9 - PRISE EN CHARGE CHEZ L'ADOLESCENT EN FRANCE

L'adolescence, période de transition entre l'enfance et l'âge adulte et de différenciation sexuelle, présente plusieurs caractéristiques qui justifient un intérêt particulier en ce qui concerne l'obésité, aussi bien au niveau de la prévention que du dépistage et de la prise en charge. En effet, une obésité installée dans l'enfance risque de persister à l'adolescence puis à l'âge adulte. Le risque pour un adolescent obèse de le rester est estimé à 78 % chez les hommes et 63 % chez les femmes (Zwiauer et coll., 2002).

Par ailleurs, l'obésité est un phénomène dynamique par l'interaction de facteurs d'origine génétique et de facteurs environnementaux, ces derniers évoluant rapidement lors de la croissance (Frelut et coll, 2002a).

À l'adolescence, la prise d'indépendance et l'affirmation de soi sont génératrices de changements de comportements en relation avec différents contextes :

• l'influence des pairs, les phénomènes de mode, les difficultés psychologiques, l'émergence de troubles du comportement alimentaire ;

• l'évolution des capacités critiques, l`ouverture sur le monde extérieur, la maturation sexuelle accompagnée du désir de séduire ;

• l'évolution des comportements spontanés : alors que l'activité physique reste importante chez les garçons, elle tend à diminuer chez les filles ;

• les modifications hormonales majeures influençant la composition corporelle : chez la fille, la masse grasse augmente de 13 % en moyenne et diminue de 4 % chez le garçon. L'augmentation de la masse musculaire chez le garçon augmente les dépenses d'énergie de repos et d'effort : elle sont donc plus élevées, à activité équivalente, que chez la fille.

Indépendamment de l'influence du milieu social sur le risque d'obésité, le statut social subjectif, perçu par l'adolescent, (différent de la catégorie socioprofessionnelle des parents) devient très fortement associé à la corpulence au moment de l'adolescence (Zwiauer et coll., 2002). Ce statut subjectif est aussi étroitement lié aux symptômes dépressifs (Goodman, 2001).

Les actions de santé publique et la prise en charge des adolescents requièrent une prise en compte des spécificités de cette période de la vie et doivent s'inscrire dans la durée.

Sources de données et fondements conceptuels

Les données disponibles pour analyser les problèmes posés par la prise en charge de l'obésité de l'adolescent sont de trois ordres :

• les connaissances sur le comportement des adolescents en général et leur contexte de vie ; les études comparant des groupes d'obèses à des groupes normo-pondéraux, sans essai d'intervention ;

• des résultats d'études d'intervention auprès d'adolescents de différents pays ;

• des programmes et des recommandations nationales très hétérogènes dans leur formulation issus eux-mêmes des observations sus-citées et prenant plus ou moins en compte chacune des composantes.

Caractéristiques et comportements des adolescents comme facteur de risque d'obésité

Les facteurs de risque d'obésité à l'adolescence sont, comme à tout âge :

• une diminution de l'activité physique et une augmentation des comportements sédentaires ;

• des apports nutritionnels déséquilibrés et excessifs par rapport à la dépense d'énergie ;

• des facteurs psychologiques et un fort impact des facteurs sociaux liés à l'âge et au développement.

Les facteurs de risque et les circonstances de déclenchement d'une obésité possèdent des caractéristiques propres à l'adolescence.

