B. LA STAGNATION DES ÉCARTS DE RÉMUNÉRATION DEPUIS 1995 MALGRÉ LE PERFECTIONNEMENT DU DROIT ET LA MONTÉE D'UN SENTIMENT D'INÉQUITÉ
1. La stagnation des écarts de rémunération
Comme l'indique la série longue présentée ci-dessus :
- en quarante-cinq ans, de 1950 et 1995, l'écart de salaire moyen entre les femmes et les hommes s'est réduit de moitié, passant de plus de 50 % à environ 25 % (soit une réduction de 1,1 % tous les deux ans);
- statistiquement, la simple continuation de ce mouvement depuis 1995 aurait du réduire l'écart d'un peu plus de 3 % en six ans : or, entre 1996 et 2002, il n'a régressé que d'un pour cent (de 25,2 à 24,2 %), ce qui traduit un très net essoufflement, dans un contexte économique, certes, marqué par la désinflation accompagnée d'une modération salariale généralisée.
Dans le prolongement de cette stagnation, les données les plus récentes diffusées en 2005 (DARES, La rémunération des salariés des entreprises en 2003 ; Premières Synthèses, mars 2005, n° 12.3) indiquent globalement que « les disparités de rémunérations hommes femmes se stabilisent » et précisent qu' « en 2003, un homme salarié à temps complet dans le secteur concurrentiel perçoit une rémunération mensuelle en moyenne supérieure de 24,8 % à celle d'une femme (tableau ci-après). Cet écart est resté quasiment stable en un an pour l'ensemble des salariés. Il est d'environ 5 % chez les employés, où la part des femmes est élevée ; il est, en revanche, beaucoup plus marqué parmi les ouvriers et les cadres (respectivement 24 % et 29 %). Cet écart s'est en outre légèrement accru pour les cadres. La part des primes est par ailleurs plus élevée dans la rémunération des hommes que dans celle des femmes (13,1 % contre 11,2 %). »
D'assez rares statistiques apportent des éléments de comparaison selon la taille des entreprises.
Une enquête réalisée en 2002 (Source : DARES, Enquête annuelle ACEMO sur les très petites entreprises en juin 2002 , Enquête annuelle ACEMO sur les entreprises de 10 salariés ou plus en 2001 ) apporte les enseignements suivants :
Trois TPE (très petites entreprises) sur quatre se situent dans le secteur tertiaire, l'une exerçant une activité du commerce, les deux autres de service ; de cette spécificité découle la répartition par catégorie professionnelle de leurs salariés : sur dix salariés, on trouve quatre employés, trois ouvriers, deux professions intermédiaires et un cadre.
La fréquence du travail à temps partiel demeure une particularité des TPE : en juin 2002, il concernait plus d'un tiers des salariés, en grande majorité des femmes.
« Dans les TPE, un homme employé à temps complet perçoit en moyenne 1.940 euros, une femme 1.790 euros, soit environ 8 % de moins. Cet écart hommes-femmes varie de 6 % chez les ouvriers à 13 % parmi les cadres. Par rapport à 2001, il se réduit d'environ 2 points, mais uniquement du fait du resserrement observé chez les professions intermédiaires et les cadres. Pour les autres catégories professionnelles, les écarts restent comparables à ceux de juin 2001.
Ces disparités de rémunérations entre hommes et femmes restent en outre nettement moins marquées dans les TPE que dans les unités plus grandes où, toutes catégories confondues, une femme perçoit environ 19 % de moins qu'un homme.
C'est dans les services qu'elles sont les plus importantes (de l'ordre de 15 % de moins pour une femme), même si l'écart y a diminué de 5 points en un an. Si les activités financières offrent aux hommes comme aux femmes les plus fortes rémunérations, c'est aussi le secteur des plus fortes inégalités ; les femmes y perçoivent un tiers de moins que leurs collègues masculins. A l'opposé, dans la construction, les écarts sont inférieurs à 4 %. Cette différence s'explique en partie par des structures d'emplois spécifiques : le premier des deux secteurs emploie majoritairement une main-d'oeuvre hautement qualifiée plutôt masculine, alors que dans la construction travaillent essentiellement des ouvriers (plutôt des hommes) et des employés (plutôt des femmes) dont les gains sont comparables. »
2. Le perfectionnement du droit
La loi du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes a rendu obligatoire, au niveau de l'entreprise, la négociation collective annuelle sur les objectifs en matière d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et les mesures permettant de les atteindre.
Cette négociation s'ouvre à partir du « rapport annuel de situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes » remis par l'employeur au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel. Le non-respect de ces obligations est, en principe, passible de sanctions pénales.
La même loi a intégré dans la négociation annuelle obligatoire prévue à l'article L.132-27 du code du travail l'objectif d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.
Au niveau de la branche, une négociation organisée tous les trois ans, doit porter sur les mesures tendant à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et sur les mesures de rattrapage tendant à remédier aux inégalités constatées, notamment pour ce qui concerne les conditions d'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelle et pour ce qui est des conditions de travail et d'emploi.
Ces négociations ont lieu sur la base d'un rapport présentant la situation comparée des hommes et des femmes dans ces domaines et sur la base d'indicateurs pertinents, reposant sur des indicateurs chiffrés, pour chaque secteur d'activité (article L.132-12 du code du travail).
Comme pour les entreprises, la loi a également intégré dans la négociation obligatoire (au moins une fois par an pour négocier sur les salaires et une fois tous les cinq ans pour examiner la nécessité de réviser les classifications) la nécessité de prendre en compte l'objectif d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (article L.131-12-1 du code du travail).
La réforme du 9 mai 2001 institue aussi, dans les entreprises d'au moins 200 salariés, l'obligation pour le comité d'entreprise de constituer une commission de l'égalité professionnelle, chargée de préparer les délibérations du comité d'entreprise sur le rapport de situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des hommes et des femmes au sein de l'entreprise (article L.434-7 du code du travail).
Votre rapporteure note que le présent projet de loi :
se présente comme un complément de la loi du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes
et, dans le respect de l'impératif de stabilité des normes, n'y ajoute aucune « strate » supplémentaire, à une seule exception près : l'article 5 du texte adopté par l'Assemblée nationale vise à faire figurer dans le rapport de situation comparée des indicateurs sur « l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale » .