 |
FNS |
36,5 |
5,2 |
150 |
3,5% |
37,2 |
102 % |
+ 11,1 |
TOTAL |
188,2 |
26,9 |
629 |
4,3% |
200,9 |
69,5 % |
- 5,8 |
source : Cour des comptes |
Tableau n° 10 : Volet recherche et technologie des CPER |
||||||
Chiffres en Euros |
Engagements initiaux de l'Etat |
Délégations 2000 (source ministère) |
Délégations 2001 (source ministère) |
Délégations 2002 (source ministère) |
Délégations 2003 (source ministère |
Programmation 2004 initiale AVANT GEL (source ministère) |
EDUCATION NATIONALE, RECHERCHE ET TECHNOLOGIE |
579 279 921 |
60 411 315 |
87 287 429 |
96 337 603 |
80 504 161 |
89 519 623 |
66-71 |
134 671 571 |
4 651 220 |
19 391 972 |
19 872 053 |
18 382 638 |
17 761 179 |
43-01/10 Transfert de technologie |
83 263 841 |
7 068 518 |
10 214 084 |
10 970 649 |
9 770 544 |
10 403 012 |
43-80 Bourses |
41 349 806 |
14 969 626 |
6 880 482 |
6 819 600 |
650 000 |
6 049 611 |
66-04/10 FRT |
118 162 950 |
11 510 739 |
19 345 780 |
18 898 185 |
14 849 509 |
20 822 328 |
66-05 FNS |
36 501 848 |
1 715 051 |
5 893 069 |
8 201 152 |
10 039 207 |
7 679 868 |
43-01/60 |
23 212 354 |
2 447 417 |
3 951 479 |
3 628 191 |
3 433 270 |
3 571 663 |
61-21 INRA |
31 434 986 |
0 |
647 908 |
5 212 994 |
3 428 310 |
4 799 226 |
61-22 CEMAGREF |
4 260 950 |
353 682 |
1 232 245 |
577 540 |
841 760 |
625 041 |
62-00 CEA |
0 |
4 390 532 |
152 449 |
0 |
0 |
0 |
62-12 ARGM |
701 265 |
0 |
929 939 |
753 000 |
0 |
100 181 |
63-00/10 INRETS |
2 134 286 |
0 |
156 260 |
42 662 |
81 234 |
304 898 |
63-00/30 LCPC |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
63-01 INRIA |
10 061 635 |
3 592 766 |
5 102 469 |
1 834 999 |
729 000 |
1 706 340 |
66-18 IFREMER |
12 173 054 |
674 587 |
2 051 659 |
2 123 878 |
2 841 650 |
1 726 124 |
66-21 CNRS |
57 515 969 |
8 505 131 |
10 148 531 |
14 894 100 |
6 813 178 |
10 670 124 |
66-50 INSERM |
13 964 330 |
455 823 |
1 097 633 |
803 123 |
7 081 772 |
2 397 817 |
68-42 IRD |
2 401 072 |
0 |
15 245 |
580 526 |
30 490 |
342 767 |
68-43 CIRAD |
4 268 573 |
76 225 |
76 225 |
1 124 951 |
1 531 600 |
559 444 |
Non ventilé |
3 201 430 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
Source :DATAR Le tableau 10 donne le détail de la ventilation des engagements de l'Etat par ligne budgétaire dans le volet recherche et technologie, ainsi que les délégations annuelles successives. Les lignes « 66-71 » et « 66-05 FNS » de ce tableau correspondent en totalité au financement d'équipements pour la recherche universitaire.
b) La procédure
La procédure est organisée par une circulaire du ministre de la recherche en date du 21 décembre 2000. Un comité régional doit être mis en place par le préfet, avec la participation de la Région, du recteur et du DRRT (les délégués régionaux des organismes pouvant être appelés à y siéger). Ce comité a vocation à examiner et sélectionner les projets de recherche et de technologie en procédant à une première validation ; il tient compte des éventuelles relations avec les opérations de construction universitaire. Puis les projets sont soumis à expertise nationale, sous le pilotage de la DT. Cette expertise nationale a été expressément exclue du mouvement de déconcentration opéré par la circulaire de novembre 2003. Sur la base de ces expertises, des réunions de programmation sont prévues à la DR et à la DT en deux sessions annuelles.
