6 - PROGRAMMES ET ACTIONS DE PRÉVENTION EN FRANCE
La question du bilan-évaluation des stratégies, programmes et actions de prévention de l'obésité renvoie essentiellement à l'évaluation du Programme national nutrition santé (PNNS), dont le champ est plus large, et nécessite d'indiquer certaines limites : une évaluation du PNNS est prévue en 2006, délai plus compatible avec le temps nécessaire à la collecte de données de l'enquête INCA2-ENNS menée par l'Unité de surveillance et d'épidémiologie nutritionnelle (Usen 6 ( * ) ) de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) et les travaux de synthèse de la Direction générale de la santé (DGS) en 2005. L'évaluation de la loi de santé publique de 2004 doit être effectuée en 2008. Une remise en perspective plus globale, et plus pertinente compte tenu de l'importance du facteur temps sur les thématiques nutrition-obésité, pourra alors être réalisée. Néanmoins, certains enseignements peuvent déjà être tirés de la mise en oeuvre du PNNS. La présentation ci-dessous est donc plutôt un éclairage, un bilan d'étape.
Nutrition et prévention de l'obésité, priorité de santé publique depuis 2001
La prévention par la nutrition fait l'objet d'une politique volontariste de santé publique depuis le lancement, en janvier 2001, par le ministère de la santé, du PNNS, programme comprenant des actions de prévention et de prise en charge avec des objectifs à atteindre et un calendrier précis. L'objectif général du programme est d'améliorer l'état de santé de la population en agissant sur un de ses déterminants majeurs : la nutrition. Les objectifs prioritaires du PNNS participent à la lutte contre l'obésité (augmentation de la consommation de fruits et légumes, augmentation de l'activité physique...).
L'objectif n°8 vise directement la réduction de la prévalence du surpoids et de l'obésité de 20 % chez les adultes et l'interruption de l'augmentation, particulièrement élevée au cours des dernières années, de la prévalence de l'obésité chez les enfants.
La décision française peut être estimée relativement tardive, par rapport au cri d'alarme lancé par l'OMS lors de la conférence internationale sur la nutrition en décembre 1992 à Rome. Plusieurs raisons expliquent ce délai à agir.
Dans un contexte marqué plutôt par le souci d'éliminer les « carences nutritionnelles », la faiblesse du système national d'alerte et de surveillance sanitaire, le caractère incomplet des connaissances, le sentiment de protection offert par notre art culinaire et le « french paradox » ont occulté l'épidémie d'obésité. De surcroît, la nutrition, discipline mal implantée et peu reconnue dans le système de soins, dépasse largement, de par ses enjeux, les compétences du seul ministère chargé de la santé. Sur un thème peu mobilisateur dans la population, la mise en oeuvre d'une politique de prévention pouvait enfin soulever de nombreuses questions, notamment éthiques et méthodologiques.
Avancées significatives
Quatre ans après le lancement du PNNS, cette thématique de l'obésité encore peu partagée en 2001 hors des cercles d'experts est devenue un sujet majeur de société et de débats. La légitimité d'une politique publique relative à la nutrition et à l'obésité ne pose plus question. Le PNNS a très certainement beaucoup contribué à cette évolution, sans que cette contribution puisse être précisément mesurée. Depuis son lancement, des avancées substantielles sont constatées dans la déclinaison des stratégies, programmes et actions, tant au niveau national que local.
Cadrage national
Le cadrage national a été donné par un ensemble de lois, de réglementations et de lignes directrices assorties de financements et d'opérations de mobilisation.
Loi, réglementation et lignes directrices
Le comité de pilotage permanent, interministériel, du PNNS constitue une instance essentielle assurant le lancement des actions, le cadrage, le suivi, et, si nécessaire, l'alerte des pouvoirs publics. La loi n°2004-806 du 9 août 2004 relative à la santé publique a confirmé au plan législatif la pertinence du PNNS. Les objectifs du PNNS sont très largement repris dans le rapport annexé à la loi fixant 100 objectifs de santé publique pour la période 2004-2008. L'objectif n°5 concerne la réduction de la prévalence de l'obésité chez les adultes et il comprend une mesure quantifiée des résultats (passer d'une population adulte en surpoids ou obèse de 42 % en 2003 à 33 % en 2008). L'objectif n°12 maintient l'ambition d'interrompre la croissance du surpoids et de l'obésité chez les enfants.
La cohérence de la politique publique est assurée, le PNNS 2001-2005 est, de facto , légitimé et prolongé jusqu'en 2008 ; les impératifs essentiels de continuité dans l'action et de durée sont pris en compte.
En outre, la loi de santé publique innove en posant, pour la première fois, un cadre limitatif à certains aspects de l'offre alimentaire : obligation d'une information sanitaire pour les messages publicitaires et la promotion des boissons sucrées et des produits alimentaires manufacturés (article 29), interdiction des distributeurs automatiques de boissons et de produits alimentaires payants accessibles aux élèves à compter du 1 e septembre 2005 (article 30). Il s'agit d'une avancée considérable dans la stratégie de lutte contre l'obésité : la pluralité des facteurs concourant à l'épidémie nécessite en effet des réponses sur tous les axes, y compris ceux dont les enjeux dépassent le seul champ sanitaire. Le dépôt, en avril 2005, d'une proposition de loi n°2191 « Agir contre l'obésité » à l'Assemblée nationale, confirme la prise de conscience au plus haut niveau des enjeux de santé publique.
