DÉBAT
M. DIONIS DU SÉJOUR - J'ai une première question à poser au Professeur LARENG et à tous les praticiens de la télémédecine par rapport à ce que nous avons vu aux Etats-Unis.
Nous avons vu un modèle qui fonctionnait. Ils n'en sont pas à 3 000, mais à des centaines de milliers de téléconsultations.
Le modèle est à peu près posé maintenant, au moins sur la consultation médecin patient. A un endroit, il y a un médecin, après un certain nombre de transmissions de signaux, de caméras - plusieurs caméras d'ailleurs -, à l'autre bout il y a un patient et une infirmière.
Nous retrouvons le problème cité par le Professeur DUPRAT, à savoir que nous avons un triangle qui fonctionne de cette manière.
Il y a un dialogue médecin malade relativement classique qui se passe d'ailleurs très bien, les personnes ont dit que cela se passait très bien en psychiatrie. Après il y a également un dialogue entre le médecin et l'opérateur, il lui demande notamment de déplacer la caméra de telle et telle façon.
Est-ce que ce modèle texan en triangle est quelque chose de raisonnable ?
Faut-il que pour qu'il y ait téléconsultation, nous organisions quelque part l'obligation d'une présence d'un opérateur ? A quel niveau de formation ? Ou est-ce que nous sommes plus ambitieux que les Américains et que nous disons pourquoi pas directement une relation médecin/patient ?
Deuxièmement plus large que cela, le retour américain que nous avons eu, est de dire que, pour nous, il n'y a plus de débat, il fallait le faire et rapidement parce que nous allions déjà faire des économies considérables. La phrase des Américains qui m'a vraiment bousculé, a été que nous allions le récupérer tout de suite, ne serait-ce que dans le système pénitentiaire.
Je me tourne vers le Conseil de l'Ordre, il y a un certain nombre de raisons fortes qui ont été mises en avant. Je pense à l'importance de la clinique, or les Américains nous ont dit qu'ils avaient appris à ne plus toucher leurs malades. Ils nous ont également dit très clairement que la relation, notamment sur la dimension psychiatrique, passait plutôt mieux à distance qu'en réel.
Sommes-nous prêts également à faire ce saut culturel ?
Il faudrait peut-être une première réponse à la question de savoir si le modèle texan à trois est raisonnable, souhaitable, s'il est le bon modèle.
Est-ce que le corps médical dans son ensemble est prêt à dépasser un certain nombre de choses fortes qui étaient souvent mises en avant comme la relation affective que crée la simultanéité dans un lieu ainsi que l'importance des renseignements du toucher et de l'examen clinique ?
Pourrions-nous avoir des réponses ?
M. LE PRÉSIDENT - La première question porte sur la donne clinique, la place de la sémiologie clinique, comment la faire vivre à la lumière de la télémédecine en sachant qu'il y a peut-être un aspect singulier que nous avons vu bien mis en évidence, et sur le fait qu'il faut peut-être sortir du pot commun, à savoir la dimension relation médecin malade à travers la discipline psychiatrique.
Il est possible que, dans ce domaine, l'éclairage de la préoccupation médecin malade soit un peu différente de ce que nous pouvons vivre dans les autres disciplines d'exercice de la médecine.
J'ai bien vu que le Professeur LARENG poussait son index vers son micro parce qu'il souhaite apporter quelques éléments de réponse et que le Professeur Denis PELLERIN vient également de se manifester.
Pr. LARENG - Je ne recule pas devant les difficultés Monsieur le Président.
Premièrement, j'ai vu fonctionner ce système au Texas parce que j'y suis allé et j'ajoute que je me demande comment ils pourraient faire autrement.
Deuxièmement, je suis convaincu que la télémédecine maintiendra la tradition de la médecine française qui place au premier plan l'examen clinique. Et si nous continuons à ne pas nous en occuper, il y aura des dérives extraordinaires. Le web est chez le pharmacien, le médecin et ainsi de suite, la télémédecine doit donc être contrôlée.
C'est grâce à la télémédecine que nous pouvons, dans une certaine mesure, compenser certains effets néfastes du numerus clausus.
En psychiatrie je ne vois pas comment au Texas, lorsqu'on se trouve à 300 km d'Austin, il y aurait des allées et venues de malades qu'on emmènerait à la clinique universitaire de la région sans que ce soit vraiment nécessaire.
Il y a l'intermédiaire d'une infirmière - ou d'un infirmier - avec le malade, qui donne les examens qu'elle croit indispensables parce qu'elle peut d'ores et déjà faire un certain nombre de traitements. Je connais à fond la loi puisqu'il y a quelques années, j'ai participé à sa modification, l'infirmière peut faire de nombreux gestes qui, antérieurement, n'étaient faits que par le médecin.
Le phénomène social est tel maintenant que tout le monde est au courant et que les personnes veulent avoir des informations crédibles. Or elles peuvent avoir ces informations crédibles dans ces hôpitaux psychiatriques sans qu'il n'y ait la présence d'un médecin à côté de l'examen psychiatrique.
Dans la région Midi-Pyrénées nous sommes en train d'étudier à partir de l'hôpital psychiatrique de Lannemezan, un examen médico-psychologique, médico-social. Je ne dis pas que nous ne ferons pas la même chose, mais où sont les médecins ?
Ce n'est pas moi qui, dans le SAMU, ai dit que je voulais les médicaliser parce que jusqu'à présent, il n'y avait que des sapeurs-pompiers. Maintenant, avec ce numerus clausus, nous avons un mal énorme à faire en sorte d'éviter le contact par l'intermédiaire d'une infirmière. Nous nous disons en effet qu'il vaut mieux cela que rien du tout.
C'est à condition que, justement par la télémédecine, on vérifie ce qui se fait, il y a quand même un médecin au bout. Et à la clinique, ils le voient, il faut faire de la visioconférence.
Que font-ils dans les centres de reins artificiels qui sont aussi éparpillés ? Ils donnent des informations par ce biais. Et, in fine, c'est quand même un médecin qui tranche.
Dès lors que le médecin a le dernier mot, une infirmière donnera une meilleure information que le malade ou la famille elle-même.
C'est la raison pour laquelle, médicalisation, c'est sûr, médicalisation impossible, c'est également sûr. Il faut donc que la télémédecine se substitue et soit aussi un élément incitatif.
Ainsi dans des zones isolées dont les médecins auraient tendance à partir - nous le voyons dans notre région à La Tronquière isolée dans le Nord et perdue dans le désert - la télémédecine avec un médecin, a permis à d'autres médecins de venir aussi.
M. LE PRÉSIDENT - Merci, comment pouvaient-ils faire autrement aux Etats-Unis ? C'est un point important.
Pr. PELLERIN - Monsieur le Président, j'avoue que si je suis extrêmement intéressé par tout ce débat qui survole les possibilités technologiques, le futur, etc., je me sens assez loin du problème actuel de notre pays consistant à résoudre le problème de la démographie médicale déficiente par la recherche de l'utilisation immédiatement optimale et effective de procédés techniques nouveaux pour combler nos lacunes.
Je ne crois par conséquent pas que les quelques zones d'accès difficiles du Massif Central puissent être comparées à certains territoires un peu désertiques du Texas.
Je ne suis pas certain que nos paysans auvergnats soient prêts à ne plus avoir de médecin, mais uniquement une infirmière et une vidéo. J'aimerais peut-être que nous nous recentrions.
Ma deuxième justification de cette intervention peut être un peu impertinente...
Dans la salle - Ah non, au contraire !
Pr. PELLERIN - ...est une question à Monsieur LARENG, car l'expérience Midi-Pyrénées a démontré toute sa qualité, toute son efficacité par les liens inter-hospitaliers.
C'est un point tout à fait essentiel parce que nous ne pouvons par exemple pas avoir dans tous les établissements de la neurochirurgie et ce, même à Paris. Il y a un service de télédiagnostic neurochirurgical dans les hôpitaux de Paris, qui prouve que nous ne pouvons pas avoir la même chose partout.
Bref, vous avez là des personnes qui voient dans la télémédecine, un plus à une organisation au sein de laquelle elles sont intégrées.
Je voudrais vous demander si vous pouvez nous donner quelques précisions complémentaires sur l'intégration de médecins praticiens, médecins généralistes à votre réseau, car c'est tout à fait différent, cela pose toute sorte de problèmes différents.
Vous avez d'abord ceux évoqués tout à l'heure, à savoir le lieu, les aspects juridiques et réglementaires : les uns c'est au Civil, les autres au Tribunal Administratif. Autrement dit cela se terminera au Conseil d'Etat ou à la Cour de Cassation ce qui n'est pas exactement la même chose.
Là se posent bien sûr des problèmes.
J'aurais souhaité que dans les situations que nous connaissons, nous essayions d'aborder le progrès, le complément à l'activité quotidienne qui peuvent bénéficier de la télémédecine.
Pour le problème hospitalier c'est en marche soit dans une région soit dans une série d'établissements et il faut bien entendu l'encourager.
Mais pouvons-nous envisager la même chose pour pallier les défaillances éventuelles d'équipement médical démographique ?
De quelle manière cela va-t-il s'intégrer dans le dossier médical ?
Par conséquent les médecins peuvent-ils être formés à cette pratique et à quel niveau ?
Est-ce celui du médecin individuel ou ne faut-il pas envisager dans le Massif Central quelques maisons médicales ?
Ces maisons médicales qui ne seraient qu'à quelques dizaines de kilomètres au grand maximum, qui ont déjà une collectivité médicale qui ne peut cependant pas tout connaître et qui, elle, est en relation directe avec un lieu de référence hospitalier à déterminer et qui peut être variable par région, c'est une affaire entendue.
Deuxième question : de quelle manière les informations de diagnostic ou autres, recueillies ainsi peuvent-elles s'intégrer dans le dossier médical ?
Je crois que cela doit absolument s'intégrer dans le dossier médical et qu'il ne serait pas pensable d'imaginer une activité d'aide au diagnostic - je ne parle pas de téléchirurgie et autres - qui n'apparaisse pas dans le dossier.
Il y a donc en effet un problème de responsabilité : est-ce celui qui a donné le conseil ou celui qui l'a sollicité ?
Il me paraît difficile que celui qui a donné le conseil soit irresponsable. Il me paraîtrait difficile que celui qui a sollicité le conseil en subisse seul éventuellement les conséquences. Ceci doit être discuté.
La plage télémédecine doit entrer dans ces conclusions, dans le dossier partagé.
Je me permettrai de répondre au Docteur HAZEBROUCK qui a évoqué le problème des informations appartenant au malade et celles appartenant à la collectivité, et lui signalerai simplement le rapport du Comité Constitutif National d'Ethique sur les collections de tissus et de cellules.
C'est pour la première fois un document franco-allemand - et c'est intéressant compte tenu des difficultés et disparités que vous indiquez - sur lequel est même discuté un problème de terminologie.
Il a en effet été proposé d'utiliser le terme de biothèque et celui de biobanque au moins dans le subconscient. Ainsi on sait que lorsqu'on met quelque chose à la banque, c'est son propre bien dont on demande la conservation au banquier alors que lorsqu'on écrit un document, on crée quelque chose et qu'on le met à la Bibliothèque Nationale, on offre au public la libre disposition de ce matériel.
Par conséquent tout ce qui demeure strictement personnel ne peut pas être ouvert à la collectivité et tout ce qui rentre dans le cadre de l'organisation des collections des tissus peut l'être.
La France souhaitait l'appeler biothèque, mais comme il n'y a pas de mots anglo-saxons pour le traduire, on ne prend finalement que le mot banque. C'est là une déficience du langage un peu simplifié alors que la sémantique française permettait cette distinction.
Le dossier médical demeure dans le cadre personnel et le serveur qui a cela est une banque personnelle..
M. LE PRÉSIDENT - Merci cher Denis, d'avoir révélé ce qui, pour moi, est un comportement quasi névrotique tout au moins obsessionnel dans ce rapport, c'est-à-dire de quelle manière répondre avec la télémédecine au problème actuel et urgent de démographie médicale et de zone désertifiée.
S'il est vrai que la télémédecine est déjà présente dans certains de nos établissements hospitaliers, il faut savoir que c'est dans les plus gros et de façon pas toujours complète et totale.
Il y a là une question qui est posée, à savoir de quelle manière on peut faire revivre ce qui n'est pas forcément le désert texan mais parfois la raréfaction dans le Cantal ou les Ardennes, en matière de tissu d'offre de soins à travers les établissements locaux. Ces établissements locaux vivent aujourd'hui à un rythme et ont une perspective vers un type d'accompagnement d'offre de soins, qui est plutôt a minima.
Il faudrait savoir comment la télémédecine pourrait rendre vie à ces structures hospitalières moyennant des investissements relativement limités.
Je sais que c'est dans la préoccupation du Ministre Philippe DOUSTE-BLAZY qui va nous rejoindre d'un instant à l'autre alors même que comme vous l'avez dit, nous savons aussi que le dossier médical est un temps fort de la préoccupation dans ce domaine, qui peut être nourrie par la donne de télémédecine.
M. DIONIS DU SÉJOUR - Monsieur le Professeur, je crois que nous ne pouvons pas renvoyer la problématique de télémédecine comme vous l'avez fait en disant que la problématique américaine n'est pas la problématique française.
Nous avons une tradition d'insolence à l'Assemblée Nationale, mais nous sommes aujourd'hui devant plusieurs impasses.
Il y a l'impasse de la file d'attente et du délai pour certains patients en ce qui concerne certaines spécialités, c'est le cas de l'ophtalmologie : pour avoir un rendez-vous à Agen, c'est un an.
Il y a une impasse territoriale, aujourd'hui dans le canton d'Houeilles, il y a un médecin qui va partir, il n'y en a donc plus.
Il y a une impasse aussi dans certaines administrations. Vous avez 65 000 Français qui sont en prison et qui sont mal soignés, toutes les études que nous avons eues, le montrent.