Un cas a été relevé par les juridictions financières pour lequel les délais de financement de l'équipement ont été particulièrement longs. Le GIP Maison des Sciences de l'Homme « Ange Guépin » a la particularité de ne pas émarger directement au CPER Pays de la Loire mais d'y figurer par le biais de l'université de Nantes. Le GIP a perçu en 2001 des crédits d'équipement du CPER 1994-1999 pour 1,6MF. Dans le cadre du CPER 2000-2006, il a reçu des crédits sous forme de trois tranches annuelles du FNS ; la tranche 2001 a été notifiée à l'université en septembre 2001 et les fonds ont été versés au GIP 18 mois plus tard ; les tranches 2002 et 2003 ont été notifiées en octobre 2003 et en février 2004, avec versement des fonds six mois et trois mois plus tard. |
c) La ventilation régionale
La ventilation régionale des engagements initiaux du chapitre 66-71 dans les CPER et celle du cumul de l'exécution 2000-2003 des opérations d'équipement de la recherche universitaire (l'exécution sur le FNS et le FRT n'ayant pas pu être obtenue) montre que, sur un total de 134,7 M€, 63,7 avaient été engagés de 2000 à 2003 et que les régions ont été « servies » de manière très inégale. Ce constat est le reflet à la fois des demandes initiales (le Languedoc-Roussillon avait privilégié les opérations de construction) et de la plus ou moins grande maturité des projets inscrits aux contrats.
Ces crédits couvrent actuellement plusieurs centaines d'opérations d'équipement de la recherche universitaire, dont le coût pour l'Etat varie de quelques milliers à quelques centaines de milliers d'euros, exception faite de quelques très gros projets.
Dans cette catégorie on peut citer le projet MINERVE, qui vise à mettre à la disposition de partenaires publics et privés des équipements de pointe en matière de nano-technologies installés sur le site d'Orsay de l'université de Paris XI, dans les locaux de l'Institut d'électronique fondamentale. Quinze laboratoires appartenant à des institutions différentes en Ile de France et regroupant 200 chercheurs, 40 techniciens et 150 doctorants se sont associés pour réaliser l'opération. Elle est inscrite pour 7,6 M€ au CPER avec une partie en crédits de construction et une partie importante en équipement. Le montant inscrit au CPER représente 90% du coût total du projet, les 10% restant ayant été mobilisés sur le FNS à travers une action concertée incitative (ACI) et par le conseil régional. Les crédits proviennent de huit sources différentes 11 ( * ) . Les responsables de l'université font valoir l'acrobatie permanente que représente, dans ces conditions, la gestion des crédits de paiement. Au 1 er juillet 2004, l'opération est en voie d'achèvement mais la couverture en CP n'est que de l'ordre des 2/3. D'autres gros projets peuvent être signalés, par exemple : le « réseau phénotypage petit animal » de l'université Pierre et Marie Curie en Ile-de-France qui a déjà mobilisé 1,5 M€ ; un atelier pilote en microfabrication et micromécanique hybride ou des procédés « non polluants » de dépôts à haute performance prévus, en Franche Comté, respectivement pour 1,4 et 1,5 M€ de financement de l'Etat, ou encore le pôle « Homme, Technologie et Systèmes Complexes » pour 7,6 M€ en Picardie. |
2. Le couplage immobilier-équipement au sein des CPER
Souvent les opérations immobilières des CPER sont accompagnées d'un volet équipement. Il n'a pas été possible d'en établir le lien autrement qu'au travers des cas observés sur le terrain.