La période 2001-2004 a été marquée par une importante activité réglementaire avec plusieurs circulaires du ministère de la santé, par exemple sur l'alimentation et la nutrition dans les établissements de santé, l'inscription de la thématique nutrition dans les programmes d'actions prioritaires pour les populations sensibles, l'arrêté du 27 avril 2004 sur les conditions d'utilisation à titre expérimental de la marque « PNNS » ou « logo ». Au ministère de l'Éducation nationale, plusieurs circulaires sur cette thématique jusqu'alors peu explorée (hors les aspects sécurité sanitaire) ont été diffusées durant cette période, par exemple sur la composition des repas servis en restauration scolaire (2001), sur la collation matinale (2004) servie à l'école. Cette activité réglementaire s'est elle-même appuyée sur les travaux d'instances reconnues : recommandations de la Société française de pédiatrie (2003), avis de l'Afssa (2004), de l'Anaes (2002), du CNA (2004), expertise Inserm (2000), résolutions et propositions des instances européennes...
Aspects budgétaires
Le PNNS a bénéficié à partir de 2001 de financements du Fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaire (FNPEIS de la Cnamts) au travers de l'Institut national pour l'éducation à la santé (Inpes) et, à partir de 2002, de dotations inscrites au budget de l'État dont une partie est déconcentrée aux Directions régionales des affaires sanitaires et sociales (Drass). Le tableau 6.I est une évaluation des dépenses réalisées de 2001 à 2004 par ces trois institutions sur les lignes budgétaires identifiées « Prévention par la nutrition ».
Tableau 6.I : Dépenses en millions d'euros pour la prévention nutritionnelle
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
|
Ministère de la santé |
2,6 |
2,7 |
3,3 |
|
FNPEIS |
5,0 |
4,0 |
6,0 |
4,6 |
CFES-INPES |
4,5 |
3,7 |
4,3 |
8,2 |
Total |
9,5 |
10,3 |
13,0 |
16,1 |
La question des dépenses suscite plusieurs remarques : l'effort financier initial du ministère de la santé a été important comparativement aux autres programmes de santé publique (hors plan cancer). Pour les trois budgets globalisés, sur la période 2001-2004, la croissance continue des dépenses est certaine, notamment en 2004.
Les dépenses réalisées sur l'ensemble du territoire pour la prévention par la nutrition sont beaucoup plus importantes que celles retracées par les budgets des trois institutions supra. On peut citer les efforts financiers d'autres secteurs :
• les financements d'actions et dépenses de personnels d'autres ministères et organismes (recherche, éducation nationale, agriculture, Inserm, Afssa, Inra...) ;
• les financements des collectivités territoriales, qui peuvent être substantiels. Ainsi, en 2002, la Drass du Nord-Pas-de-Calais, région très engagée sur la thématique, estimait que pour 1 euro dépensé par l'État, la dépense totale était de 4 euros, grâce à l'engagement des autres partenaires locaux ;
• plusieurs dispositifs mis en place par l'État consacrent une part, non identifiée, de leurs crédits à des actions de prévention par la nutrition : par exemple, le plan cancer, les programmes régionaux de santé, les programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins (Praps)...
• le secteur hospitalier, le secteur libéral et les réseaux de soins.
Au sein des différents financements consacrés à la prévention par la nutrition, les dépenses effectuées spécifiquement pour la prévention de l'obésité ne sont pas individualisées, si tant est qu'elles puissent l'être.
Au total, deux constats peuvent cependant être formulés :
• malgré un engagement de l'État qui reste constant sur la période 2001-2004, la croissance globale des dépenses en faveur de la prévention par la nutrition est certaine ;
• les dépenses publiques ont un effet de levier suscitant la mobilisation financière des autres partenaires.
Communication, éducation, information du public et des professionnels
Les crédits budgétaires nationaux ont notamment permis de mener deux types d'actions complémentaires, d'une part auprès de la population, d'autre part auprès des professionnels. L'ensemble des partenaires engagés dans le PNNS y ont contribué, selon leurs compétences.
Outre les campagnes d'information nationale (consommation de fruits et légumes), plusieurs guides sur la nutrition, certains généraux (« la santé vient en mangeant, le guide alimentaire pour tous ») ou plus ciblés (parents d'enfants et d'adolescents, adolescents, activité physique...), ont été élaborés et ont bénéficié d'une large diffusion. Chaque guide d'information est accompagné d'une version spécifiquement destinée aux professionnels de santé. Les professionnels de santé et du secteur social ont été également destinataires d'outils adaptés à leurs pratiques (par exemple, disque de calcul de l'indice de masse corporelle, modules de formation, collection de fascicules « les synthèses du PNNS »). Tous les outils développés et diffusés ont été élaborés selon des méthodologies rigoureuses, élaborées par des institutions et des experts scientifiques reconnus, ce qui constitue une force du PNNS.
Le site Internet du PNNS a été créé par le ministère de la santé et constitue un lieu de synthèse des actions engagées et de mutualisation potentielle des expériences. Le site de l'Inpes propose aux acteurs concernés des références et des outils pratiques. Le site Eduscol de l'éducation nationale s'adresse principalement aux professionnels de la restauration scolaire.
