N° 367

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 31 mai 2005

Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 juin 2005

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation pour l'Union européenne (1), sur la situation de la Bosnie-Herzégovine ,

Par MM. Hubert HAENEL et Didier BOULAUD,

Sénateurs

(1) Cette délégation est composée de : M. Hubert Haenel, président ; MM. Denis Badré, Jean Bizet, Jacques Blanc, Jean François-Poncet, Bernard Frimat, Simon Sutour, vice-présidents ; MM. Robert Bret, Aymeri de Montesquiou, secrétaires ; MM.  Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, Yannick Bodin, Didier Boulaud, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Louis de Broissia, Gérard César, Christian Cointat, Robert Del Picchia, Marcel Deneux, André Dulait, Pierre Fauchon, André Ferrand, Yann Gaillard, Paul Girod, Mmes Marie-Thérèse Hermange, Fabienne Keller, MM. Serge Lagauche, Gérard Le Cam, Louis Le Pensec, Mmes Colette Melot, Monique Papon, MM. Yves Pozzo di Borgo, Roland Ries, Mme Catherine Tasca, MM. Alex Türk, Serge Vinçon.

Union européenne.

INTRODUCTION

L'histoire récente de l'Europe a été marquée par la tragédie des guerres nées de l'éclatement de l'ex-Yougoslavie qui, de juin 1991 à novembre 1995, ont opposé la Serbie et la Croatie et ravagé la Bosnie-Herzégovine. Pendant ces conflits, 250.000 personnes ont perdu la vie et 2 millions de personnes ont été déplacées.

Si l'accord de paix pour la Bosnie-Herzégovine a été signé à Paris en décembre 1995, les conflits armés dans les Balkans n'ont véritablement pris fin qu'en 1999, après le bombardement de la Serbie et l'intervention de l'OTAN au Kosovo, puis le départ du président serbe Slobodan Milosevic et la tenue d'élections démocratiques en Croatie et en Serbie.

Dès la période de conflits terminée, et alors que l'Union européenne s'impliquait dans la stabilisation militaire de la zone, la qualité de « candidats potentiels à l'adhésion » a été reconnue aux cinq pays des Balkans occidentaux, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Serbie-et-Monténégro, l'ancienne république yougoslave de Macédoine (ARYM) et l'Albanie. Ces déclarations ont été faites lors des Conseils européens de Cologne en juin 1999 et de Feira en juin 2000.

Puis, dans le contexte de l'élargissement de l'Union à 25 États membres, le Conseil européen de Thessalonique de juin 2003 a réaffirmé, sous la forme d'une déclaration, que les pays des Balkans avaient vocation à devenir un jour membres de l'Union européenne et il a fixé un agenda pour progresser sur la voie de l'intégration européenne.

Depuis, la Croatie a été reconnue comme pays candidat par le Conseil européen de Bruxelles en juin 2004, avec la perspective d'une ouverture prochaine des négociations d'adhésion, sous réserve d'une pleine coopération avec le tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Pour les autres pays des Balkans occidentaux, la progression vers l'intégration européenne est moins avancée et se traduit par le lancement ou la négociation d'accords de stabilisation et d'association (ASA). L'ASA avec l'ARYM est entré en vigueur le 1er avril 2004. La Commission vient enfin de proposer l'ouverture d'un ASA avec la Serbie-et-Monténégro le 12 avril 2005.

Compte tenu des enjeux stratégiques de l'intégration des Balkans dans l'Union européenne, notamment en termes de stabilité, votre délégation pour l'Union européenne a souhaité faire le point sur l'évolution de ces pays, en commençant par la Bosnie-Herzégovine, pays quelque peu délaissé de l'actualité, qui tente actuellement de trouver des voies de progrès vers l'Union européenne. Le présent rapport constitue une synthèse des enseignements tirés de cette mission, qui s'est déroulée du 26 au 29 avril 2005.

I. LA BOSNIE-HERZEGOVINE, UN PAYS SOUS TUTELLE

A. UN CADRE INSTITUTIONNEL ISSU DES ACCORDS DE DAYTON

1. Un État central et deux Entités

La Bosnie-Herzégovine (B-H) est un État fédéral composé de deux Entités : la Fédération de Bosnie-Herzégovine (FB-H) et la Republika Srpska (RS).

La Constitution de la Republika Srpska a été adoptée en 1992 en tant que Constitution d'une entité séparatiste se proclamant État indépendant, et basée sur la notion d'État unitaire.

La Constitution de la Fédération de Bosnie-Herzégovine a été adoptée en tant que partie de l'accord de Washington du 18 mars 1994. Il s'agit d'une Fédération décentralisée de dix cantons, dont cinq principalement bosniaques, trois principalement croates et deux mixtes. En plus d'une chambre élue au suffrage universel direct, une seconde chambre élue au suffrage indirect, la Chambre des peuples, composée d'un nombre égal de représentants croates et bosniaques se prononce à la majorité de ses deux composantes pour « les décisions qui concernant les intérêts vitaux de l'un ou de l'autre des peuples constituants ».

La Constitution de l'Etat de Bosnie-Herzégovine a été arrêtée à Dayton en tant qu'annexe IV de l'accord paraphé à Dayton le 21 novembre 1995 et signé à Paris le 14 décembre 1995. La Constitution, partie d'un traité de paix, n'a fait l'objet d'aucune participation des citoyens et a été arrêtée et publiée dans une langue étrangère au pays, l'anglais. Elle confirme l'existence des deux Entités, auxquelles elle confie l'essentiel des pouvoirs, et désigne les bosniaques, les serbes et les croates comme les trois peuples constituants. La Constitution institue une Chambre des représentants et une Chambre des peuples comme seconde chambre et donne le droit de veto à chacun des trois peuples constituants contre toute loi contraire à ses intérêts vitaux. Elle institue également une présidence collégiale de trois membres (serbe de RS, croate et bosniaque de FB-H).

Il faut ajouter que depuis l'arrêt de la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine, le 1 er juillet 2000, les membres des trois peuples constituants doivent jouir de l'égalité des droits dans l'ensemble du pays. Après un accord entre les principaux partis politiques, le Haut Représentant a imposé en 2002 des amendements aux Constitutions de la Fédération et de la Republika Srpska pour garantir, à tous les niveaux, les droits des trois peuples constituants.

La Fédération de Bosnie-Herzégovine, dont le chef lieu est à Sarajevo, représente 51 % du territoire et les deux-tiers de la population du pays. La Republika Srpska, dont le chef lieu est à Banja Luka, représente 49 % du territoire et un tiers de la population. La Fédération est peuplée très majoritairement de bosniaques et de croates. La Republika Srpska est peuplée à 90 % de Bosno-Serbes.

A ces deux Entités, il faut ajouter le corridor de Brcko , entre les deux parties de la Republika Sprska, qui a été élevé au rang de district autonome directement rattaché à l'État central par une décision du tribunal arbitral ad hoc , en 2000.

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