Les expertises scientifiques sont cependant confiées, pour une même opération d'ensemble, au même expert de la MSTP (celui de la discipline concernée). Le lien peut donc se faire à ce niveau. Cependant, les deux expertises sont forcément décalées dans le temps et la durée moyenne d'un poste d'expert à la MSTP est de 3 ans. En dehors des expertises, la liaison entre la phase de construction- premier équipement et celle de l'équipement devrait pouvoir se faire, en pratique, au niveau local au travers des comités régionaux décrits ci-dessus et pourrait aussi résulter d'échanges au niveau central entre gestionnaires.
Dans un certain nombre de cas, l'articulation entre les crédits de construction et d'équipement semble se faire correctement : par exemple l'extension du LABRI à Bordeaux 1 (inscrit au CPER sous financement d'Etat pour la construction, et un financement d'environ 2/3 - 1/3 entre région et CNRS pour l'équipement). En revanche des cas difficiles on été relevés ; à Grenoble , pour la réhabilitation du bâtiment Jean Roget de l' université Joseph Fourier , on constate que l'accompagnement en crédits d'équipement programmés sur le FNS est en défaut de 640 000 € de CP pour des travaux qui ont été livrés en mai 2004 ; l'université fait donc face aux factures sur sa trésorerie pour l'instant. A Paris VII , dans le cadre du vaste projet de relocalisation sur la ZAC Tolbiac, la pression est forte. Compte tenu de l'enveloppe très contrainte des crédits de construction (66-73), des arbitrages ont dû être rendus au détriment de l'équipement des bâtiments à leur livraison, notamment pour ce qui concerne l'immeuble de biologie qui, au total, ne sera pas livré en état de marche (cloisonnements, paillasses, raccordement de fluides, contrôle d'accès - vidéo surveillance...) : les équipements destinés à ce bâtiment qui n'ont pas été inclus dans les marchés sont évalués à plus de 3,6 M€. |
C. LA REFLEXION SUR L'AVENIR DES CPER
Pour mémoire, l'ensemble « enseignement supérieur et recherche » est le deuxième poste des CPER après les routes. Il représente 2 770 M€ soit près de 16 % du total.
Un groupe de réflexion avait été lancé au début 2003 par la DATAR, sur l'avenir des contrats de plan Etat-Régions. Dans ce cadre 12 ( * ) , la direction de l'enseignement supérieur recommandait d'individualiser au sein des articles 56-10 et 66-73 une enveloppe « construction » et une enveloppe « premier équipement », afin de ne plus pénaliser les équipements quand les coûts de construction dérapent. Elle indiquait qu'un nouvel exercice de contractualisation devrait être centré sur la restructuration et la mise aux normes des bâtiments existants, d'une part, et sur les équipements scientifiques lourds, de l'autre. Un effort particulier devrait être également fait pour maîtriser la carte des formations d'enseignement supérieur et pour coordonner les CPER et les contrats d'établissement, en s'appuyant sur la mise en place de schémas directeurs à 10 ou 15 ans pour chaque établissement. Elle insistait particulièrement sur la nécessité de préparer soigneusement le nouvel exercice de contractualisation par la réalisation d'études préalables aux opérations d'investissement, la définition d'éléments de cadrage national et la mise en oeuvre d'actions pour accompagner l'autonomie des universités (transfert en pleine propriété de leurs biens immobiliers).
En effet, la solution pour faire face à de nouveaux projets en cours d'exécution des CPER ne réside pas seulement dans le taux de contractualisation des lignes. Ont été par le passé inscrits dans les contrats des opérations dont seul le principe était envisagé : ceci conduit à immobiliser parfois durablement des crédits. De même, il n'existe pas sur le budget de l'Etat de marges de manoeuvre comme a pu les constituer le CNRS en prévoyant hors contrat des crédits d'étude ou une enveloppe pour aléas et en identifiant un financement du premier équipement. Par ailleurs, un nouveau découpage des enveloppes du 66-73 et 56-10 introduirait une rigidité supplémentaire.