La demande croissante émanant des élus a conduit à l'élaboration d'outils adaptés pour les acteurs municipaux (guide à l'usage des élus et techniciens municipaux), d'engagements spécifiques (charte « villes actives du PNNS », en lien avec l'association des maires de France), de soutien aux échanges intercommunaux notamment par le biais du réseau français des villes santé de l'OMS, de subventions à divers projets nutrition menés sous l'égide de municipalités tandis que des projets précis étaient également développés par des acteurs privés avec quelques villes (programme « Ensemble, prévenons l'obésité des enfants », Epode).
Travaux de fond
Au niveau national ont été également engagés, avec des acteurs multiples - acteurs économiques, consommateurs, collectivités territoriales, associations, autres ministères - de nombreux travaux de réflexion, préalables à des actions peu médiatiques mais aussi variées que la refonte des manuels scolaires sur les aspects nutritionnels, la mise en place du logo, la mobilisation des sociétés savantes... Parallèlement, l'Usen a poursuivi la mise en place d'un système national de surveillance épidémiologique. On peut signaler également le recensement des principales études et enquêtes réalisées en France au cours des 5 dernières années et collectant les données dans le domaine de la nutrition (Usen, InVS, Cnamts...).
Mobilisation des acteurs locaux
La mobilisation des acteurs locaux s'exprime à travers les déclinaisons régionales du PNNS, la définition de priorités, l'élaboration d'outils et de partage d'expériences.
Déclinaisons régionales du PNNS
La circulaire de la DGS relative à la mise en oeuvre du PNNS date du 9 janvier 2002. Pour l'avenir, la loi de santé publique doit conduire à la prise en compte de la nutrition par les plans régionaux de santé publique.
À compter de janvier 2002, les Drass ont pu s'investir concrètement, en nommant un coordinateur régional (médecin hospitalier, directeur de comité départemental d'éducation à la santé ou Codes, médecin inspecteur de santé publique ou Misp...) et en constituant leur comité technique régional nutrition-santé. Ces comités ont le plus souvent, dans les quatre régions sous revue (Franche-Comté, Haute-Normandie, Lorraine, Poitou-Charentes), constitué des groupes de travail thématiques (par exemple, prévention universelle, information-communication auprès du public, dépistage et prise en charge du surpoids et de l'obésité chez l'enfant, restauration collective, établissements de santé-comité de liaison alimentation-nutrition ou Clan...).
Etat des lieux et priorités
Le premier travail du comité technique régional nutrition-santé a été de procéder à un état des lieux, selon les préconisations de la circulaire DGS. Cet état des lieux a pris des formes variées, selon les ressources locales disponibles (équipes et travaux de l'Observatoire régional de santé, du Centre hospitalier universitaire...) et les centres d'intérêt des membres du comité : synthèse des références régionales en matière de mesure de la prévalence du surpoids et de l'obésité, recensement des actions financées, des acteurs impliqués, des publics cibles, recensement de l'offre de soins en nutrition, de l'offre de formation, constitution d'un répertoire des acteurs et des ressources... L'objectif d'une meilleure connaissance de la situation existante a conduit certains comités à diligenter des enquêtes, parfois lourdes, par exemple pour mieux appréhender la situation dans l'ensemble des établissements scolaires de la région, le comportement alimentaire des collégiens et lycéens, la dénutrition à l'hôpital ou encore la mise en place des comités de liaison alimentation-nutrition (Clan) à l'hôpital.
Les recensements des actions financées auxquels certaines régions ont procédé montrent, sur une période brève (2001 à 2003), l'émergence de dynamiques régionales, avec l'implication d'acteurs multiples (Education nationale, villes, associations, Assurance-maladie...), la multiplication du nombre d'actions, généralement de proximité, et la priorité accordée à certains publics, le milieu scolaire (enfants-élèves) et des populations cibles du PNNS (personnes en situation de précarité, femmes enceintes...). Ces recensements constituent un indicateur important du rôle d'impulsion du PNNS, ce rôle étant illustré notamment par les appels d'offre organisés à partir de 2002, au niveau national d'abord puis au niveau local.
Les travaux préliminaires des comités ont nécessité du temps mais se sont avérés indispensables pour leur permettre d'arrêter et d'argumenter leurs priorités, nécessairement sélectives vu l'ampleur du champ. Les déclinaisons régionales ont ainsi été prêtes courant et fin 2003, voire début 2004.
Compte tenu des contenus variés des états des lieux, les priorités des quatre régions sont diverses. Néanmoins, des constantes peuvent être relevées : les axes du PNNS n°1 (informer, éduquer, orienter), n°2 (prévenir, dépister, prendre en charge les troubles nutritionnels dans le système de soins) et n°6 (engager des mesures et des actions de santé publique destinées à des groupes spécifiques) sont présents dans les priorités régionales. L'axe n°3 (favoriser l'implication des consommateurs et des professionnels de la filière agro-alimentaire) n'est que faiblement mis en oeuvre, la mobilisation des professionnels n'étant pas toujours évidente. L'axe n°4 (mettre en place un système de surveillance de la consommation alimentaire et de la situation nutritionnelle de la population) est complexe à mettre en oeuvre et semble plutôt considéré comme relevant du niveau national. Quant à l'axe n°5 (développer la recherche en nutrition humaine), il revient presque exclusivement au niveau national, sauf lorsque des ressources locales compétentes et motivées (organismes de recherche, CHU) sont disponibles.