Diminution de l'activité physique et augmentation des comportements sédentaires

La diminution de l'activité physique (phénomène naturel lors du vieillissement) diffère de l'accroissement de la sédentarité lié au mode de vie et aux technologies. L'adolescence se caractérise par des changements de modes de vie et par un accès facilité aux nouvelles technologies : offre ciblée, capacités d'apprentissage, impact du groupe des pairs, valorisation par le système scolaire de l'outil informatique. Le suivi de 2 287 adolescentes âgées de 9 à 18 ans a confirmé le lien entre le déclin de l'activité physique et l'augmentation de la corpulence (Kimm et coll., 2005). La différence de corpulence s'accroît tout au long de l'adolescence et atteint 2,98 kg/m 2 et 2,10 kg/m 2 chez les filles d'origine afro-américaine et caucasienne respectivement. La télévision et l'utilisation de jeux sur ordinateur ou de consoles ramènent la dépense d'énergie à un niveau proche de celui du sommeil. Pour qu'un adolescent dépasse au cours d'une activité le seuil de 2 fois la dépense d'énergie au cours du sommeil, il est nécessaire que cette activité se déroule à l'extérieur. La simple marche en est la première occasion (Vermorel et coll., 2005). Toutefois, chez les adolescents, les activités spontanées mais suffisamment vigoureuses semblent conférer la meilleure protection contre l'obésité (Gutin et coll., 2005).

De nombreuses références étayent le lien sédentarité-masse grasse. Une méta-analyse de 52 travaux (Marshall et coll., 2004) confirme, non seulement le lien sédentarité-temps de télévision, mais également la corrélation inverse avec les aptitudes physiques. L'activité physique spontanée mais vigoureuse contribuerait de façon prédominante à ces aptitudes (Gutin et coll., 2005). En France, l'importance de l'intensité de l'activité qui a un impact clé sur les stratégies de prévention, a été confirmée chez les collégiens du Bas-Rhin (Klein-Palat et coll., 2005).

L'augmentation des comportements sédentaires tient pour partie à un environnement peu stimulant, voire n'autorisant que peu ou pas d'activités extérieures en sus du caractère attrayant des nouveaux loisirs. Il est nécessaire d'avoir recours à des modifications de l'environnement de sorte que les messages portant sur le style de vie ne restent pas lettre morte. La plupart des programmes de prévention se font l'écho de cette nécessité.

Consommation alimentaire déséquilibrée majorée à l'adolescence

L'évolution de l'alimentation d'une part et la multiplicité des occasions de consommer d'autre part ont marqué de façon profonde le comportement alimentaire des adolescents.

Très sensibles aux modes et aux publicités, les adolescents sont les clients privilégiés des fast food . Aux États-Unis, 30 % des enfants se rendent au fast food un jour type de la semaine (Bowman, 2004). La fréquentation de ces établissements mène à une surconsommation moyenne de 187 kcal par jour, une consommation accrue d'aliments riches en énergie, une moindre consommation de lait, de fruits et de légumes verts (Bowman, 2004). Dans ce même pays, le lien entre l'obésité et la consommation de sodas a été confirmé sur 10 ans de suivi entre l'enfance et l'adolescence (Philipps et coll., 2004). En Australie, les adolescents puisent 43 % de leur énergie des aliments à haute densité en énergie, (« non core foods », biscuits, boissons sucrées, barres chocolatée, chips...), non recommandés pour une alimentation équilibrée. Ce pourcentage augmente tout au long de l'enfance et dépasse à l'adolescence celui observé dans toutes les tranches d'âges, adultes inclus.

L'étude du mode de consommation des glucides (rapport Afssa, 2005) a permis de repérer que les boissons sucrées, notamment les sodas, contribuent à augmenter de façon considérable les apports énergétiques des adolescents les plus consommateurs de ces boissons (750 ml, soit un peu plus de 2 fois 33 cl par jour). Ces données ont été confirmées depuis (Berkey et coll., 2004). Au Royaume-Uni, la « British soft drink association » a rapporté au Health committee on obesity que chaque enfant consomme en moyenne 4,7 litres par semaine de boissons sucrées dont seulement 10 % sont de l'eau ou des jus de fruits ( British medical association, 2005). Les travaux montrent que l'apprentissage du contrôle de cette consommation a un impact favorable sur la prévalence de l'obésité (Afssa, 2005).

L'accès aux boissons sucrées et aux aliments à haute densité en énergie (gras et salés ou sucrés) est particulièrement aisé dans les distributeurs, qualifiés à juste titre de « vending machine » en langue anglaise.