Le projet de Centre Européen de recherche Technologique Environnementale (précédemment dénommé Centre Le Meux- maîtrise des risques technologiques) de l'université de technologie de Compiègne (UTC) a été inscrit alors qu'il n'était aucunement développé. L'UTC ressentait le besoin de localiser ses laboratoires « à risques » (chimie et biotechnologie végétale) hors de la zone urbaine, dans des locaux neufs et adaptés. L'inscription se fait au CPER pour 7.317 M€, somme correspondant à un reliquat dans la négociation du CPER plus qu'à une estimation sérieuse du coût prévisionnel. Le terrain sur la commune de Le Meux, qui était envisagé pour l'opération, s'est révélé inadapté ; l'UTC a réorienté son projet dans un partenariat avec l'INERIS -avec lequel elle est déjà en relation au travers d'un GIE- et qui éprouve des besoins similaires pour ses propres activités à risques (gaz et dispersion...). Lors de la révision du CPER-Picardie, le montant est réduit à 4,7 M€, avec la mention qu'il ne s'agit que d'une « première phase », le projet ayant servi très naturellement de variable d'ajustement, compte tenu de son immaturité à ce stade. Actuellement, l'étude de faisabilité a été lancée pour 242 K€, l'UTC ayant fait l'avance de fonds ; l'Etat a engagé en 2004 ce montant en AP et CP, les collectivités locales sont associées au comité de suivi. Une solution pour l'emprise foncière est identifiée, mais non encore validée ; le projet devrait comprendre trois zones distinctes pour les activités à risques des trois partenaires et une zone commune pour l'accueil et l'intendance. De ce fait, il pourrait y avoir trois maîtrises d'ouvrage différentes et le bouclage du projet, en particulier en termes d'estimation des coûts et de plan de financement, n'est pas assuré. |
Les règles qui devront être appliquées pour la future génération des contrats de plan ne sont pas encore définies, bien que le CIADT de décembre 2003 ait proposé deux scénarios d'évolution des CPER :
- un nouveau dispositif de contrats de plan plus courts (3 ou 4 ans) recentrés sur un nombre restreint de politiques, fortement modulés en volume et en taux, avec possibilité pour l'Etat de contractualiser avec d'autres collectivités territoriales si la Région refusait de s'engager ;
- des documents de référence sans portée contractuelle pour la cohérence à long terme de l'Etat et des Régions et une grande liberté de contractualisation à tout moment, sur des thèmes variables et à géométrie variable en ce qui concerne les collectivités signataires.
III. LES INVESTISSEMENTS DE LA RECHERCHE UNIVERSITAIRE HORS CPER
A. LES CONTRATS QUADRIENNAUX
a) Le contenu des contrats
Les contrats quadriennaux (ou d'établissement) sont conclus entre le ministère et l'université.
Le contrat recherche existe depuis 1984 ; en 1989, le contrat recherche est intégré comme volet au contrat quadriennal d'établissement. Il est devenu tripartite avec le CNRS depuis 1995 et intègre depuis 2000 l'ensemble des organismes de recherche concernés. Sa négociation est donc organisée à l'intérieur de la négociation des contrats d'établissement, pilotée par la direction de l'enseignement supérieur.
Le volet recherche des contrats quadriennaux est pour la direction de la recherche l'instrument privilégié de pilotage des 162 établissements d'enseignement supérieur. Le dialogue contractuel 13 ( * ) , appuyé sur des évaluations, privilégie, dans un premier temps, l'approche disciplinaire de chaque unité de recherche reconnue au sein de l'université. La DR s'efforce, surtout depuis 2002, de dépasser ce découpage en unités et de faire porter aussi le dialogue contractuel sur la stratégie scientifique de l'établissement et sa traduction réelle en termes d'affectations de crédits, de recrutements opérés par l'université et de gouvernance scientifique de l'établissement.
Le contrat quadriennal se caractérise cependant toujours par des crédits fléchés de façon détaillée sur les différentes unités de recherche. La globalisation des crédits des contrats quadriennaux, parfois revendiquée par des présidents d'université, bute sur le fait que peu d'universités se sont réellement dotées à ce jour d'une stratégie de recherche à l'échelle de l'établissement.