Méthode et outils
Sur le plan méthodologique, certains comités se sont montrés très rigoureux dans la définition de leurs actions concernant les points suivants : objectif, état des lieux, descriptif de l'action, bénéficiaires, calendrier et échéancier, mise en oeuvre et suivi, indicateurs d'évaluation, budget, valorisation-communication, perspectives.
Les travaux effectués par les comités régionaux, d'abord pour dresser l'état des lieux puis pour décliner de façon opérationnelle leurs priorités, les ont conduit à mettre en place des outils. Par exemple, à la suite de son enquête sur l'alimentation en milieu scolaire, un comité a diffusé à tous les établissements ayant participé ainsi qu'aux élus, outre les résultats de l'enquête, une fiche sur les distributions alimentaires (organisation de la restauration, environnement du repas, choix des boissons, distribution d'aliments hors repas) en milieu scolaire. Une autre région, après une enquête sur la dénutrition en institution, a rédigé un guide de dépistage et de prévention pour les établissements de santé et d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. Ailleurs, ont été mis au point un protocole de suivi pour les enfants dépistés, un guide pour les établissements pour personnes âgées et un outil pédagogique...
Enfin, un dernier aspect positif dans la mise en place des déclinaisons régionales est la démarche adoptée par les Drass et les coordinateurs. Elle se caractérise par une méthode participative de mobilisation des acteurs régionaux autour du PNNS, la transparence, le temps pris pour construire et permettre l'appropriation, le souci de réalisme dans les choix et de continuité dans le temps.
Partage d'expériences
Plusieurs initiatives au niveau national ont permis de sensibiliser ou de réunir les acteurs locaux, comme les journées de sensibilisation destinées aux décideurs locaux organisées à partir de mai 2002 et le colloque PNNS de novembre 2004. Ce dernier a été particulièrement riche, permettant de présenter des actions exemplaires.
Actions innovantes
En 2002, la DGS a mis en place une procédure nationale d'appel à projets. En 2003, la déconcentration de 70 % des crédits a offert des possibilités d'actions au niveau local, les Drass filtrant dorénavant les projets candidats au niveau national. À partir de 2005, tous les fonds (Etat, Caisse nationale d'assurance maladie, Cnam/FNPEIS) étant régionalisés, les projets nutrition sont sélectionnés par un comité régional mixte État-Assurance maladie qui préfigure le futur « Groupement régional de santé publique » (GRSP). Le nombre de projets financés au niveau national est respectivement de 41, 45 et 65 pour les années 2002, 2003, 2004. Quant au nombre de candidatures, il a doublé ou triplé.
Fleurbaix Laventie Ville Santé
Certains projets innovants et anciens bénéficient d'une forte notoriété : c'est le cas notamment du premier programme lancé en France en 1992, « Fleurbaix Laventie Ville Santé » (deux communes voisines de 6 000 habitants du Pas-de-Calais). Ce programme se distingue par sa durée, son souci de la proximité, son encadrement scientifique et méthodologique, son approche globale et son ampleur, mobilisant à la fois la population (parents et enfants) et l'ensemble des acteurs de proximité susceptibles de jouer un rôle (enseignants, médecins des communes, élus...). Les résultats du programme sont déclinés sur de nombreux axes faisant l'objet de recherches ; un des résultats remarquables est, sur 10 ans, l'arrêt de l'augmentation de la prévalence de l'obésité chez les enfants des deux communes alors que cette prévalence était dans le même temps multipliée par près de 2 et 3 respectivement pour les jeunes garçons et filles de la région Nord-Pas-de-Calais.
D'autres projets bénéficient d'un moindre écho ; leur caractère novateur, l'existence d'une véritable évaluation et de résultats méritent d'en citer quelques-uns pour illustrer les dynamiques locales.
Projet Santal : santé - alimentation et activité physique en milieu professionnel
Le programme Santal, développé par le site PSA Peugeot Citroën de Rennes est la seule action réalisée par une entreprise privée à avoir bénéficié d'une subvention de l'État au titre du PNNS. Le projet est piloté par le service médical de l'entreprise et bénéficie du concours du prestataire de restauration du site et de la première mutuelle souscrite par les salariés.
Le programme présente plusieurs caractéristiques :
• il s'inscrit dans une démarche globale sur le site, plus ancienne, de prévention et d'éducation à la santé (alcool, psychotropes, grippe, migraine...) ;
• une étude médicale interne a montré que les salariés n'étaient pas épargnés par les phénomènes de surpoids et d'obésité, et explique la prise de conscience et le choix de la thématique ;
• il est unique par son échelle en France, s'adressant aux 10 000 salariés du site et il bénéficie d'un engagement dans la durée (démarrage en 2002) ;
• il décline plusieurs types d'actions complémentaires et affiche des résultats encourageants.
Santal vise d'abord à offrir aux salariés la possibilité d'effectuer des bilans nutritionnels pour bénéficier de conseils personnalisés : visite médicale par le médecin de l'entreprise puis orientation vers une diététicienne, et, si nécessaire, « coaching » et suivi adaptés à l'évaluation du risque et de l'urgence de la prise en charge.