Ils sont mal soignés parce que les coûts pour les faire sortir dans les structures ouvertes sont exorbitants en termes d'accompagnement, on est obligé de déplacer deux ou trois policiers et la réticence du corps médical pour aller dans ces structures s'accroît et ce, pour plusieurs raisons qui ne sont pas forcément des problèmes de sécurité.
Nous avons interrogé des médecins qui nous disent ne plus vouloir y aller, car il y a des brouilleurs de portables si bien qu'ils perdent le fil avec leur activité médicale.
Aujourd'hui les Américains nous ont envoyé un message très clair en disant que nous devions le faire et le faire vite, nous allions couvrir les coûts - ils sont ainsi - extrêmement rapidement notamment en ce qui concerne la problématique pénitentiaire.
Je sens donc une urgence. Mais après je m'inscris bien dans ce que vous avez dit.
Je voudrais quand même une réponse parce que nous allons devoir écrire des amendements, essayer de nous lancer à ce sujet.
Pour fonder la téléconsultation, aujourd'hui nous allons devoir défaire un noeud consistant à dire qu'il y a consultation s'il y a présence physique d'un médecin et d'un patient, un certain nombre de textes le disent. Il va donc falloir que nous défassions prudemment ces noeuds.
Pensez-vous que nous devions rendre obligatoire la présence d'un opérateur ?
Je suis bien d'accord avec le fait qu'au final c'est le médecin qui tranche et qu'en termes de responsabilité et de rémunération, c'est une rémunération du médecin.
Est-ce que le modèle américain du triangle patient infirmier, pour prendre une image française, à un bout et médecin à l'autre, vous semble un modèle sécurisé ou êtes-vous pour un autre modèle ?
Pr. PELLERIN - Vous avez évoqué Monsieur le Député, des points particuliers alors que vous nous avez présenté tout à l'heure un modèle général de l'évolution de la médecine.
Je connais bien la médecine pénitentiaire, j'ai été le rapporteur à l'Académie de Médecine sur l'état sanitaire de santé dans les prisons à propos des modalités de libération pour cause de santé et de l'application de l'article réglementaire que vous connaissez.
La difficulté tient en effet à ce qu'il est nécessaire d'avoir un accompagnement de police, mais dans certains établissements, la solution peut en effet être un contact entre l'infirmier et le référent, tout à fait d'accord. Encore faudrait-il qu'il y ait un infirmier dans l'établissement puisque tous les médecins pénitentiaires nous indiquent que c'est le voisin de cellule qui alerte. Cela ne suffira donc pas.
Donc d'accord c'est une excellente opportunité dans ce cadre particulier.
Ensuite vous évoquez l'ophtalmologie, je suis totalement d'accord avec vous, mais vous savez qu'actuellement l'évolution est en marche pour faire que l'ophtalmologiste ait à côté de lui des optométriciens, etc. qui sont tout à fait capables de faire pratiquement 80 % de l'approche diagnostic sous, bien entendu, la responsabilité du contrôle du médecin.
De nombreux travaux ont été présentés en ce sens par les ophtalmologistes eux-mêmes et je pense que, là, il y a une solution indispensable.
Vous évoquez en troisième lieu le problème de la démographie et je crois qu'il y a d'autres solutions à la désertification.
Je ne suis pas là pour donner des conseils, mais si vous le souhaitez, je pourrais vous dire en deux mots et vous préciser que nous sommes un certain nombre à réfléchir à ce problème depuis fort longtemps et que nous ne serions vraiment pas du tout opposés à ce que tel territoire soit sous la responsabilité universitaire de tel établissement universitaire.
Les étudiants qui s'y présentent devront être bien informés que pendant un certain nombre d'années, ils auront à assurer des points d'activité médicale. En contrepartie, nous proposerions que les étudiants puissent s'inscrire dans n'importe quelle université et qu'il n'y ait pas de territorialité.
Ainsi, celui qui voudra s'installer à Nice parce qu'il sait que, là, il n'ira pas à la campagne, se trouvera avec un recrutement de un pour vingt alors que celui qui acceptera le jeu à Clermont-Ferrand en sachant que Clermont-Ferrand doit assurer ces points médicaux même l'hiver, comme il y aura moins de candidats, il sera beaucoup plus sûr d'y arriver.
Vous voyez donc qu'il y a beaucoup d'autres solutions et que nous ne pouvons pas en même temps vouloir régler le problème d'une démographie médicale dans une organisation de santé qui est entre les mains de la responsabilité de l'Etat des partenaires sociaux via l'assurance maladie et laisser complètement la liberté aux étudiants de ne pas aller là où il y a besoin de travailler. C'est cependant un autre dossier.
En revanche si vous accommodez cette remarque du fait que ce jeune médecin va disposer d'une organisation de télémédecine, vous allez augmenter considérablement son activité et en même temps vous le compensez un peu de son isolement.
M. DIONIS DU SÉJOUR - Je voudrais faire deux remarques.
De toute évidence ce dont nous parlons aujourd'hui n'est qu'un élément dans une réforme d'ensemble.
Votre dernière phrase me semble très importante, il ne faut pas que nous ne pensions la télémédecine qu'au service de spécialistes, cela peut aussi être un outil au service de médecins généralistes qui ont des territoires importants à couvrir et qui, grâce à cette organisation, n'auront pas à courir dans des circonscriptions médicales immenses.
Nous allons donner la parole à Monsieur le Secrétaire général de l'Ordre des Médecins, puis à un certain nombre de personnes qui sont inscrites, mais nous nous interromprons dès que Monsieur le Ministre arrivera.
Dr CALLOC'H - Comme Monsieur le Secrétaire général n'a pas le monopole de l'ordre, je laisserai la parole à mon ami Jacques LUCAS.
Simplement en introduction pour reprendre ce qui vient d'être dit, ce n'est pas dans la patrie de Laennec - inspection, palpation, percussion, auscultation - que nous allons abdiquer le contact du malade. C'est un des fondamentaux de la profession et le contact clinique est vital.
Deuxièmement sous prétexte ou sous couvert de rendre plus efficient une demande des patients, il ne faut pas que l'acte médical devienne une simple prestation de services. Nous sommes quand même une profession réglementée : à chaque acte, nous engageons notre responsabilité et nous le faisons dans le cadre d'une déontologie et d'une éthique. Quelque part il nous faut donc le temps et raison garder pour toute décision.
En ce qui concerne le parallèle avec les Etats-Unis, nous avons parlé du Texas, je dirai simplement que nous comprenons également que les Américains ne touchent plus leurs patients quand nous savons qu'un médecin homme ne se permet plus d'examiner seul une femme, il lui faut une nonne, une infirmière à côté. Il est donc évident que d'un point de vue clinique, il ne les touche plus et ce, pour d'autres raisons que la télémédecine.
Gardons-nous de cela et l'Ordre des Médecins qui protège les patients, veillera toujours à ce que raison garder soit. C'est la patrie de la France et des droits de l'homme, ne l'oublions pas quand même, donc le respect de l'autre en premier.