Un tiers des établissements reçoit 90 % des crédits (référence : 2003) 14 ( * ) . Dix établissements ont des montants de contrat recherche inférieurs au contrat précédent. L'objectif de la DR, à travers ces contrats, est en effet de donner aux équipes de recherche les moyens de travailler mais surtout de concentrer le maximum de moyens sur les meilleures équipes pour affronter la compétition internationale, sans perdre de vue l'accompagnement de la montée en puissance des universités périphériques (comme La Rochelle par exemple) ou l'émergence de jeunes équipes. La cohérence de la stratégie de la DR avec celle des autres financeurs n'est cependant pas encore complètement assurée. Pour ce qui concerne les grands organismes de recherche l'intégration de leurs opérations dans les contrats constitue un progrès. Pour ce qui concerne les collectivités territoriales, les concertations sont aujourd'hui plus nombreuses, sous l'égide des directions régionales de la recherche et de la technologie, mais elles ne sauraient être un obstacle à des stratégies régionales ou locales autonomes.
b) Le montant des contrats
En 2003, le montant global du volet recherche était de 441 M€ dont 279 M€ sont portés par le chapitre 66-71, article 50. Ce chapitre 66-71 « subventions d'équipement à la recherche universitaire » finance en réalité à la fois du fonctionnement et de l'équipement.
Dans la pratique, les crédits des contrats quadriennaux sont ventilés dans chaque contrat en 5 rubriques :
Tableau n° 11 : Chapitre 66-71 - contrats quadriennaux en 2003 |
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En M€ |
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chapitre 66-71 |
Montant |
Nature |
Crédits scientifiques |
171 |
fonctionnement + équipement |
Crédits formations doctorales |
12 |
fonctionnement |
Crédits informatiques |
8 |
équipement |
Crédits valorisation |
2 |
fonctionnement |
Crédits infrastructure |
81 |
fonctionnement |
Non répartis |
4 |
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TOTAL |
279 M€ |
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Source : DR |
Les annexes financières au contrat quadriennal fixaient le montant relatif à l'équipement pour distinguer ce qui pouvait donner lieu à récupération de TVA. Après que les opérations des contrats quadriennaux et des CPER ont été sorties du champ d'application de la TVA en octobre 2003, une mesure budgétaire nouvelle de 10 M€ a été répartie dans les universités au prorata des montants de leurs contrats quadriennaux. Cette information disparaîtra donc à l'avenir.
Les crédits d'infrastructure sont forfaitisés et calculés depuis 2002 sur la base déclarative de la surface recherche (à 29 €/m²) et en fonction du nombre de chercheurs dans les unités. Ils concernent 3 millions de m² de surface recherche.
Globalement, le chapitre 66-71 est donc réparti de la façon suivante : 80 % dans les contrats quadriennaux, 5 % dans les CPER et 15 % dans des actions spécifiques.
Les régulations qui ont eu lieu sur le chapitre 66-71 ont eu pour conséquence que l'arbitrage des disponibilités s'est fait naturellement en faveur des actions contractualisées (contrats quadriennaux, CPER et Institut universitaire de France), au détriment des actions spécifiques.
c) La dualité d'instruments contractuels
L'Etat gère donc avec les universités deux dispositifs contractuels autonomes l'un par rapport à l'autre. Le risque de dispersion des efforts financiers né de la dualité des supports de contractualisation, entre CPER et contrats quadriennaux, est réel. Le rapport du commissariat général au plan ayant proposé d'associer les régions à la discussion des contrats quadriennaux sous des formes adaptées, les services du ministère chargé de la recherche rejettent l'idée d'un contrat unique et marquent un intérêt pour des contrats ou conventions parallèles aux contrats d'établissement.
La Cour observe que le foisonnement d'initiatives récentes ayant comme objectif la structuration de la recherche (pôles d'excellence régionaux, politiques de sites, pôles de compétitivité..) accentue encore le risque de dispersion dans la mesure où chacune d'entre elles s'ajoute sans jamais se substituer aux dispositifs contractuels existants.
B. LES INVESTISSEMENTS NON FINANCÉS PAR L'ETAT
a) Les sources de financement
Les sources de financement des équipements pour la recherche à l'université, hormis l'Etat et au-delà de l'ensemble des contributions inscrites aux contrats de plan, sont : d'une part, les tiers, principalement l'Union Européenne, qui cofinancent des projets de recherche, et le secteur privé -dont les fondations- qui contiennent en général 10 à 20 % d'équipement ; d'autre part, certaines collectivités territoriales qui ont mis en place des programmes propres.
Sur la première, les rares chiffres disponibles sont intégrés dans la DIRD (cf. partie I).
b) L'exemple de la région Ile de France
Sur la seconde, le cas emblématique 15 ( * ) est celui de l'Ile-de-France, avec le programme SESAME (soutien aux équipes scientifiques pour l'acquisition de moyens expérimentaux), dédié aux équipements mi-lourds.
Cette procédure a été créée en 1993, après que le comité stratégique recherche de la région ait constaté de nombreux besoins insatisfaits, la moyenne d'âge des équipements franciliens et leur taux d'utilisation supérieurs à la moyenne nationale. La région recourt à un appel à proposition annuel ouvert à tous les acteurs de la recherche publique et parapublique, chaque institution de recherche ne pouvant présenter qu'un projet à la fois (un pour chaque département ou direction scientifique pour les très grands organismes CNRS, CEA, INRIA). La sélection par un jury pluridisciplinaire d'experts franciliens prend en compte les retombées économiques, la qualité scientifique du projet et ses aspects fédérateurs, l'originalité, les conditions de fonctionnement. La décision appartient aux élus du conseil régional. Le financement de la région est plafonné à 40 % (initialement au tiers) de l'investissement total et la durée habituelle de la convention est de trois ans. Un seuil minimal de coût de l'équipement avait été fixé initialement à 3 MF, puis ramené à 2 MF en 1996, enfin remplacé par une fourchette de 0,3 M€ à 3 M€.
Une évaluation conduite en janvier 1999, sur la période 1993-1998, à la demande de la Région par l'IAURIF (Institut d'Aménagement et d'Urbanisme de la Région Ile-de-France) chiffrait à 20 % la part des subventions SESAME dont les universités avaient été bénéficiaires, sur un montant annuel de l'ordre de 5 à 6 M€ en fin de période. Cette étude détaillait surtout les impacts de SESAME sur le système économique francilien et sur la structuration du système de recherche et proposait à la Région une vision stratégique de l'évolution de cette procédure, fort connue et appréciée dans la recherche publique francilienne, et considérée par la Région comme la première de ses priorités en recherche.
Le bilan 1993-2003 de SESAME est de 10 appels à propositions et de 246 projets retenus pour 62 M€. Le rythme annuel est désormais de 9 M€ (chiffre 2002). Pour mémoire, le montant du chapitre 66-71 consacré à l'Ile-de-France dans le CPER sur les années 2000-2003 a été de 7,2 M€, soit 1,8 M€ par an en moyenne.
De façon plus globale, la Région Ile-de-France chiffre à 22 M€ le total des subventions qu'elle a accordées à des universités (et 34,75 M€ aux grands organismes) sur la période 93-2003, au travers de 57 conventions, dont 45 conventions SESAME. S'ajoutent à SESAME des « investissements structurants » qui, pour la plupart, s'inscrivent dans les CPER, comme le PCRI de l'université de Paris XI ou le réseau de phénotypage de l'université de Paris VI.
Il ne semble pas que la direction de la recherche promeuve une articulation entre son action et SESAME (une tentative aurait été esquissée lors de l'extension de SESAME au Grand Paris, mais elle n'aurait pas pu aboutir faute de crédits disponibles côté Etat).