Parallèlement à l'accompagnement personnalisé, l'ensemble des personnels et de leurs familles est sensibilisé à l'importance de l'équilibre nutritionnel (diffusion de plaquettes d'information, campagnes thématiques sur certaines classes d'aliments dont le PNNS constate l'insuffisante consommation en France, adéquation entre les campagnes d'information, la signalétique et l'offre alimentaire sur place, élargissement de l'offre en eau se substituant aux sodas...). Les personnels de la restauration (87 personnes) du site ont été formés, pour pouvoir mieux conseiller les salariés à l'équilibre nutritionnel. Enfin, des actions de sensibilisation et de facilitation de la pratique d'une activité sportive ont été menées.
En termes de résultats, les 88 salariés suivis régulièrement en 2004 par la diététicienne ont, très majoritairement (84 %), perdu du poids. L'impact des actions générales d'information et d'éducation nécessitera davantage de recul pour être évalué. D'ores et déjà, les enquêtes de satisfaction et de mesure des taux de consommation de produits proposés par la restauration d'entreprise montrent l'adhésion des salariés et l'augmentation du choix de certains produits (légumes, poissons).
Au-delà de ses résultats propres, un intérêt majeur de Santal est de montrer que l'entreprise, lieu encore peu investi dans la thématique nutrition, peut constituer un lieu privilégié de sensibilisation des salariés et d'action dans la durée, si sont respectées certaines conditions (engagement de la direction, du service médical et de ses partenaires, cadrage rigoureux, complémentarité des actions, évaluation prévue...).
Projet du Val-de-Marne
Le projet Val-de-Marne, antérieur au PNNS, a pour origine une étude sur le lien éventuel entre la fréquentation de la restauration scolaire et la situation de précarité financière des familles. Le constat, inattendu, fut celui d'un niveau d'obésité important chez les jeunes de 10 à 18 ans et de liens, déjà observés, entre surpoids et précarité. Le Conseil général, initiateur et pilote, a engagé, avec les professionnels de la santé, de l'éducation et du sport et leurs institutions, deux programmes de prévention primaire, l'un visant à « faire des adolescents des consommateurs avertis », l'autre, mené dans le même temps et en cohérence, à améliorer la politique nutritionnelle dans les établissements (collèges). Le programme est complété par un volet de dépistage et de prise en charge des enfants obèses, qui est présenté brièvement ci-dessous.
« Prévention obésité 94 » est un programme qui s'adresse aux jeunes déjà en surpoids, dépistés dans l'ensemble des classes de 5 e du département depuis 2002 (2 261 élèves). Les données de départ après dépistage en 5 e sont de 22 % de jeunes ayant un poids excessif (17 % en surpoids et 7 % obèses). Les données sont d'autant plus élevées que les jeunes sont scolarisés en zone d'éducation prioritaire.
En 2003, le programme s'est enrichi d'une prise en charge collective, hors collège, sous la forme d'ateliers pratiques relevant de l'éducation thérapeutique, accessibles aux jeunes collégiens dépistés comme aux jeunes patients des médecins traitants.
Les objectifs de prise en charge s'articulent autour de deux idées centrales :
• permettre à un enfant en surpoids de retrouver des repères nutritionnels et des activités physiques, ce qui implique une démarche éducative et l'adhésion de l'enfant ;
• repérer et traiter les comorbidités associées, ce qui suppose une demande de soins de la part de l'enfant et une réponse médicale adaptée.
Les effets des ateliers pratiques, hors collège, la prise en charge thérapeutique et éducative des jeunes en surpoids sont en cours d'évaluation. D'ores et déjà, ils semblent répondre particulièrement aux problèmes de l'obésité dans les familles dont l'environnement est difficile et à la souffrance psychologique des jeunes en surpoids.
Les principaux résultats obtenus dans les collèges concernés peuvent être résumés de la façon suivante :
• peu de jeunes refusent la proposition d'aide (8 %) ; la majorité (78 %) des jeunes ayant accepté la proposition de prise en charge ont construit un programme de changement ;
• à l'issue d'un suivi de six mois au collège, il apparaît que changer son alimentation a été plus facile que réduire sa sédentarité ;
• le recours au médecin traitant est faible (35 %) mais lié à des souffrances avérées ;
• 8 jeunes sur 10 se sont sentis motivés et/ou aidés par le programme. En fin d'année, si 5 % des jeunes initialement en surpoids ont franchi le seuil de l'obésité, 19 % n'ont plus de surpoids et 30 % des jeunes initialement obèses ont ramené leur corpulence à un simple surpoids.
Outre son échelle qui est le département, l'approche générale du Val-de-Marne se caractérise par une prise en charge, d'abord éducative et, quand les besoins le nécessitent, médicale, la mobilisation de réseaux paramédicaux et éducatifs et la prise en compte des aspects individuels (l'adolescent, ses parents) et collectifs (les pairs).
Icaps
Icaps (intervention auprès des collégiens centrée sur l'activité physique et la sédentarité), est une étude de prévention primaire initiée en 2002 dans le Bas-Rhin (Université Louis Pasteur, Strasbourg). Elle présente plusieurs spécificités, en raison d'une forte articulation entre les aspects recherche, santé publique et action éducative :
• elle part du constat que l'alimentation, dont le rôle est incontestable, n'est pas le seul déterminant de l'état de santé et du poids, et que l'activité physique joue également un rôle, néanmoins mal évalué. Dès lors, l'objectif d'Icaps est d'établir la relation causale la plus simple possible, en se concentrant sur ce seul déterminant ;
• Icaps fait le choix d'un groupe « témoin » : les 1 000 collégiens de 6 e concernés par l'étude sont répartis en 2 groupes. Ceux du groupe « témoin », soit la moitié, conservent leur rythme d'activité physique habituel. Pour ceux du groupe « action », une stratégie ciblant différents niveaux d'intervention est développée afin de modifier les connaissances, les représentations et les comportements en fournissant les conditions de pratique d'activité physique, grâce à un large partenariat avec les collectivités territoriales et le milieu éducatif.