Par ailleurs, il existe un lien direct entre le nombre de publicités auquel est soumis un adolescent, le temps passé à regarder la télévision et l'impact sur les achats et les consommations induits. Ceci est à l'origine des législations appliquées ou demandées dans ce domaine pour lutter contre l'obésité. De plus, les adolescents obèses sont plus sensibles aux publicités. Les études montrent qu'ils reconnaissent plus de publicités et consomment davantage des aliments proposés après avoir vu le message (Halford et coll., 2004).

Dépistage et actions de santé publique

En 2000, l'expertise collective Inserm a fourni un premier état des lieux sur le thème du dépistage et de la prévention de l'obésité chez l'enfant et confirmé la nécessité d'actions précoces, prolongées et multidisciplinaires.

L 'International obesity task force (IOTF) présidée par le Pr Philip James a publié en 2002 un premier rapport appelant à un sursaut mondial en faveur des enfants et des adolescents ( Obesity in Europe, the case for action ). En 2004, un état des lieux mondial de la situation des enfants et des adolescents soulignait les multiples points communs de l'épidémie d'obésité dans le monde et, partant, la double contrainte d'actions multidisciplinaires mais également adaptées aux situations locales. Les fondements scientifiques de la lutte contre l'obésité ont ainsi franchi un palier depuis moins de 10 ans.

En France, le Programme national nutrition santé (PNNS), lancé quelques semaines après l'aboutissement de l'expertise Inserm, a retenu comme objectif majeur la stabilisation de la prévalence de l'obésité de l'enfant et de l'adolescent. Les outils, développés pour ce programme, (courbes, règles, logiciels...) concernent toutes les tranches d'âge et s'adressent en principe à tous les médecins généralistes et les pédiatres. Le PNNS souligne l'importance particulière de la cohérence de la stratégie destinée aux jeunes : cohérence entre l'information, l'éducation et l'offre alimentaire.

Le livret concernant la nutrition de l'adolescent doit être publié au troisième trimestre 2005. Ainsi que le soulignait l'Igas (Inspection générale des affaires sociales) en 2003 dans son rapport sur la « prévention sanitaire par une bonne hygiène nutritionnelle », on ne peut que regretter le manque de moyens financiers et humains alloués pour mener à bien cette mission. Cette situation a conduit à un étalement dans le temps de plus de 3 ans pour remplir les objectifs d'information nutritionnelle concernant les enfants.

Les recommandations de l'Anaes sur « la prise en charge de l'obésité de l'enfant et de l'adolescent » publiées en 2003, présentent un caractère académique, peu pragmatique. Depuis lors, l'association pour la prise en charge de l'obésité pédiatrique (Apop) avec l'approbation des sociétés de pédiatrie, ont développé un module de formation pratique, en deux volets, enfant et adolescent. Ces modules sont destinés aux médecins. Le volet adolescent (parution prévue en 2005) développe une approche qui intègre les difficultés spécifiques aux adolescents, en particulier, le terrain psychologique et le risque de trouble du comportement alimentaire.

Les atouts et les faiblesses du programme en France sont à mettre en perspective : ce n'est, par exemple qu'en 2005 que la British medical association, la National food administration suédoise, le National institute of health des États-Unis, ont publié leurs rapports et recommandations. A contrario , l'Ecosse a publié dès 2003 ses propres recommandations pratiques de prise en charge et de dépistage, en un seul document, bref ( Quick reference guide ) et téléchargeable 14 ( * ) . Les programmes de prévention mettent souvent au point des outils dont l'usage est restreint à leurs actions. La diffusion et l'échange de ces outils permettraient un gain de temps et des économies substantielles dans d'autres régions.