Former les médecins, je l'ai dit dans mon propos initial. La responsabilisation du citoyen - et j'ai utilisé l'image de la carte bancaire qui vient quelque part d'être prise par le porte-parole de l'Académie de Médecine - quand on donne sa carte bancaire on engage un patrimoine personnel alors que quand on donne tout ou partie de ses cellules, on rentre quelque part dans une banque de données.
Après avoir rappelé et rebondi sur ce qui vient d'être dit, la question est posée des réseaux et des maisons médicales, je donne la parole à Jacques LUCAS qui est en charge de ce dossier chez nous.
Dr LUCAS - Je voudrais d'abord dire que j'ai été extrêmement séduit par les exposés du Professeur LARENG et du Professeur PELLERIN dans des tonalités différentes.
Pour revenir à la question posée de savoir s'il faut une loi pour organiser la télémédecine , la réponse est oui.
Nous avons beaucoup parlé de déontologie, or si la déontologie c'est les principes éthiques multiséculaires et d'ailleurs assez largement transculturels, c'est aussi un Code de Déontologie. Et le Code de Déontologie qui a valeur normative, est soumis au primat de la loi votée par la représentation nationale.
Il me souvient à ce propos qu'un Vice-Président du Conseil d'Etat - je ne sais pas si c'est l'actuel - avait dit toutefois que la loi devait être brève et solennelle alors qu'elle tendait à devenir de plus en plus bavarde et tatillonne en créant peut-être plus de rigidité qu'elle ne résolvait de problèmes.
Excusez-moi Messieurs les Parlementaires.
Dans la salle - On essayera de faire mieux.
Dr LUCAS - En tout cas la loi au niveau national devrait évidemment donner une cohérence aux organisations régionales pour lesquelles Monsieur LARENG a plaidé extrêmement brillamment.
Je vais cependant introduire une petite dissonance dans ce propos, car je trouve que la télémédecine dont nous avons parlé ou l'organisation des réseaux pour lesquels vous avez plaidé, est très largement hospitalo centrée. Elle l'est à juste titre puisque des établissements se mettent en coopération sur un territoire.
Vous avez également dit dans votre propos que c'était des engagements d'établissements et pas de professionnels. Ce n'est donc pas en relation directe avec le Code de Déontologie encore que les professionnels qui consultent dans ces établissements sont évidemment associés à la décision de l'établissement par leurs commissions médicales.
Il nous semble donc que le problème au niveau régional est de savoir comment obtenir un engagement collectif, je préférerais d'ailleurs dire plutôt un engagement coordonné des médecins libéraux exerçant hors établissement.
Cela pourrait être par exemple par les unions régionales de médecins libéraux, car s'il faut une loi pour organiser la télémédecine cette loi ne va pas sortir ex nihilo, il y a tout un arsenal législatif et réglementaire, et notamment au niveau des SCHROS où pourraient être associés ces médecins libéraux.
Cela semble très important car nous avons - et Monsieur LARENG, vous l'avez certainement vécu particulièrement de près - eu de très grosses difficultés avec la permanence des soins, non pas la permanence territoriale dans l'implantation des cabinets médicaux encore que cela rejoint le problème, mais l'engagement des professionnels de santé libéraux dans un dispositif collectif de permanence des soins.
Il semblerait qu'il faudrait que la loi qui s'intégrera dans un ensemble général, favorise le regroupement de ces professionnels, mais un regroupement organique de ces professionnels à traverse les Unions Régionales des Médecins Libéraux, le Conseil Régional de l'Ordre des Médecins que la loi du 4 mars 2002 a porté, mais pour laquelle nous sommes en attente de décret d'application.
Vous l'avez dit, dans l'espace régional ou se situe une coopération inter-établissements, je voudrais apporter l'expérience de ma région.
Je suis issu des Pays de la Loire et le département de la Mayenne a créé un site Santé Mayenne.com - je vois que vous acquiescez -, qui a d'ailleurs été largement soutenu par Monsieur ARTHUIS. L'initiative est partie de professionnels libéraux et spécifiquement d'ailleurs du Conseil Départemental de l'Ordre.
L'Union Régionale des Pays de la Loire, les Conseils départementaux des Pays de la Loire et les établissements des Pays de la Loire avec la coopération des ARH et de l'URCAM, ont également créé un site qui pourra héberger des réseaux et donner une cohérence.
La loi devrait venir soutenir ce genre de propos et la loi pourrait aussi être plus simple.
Après cette considération d'ordre un peu général, mais toutefois très pragmatique puisqu'on nous demandait s'il fallait une loi pour organiser la télémédecine, il faudrait aussi une loi pour débloquer un certain nombre de choses.
Monsieur JORNET, notre juriste d'exercice professionnel vous a dit tout à l'heure que le téléphone était également une façon de faire de la médecine.
Actuellement, à la demande d'un centre de régulation des appels dans le cadre de la permanence des soins, il n'est pas légalement possible de délivrer une ordonnance. Le Code de la Santé porte en effet que l'ordonnance - si c'est bien de faire un diagnostic, c'est encore mieux de traiter - ne peut être délivrée qu'après examen du patient.
Il conviendrait qu'après avis des organisations représentatives et notamment de l'Ordre et de l'Académie de Médecine, la représentation nationale dise si l'examen du patient peut être un examen virtuel, téléphonique avec une sémiologie - Monsieur LARENG vous avez dû y contribuer - de la régulation qui déclenche un processus qui est un examen virtuel d'une situation médicale.
Il est bien évident que le Conseil National de l'Ordre apportera son concours aux évolutions positives du Code de Déontologie. Il ne faudrait pas qu'au nom des inscriptions qu'il a actuellement, il représente un frein.
J'en sais quelque chose puisque j'ai rédigé un rapport - il sera présenté aux prochaines Assises - sur l'évolution des Codes de Déontologie de 1947 à nos jours. Nous notons que si les principes déontologiques fondamentaux sont maintenus, il y a eu des évolutions extrêmement substantielles qui ont été portées par le Conseil National sur l'évolution pratique des Codes à partir des dispositions de la loi.
Il faut une loi, merci.
Dr CALLOC'H - J'apporterai une dernière précision concernant l'évolution de l'éventualité d'une délégation sous couvert de la responsabilité des médecins vers des paramédicaux ou des collaborateurs.
Il faut que tous les actes restent quand même sous le contrôle du médecin, car une différence de quelques pixels sur une image, une modification d'incidence sur une radiographie, peuvent avoir de telles conséquences que toutes ces choses ne peuvent même pas être techniquement manipulées par un paramédical et ne peuvent être mises en oeuvre que sous le contrôle et la responsabilité d'un médecin.
Autrement, ne serait-ce que dans les campagnes de dépistage, nous allons vers des dépenses induites indirectes suite à ces imprécisions initiales. Pour une petite erreur initiale, nous aurions des grands coûts de rattrapage et de gestion à l'arrivée.
Pr. LARENG - Dans le fond, je suis d'accord avec tout ce qui vient d'être dit, mais je vais vous donner l'expérience.