Les premiers résultats, à 2 ans, montrent que les élèves ont augmenté leur activité physique de loisirs (87 % versus 62 % dans le groupe témoin), leur activité physique quotidienne (41 % versus 34 %), ont diminué leur comportement sédentaire ( versus une augmentation de cette habitude pour le groupe « témoin »). Enfin, la proportion de collégiens présentant un excès de poids a été réduite de 21 % alors qu'elle continuait à croître dans le groupe « témoin », passant de 24 % à 28 %. L'effet favorable d'Icaps sur le poids s'accompagne d'une amélioration des facteurs de risque cardiovasculaire.
Allaitement maternel
Une autre action à mentionner, car cette thématique est encore peu explorée, est la promotion de l'allaitement maternel, lancée par le département du Rhône en 1996, en s'appuyant notamment sur les centres de protection maternelle et infantile (PMI) et le réseau ville-hôpital. Les premiers résultats montrent une augmentation de l'initiation des femmes à l'allaitement maternel (de 52,7 % en 1995 à 70 % en 2002).
Synthèse et perspectives
Ces quelques actions, emblématiques et exemplaires, ne peuvent cependant rendre compte de la réalité et de la portée des stratégies, programmes et actions. Le PNNS - et ses développements - a joué incontestablement un rôle important d'impulsion. Il a contribué à la prise de conscience par la société du problème de santé publique que représente l'obésité. Il a permis de dépasser la question du « pourquoi agir ». En revanche, l'analyse de ses points faibles montre qu'il faut aujourd'hui adapter et faire évoluer les réponses, et s'attaquer à la question complexe du « comment faire ».
Sujets de préoccupations
Malgré les réserves méthodologiques signalées supra, un bilan-évaluation partiel des stratégies, programmes et actions menés en France peut être effectué à différents niveaux.
ObEpi : des constats alarmants
L'enquête épidémiologique ObEpi de 2003 ne saurait constituer une référence pour l'évaluation des objectifs relatifs à l'obésité dans la politique nutrition-santé, qui démarrait à peine alors, mais ses résultats alarmants sont rappelés pour montrer l'urgence à agir.
ObEpi 2003 constate la poursuite de l'augmentation de la prévalence du surpoids et de l'obésité chez les adultes : en 2003, 11,3 % des Français sont obèses (contre 8,2 % en 1997 et 9,6 % en 2000) et 30,3 % sont en surpoids. Le nombre de personnes présentant une obésité massive ou morbide double (de 0,3 % en 1997 à 0,6 %). La progression du surpoids et de l'obésité n'épargne aucune tranche d'âge, aucune catégorie socio-professionnelle, aucune région et aucune zone.
Les projections indiquent que si la même tendance persiste, la prévalence de l'obésité atteindra 15 % en 2010 et 20 % en 2020. La France aura alors rejoint la prévalence enregistrée aux États-Unis en 1990.
En dehors de l'enquête ObEpi, toutes les études localisées concernant les enfants montrent aussi une augmentation de la prévalence. Compte tenu de la situation relative aux adultes, l'effet « boule de neige » est à redouter, l'obésité des parents constituant un facteur de risque supplémentaire pour les enfants.
Faible lisibilité globale des actions locales
Si des actions exemplaires peuvent être mises en exergue, elles sont peu représentatives de l'ensemble des actions développées sur le terrain. La revue des programmes régionaux du PNNS dans quatre régions et des projets d'actions locales financés dans le cadre des appels d'offre nationaux montrent en effet certaines faiblesses récurrentes. L'évaluation des déclinaisons régionales ne peut se faire, pour les raisons explicitées, au regard des résultats (adéquation et/ou écarts par rapport aux objectifs de diminution de la prévalence). Elle porte donc sur l'élaboration des politiques régionales et leur déclinaison en actions.
Insuffisance du cadrage méthodologique et de la mutualisation
Cette insuffisance est patente à plusieurs niveaux. Elle peut d'abord être relevée pour l'état des lieux effectué par chaque région, préalable au choix des priorités. Le contenu de cet état des lieux ayant été laissé assez largement à l'appréciation locale par la circulaire de mise en oeuvre du PNNS, la variété des méthodes et constats en est la résultante logique. Cette variété se retrouve au niveau du choix des priorités.
Quand les régions ont choisi d'investir dans la recherche de références, en s'appuyant sur les ressources locales (observatoires régionaux de santé, centres hospitaliers universitaires...), pour disposer d'éléments pour l'évaluation future de leurs actions, ces références ne se sont pas toujours révélées exploitables pour des comparaisons avec la France ou les autres régions ou conformes aux « normes ». Si le souci des régions de disposer de références est légitime et est de nature à les motiver, la question de leur investissement en la matière doit être posée, compte tenu à la fois de l'existence d'enquêtes nationales pouvant fournir des données régionales homogènes (comme ObEpi) et de l'utilisation la plus efficace de ressources non extensibles (moyens humains, statistiques...).