Actions de santé publique en France

Deux grandes actions de prévention concernant les adolescents sont en cours. L'une se déroule dans le Val-de-Marne, l'autre en Alsace. Leurs caractéristiques communes sont d'être développées dans les collèges (en classe de 5 e et 6 e respectivement), d'avoir pris pour fondement le constat d'une sédentarité excessive et de son lien avec les déséquilibres alimentaires, d'avoir choisi des messages portant sur l'amélioration du bien-être et de la santé, d'avoir intégré des professionnels de l'éducation, en particulier d'éducation physique, en plus des professionnels de santé, dans ces projets. Ces actions sont récentes et leurs résultats, préliminaires, sont très encourageants. Dotées de conseils scientifiques, elles sont menées, fait intéressant, l'une par l'université de Strasbourg et les organismes de recherche nationaux, l'autre par le Conseil général du Val-de-Marne.

Val de Marne : Programme « Manger mieux, bouger plus »

Ce programme a débuté en 2000 (Feur, 2004). Après une montée en puissance progressive, il est étendu à 44 collèges dans lesquels les élèves de 5 e , après dépistage par le médecin scolaire, peuvent bénéficier d'une prise en charge qui implique le professeur d`éducation physique, des diététiciennes, le médecin traitant et la famille. Dans chaque établissement participant, une réelle politique nutritionnelle est développée de telle sorte que 13 000 adolescents sont concernés. Hors du collège, dans les 13 communes partenaires, des ateliers éducatifs (ateliers « Manger mieux, bouger plus ») sont mis en place incluant la possibilité d'accès à la découverte de différents loisirs actifs. Lors de l'étude pilote, une adhésion régulière a été observée chez 80 % des adolescents inclus. En début d'année 22 % des élèves de Zep et 16 % hors Zep sont en surpoids ou obèses. En fin d'année, 5 % des élèves en surpoids sont devenus obèses, 17 % normo-pondéraux. Parallèlement, 29 % des obèses sont descendus dans la catégorie surpoids simple.

Bas-Rhin : Etude Icaps (Intervention centrée sur l'activité physique et la prévention de la sédentarité)

Mis en place dans un groupe de 8 collèges du Bas-Rhin, dont 4 servent de contrôles, ce programme concerne 1 048 adolescents élèves de 6 e dont 92 % ont accepté le suivi. L'objectif est l'augmentation des connaissances sur l'activité physique et l'amélioration de sa pratique alors qu'un support social et environnemental est fourni. Dès les 6 premiers mois, la proportion d'enfants sédentaires diminue de 50 % dans les collèges du groupe actif, tandis que l'auto-évaluation par les adolescents de leur efficacité et de leur intention de changer augmente de façon très significative chez les filles (Simon et coll., 2004). Des résultats plus récents, confirment un effet très favorable sur les excès de poids.

Données internationales

L'expertise collective Inserm (2000) avait établi un premier bilan des études de prévention consacrées à l'enfant. À l'instar des études chez l'adulte, la plupart avait pour objectif la prévention du risque cardiovasculaire et non l'obésité. Une donnée importante, confirmée depuis lors était apparue : le maintien d'une corpulence stable chez des enfants qui augmente leur activité physique de façon régulière et marquée peut correspondre néanmoins à une diminution de la masse grasse et des paramètres de risque cardiovasculaire (Inserm, 2000). Chez l'adolescent, les données d'études d'intervention publiées sont, à ce jour, peu nombreuses.

La revue effectuée par Wilson et coll. (2003) met en évidence 2 études sur 8 effectuées en milieu scolaire chez l'adolescent au Canada et aux États-Unis. Le nombre de participants inclus est faible, les conclusions difficiles à établir. Trois études sur 17 ont ciblé une évolution des comportements familiaux chez des adolescents obèses. Dans les trois études des résultats significatifs à un an ont été obtenus. Les auteurs de la revue soulignent les imperfections méthodologiques de ces travaux et la difficulté de transposition d'un continent à l'autre, puisque la plupart des essais d'intervention sont nord-américains.

En 2004, l'IOTF a également effectué une revue exhaustive mondiale des essais en cours (Lobstein et coll., 2004). Plusieurs interventions originales ont été ainsi repérées : l'université du Minnesota a démontré l'impact de l'offre d'aliments mis à disposition d'adolescents de 12 à 16 ans dans les cantines et de distributeurs automatiques de leur collège. Des aliments bénéfiques à la santé ont été introduits et leur coût réduit de façon majeure (10 %, 25 % et 50 %). Ceci a induit une augmentation des achats de 9 %, 39 % et 90 % respectivement. Dès le retour aux prix usuels, les achats d'aliments sains se sont effondrés.