Premièrement il faut voir la réalité en face. Au moment où il a fallu sortir avec les médecins dans la rue, nous avons demandé une loi en 1960 et il a fallu attendre 1986 pour qu'elle sorte. Maintenant les médecins sortent dans la rue et nous sommes aussi sur le point de déléguer en dehors des médecins parce que nous sommes devant la réalité et que nous n'avons pas trouvé de médecins pour les ambulances.
Il faut voir la réalité et le public est là. Nous ne sommes plus comme il y a dix ans au téléphone, le public le voit, la télévision le répète avant que cela ne se passe, il est au courant des événements.
Deuxièmement, à la Société Européenne, nous avons récemment organisé une réunion très importante sur la responsabilité que Monsieur COUTY présidait avec moi, nous en parlions encore récemment.
Il y avait des juristes, la Cour de Cassation, des juges et le juge a traduit les choses en disant qu'au fond, je ne devais pas m'en faire, il y aurait le juge de fond pour trancher. Vous comprenez que nous n'avions rien tranché du tout.
Je dis qu'il faut maintenant voir la réalité en face.
Troisièmement tout ce qui a été dit est qu'il faut que le public et le privé travaillent ensemble. Nous avons été contents de faire un GIP pour ce faire et nous travaillons également avec l'UMRL, c'est évident. Nous ne pouvons pas travailler sans l'ensemble des médecins et il faut qu'il y ait la responsabilité médicale.
Nous sommes maintenant sur le travail - et j'essaye de le souligner - à savoir la diminution du coût de la non-qualité de la prestation.
Il faut voir comment est faite la prestation, elle est mal faite et il faut la faire mieux. S'il faut la faire mieux à distance sans médecin, nous la faisons sans médecin. Nous sommes davantage devant la diminution du coût de la non-qualité que devant l'optimisation des soins.
C'est ce que je voulais dire.
Dr ROIGNOT - Bonjour, je voudrais justement répondre par des expériences concrètes à toutes ces questions et je vais d'abord me présenter.
Je suis le Docteur ROIGNOT, cofondateur du réseau de cancérologie en Bourgogne ainsi que cofondateur et expérimentateur de deux réseaux :
- les réseaux de téléextemporané en Bourgogne,
- du réseau de télécytopathologie avec le Cambodge et ce, avec le Professeur COHEN à Reims.
Je voudrais rebondir sur ce qu'on vient de dire et en particulier sur le triangulaire dont vous avez parlé tout à l'heure, à savoir médecin opérateur et patient. Il y a deux exemples.
Le premier exemple est le téléextemporané.
Je suis également anatomo-pathologiste et vous savez que nous sommes une race en voie de disparition. Je ne sais pas si tout le monde sait ce qu'est un anatomo-cytopathologiste, c'est un médecin spécialiste dont la profession est hautement représentée par le Professeur DIEBOLD. C'est nous qui faisons des diagnostics et en fonction de ceux-ci, les autres médecins traitent.
Mesdames par exemple pour un sein, Messieurs pour un testicule, si vous avez un nodule dans le sein ou dans le testicule, c'est nous qui décidons pendant l'opération chirurgicale, si nous devons enlever votre sein ou votre testicule. Très globalement l'anatomo-pathologie c'est cela.
Nous avons donc mis en place en Bourgogne, le téléextemporané. Cela veut dire que nous ne nous déplaçons plus, il y a un opérateur à notre place et, sous le contrôle du chirurgien, une infirmière va prendre le nodule l'examiner, télétransmettre et nous faisons le diagnostic à distance.
C'est une première illustration d'un opérateur, cela fonctionne depuis 1997 et a également été publié en 1997. Nous pourrons y revenir plus longuement pour ceux qui le souhaitent.
En ce qui concerne le deuxième exemple concret qui fonctionne extrêmement bien et qui va également répondre à la question, c'est vrai que maintenant ce n'est plus un problème de technique, mais de pourquoi et pour quelles raisons cela fonctionne dans un lieu donné, que ce soit un pays étranger ou en France.
Je vais illustrer ce propos par la télécytopathologie avec le Cambodge que nous avons mis en place depuis 2001. Nous avons installé une station de télémédecine ainsi qu'un laboratoire de cytopathologie, et formé sur place des personnes qui ne connaissent pas plus la cytopathologie que vous.
Ce sont des Cambodgiens qui parlent un peu français et un peu anglais. Nous les avons formés à la lecture de la cytopathologie, à la télétransmission, ils n'ont pas de Bac avec mention et trois ans avec un DUT, mais cela fonctionne depuis deux ans et demi.
Nous allons le publier et le présenter au congrès à Poznan.
C'est une deuxième illustration de cet opérateur qui est entre les deux.
Par ailleurs pourquoi cela fonctionne-t-il au Cambodge, est-ce que cela pourrait être ailleurs ?
Je dirai - c'est pour polémiquer un peu exprès - que nous ne sommes pas arrivés avec nos gros sabots comme les Américains, et pour rendre les personnes dépendantes, bien au contraire. Nous avons fait de la formation médicale continue parce qu'au fur et à mesure qu'on fait un diagnostic devant une image, vous pensez bien qu'à la vingtième fois, n'importe qui peut faire un télédiagnostic en cytopathologie.
C'est une expérience qui est patronnée par le Ministère de la Recherche et qui regroupe un certain nombre de structures dont l'Institut Pasteur à Paris, le Centre de Pathologie de Dijon, le CHU de Reims, etc.
Ce sont deux exemples.
Troisième illustration pour essayer de faire un peu moins court ou aussi court que Monsieur CALLOC'H, en ce qui concerne le réseau de cancérologie, je voudrais rebondir sur la fiche pluridisciplinaire de cancérologie.
Je crois qu'il est impératif d'avoir le plan de la cathédrale, mais pour - et appelez-le comme vous le voulez - le dossier médical partagé, la fiche pluridisciplinaire de cancérologie ou autres, il faut d'abord - c'est même une certitude parce que nous l'avons vécu en Bourgogne depuis deux ans -, qu'elle soit minimale pour qu'elle soit réalisable dans la pratique de tous les jours.
Je peux vous dire que grâce à cela, que ce soit le secteur privé ou le secteur public et les centres anticancéreux, ils ont tous adhéré à cette fiche pluridisciplinaire de cancérologie parce qu'elle est simple à réaliser et que nous avons pu la mettre sur informatique.
Mme SERRA - Bonjour, Marie-Françoise SERRA, je suis Directrice du Secteur Santé chez France Télécom.
Je voudrais simplement souligner que le développement des technologies permettrait pratiquement chaque jour d'élargir le champ de la télémédecine. Il faut par conséquent être vigilant en ce qui concerne le texte pour ne pas le restreindre de trop et à ce titre, je voudrais donner deux exemples.
Il y a l'exemple de la télé-échographie que nous expérimentons dans le cadre d'un protocole formel entre le CHU de Grenoble et celui de Brest. Il s'agit, là, de transmettre le toucher. On peut d'ores et déjà toucher le patient à distance avec une transmission du retour d'effort.