La même remarque peut s'appliquer au développement d'outils locaux. Les problématiques des actions étant le plus souvent partagées (comment développer tel type d'action, pour tel public, dans tel contexte...), un équilibre reste à trouver entre la multiplication actuelle des adaptations aux « spécificités » locales, la nécessaire appropriation par les acteurs de leurs instruments, et le souci d'une certaine efficacité et de moindre déperdition d'énergie.
Fragilité des dispositifs locaux peu institutionnalisés
L'impulsion puis la mise en oeuvre au niveau local sont le plus souvent fondées sur le volontariat et l'implication de quelques personnes motivées, ce qui rend les dispositifs fragiles et à la merci des mutations et autres vicissitudes. Cette fragilité est accrue par l'engagement très inégal des institutions en tant que telles (collectivité locale, Éducation nationale...), puisque là encore, ce sont généralement quelques personnes qui portent une institution (un maire, un recteur, un inspecteur d'académie, un directeur d'établissement...). Les cartographies établies par certaines Drass montrent bien le niveau très inégal d'engagements et d'actions selon les zones.
Emiettement des actions : une politique de santé publique ?
L'hétérogénéité de la couverture du territoire mise en évidence par la cartographie pose la question du sens d'une politique de santé qui couvre une part infime de la population. Hormis les actions nationales de communication du ministère chargé de la santé et de l'Inpes, destinées à l'ensemble de la population, la somme des publics concernés par des actions de proximité de prévention montrerait probablement un impact faible, voire dérisoire, sans rapport avec le niveau de prévalence du surpoids et de l'obésité.
S'agissant du dépistage de l'obésité et de la prise en charge éducative et médicale, le nombre de réseaux de soins reste très limité (4 en fonctionnement et 3 projets en cours) et sans aucune commune mesure avec les besoins de prise en charge. Ces réseaux connaissent souvent d'importantes difficultés de mise en place : financement, mobilisation aléatoire des médecins libéraux...
Ces constats posent des questions de stratégie globale, de généralisation des actions les plus efficaces et de la participation de vecteurs institutionnels.
Faiblesse de l'évaluation
La faiblesse de l'évaluation est relevée à plusieurs niveaux. L'absence de centralisation des actions locales au niveau régional puis national ne permet pas d'avoir une vision exhaustive des ressources publiques consacrées à la prévention par la nutrition et, partant, constitue un handicap pour procéder à une évaluation globale de la politique. La visibilité sur les crédits consacrés aux actions nutrition et, a fortiori , aux actions de prévention de l'obésité, fait totalement défaut, faute de lieu de remontée et de synthèse des données financières. Le service concerné à la DGS n'a objectivement pas les moyens de s'y consacrer.
L'absence d'évaluation rigoureuse de la plupart des actions constitue un handicap pour avancer sur la question du « comment faire bien ». Les projets d'actions financés ne présentent pas toujours la fiche devant développer les méthodes de l'évaluation. Quand cette fiche est remplie, elle renseigne majoritairement sur les activités menées, en quantité (nombre de personnes touchées, ayant suivi telle formation, nombre d'heures, de repas...), s'apparentant plutôt à un bilan ou à un rapport d'activité. Si ces indicateurs sont une information, ils ne permettent cependant de tirer aucune conclusion quant à l'adéquation des actions aux problèmes rencontrés. Certaines évaluations décrivent essentiellement les processus : comment les dispositifs, les actions ont-ils été mis en place, quels obstacles ont été rencontrés, surmontés. Les informations sont généralement recueillies auprès des acteurs/professionnels. Ce type d'évaluation est utile car il permet d'améliorer et de faire évoluer les pratiques. Encore faut-il évaluer également si les objectifs ont été atteints, pour donner sens aux processus. Un autre type d'évaluation parfois proposée porte sur l'évolution des connaissances des personnes, la satisfaction des publics. Mais satisfaction et connaissance, certes nécessaires, ne sont cependant pas prédictifs d'une évolution des comportements. Encore trop peu d'actions s'engagent dans l'évaluation des modifications de comportement et dans les indicateurs médicaux (évolution de l'IMC par exemple) quand il apparaît que l'objectif réel est la réduction de l'obésité et du surpoids.
L'hétérogénéité des approches évaluatives, l'absence de référentiels et la réinvention par chaque équipe de sa méthode constituent des faiblesses importantes des actions locales, renvoyant en partie à une insuffisante définition des objectifs. Dans un contexte de moyens limités alloués à la recherche sur la thématique nutrition, des évaluations d'actions locales au cadrage renforcé et des « recherche-actions », pourraient constituer, sinon un substitut, du moins un complément utile. Enfin, l'existence d'évaluations solides serait un atout majeur pour les financeurs afin d'orienter l'allocation des ressources.
Engagements forts non tenus
Malgré les avancées significatives relevées, la mise en oeuvre du PNNS s'est traduite par des retards parfois substantiels (au niveau des campagnes de communication, de diffusion des brochures, de mise en place du logo...) par rapport au calendrier prévisionnel, ambitieux. Les aspects administratifs (interministérialité...) et budgétaires (gels de crédits, complexité des cofinancements...) n'y sont pas étrangers. L'évaluation du PNNS au niveau national ne peut, pas plus qu'au niveau régional, porter sur l'atteinte des objectifs ; elle est concentrée sur la mise en oeuvre de certains axes stratégiques (l'axe 4, relatif au développement de la surveillance épidémiologique et l'axe 5, relatif au développement de la recherche, sont traités par ailleurs).