Pour mémoire, le très gros effort financier de la Région sur le projet SOLEIL (24 M€ en 2002, 60 M€ en 2003) ne concerne pas directement des équipes universitaires : le synchrotron Soleil est une société civile détenue par le CNRS et le CEA (72/28 %) pour assurer la maîtrise d'ouvrage puis l'exploitation du nouveau synchrotron en train de sortir de terre sur le plateau de Saclay. Il est le successeur de LURE, le synchrotron de l'université de Paris XI. Les universités seront des utilisateurs de temps de faisceau, selon des modalités à régler par conventions. Le coût de l'opération sur 2000-2009 est de 385 M€, dont 207 en investissement, 183 en personnel et 40 en fonctionnement ; ultérieurement, le fonctionnement sera de 44 M€ par an. Les réserves exprimées par le ministère de la recherche à l'égard d'une opération purement française avaient conduit à exclure toute participation de l'Etat au financement de l'investissement et la quasi-totalité du financement de la construction est portée par les collectivités territoriales. L'opération n'est pas inscrite au CPER. Or, l'investissement financé au titre de Soleil est 4,5 fois plus élevé que le montant total des investissements programmés à l'université Paris XI dans le cadre du CPER (45.7 M€). |
Le fait que la région où se situe le plus fort potentiel de recherche ait choisi de mener une politique autonome montre la limite de la portée de la contractualisation entre l'Etat et les régions. Les CPER n'ont à l'évidence pas comme vocation de regrouper l'ensemble des financements des collectivités publiques. Ils laissent la place à des initiatives diverses.
De son côté, la direction de la recherche exprime, sans porter de critique à tel ou tel dispositif, son souhait d'une cohérence à construire avec les régions de la façon suivante : « Pour les régions qui ont la capacité de financer des projets de recherche, il serait nécessaire de respecter quelques exigences :
- l'attribution sur des critères d'excellence après vérification qu'ils ne font pas double emploi avec des équipements existants ;
- la qualité et l'impartialité des dispositifs mis en place pour procéder au choix des opérations à financer;
- répondre à une stratégie de spécialisation scientifique rendant plus lisible au niveau européen le dispositif national de recherche et d'innovation, et le mesurer. »
Ces termes pourraient renvoyer à un débat sur ce que sont ou doivent être les contrats de plan Etat-régions, dans le cadre de la politique de la recherche.
IV. L'IMPACT DE LA MISE EN oeUVRE DE LA LOLF
L'analyse ci-dessus a montré les difficultés d'un recensement précis des crédits affectés à la recherche dans les universités. Des choix de procédure mais aussi de technique budgétaire contribuent à cette difficulté qui n'a toutefois de conséquence que si l'on veut faire de l'équipement un indicateur pour la recherche.
La LOLF dresse un nouveau cadre budgétaire qui n'offre pas directement de solution à cette difficulté.
Les investissements de la recherche universitaire seront inscrits au sein de la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur universitaire » dans le Programme 1 « Formations supérieures et recherche universitaire » qui sera piloté par le directeur de l'enseignement supérieur.
La recherche universitaire sera donc présentée séparément de la recherche des autres organismes publics de recherche qui, pour les principaux d'entre eux, apparaissent dans le programme 3 « recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » (CNRS, CEA, INRIA ...) piloté par la direction de la recherche et le programme 4 « recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources » (INRA, CEMAGREF, IFREMER, IRD, CIRAD, BRGM) placé sous le pilotage de la direction de la technologie.
Néanmoins, la recherche universitaire sera ventilée dans les actions 6 à 12 selon le même découpage thématique que le programme 3 (CNRS ...), soit :
- sciences de la vie, biotechnologies et santé
- mathématiques, sciences et techniques de l'information et de la communication, micro et nanotechnologies
- physique, chimie et sciences pour l'ingénieur
- physique nucléaire et hautes énergies
- sciences de la terre, de l'univers et de l'environnement
- sciences de l'homme et de la société
- recherche interdisciplinaire et transversale
De plus, les trois batteries d'indicateurs retenus pour ces trois programmes l'ont été sur le même modèle, mais pas de façon identique, ce qui ne permet pas de consolidation au niveau de la mission ; l'avant projet annuel de performance (PAP) du programme 1 retient 5 objectifs concernant la recherche et dix indicateurs associés.