Des programmes à l'échelle de mégalopoles (Sao Paolo, Singapour) mobilisant l'ensemble de la population et les moyens de communications de la ville, mais ciblant les enfants et les adolescents, ont un impact favorable sur le niveau d'activité physique et, à Singapour, ont permis une réduction de la prévalence de l'obésité.

Par ailleurs, la revue de tous les essais d'intervention publiés depuis 2000, incluant les revues de revues ( Cochrane review of prevention trials et Hamilton review ), permet de dégager les conclusions suivantes : les établissements scolaires sont des lieux d'intervention privilégiés. Néanmoins, l'échelon communautaire et familial est à privilégier et à intégrer dans les programmes car à l'origine de changements importants de comportement. Les changements environnementaux, la prise en compte de l'évolution récente des comportements et des consommations alimentaires dans la région en cause, la gestion du temps consacré à la télévision sont des éléments plus importants que les simples conseils donnés en classe.

Enfin, les modalités selon lesquelles ces essais sont conduits sont critiquées. L'essai randomisé, n'est que rarement réalisable à l'échelle de populations et de plus peut ne pas être éthique ou mener à des conditions artificielles qui ne pourront être maintenues. Des solutions de substitution, efficaces pour démontrer l'impact d'un programme conduit au sein d'une population, sont à rechercher.

Plus récemment, Austin et coll. (2005) ont démontré qu'une intervention bien menée réduit les comportements à risque qui résultent d'une recherche de perte de poids à n'importe quel prix (vomissements, laxatifs).

Traitements curatifs

Le traitement de l'obésité de l'adolescent se heurte à plusieurs difficultés spécifiques : l'absence de médicament efficace ayant reçu une autorisation de mise sur le marché pour cette tranche d'âge ; le risque d'induire ou d'accentuer un trouble du comportement alimentaire émergeant, le danger des effets secondaires des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, efficaces dans les compulsions alimentaires, qui semble accru à cette période de la vie.

Par ailleurs, les obésités, surtout lorsqu'elles sont sévères, sont à l'origine d'une stigmatisation de la part des pairs qui contraint à accentuer la prise en charge sociale et psychologique. Enfin, l'adolescence est désormais la période d'installation d'obésités très sévères dont les complications ont un retentissement clinique et imposent une prise en charge adaptée (Frelut, 2001).

Bilan des traitements en France

Les données publiées en France concernent de façon quasi exclusive les adolescents admis pour obésité sévère dans les centres de moyen séjour pédiatrique où la prise en charge est multidisciplinaire et prolongée de 3 à 12 mois. Les résultats à l'issue du séjour sont très favorables mais les rechutes sont fréquentes (Frelut, 2001 ; Rolland-Cachera et coll., 2004 ; Dao et coll., 2004a, Lazzer et coll., 2005) alors même que les aptitudes physiques à l'effort (Dao et coll., 2004b, Lazzer et coll., 2005 ; Deforges et coll., 2005) se sont améliorées de façon majeure.

Ces résultats soulèvent plusieurs questions : la sévérité des obésités en cause place ce type de prise en charge en ultime recours avant la chirurgie bariatrique qui est réservée à l'adulte ; aucune thérapeutique médicamenteuse dont l'effet serait supérieur à celui de ces traitements, n'est accessible y compris à l'étranger, à l'heure actuelle. Les méthodes de prise en charge sont hétérogènes car les adolescents sont confiés à des centres souvent isolés, sans lien avec les centres hospitaliers de référence, eux même peu nombreux. La coordination des actions de ces centres est en cours. Un groupe de travail (coordonné par ML Frelut) a remis à la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (Dhos) un document de consensus destiné à clarifier ces processus.