L'autre exemple autre champ promis à un très grand élargissement, est tout ce qui concerne la téléassistance au domicile du patient, avec la visiophonie que nous avons testée au CHU de Grenoble, qui commence à être mise en oeuvre à Grenoble et qui le sera prochainement dans d'autres régions.
Beaucoup de choses vont pouvoir se passer au domicile du patient, hors du champ médical classique qu'est l'hôpital ou même le cabinet du médecin.
Il va donc être très important de ne pas trop restreindre ce champ, car chaque jour on va pouvoir faire les choses où l'on veut.
Je peux aussi évoquer tout ce qui concerne la télétransmission en continu des patients transportés en urgence. Aujourd'hui, grâce au GPRS et demain à l'UMTS - nous sommes en train de le tester avec Lille -, on peut aussi suivre et y compris transmettre un électrocardiogramme dans une ambulance en déplacement.
Aussi ne restreignons pas trop le champ, car, tous les jours, il va s'ouvrir et il pourra même aller jusqu'au domicile du patient.
M. LE PRÉSIDENT - Merci Madame, il y a donc une augmentation des possibilités d'action de l'offre de soins au niveau même du domicile du patient.
M. ZYLBERBERG - Laurent ZYLBERBERG, je suis responsable des relations institutionnelles de France Télécom.
Pour élargir un peu le propos parce que nous avons effectivement une partie dirigée par Marie-Françoise SERRA dans tout le secteur santé, je voudrais souligner rapidement sept points qui sont un peu les points que nous avons en retour de l'impact des nouvelles technologies sur l'ensemble des organisations, que ce soit les entreprises les administrations ou autres. Et je pense que cela peut s'appliquer et que ça s'applique aussi à la médecine.
Premièrement, lorsqu'on met en place des nouvelles technologies, cela va mettre en lumière les problèmes organisationnels. Nous le voyons bien en médecine, lorsqu'on met en place du télédiagnostic, c'est l'organisation territoriale, l'organisation du système de soins.
Deuxièmement, vous avez la redistribution des financements. Là où vous aviez des financements en partie sur du fonctionnement et en partie sur de l'investissement, vous allez devoir faire de nouveaux arbitrages. Et ce point est valable en médecine comme ailleurs.
Troisièmement - et ce point a déjà été souligné - vous avez la réorganisation des compétences. Les compétences attendues par les personnes ne sont plus les mêmes.
Aujourd'hui on a besoin qu'un médecin sache se servir d'un ordinateur. Il y a quelques années ce n'était pas indispensable alors qu'aujourd'hui, me semble-t-il, ça l'est.
Quatrièmement, en ce qui concerne la diffusion, il y a une importance décisive sur l'exemplarité au top de l'utilisation des nouvelles technologies, par le top et de l'hypertechnologie ainsi que par une diffusion de masse. Les deux permettent d'avoir réellement un impact très fort de ces nouvelles technologies.
Cinquièmement, vous avez une modification des comportements de travail. Là où vous aviez des métiers profondément individualistes, individualisés, vous allez avoir des métiers qui vont devoir travailler de manière coopérative. C'est un élément qui, me semble-t-il, est important.
Sixièmement - et il a également été souligné -, c'est une transformation de l'espace géographique. La géographie des métiers, celle des compétences et du fonctionnement n'est plus la même parce que la notion de temps, de transmission des donnés évolue de manière fantastique.
Là c'est un peu ce que disait le Professeur LARENG tout à l'heure, lorsque vous avez un SAMU qui est sur le lieu d'un accident, ce n'est plus la même chose et il n'est pas nécessaire d'avoir un hôpital juste à côté aujourd'hui. Il y a donc là, une transformation de l'espace géographique.
Septièmement, et ce point est, me semble-t-il, décisif, les technologies sont des outils et c'est l'intégration de ces outils dans les structures qui va produire des solutions.
Les outils en soi ne sont pas des solutions, les technologies ne sont jamais des solutions et ce, dans aucune application. C'est l'intégration de l'outil dans l'ensemble de la structure et des contraintes de ces structures qui va produire des solutions.
Je suis un peu sorti de la médecine, mais je pense que cela peut être utile.
M. LE PRÉSIDENT - Merci beaucoup.
Monsieur BERNARD, qui représente le point de vue des patients, objets de toute l'attention.
M. Jean-Luc BERNARD - Merci Monsieur le Président.
Je vais peut-être être un peu la voix moins consensuelle. Puisque vous sembliez presque regretter qu'il y ait trop de consensus, je vais certainement être un peu le poil à gratter de cette assemblée, mais je l'assume parfaitement.
Je suis le représentant des patients en ce sens que je suis d'abord un des cofondateur et vice-président du Lien, association suffisamment polémique pour être connue. En plus nous sommes membres du collectif interassociatif et c'est à ce titre que je suis présent, à savoir que je représente vingt-huit associations de patients et pas des moindres.
En outre les associations sont en train de se structurer si bien que nous deviendront quasiment, si ce n'est déjà fait, un partenaire plus ou moins incontournable.
J'ai aussi la lourde responsabilité d'être expert en technologie de l'information si bien que j'ai une vision quelque peu déformée mais en tout cas technique.
Dans nos débats j'écoute, je réagis, je n'ai pas un propos structuré - je ne vais pas vous tenir un propos structuré sur faut-il une loi pour organiser la télémédecine - j'entends simplement qu'on a aussi des considérations juridiques et techniques.
Je rejoins tout de suite ce que disait mon interlocuteur de gauche, Monsieur BERNARD, à savoir qu'en ce qui concerne les technologies, ce qui nous inquiète, nous, patient, au premier titre, c'est l'usage qui en est fait.
Déjà sur le principe même de savoir s'il faut une loi pour organiser la télémédecine, si vous nous le demandez à nous, organisation de patients, la réponse est oui, cela nous paraît clair.
La télémédecine a-t-elle effectivement un intérêt ? Oui clairement.
Maintenant en disant cela, nous avons tout et rien dit. Ce qui va nous intéresser, ce sont les modalités pratiques d'encadrement et de mise en place de ces procédés.
Madame SERRA parlait tout à l'heure du télémonitoring, en tant que patient nous n'y sommes pas opposés, nous voyons l'intérêt d'être chez nous plutôt qu'à l'hôpital. Nous disons simplement, le télémonitoring, oui, sous certaines conditions. Il a aussi un droit du patient à la vie privée, pas de caméras partout, dans les toilettes ou autres, pas sans son accord.
Il y a un certain nombre de modalités qu'il va falloir décliner et ce sont ces modalités qui feront l'acceptabilité sociale de ces technologies par les patients.
J'insiste sur ce point de l'acceptabilité sociale par les patients. Nous patients - et je tiens à le dire - sommes très attachés - et ce, même si on reproche au Lien de mettre tous les médecins au tribunal, ce n'est pas vrai - au colloque singulier, à la relation de confiance entre le médecin et son patient, la télémédecine est autre chose.
Il faut donc s'attacher à conserver cette dimension humaine et très relationnelle qui est quand même la base de la relation patient médecin.
C'est une à première chose sur l'aspect purement de la loi.
En revanche, je vais quand même dire quelque chose de la loi puisque je suis aussi représentant des patients au niveau européen, de l'Association Etel, association de télématique européenne, qui a été missionnée par la Commission Européenne.
Je tiens quand même à dire que maintenant il ne faut effectivement pas perdre de vue l'éclairage européen. C'est une première chose.
J'ai un souci que je tiens quand même à vous faire partager, le Groupe Passur-Detal a déjà produit un certain nombre de recommandations sur la téléprescription, le télédiagnostic, le monitoring etc., et cette association continue à travailler.
L'audience en France est cependant zéro, car la langue de travail des associations européenne est l'anglais. Je suis désolé, on parlait de la formation, mais il va falloir aussi vous mettre à l'anglais Mesdames et Messieurs parce que cela devient un outil de travail indispensable.
M. LE PRÉSIDENT - C'est pour un certain nombre d'entre nous.
M. Jean-Luc BERNARD - Les patients vont le faire, et, Monsieur le Président, j'insiste sur cet aspect parce qu'on a quand même beaucoup de mal à faire passer au niveau des Etats des réflexions européennes, cela redescend assez mal.
Dans la salle - C'est vrai.
M. Jean-Luc BERNARD - C'est déjà une première chose, or on avance à ce sujet.
En ce qui concerne les aspects techniques, je vais également rebondir et vous me comprendrez même si je ne parlerai plus du dossier médical partagé.
On va faire une loi d'accord, oui effectivement Monsieur, méfions-nous de ne pas faire des lois trop verbeuses. J'ai tendance à dire qu'il faut nous méfier de la tendance à faire des lois pour suppléer celles qui existent déjà, mais qu'on n'applique pas.
Méfions-nous aussi de ne pas être en retrait sur des lois existantes, je parle bien parfois de l'Europe et, là, j'ai un exemple très précis qui concerne la CNIL - et le Commissaire est en face -, nous l'avons écrit - et nous maintenons notre position - dans le cadre du travail groupe numéro 5 sur l'assurance maladie puisque nous sommes au Commissariat à l'Assurance Maladie.
Le projet de transposition de la loi de 1995 qui va donc remplacer celle de 1978, nous pose des problèmes. A notre sens, de trop nombreuses dérogations sont prévues sur le traitement des données sensibles, c'est tout.
Ce n'est pas une accusation contre la CNIL puisque c'est une loi, une directive européenne. Nous disons simplement qu'il va falloir donner des garanties aux patients sur les aspects confidentialité et autres.
Pour continuer sur ces aspects législatifs, méfions-nous aussi de ne pas faire des textes qui soient quasiment éthérés. C'est le décret hébergeur qui est en discussion actuellement.
Quand nous avons été auditionnés dans le cadre de ce décret, nous avions déjà demandé qu'un représentant de la CNIL soit dans le Comité d'Agrément, ce n'était pas prévu et je ne sais pas si ça l'est, mais je ne le crois pas.
Par ailleurs ce Comité d'Agrément est composé de personnes très sympathiques, de Conseillers d'Etat, etc. qui nous vont très bien. Je suis cependant désolé de le dire et d'être un peu impertinent, en matière de sécurité des systèmes d'information, leur niveau de compétences est celle d'un oursin. Or la mission de ce Comité est de faire les référentiels de sécurité.
On a prévu un professionnel de la sécurité des systèmes d'information, nous avions dit qu'il en fallait plus. Je pense que ce Comité ne doit pas être une CNIL bis ou autre chose de ce genre, il faut un vrai Comité technique de validation car, là, les garanties seront nécessaires.
Monsieur HAZEBROUCK ou Monsieur CALLOC'H disait tout à l'heure que pour le moment il n'y avait pas tellement de contentieux en télémédecine, peut-être parce qu'elle était très bien faite ou peut-être parce qu'elle n'était pas assez développée. Je pense clairement qu'elle n'est pas assez développée parce que les contentieux viendront.
Comme je suis en train de vous le dire, dans les patients vous trouvez aussi des informaticiens, des personnes qui commencent à savoir se prendre en main. Là aussi, quand il y aura un problème, ça ira mal. Je suis désolé de le dire crûment, mais il faut être clair.
Il est donc nécessaire de se garder pour tout le monde et dès le départ, de savoir raison garder certes, mais quand même de se donner des garde-fous et vraiment des garanties qui ne soient pas formelles, nous avons besoin d'assurances.
J'ai noté tout à l'heure que Monsieur CALLOC'H parlait du capharnaüm technologique, il disait qu'il ne fallait pas y être, mais je suis désolé nous y sommes.
Nous avons écrit et nous demandons déjà que sur les postes de travail des médecins libéraux - or c'est le début de la transmission des données, c'est là que le professionnel saisit les données de santé - les données soient chiffrées.
Je suis ulcéré quand mon médecin me dit qu'il ressaisit tout parce qu'on lui a volé son PC le week-end dernier. Oui, mais où sont les dossiers médicaux ? Ils sont partis avec le PC.
Il faut un pilote et le pilote ne peut être que l'Etat. Imposons aux éditeurs que les données sur disque dur soient chiffrées. Or personne ne veut le faire, personne n'est capable de tenir un langage fort pour imposer quelque chose aux éditeurs.
On dit que d'un point de vue technologique, c'est compliqué. D'abord c'est faux, mais par ailleurs il faudra arriver un jour à ce qu'il y ait un pilote au niveau de l'Etat.
Monsieur HAZEBROUCK disait tout à l'heure qu'il fallait commencer les expérimentations avec IPV6 parce que c'était plus sécurisé, etc. IPV4 et IPSEC fonctionnent très bien. Je veux bien qu'on commence sur IPV6, cela ne me choque pas, ce qui me choque c'est que Sésame Vitale 1.4 ne soit toujours pas capable de brouiller les codages CCAM et qu'on va le déployer.
Je suis désolé, en tant que patient, je suis fortement opposé à cela. Là aussi cela manque de pilote.
Le dossier médical - je ne vais pas y venir maintenant - est la deuxième partie, il y a aussi des choses à dire à ce sujet.
M. LE PRÉSIDENT - Nous allons y venir, ce sera le deuxième temps de notre matinée.
M. DUSSAUSSE - Jean-Paul DUSSAUSSE, CCITI, Centre de Compétences International de Téléimagerie.
Saint Bernard a écrit quelque part : « Ce n'est pas dans la connaissance qu'est le fruit, mais c'est dans l'art de le saisir. ».
Je crois qu'en matière technologique - et je reviens à votre réflexion sur les Etats-Unis - nous avons en France en particulier, objet à toute réponse. En technologie nous sommes, à mon avis, beaucoup plus en avance que ce que les pratiques permettent aujourd'hui.
Nous avons créé une démarche pour demander si l'ensemble de ces connaissances réunies ici, peut être regroupé avec une logique très simple qui a été appliquée chez les industriels.
Nous avons d'un côté le contenant, de l'autre le contenu, mais il est nécessaire d'intégrer les usages et c'est là que la question de la loi se pose.