Au sein du programme 1 « formation supérieure et recherches universitaires », les crédits concernant les opérations immobilières sont regroupés dans l'action 14 « Immobilier » et continueront donc à englober les opérations universitaires qu'elles soient ou non consacrées à la recherche (56-10 art. 10 et 50, 66-73 articles 10 et 50). Cette action 14 « Immobilier » couvre aussi bien les constructions, le premier équipement, la maintenance, la sécurisation, l'entretien, que le fonctionnement courant des bâtiments. Une souplesse de gestion sera donc introduite entre ces lignes budgétaires.
Les crédits du chapitre 66-71, dits « moyens des laboratoires », se trouveront ventilés entre les 6 actions constituant la recherche universitaire (sans distinguer entre équipement et fonctionnement) au sein du même programme et en constitueront l'essentiel des moyens hors personnel.
De ce fait, la question de la place des investissements de recherche universitaire en tant qu'outil d'une politique de recherche reste liée au rôle de la direction de la recherche dans ce programme dont le responsable est le directeur de l'enseignement supérieur.
* 1 CIADT : Comité interministériel de l'aménagement du territoire.
* 2 Direction de la recherche.
* 3 Rapport de mission sur la gestion immobilière et financière des universités, septembre 2003.
* 4 En annexe 1
* 5 L'objectif européen et national de dépenses de R&D est fixé à hauteur de 3 % du PIB (DIRD/PIB).
* 6 Sont ici exclues les opérations sur article 40, hors CPER, qui sont totalement financées par l'Etat. Elles sont en très petit nombre, importantes en montant et atypiques : désamiantage de Jussieu, restructuration du Muséum d'histoire naturelle, quai Branly.
* 7 La LFI 2005 signe la mise en extinction des chapitres budgétaires 66-04 FRT et 66-05 FNS. Elle accompagne la création de la nouvelle agence nationale de la recherche qui serait dotée de 350M€ en 2005 à partir de produits de privatisation. Les engagements pris par l'Etat dans les CPER au titre de ces deux lignes seront repris par cette agence, le projet de convention constitutive du GIP « Agence nationale de la recherche » prévoyant (article 2-objet) que « le GIP ANR a pour mission de (...) 4) mettre en place les financements correspondant à la programmation annuelle, arrêtée par le ministère chargé de la recherche, d'opérations inscrites aux contrats de plan Etat-Régions ».
* 8 L'article 40 finance quelques grosses opérations spécifiques que l'Etat prend totalement à sa charge, comme le désamiantage de Jussieu, la réhabilitation-restructuration du Muséum d'Histoire Naturelle, et l'opération du quai Branly
* 9 Circulaire ministérielle du 26 septembre 2003 : déconcentration de la procédure d'expertise des projets de constructions universitaires, qui faisait suite aux décisions du CIADT du 13 décembre 2002.
* 10 Il ne s'agit pas exactement de couverture car ces crédits de paiement, mis en place depuis 2000, couvrent aussi des opérations immobilières engagées en AP sur le précédent contrat de plan.
* 11 - l'Etat apporte près de 40 % du total au travers du FNS pour 1524 K€ dont 152 sous forme d'ACI, du FRT pour 522 K€, et de l'enseignement supérieur pour 1219 K€,
- le CNRS fournit 14.6 % du total avec deux origines, le département des sciences et technologies de l'information et de la communication pour 364 K€ et le département des sciences physiques et mathématiques pour 849 K€,
- le conseil général de l'Essonne contribue pour 37 % du total avec 3048 K€,
- le conseil régional Ile de France participe pour 9.2 % à l'investissement.
* 12 Lettre du DES à la DPMA pour transmission à la DATAR, du 26 mai 2003.
* 13 La séquence des opérations est détaillée en annexe 4.
* 14 Cette proportion est aussi le reflet de l'inégal développement de la recherche dans les établissements d'enseignement supérieur. Cette inégalité est d'abord le résultat de l'histoire et reflète la concentration des chercheurs d'organismes dans un petit nombre de sites. Elle traduit aussi la difficulté d'établissements jeunes ou de petite taille à structurer leur recherche.
* 15 La Région Languedoc-Roussillon met également en oeuvre une procédure d'aide à l'équipement scientifique du même type.