12. Audition de M. Philippe Leroy, sénateur et président du Conseil général de la Moselle et de M. Jean-François Le Grand, sénateur et président du Conseil général de la Manche
M. Philippe Leroy a tout d'abord indiqué que la délégation de service public du réseau haut débit du département de la Moselle, à laquelle quatre opérateurs s'étaient portés candidats, était en cours de négociation, ajoutant que le montant total du projet s'élevait à environ 70 millions d'euros. Il a précisé que ce réseau était destiné à être raccordé à l'ensemble des répartiteurs et des réseaux câblés du département. Long de plus de 900 kilomètres, ce réseau intégrerait le réseau existant de l'agglomération de Metz, mais nécessiterait, pour une large part, la construction d'une infrastructure nouvelle. Il a, à cet égard, souligné que si la couverture de l'ensemble de la population était l'un des objectifs du projet, celui-ci visait aussi à répondre aux importants besoins en haut débit de certaines entreprises, notamment ceux de l'industrie automobile présente sur l'ensemble du territoire mosellan, qui ne pouvaient être satisfaits par l'ADSL.
Il a fait observer que l'investissement ainsi consenti n'était pas démesuré en comparaison des autres dépenses d'investissement du département, rappelant que les crédits consacrés aux routes départementales représentaient environ 100 millions d'euros par an. Ayant souligné qu'en Moselle, le réseau câblé était bien développé, notamment dans les zones rurales où les communes s'étaient regroupées pour l'exploiter en régies, et qu'il desservait 80% de la population, il a indiqué que les opérateurs de régies câblées profitaient de la réalisation du réseau départemental pour moderniser leur réseau afin d'offrir prochainement des services d'accès à l'Internet à haut débit. Il a ajouté que l'utilisation du satellite était envisagée en complément pour les communes éloignées de tout répartiteur et non connectées au câble, en particulier dans le sud du département, afin notamment de permettre l'approvisionnement en haut débit de quelques grosses entreprises. Il a fait observer que les systèmes satellitaires et le Wimax n'étaient toutefois pas parfaits sur le plan technique, des micro-coupures des liaisons hertziennes empêchant par exemple la transmission de fichiers numériques volumineux, ce qui, a-t-il expliqué, incitait le département à privilégier le plus possible le raccordement à la paire de cuivre. Il a indiqué que le Conseil général n'avait pas demandé à bénéficier des crédits des fonds structurels européens pour ce projet, signalant, par ailleurs, que la Caisse des Dépôts et Consignations avait cofinancé les études et était partenaire de la société délégataire de la concession. Enfin, il a indiqué que le délégataire paierait chaque année au département de la Moselle une redevance pour l'usage des infrastructures.
M. Jean-François Le Grand a indiqué que dans son département, quatre opérateurs s'étaient déclarés candidats à la DSP, parmi lesquels ne figurait pas l'opérateur historique. Il a constaté que France Télécom engageait des recours en justice contre les DSP d'autres collectivités territoriales afin, a-t-il expliqué, de dissuader celles qui ne s'étaient pas encore lancées dans une telle démarche.
M. Philippe Leroy a relevé que l'opérateur historique, après avoir conseillé au Conseil général de la Moselle de ne pas intervenir dans le domaine du haut débit, n'avait maintenant plus de relations avec lui.
M. Jean-François Le Grand a indiqué qu'il avait souhaité développer le haut débit afin de désenclaver le département de la Manche et permettre à ses habitants et entreprises de réaliser des économies substantielles sur les communications. Il a précisé que le coût du projet de réseau représentait un engagement de 70 millions d'euros, mais serait en réalité ramené à 40 millions d'euros, ce qui était peu par rapport au coût des investissements réalisés ces dernières années dans le domaine routier (150 millions d'euros). Il a constaté que quatre opérateurs (Cegetel, Neuf, France Télécom et Free) proposaient aujourd'hui leurs offres sur le département. Il a souligné que pour le tracé du réseau, la priorité avait été donnée aux zones les plus vulnérables sur le plan économique, essentiellement autour de neuf villes du département. Il a fait observer que le développement de la concurrence incitait l'opérateur historique à être plus performant et favorisait la baisse des prix de l'ensemble des opérateurs, soulignant que les offres « triple play » étaient commercialisées au prix de 20 euros par mois. Il a indiqué que France Télécom était désormais d'accord pour partager ses infrastructures sous forme de mise à disposition de fourreaux, ce dont le Conseil général n'avait aujourd'hui plus besoin. Par ailleurs, il a insisté sur l'intérêt de ce réseau pour le développement économique local, indiquant, par exemple, qu'il avait certainement contribué au maintien de grandes entreprises ayant d'importants besoins en haut débit, comme dans le domaine de l'infogérance, et à la création de nouveaux emplois, citant notamment l'installation en cours d'un centre d'appel en pleine campagne. Il a, à cet égard, indiqué que l'accès au haut débit rendait attractifs des territoires offrant par ailleurs de l'espace et une grande qualité de vie. Il a précisé que le projet de réseau était porté par un syndicat mixte réunissant le Conseil général de la Manche et l'ensemble des communautés de communes, soulignant que le premier avait plutôt financé les grandes artères et les secondes les infrastructures d'accès (Wimax, CPL, satellites). Il a souligné que l'utilisation concomitante de différentes technologies permettrait d'obtenir une couverture complète.
M. Philippe Leroy a pronostiqué une montée en puissance progressive de l'utilisation du réseau.
M. Jean-François Le Grand a mentionné les initiatives conduites par son département pour développer les usages, citant l'installation dans tous les sièges des communautés de communes de « visioguichets » destinés à permettre la consultation d'annonces d'emplois. Il a indiqué que le Conseil général allait également mettre en place des systèmes de cartes de transport à puces et s'intéressait à la vidéo-surveillance des personnes âgées et à la possibilité d'une application pour la gestion des ports. Après avoir indiqué que le département avait réutilisé des infrastructures existantes, en négociant, par exemple, au titre des droits de passage l'utilisation de fourreaux d'opérateurs présents comme Telia ou LD Com, il a signalé que la location du réseau au délégataire allait procurer un revenu annuel au Conseil Général permettant d'amortir assez rapidement le coût de l'investissement consenti. Pour conclure, il a considéré qu'il était avantageux pour un département de détenir un réseau de fibre optique qui, à l'instar du réseau routier, constituait une infrastructure structurante pour l'aménagement du territoire.