B. LA RÉFORME DE L'IMPOSITION DES MÉNAGES

Parmi les mesures du plan de « croissance sociale » présenté le 1 er septembre 2005 par le Premier ministre, M. Dominique de Villepin, figure une réforme de l'impôt sur le revenu se traduisant par une réduction de 3,5 milliards d'euros en 2007 pour les revenus 2006 , ce qui représente une baisse moyenne de 7 % à 8 % des cotisations. Cette réforme veut simplifier l'impôt sur le revenu, le rendre plus attractif pour les revenus « mobiles » tout en favorisant les « classes moyennes », et, enfin, plus juste, par l'instauration d'un plafonnement de certains avantages fiscaux.

Certaines considérations peuvent être déjà formulées, susceptibles de guider la position de votre commission des finances sur la réforme qui sera ainsi soumise au Sénat dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2006 36 ( * ) , bien que votre rapporteur général soit évidemment favorable aux orientations ainsi tracées.

D'emblée, il convient de rappeler que le principal « moteur » de la complexité de l'impôt sur le revenu réside dans le mécanisme du quotient familial. Nonobstant la simplification proposée d'une intégration de l'abattement de 20 % à un barème revu dans le sens d'une diminution du nombre de tranches, cet aspect demeure inchangé . Votre rapporteur général rappelle que cette spécificité française a le mérite de permettre une une taxation uniforme par unité de consommation, autorisant un traitement équitable des familles .

D'une façon générale, il considère qu' une baisse des taux obtenue en contrepartie d'un élargissement des assiettes, constituerait une démarche exemplaire en terme de rendement fiscal et d'efficacité économique , adoptée par de nombreux Etats partenaires, et dont on voit par exemple tous les effets bénéfiques dans les pays baltes, où il vient de se rendre.

Mais la réforme proposée ne s'inscrit pas dans ce schéma, car il n'est pas prévu d'élargir le champ des foyers imposables, qui, pourtant, ne représentent plus que la moitié des foyers fiscaux, nonobstant la généralité de la CSG, dont le produit excède celui de l'impôt sur le revenu 37 ( * ) .

Enfin, la coexistence de taux moyens d'imposition très inférieurs aux taux marginaux fait perdre la France sur tous les tableaux : les taux marginaux élevés nuisent à la compétitivité de notre système fiscal, qui tient largement à des questions d'image, alors même que la faiblesse relative des taux moyens limite le rendement de l'impôt. Le remède consiste à remettre en cause les avantages fiscaux afin de permettre, en contrepartie, une diminution substantielle du barème de l'impôt sur le revenu , lequel peut être encore rendu plus transparent par une intégration de l'abattement de 20 % sur les traitements et salaires, qui s'applique déjà à la plupart des revenus.

Dans cette dernière perspective, il apparaît que si la refonte du barème constitue une évolution opportune, le plafonnement des avantages fiscaux prévu par le gouvernement ne peut en être présenté comme la contrepartie suffisante .

1. Une refonte opportune du barème, mais selon des modalités encore discutables

a) Un barème enfin sincère et attractif pour les revenus « mobiles » grâce à l'intégration de l'abattement de 20 %

L'abattement de 20 % s'applique notamment aux traitements, aux salaires et aux pensions. Au total, plus de 90 % des revenus bénéficient de cet abattement avant l'application du barème. Dès lors, le taux marginal de 48,09 % ne trouve que rarement à s'appliquer. Ainsi, l'intégration de l'abattement de 20 % au barème présente l'avantage de la simplicité et d'une transparence favorable à l'attractivité de notre fiscalité du revenu. Ce type de refonte du barème avait été proposé par le Conseil des impôts dans son 18 ème rapport (2000).

En intégrant mathématiquement l'abattement de 20 %, le taux marginal serait ressorti à 38,5 %. Afin de ne pas privilégier outre mesure les revenus les plus élevés, pour lesquels le taux moyen d'imposition se rapproche du taux marginal, l'article 59 du projet de loi de finances pour 2006 prévoit d'en fixer le taux à 40 %, ce qui représente une baisse de 17 %.

Sans préjuger de la pertinence de ce calibrage, l'intégration de l'abattement de 20 % est une décision particulièrement heureuse dans le contexte d'une concurrence fiscale inévitable . Du reste, le dernier rapport du Conseil d'analyse économique « Croissance équitable et concurrence fiscale » 38 ( * ) préconise bien une baisse générale du barème de l'IR selon ce schéma, ayant préalablement relevé que « le taux d'imposition marginal pour les salariés les plus productifs et potentiellement les plus mobiles est le plus élevé en France parmi les pays (...) avec lesquels elle est en compétition la plus directe ».

Bien que le nouveau barème doive profiter aux très gros revenus 39 ( * ) , pour lesquels, dans le barème actuel, l'abattement de 20 % se trouve plafonné, il convient toutefois de nuancer la portée de cet avantage .

En effet -cet argument est souvent avancé-, les revenus les plus élevés seront les plus touchés par le plafonnement des niches fiscales. Surtout, pour ces catégories de revenu, la présente intégration -qui revient à déplafonner un abattement de 20 % ramené à 17 %- pourrait voir ses effets partiellement « absorbés » par le plafonnement général de la charge fiscale globale à 60 % du revenu disponible : quand bien même le barème n'aurait pas changé pour les revenus les plus élevés, la mise en oeuvre du « bouclier fiscal » général eût alors été susceptible de leur procurer un bénéfice supplémentaire correspondant à celui du maintien du plafonnement de l'abattement 40 ( * ) . Votre commission fait actuellement procéder au chiffrage de ce qui relève, pour l'instant, d'une intuition forte.

* 36 Elle figure au sein des articles non rattachés de seconde partie, dont l'effet est décalé par rapport à la mise en oeuvre du budget.

* 37 En ordre de grandeur, le produit de la CSG s'élève à 70 milliards d'euros contre 50 milliards d'euros pour celui de l'impôt sur le revenu.

* 38 Rapport précité de MM. Christian Saint-Etienne et Jacques Le Cacheux.

* 39 Il se trouvait 105.000 revenus excédant 117.900 euros au titre de l'impôt sur le revenu pour 2002. Il est à noter que la réforme envisagée n'apportera aucun profit aux professions libérales, aux artisans et commerçants ou chefs d'entreprises qui ne font pas leur déclaration par l'intermédiaire d'une association agréée ou d'un centre de gestion agréé : si ces contribuables, réputés sous-déclarer leurs revenus, ne bénéficient pas aujourd'hui de l'abattement de 20 %, l'article 60 du projet de loi de finances pour 2006 prévoit d'appliquer un coefficient de majoration à leurs revenus déclarés de nature à neutraliser l'intégration de l'abattement.

* 40 De fait, l'intégration de l'abattement, à lui seul, diminuerait sensiblement le nombre de cas d'imposition globale « confiscatoires ».

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