DEUXIÈME PARTIE
UN
NOUVEL ÉLAN : FAIRE CONFIANCE AU DIALOGUE SOCIAL EN TENANT COMPTE
DE LA VULNÉRABILITÉ
ET D'UNE CERTAINE AUTOCENSURE DES
FEMMES
SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
Le présent projet de loi vise essentiellement à donner un nouvel élan à la négociation collective dans le domaine le plus emblématique et le plus « révélateur » des discriminations entre femmes et hommes : celui des rémunérations.
En dépit du fait que la notion d'égalité des chances porte en elle-même la volonté d'écarter la notion de « main d'oeuvre d'appoint », qui évoque l'expérience peu glorieuse du passé, il n'est pas hors de propos de rappeler que ce projet de loi anticipe un contexte démographique marqué par l'arrivée progressive des générations du baby boom à l'âge de la retraite, et, par conséquent, propice à la progression de l'activité féminine : encore faut-il s'efforcer de motiver les « talents » en leur garantissant une « règle du jeu » équitable en matière de rémunération.
Dans sa méthode, le projet de loi repose largement sur la « confiance » à l'égard des entreprises et de la capacité de négocier de l'ensemble des partenaires sociaux. Votre rapporteure tient cependant à souligner qu'il comporte également des mécanismes incitatifs assez puissants comme le refus d'extension qui sera systématiquement prononcé lorsqu'une convention de branche, conclue au niveau national, ne comportera pas de disposition relative à la suppression des écarts de salaire entre les femmes et les hommes prévu à l'article 3.II.
I. LA SIGNIFICATION ESSENTIELLE DU PROJET DE LOI : UN APPEL À LA NÉGOCIATION ET UN OBJECTIF À L'HORIZON 2010
L'objectif essentiel du projet de loi s'exprime à travers les dispositifs prévus dans ses articles 3 et 4 : les négociations salariales annuelles obligatoires, au niveau de la branche comme de l'entreprise, doivent intégrer les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes d'ici 2010 .
Ce rattachement à la négociation annuelle obligatoire, effective dans une grande majorité d'entreprises, répond à un souci d'efficacité. Il convient de noter que les négociations spécifiques sur l'égalité professionnelle dans l'entreprise et au niveau des branches, instaurées par la loi du 9 mai 2001, se déroulent suivant une périodicité de trois ans.
Le projet de loi prévoit plusieurs mécanismes pour donner une impulsion à ces négociations dont le respect conditionne la validité des accords salariaux.
En premier lieu, à défaut d'initiative de la partie patronale dans l'année suivant la promulgation de la loi, au niveau de la branche comme de l'entreprise, les négociations s'engagent dans les quinze jours suivant la demande d'une des organisations syndicales représentatives.
Au niveau de la branche, ensuite, en cas d'échec des négociations, le ministre chargé du travail réunit une commission mixte paritaire, afin que s'engage ou se poursuive la négociation.
A titre de sanction, la convention collective de branche ne pourra pas être étendue si elle ne contient pas des mesures visant à la suppression des écarts de rémunération.
Dans les entreprises, les accords collectifs sur les salaires effectifs ne pourront être validés auprès de l'autorité administrative compétente, qu'accompagnés d'un procès-verbal d'ouverture des négociations portant sur les écarts de rémunération.
Ces puissantes incitations à négocier font appel à la responsabilité des partenaires sociaux, et tout particulièrement des employeurs qui hésiteront à s'exposer au risque d'une invalidation de l'accord annuel d'entreprise sur les salaires.
Trois remarques peuvent être faites sur ce dispositif.
Tout d'abord, s'agissant de l'articulation avec le droit en vigueur, la loi du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes n'est pas remise en cause : le projet de loi s'appuie sur ses acquis et se réfère explicitement au rapport de situation comparée, préalable au diagnostic des inégalités salariales.
Cependant le dispositif envisagé pourrait poser à terme le problème de son articulation avec la négociation spécifique sur l'égalité professionnelle d'une périodicité de trois ans. Comme l'indique le rapport d'information présenté sur le texte par Mme Marie-Jo Zimmermann, au nom de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, des organisations syndicales ont exprimé la crainte que celle-ci ne perde une partie de son intérêt, à partir du moment où les négociations portant sur l'égalité salariale - un des aspects essentiels de l'égalité professionnelle - ne seront plus conduites dans le cadre de la négociation spécifique, mais dans le cadre de la négociation annuelle.
Ensuite, comme l'a souligné la ministre de la Parité, ce dispositif va au-delà des exigences européennes en la matière : la politique de l'emploi définie à Lisbonne s'est, en effet, fixé comme objectif de réduire les écarts de salaires d'un tiers d'ici à 2010, et la construction d'indicateurs sur l'évolution des écarts salariaux entreprise, il y a quelques années, sous la présidence belge.
Enfin, la délégation souscrit à la philosophie du texte telle qu'elle a été résumée, par le Gouvernement, au cours des débats « l'égalité n'est pas seulement une exigence sociale, économique et démocratique. Elle est aussi une urgence pour des milliers de femmes qui veulent légitimement être reconnues pour ce qu'elles font et pour ce qu'elles sont » . Votre rapporteure approuve pleinement cette orientation et insiste sur la nécessité de la prise de conscience de l'interdépendance entre l'efficacité économique et l'équité salariale pour l'avenir de notre pays.