Une loi, oui, pour quoi faire, est-ce pour combler le retard ?
Est-ce pour anticiper l'avenir ?
Là c'est un vrai défi et en ce qui concerne l'avenir, à notre sens, à partir d'une plate-forme créée pour la circonstance, à partir des expériences que le Professeur LARENG a pu faire, qu'à l'époque Liliane DUSSERRE avait promu lorsqu'elle était au Conseil de l'Ordre, nous avons pris le pari suivant.
Nous avons pris le pari que nous avions une capacité à exporter vis-à-vis des pays médicalement émergents, cette somme de connaissances, ces particularismes français qui sont nés de notre académie, de notre université, de notre système public et de notre système privé.
Je souhaiterais simplement dire que cette expérience a besoin d'un encadrement, d'aller rapidement vers une cohérence et surtout d'une fédération et je voudrais souligner quelque chose.
Certains de nos pays voisins, notamment de l'autre côté de la Méditerranée, ont compris que derrière la médecine et la santé, il y avait un marché. Oui, nous avons des problématiques, un problème de numerus clausus et, en face de nous, des compétiteurs qui sont en train de s'organiser pour appeler nos patients chez eux pour les soigner et en tirer une économie.
Ma proposition dans ce débat est de dire la chose suivante et je rappellerai juste un point. Il y a dix ans, avec le Sénateur ARTHUIS, j'avais animé le débat sur l'apport des nouvelles technologies en matière de santé hospitalière. C'était l'époque où nous travaillions sur l'hôpital européen Georges Pompidou avec Louis OMNES.
Qu'en est-il aujourd'hui de l'évolution des technologies ?
Je vous rejoins, nous avons, nous, industriels puisque je viens du monde industriel, commis des erreurs. Il faut nous en excuser. Ces erreurs ont permis une évolution technologique parce qu'il y a eu un meilleur rapport de confiance avec certains professionnels.
Chez les professionnels de la santé, vous avez des blocages culturels, structurels et économiques qui sont légitimes. Et nous comprenons bien aussi que certaines organisations n'ont aucun intérêt à voir la télémédecine évoluer parce qu'elle va venir perturber le jeu économique.
C'est ce que je voulais vous dire.
M. LE PRÉSIDENT - Merci d'avoir souligné cet aspect qui devient mondial, à savoir des groupes internationaux qui jouent l'enjeu de l'offre de soins comme sur un marché à haute valeur compétitive et se placent sur ce marché susceptible d'intervenir dans différents pays, différentes nations au nom d'un groupe économique financier international pour prester dans l'offre le domaine de l'offre des soins.
Nous savons que depuis presque un an et demi maintenant, il y a des groupes très présents sur le marché international dans ce domaine. C'est pour cette raison que le travail auquel vous participez et la place de la télémédecine en France a un rôle éminent, merci de l'avoir souligné. Je pense que c'est vraiment important.
M. DUSSAUSSE - Juste un point pour rebondir en ce qui concerne le comparatif avec les Etats-Unis.
Lorsqu'un financement est demandé aux Etats-Unis, les grands groupes pharmaceutiques ou les grands groupes agroalimentaires sont là, disponibles et financent.
Nous avons un vrai problème de financement dans nos initiatives en matière de formation, nous sommes quand même - et je crois qu'il suffit de lire la presse - dans un système en faillite. Peut-on ou non le relever, je crois que oui.
Pr. DIEBOLD - Jacques DIEBOLD, j'ai été professeur d'anatomie pathologique à l'Hôtel Dieu pendant de nombreuses années et je voudrais souligner ici ce qui a été bien démontré par mon ami ROIGNOT, à savoir l'importance très grande de la télémédecine dans le diagnostic cytologique et histopathologique des tumeurs.
Nous avons un impact très important à tous les niveaux, notre discipline se prête très bien à cela.
En plus de ce qui a déjà été montré par Monsieur ROIGNOT, je voudrais souligner que développer le télédiagnostic dans des expériences comme celles que j'ai pu faire, c'est favoriser la demande d'avis d'experts qui peuvent être obtenus très rapidement par ces moyens.
C'est également favoriser ce vers quoi nous souhaitons aller, c'est-à-dire la double signature pour tous les diagnostics de tumeur ou en tout cas pour de nombreuses tumeurs, afin d'avoir une meilleure approche diagnostic, indispensable pour que nos collègues cliniciens puissent effectuer le bon choix thérapeutique.
Il est clair que nous pouvons également très facilement transférer les documents histopathologiques d'un centre à un autre afin de permettre d'envoyer toutes les informations pour le dossier du patient et ce, de manière très rapide.
Enfin je pense qu'en raison du déficit que nous avons en spécialistes, qui a été souligné tout à l'heure, nous pouvons demander de l'aide à nos techniciens comme le font les ophtalmologistes dans certaines pratiques dont l'extemporané.
Ceci pour souligner que nous souhaitons vraiment qu'il y ait un encadrement législatif très précis et qui nous permette d'exercer dans les meilleurs niveaux de responsabilités qui sont les nôtres.
Nous souhaitons bien entendu que comme le disait Monsieur DESSAUSSE, il y ait une collaboration avec l'industrie et je pense que nous avons tout à gagner à le faire.
J'ajouterai quelque chose qu'on n'a pas encore eu le temps de dire, je pense qu'aujourd'hui il faut de plus en plus penser à l'enseignement des médecins et des techniciens pour le télédiagnostic, la télémédecine, parce que ce n'est pas encore suffisamment fait dans nos facultés.
M. LE PRÉSIDENT - Merci. J'en profite pour dire que compte tenu de la nécessaire brièveté que nous demandons aux intervenants, nous sommes preneurs de tous les documents dont vous voudrez bien nous rendre dépositaires pour les inclure dans le rapport et ainsi faire valoir mieux encore qu'à travers l'extrême brièveté des propos qu'il est possible que nous tenions les uns et les autres, le point de vue que vous entendez faire valoir.
Dr ROIGNOT - Toujours sur l'anatomo-pathologique - nous avons un représentant éminent au Conseil de l'Ordre - le téléextemporané est l'amélioration de la qualité de soins liés à une économie des prestations médicales. Pourquoi ? Il n'y a pas de soucis.
M. LE PRÉSIDENT - Nous sommes d'accord.
Avant d'ouvrir la discussion sur le dossier médical partagé qui se fera notamment en présence de Monsieur le Ministre - je l'ai eu au téléphone et il doit nous rejoindre -, à la demande de Jean DIONIS DU SÉJOUR et parce que c'est un point techniquement important, nous avions inscrit à l'ordre du jour de ce matin le problème de la certification des sites de santé.
Nous souhaiterions - et je crois que cela répond à bien des demandes qui sont sous-entendues dans les propos des uns et des autres - qu'il y ait peut-être un peu d'ordre ou de clarification dans les messages qui peuvent être ainsi délivrés de façon que, surtout quand on est innocent et nous le sommes tous plus ou moins, ce ne soit pas une agression, que nous ne puissions pas séparer le bon grain de l'ivraie dans ce qui nous est apporté comme message à travers ces sites.