L'axe 1, « Informer, éduquer, orienter » est celui qui a fait l'objet du plus fort investissement tant au niveau national (actions de communication) que locales (actions). Cette priorité est justifiée par son caractère « fondateur » par rapport aux actions à mener en aval. Sous réserve des lacunes et faiblesses relevées supra qui s'appliquent largement à cet axe, coeur des programmes déclinés localement, l'écart à l'axe théorique initial est vraisemblablement le plus faible.
Il en est de même en partie pour l'axe 6, « Engager des mesures et des actions destinées à des groupes spécifiques ». Les programmes régionaux, les actions locales financées au niveau national ont généralement privilégié cet axe, - pouvant être aussi développé dans les programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins -, retenant comme publics d'une part les jeunes (parfois avec leurs familles), d'autre part certaines populations fragiles (différentes situations de précarité). L'hétérogénéité des publics visés est cependant de règle et l'émiettement des actions ne permet pas d'avoir une stratégie homogène et complète sur l'ensemble du territoire.
Le bilan de l'axe 2, « Prévenir, dépister, prendre en charge les troubles nutritionnels dans le système de soins », peut faire état de quelques avancées : celles-ci concernent essentiellement des outils et des recommandations pour aider les professionnels de santé dans leur pratique clinique. Mais des engagements programmés essentiels n'ont pas été exécutés : le rapport Kempf sur les fonctions et métiers de la nutrition afin d'adapter les formations et les prises en charge aux enjeux actuels n'a eu aucune suite ; le PNNS n'a donc guère eu d'incidences sur la formation des médecins, des personnels paramédicaux et des acteurs sociaux ; la facilitation de l'accès à la consultation de nutrition et de diététique à l'hôpital et dans les réseaux de soins n'est pratiquement pas réalisée, les créations de postes annoncées pour 2001-2005 ayant été dérisoires (50/800 pour les diététiciens et 3/50 pour les professeurs hospitaliers, ces 3 postes étant dans les réseaux de soins dont le très faible développement a été signalé). Un des constats, outre l'impossibilité de prendre en charge des patients, est la démobilisation des CLAN et du milieu hospitalier. Ainsi se pérennise, dans un lieu qui présente l'atout d'être fortement structuré et susceptible de susciter des synergies, le système de la bonne volonté.
L'axe 3, « Favoriser l'implication des consommateurs et des professionnels de la filière agro-alimentaire », a fait l'objet, au plan local, d'initiatives éparses et ponctuelles et, au plan national, de quelques actions auprès des professionnels (par exemple, l'action concernant le sel auprès des artisans boulangers). Mais la question de l'offre alimentaire, et la communication sur cette offre, reste la question pendante majeure, que le logo PNNS, fondé sur le volontariat du secteur agro-alimentaire, ne peut seul résoudre.
En conclusion , les enjeux de la lutte contre l'obésité suggèrent deux pistes. La première porte sur la mise en oeuvre effective des dispositifs prévus et la correction des points faibles signalés, en privilégiant la continuité dans les objectifs du PNNS qui restent pertinents, confortés par la loi de santé publique : reprise des engagements non tenus, notamment en termes de création de postes et de reconnaissance des professionnels engagés dans la nutrition, recadrage méthodologique rendu d'autant plus nécessaire par la régionalisation, mutualisation et valorisation des actions évaluées efficaces. Quant à la systématisation souhaitable d'une politique de prévention par la nutrition et de lutte contre l'obésité, elle suppose un pilotage stratégique fondé sur une volonté politique durable. Celle-ci est d'autant plus nécessaire que la seconde piste concerne l'offre alimentaire et la communication sur cette offre. Si la loi de santé publique a en partie recadré cet aspect, il reste d'une part à en faire appliquer la lettre et l'esprit, d'autre part à approfondir fortement cet axe. Devant la multiplication des messages et l'importance des moyens mis en oeuvre par le secteur agro-alimentaire, la mise en place de dispositifs garantissant au consommateur la qualité et la véracité de l'information nutritionnelle, par des moyens appropriés (juridiques, de contrôle...), est un chantier majeur à la hauteur des enjeux, comme le montre, a contrario , « l'exemple » américain qui, malgré de nombreux programmes de prévention, s'est toujours privé de cet instrument complémentaire de l'éducation du citoyen.
Néanmoins, l'obésité ne doit pas devenir le problème exclusif de santé publique, compte tenu de deux risques. Le premier est d'occulter la partie, majoritaire, de la population non en surpoids, non obèse, sur laquelle pèse aussi des risques nutritionnels (cancer, maladies cardiovasculaires, ostéoporose...) et qui peut se sentir non concernée si la relation entre l'alimentation et la santé se réduit à ses aspects visibles. L'autre risque est d'aggraver la stigmatisation des personnes obèses, ce qui serait éthiquement contestable et contre-productif.
BIBLIOGRAPHIE
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INSERM (INSTITUT NATIONAL DE LA SANTÉ ET DE LA RECHERCHE MÉDICALE). Obésité, dépistage et prévention chez l'enfant. Éditions Inserm, 2000
MEN (MINISTÈRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE). Restauration scolaire. Bulletin officiel spécial N°9 du 28 juin 2001
* 6 InVS / Cnam / Paris 13