III. RATIONALISER LE SYSTÈME SANITAIRE RÉGIONAL AUTOUR DE L'AGENCE RÉGIONALE DE SANTÉ

La régionalisation du système de santé est une préoccupation ancienne des pouvoirs publics. Entamée au début des années quatre-vingt, elle a franchi un palier en 1996 (plan Juppé) et connu de nouveaux développements au cours de l'année 2004 avec les lois relatives à la politique de santé publique et à l'assurance maladie ainsi qu'avec la loi relative aux libertés et responsabilités locales.

Comme le rappelle la Cour des comptes 11 ( * ) , « l'émergence de la région comme échelon majeur du système de santé français est la résultante de plusieurs ambitions : celle de structurer une organisation de la santé et de l'assurance maladie très décentralisée, l'idée qu'une plus grande autonomie des circonscriptions régionales dans la détermination et la mise en oeuvre des politiques de santé et d'assurance maladie favoriserait leur meilleure articulation et, par conséquent, une prise en charge plus cohérente et plus adaptée, celle aussi qu'une circonscription géographique limitée se prête mieux à des organisations innovantes, enfin, l'espoir qu'une implication plus forte des acteurs locaux autoriserait une appropriation plus consensuelle des enjeux. »

Un consensus existe sur la pertinence de l'échelon régional mais il fait l'objet de plusieurs critiques liées à son mode de construction par strates et ajustements successifs et par l'absence d'une évaluation d'ensemble de son fonctionnement. Un rapide état des lieux démontre pourtant qu'une rationalisation du système s'avère nécessaire et qu'une réflexion approfondie doit précéder la mise en place des agences régionales de santé.

A. FAIRE FONCTIONNER EFFICACEMENT UN SYSTÈME COMPLEXE ET ENCHEVÊTRÉ

La mise en oeuvre de la régionalisation a obéi à des logiques institutionnelles, autonomes les unes des autres, au sein desquelles on peut remarquer, d'une part, le mouvement de déconcentration des services de l'État et de l'assurance maladie, d'autre part, une distinction entre les structures chargées des soins de ville et celles en charge de l'hôpital.

1. L'échelon régional se compose de structures propres à l'État et à l'assurance maladie

La construction d'un échelon régional du système sanitaire a obéi à une double logique institutionnelle. Elle procède à la fois d'un mouvement de déconcentration propre aux deux principaux acteurs que sont l'État (DRASS, DDASS) et l'assurance maladie (CRAM et URCAM), et d'une volonté de mettre en oeuvre une programmation régionale répondant à des logiques spécifiques (programmes régionaux de santé, schémas régionaux d'organisation sanitaire).

Ces différents organismes exercent des compétences qui recouvrent l'ensemble du champ sanitaire. Cette situation se caractérise par une segmentation entre les structures en charge de la santé publique et celle chargées des politiques d'offre de soins ; ou encore dans le champ de la santé, entre les institutions en charge de l'observation et de la connaissance (les cellules interrégionales d'épistémologie) et celles compétentes pour la détermination des politiques de santé publique (les services déconcentrés de l'État).

a) Un échelon régional constitué d'intervenants multiples

Un bref aperçu des structures opérant au niveau régional suffit pour mettre en exergue la multitude des intervenants. En dresser une liste exhaustive est à la fois long et complexe et ne permet pas forcément d'obtenir, d'un simple regard, une vision claire des compétences exercées par les uns et les autres. Dans son rapport 2004, la Cour des comptes a fait le choix d'en dresser le tableau synthétique suivant :


Les principales étapes de la construction régionale

Un système de santé fondé sur des acteurs autonomes :

- des médecins libéraux et plus de 3.000 établissements de santé autonomes ;

- 128 caisses primaires d'assurance maladie dotées de la personnalité morale et d'un conseil d'administration ;

- des collectivités territoriales aux responsabilités propres ;

- une intervention des mutuelles, des associations...

Une organisation progressive de l'offre de soins hospitaliers

Loi hospitalière du 31 décembre 1970 : création de la carte sanitaire, premier instrument de planification des structures de soins basé sur un découpage du territoire national ;

Loi du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière : création des schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS) ;

Ordonnance du 4 septembre 2003 relative à la simplification de la planification sanitaire et à l'élaboration des SROS.

Un dispositif d'amélioration de la gestion du système de santé et de la promotion de la qualité des soins :

Loi du 4 janvier 1993 : création des unions régionales de médecins libéraux (URML)

Un développement progressif de la politique de santé publique :

- création des observatoires régionaux de santé à partir des années 1980 ;

- création des programmes régionaux de santé (PRS) en application d'une ordonnance de 1996, par décret du 17 avril 1997, et des programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins (PRAPS) par la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998 ;

- loi du 4 mars 2002, loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique et loi du 17 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

Une participation récente à la maîtrise de la dépense

Ordonnance du 24 avril 1996 :

- créant les agences régionales d'hospitalisation (ARH) et les unions régionales des caisses d'assurance maladie (URCAM) ;

- renforçant les pouvoirs donnés à la CNAM sur son réseau.

Cour des comptes, La sécurité sociale, septembre 2004

Ce panorama fait ressortir le rôle prépondérant des services de l'État dans la détermination de la politique de santé publique et d'offre de soins. Il met en évidence la volonté des pouvoirs publics de faire émerger un niveau institutionnel régional propre à l'ensemble des acteurs de la santé publique et de l'assurance maladie et d'esquisser des collaborations entre ces structures.

Cette volonté se traduit par l'existence, outre des services de l'État (DRASS), d'un groupement d'intérêt public commun entre l'assurance maladie et l'État (l'agence régionale de santé-ARH), de caisses régionales d'assurance maladie (CRAM) communes à l'assurance maladie et à l'assurance vieillesse, d'unions régionales des caisses d'assurance maladie (URCAM) ou encore d'union régionale des médecins libéraux (URML), en attendant la création des unions régionales des professions de santé et des agences régionales de santé, sujets dont votre commission a déjà eu à débattre à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à l'assurance maladie.

L'enchevêtrement des compétences qui découle de cette organisation n'est pas propice à une optimisation du fonctionnement du système de soins. Certaines structures devraient être renforcées, d'autres repositionnées, tandis qu'une réflexion générale sur le maillage territorial de ces structures, qui ne respectent pas toujours le découpage administratif, devrait être entamée.

Dans son rapport 2004, la Cour des comptes s'est aussi prononcée en faveur d'un renforcement de la structure juridique des ARH et a souligné que les compétences des URML et URCAM devraient être réaménagées au vu de l'expérience que l'on peut tirer de leurs premières années de fonctionnement.

* 11 La sécurité sociale, septembre 2004.

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