Par ailleurs, les recommandations de l'Anaes stipulent de façon claire que les obésités sévères doivent être confiées à des services pédiatriques spécialisés et confirment l'interdiction en France de régimes très basses calories, de la chirurgie bariatrique et le respect des éventuelles indications à l'usage d'un médicament. À l'instar d'autres pathologies en pédiatrie, l'obésité risque d'être contrainte pour le traitement chez l'adolescent de s'appuyer sur des données pharmacologiques publiées chez l'adulte.

Bilan des traitements à l'étranger

La prise en charge ambulatoire a fait l'objet d'une revue (Bauer et coll., 2002). Les auteurs insistent sur ce qui est devenu un principe fondamental : une prise en charge multidisciplinaire. Ceci suppose que le praticien ait acquis les compétences nécessaires pour mener à bien, seul, une prise en charge lorsqu'elle simple et sache faire appel à d'autres spécialités dans les cas les plus compliqués (Lobstein et coll., 2004).

Une étude américaine récente formule des recommandations destinées à la fois aux médecins, aux infirmières et aux diététiciennes (Barlow et coll., 2005). Ces recommandations sont issues d'une enquête qui soulignait que chacune de ces professions estimait avoir un besoin de formation au-delà de ses champs classiques de compétences.

Lorsque sont mises en pratique ces recommandations, les auteurs rapportent la persistance de bénéfices un an après la fin du traitement (Nemet et coll, 2005). Néanmoins, le dépistage des troubles du comportement alimentaire qui touchent particulièrement les adolescents, s'impose (Decaluwe et Braet, 2003 ; Isnard et coll., 2003) alors même qu'ils ne répondent pas encore pleinement aux critères de la classification internationale la plus utilisée (DSM-IV).

L'introduction des techniques de thérapies cognitivo-comportementales, dans un premier temps aux États-Unis (Wisotsky, 2003), où elles sont maintenant largement utilisées avec succès et plus récemment en Europe (Frelut et coll., 2002b) ont démontré leur intérêt en particulier chez l'adolescent qui a acquis un degré de maturation intellectuelle suffisant pour en bénéficier pleinement.

Les centres de moyen séjour pédiatrique, destinés aux adolescents, commencent à se développer en Europe face à l'aggravation générale de la situation. Les principes de prise en charge sont très proches de ceux acquis en France (Frelut, 2002b). De récentes données en Belgique (Deforges et coll., 2003 et 2005) et en Italie (Sartorio, communication personnelle) le confirment.

En conclusion, l'obésité à l'adolescence requiert un dépistage et une prise en charge adaptée que les méthodes disponibles à l'heure actuelle ne couvrent que de façon parcellaire. De surcroît, peu d'adolescents consultent encore un pédiatre voire consulteraient leur médecin face à ce problème. Il est donc impératif d'étendre l'accès aux formations de base et de permettre, dans les cas compliqués l'accès à des équipes réellement multidisciplinaires.

Les deux principaux programmes de prévention en France (Val-de-Marne et Bas-Rhin) connaissent des débuts très prometteurs. Leur extension, sous ces formes ou avec des variantes, à l'ensemble de la région impliquée puis à d'autres régions apparaît une solution de bon sens à tous points de vue. Ceci aurait notamment pour intérêt de proposer une qualité d'action certaine tout en permettant aux services publics de jouer leur rôle et en écourtant la mise en place des interventions. Par ailleurs, l'ensemble du territoire national pourrait être couvert au lieu d'interventions parcellaires limitées au bon vouloir, intérêt et capacités d'investissement de quelques villes ou associations.

L'Organisation mondiale de la santé (rapport technique 894, 1997) et l'IOTF ( Obesity in Europe, 3 International obesity task force, march 2005 ) soulignent à juste titre la nécessaire extension des actions de prévention à l'ensemble de la société en particulier auprès des adolescents qui font partie des populations les plus vulnérables et doivent bénéficier rapidement des mesures de façon efficace.

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* 14 www.sign.ac.uk

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