II. ...SERVIE PAR DES INSTITUTIONS PLUS EFFICACES...
La politique étrangère et de sécurité commune est de création récente. Depuis l'échec de la Communauté européenne de Défense, en 1954, le choix avait été fait de traiter ces questions dans d'autres instances et notamment au sein de l'organisation du Traité de l'Atlantique Nord.
La situation des Balkans a ouvert un espace considérable pour une action européenne dans le domaine de la Défense, un consensus se dégageant pour considérer à la fois qu'une intervention de l'OTAN ne pouvait pas être systématique et que l'Union européenne ne pouvait tolérer un conflit ouvert à ses frontières.
Le bilan le plus positif de cinq années de politique étrangère et de sécurité commune est sans conteste la création du poste de haut représentant pour la PESC qui a donné à cette politique une visibilité sans précédent.
Mais le Traité constitutionnel crée aussi des institutions nouvelles auxquelles est conféré un rôle d'impulsion, d'animation et de représentation pour incarner la politique étrangère et de sécurité commune.
Le renforcement de la convergence des vues et le développement de la solidarité politique sont clairement définis par le traité comme autant d'objectifs de la PESD. La concertation et la consultation entre Etats sont la règle. Le Traité constitutionnel n'aurait certainement pas permis d'éviter l'affichage de profondes divergences entre Etats européens au moment du déclenchement de la guerre d'Iraq mais il met en place les outils institutionnels nécessaires pour renforcer la cohésion et favoriser la communauté d'analyse des situations.
A. LES INSTITUTIONS
1. Le rôle du Conseil européen
Dans son article III-295, le Traité prévoit que le Conseil européen définit les orientations générales de la politique étrangère et de sécurité commune, y compris pour les questions ayant des implications en matière de défense. Sur le fondement de ces orientations, le Conseil adopte les décisions européennes nécessaires.
Le Conseil européen se voit confier par le Traité une mission d'identification des intérêts et des objectifs stratégiques de l'Union. Cette mission donne lieu à l'adoption, à l'unanimité, de décisions européennes définissant une stratégie par pays ou concernant telle ou telle thématique.
Ces décisions peuvent être adoptées sur proposition du ministre des affaires étrangères de l'Union, conjointement avec la Commission.
2. Le président du Conseil européen
Le président « stable » du Conseil européen est l'un des acquis du Traité. La suppression de la présidence tournante renforcera la visibilité et la cohérence de la présidence européenne sur la scène internationale.
Le traité constitutionnel (article I-22) confie au président un rôle de représentation extérieure de l'Union pour les matières relevant de la politique étrangère et de sécurité commune et, en précisant qu'il assure ce rôle « à son niveau et en sa qualité », détermine un partage des rôles avec le ministre des Affaires étrangères, qu'il reviendra aux titulaires de ces fonctions d'ajuster.
3. Le ministre des Affaires étrangères de l'Union
L'article I-28 crée un ministre des Affaires étrangères de l'Union, nommé par le Conseil européen à la majorité qualifiée avec l'accord du président de la Commission.
Le ministre des Affaires étrangères a pour caractéristique de dépendre à la fois de la Commission et du Conseil. Le premier titulaire de la fonction est connu, puisqu'il s'agit de M. Solana l'actuel haut représentant pour la PESC et, à la différence des autres règles de fonctionnement de la commission, qui entreront en vigueur en 2009, le ministre des Affaires étrangères pourra entrer en fonction dès l'entrée en vigueur du traité constitutionnel.
Le ministre des Affaires étrangères a un double rôle de proposition et d'exécution en matière de politique étrangère et de sécurité commune et de politique de sécurité et de défense commune. Il a également une fonction de représentation et participe aux travaux du Conseil européen.
Le ministre des Affaires étrangères préside le Conseil des affaires étrangères, seule formation spécialisée du Conseil des ministres mentionnée par le Traité dans son article I-24.
Le ministre est également vice-président de la Commission, ce qui soumet sa nomination au vote du Parlement européen et au principe de collégialité des décisions au sein de la Commission pour les seules responsabilités exercées au titre de la Commission et dans la mesure où il n'y a pas d'incompatibilité avec ses responsabilités au titre du Conseil.
En tant que membre de la Commission, le ministre des Affaires étrangères est soumis à l'investiture collégiale du Parlement européen. De façon symétrique, dans l'hypothèse où le Parlement européen adopterait une motion de censure de la Commission sur le fondement de l'article III-340 du Traité, le ministre des Affaires étrangères devrait démissionner des fonctions qu'il exerce au sein de la Commission (art. I-26).
Le Traité lui confie également un rôle d'information et de consultation du Parlement européen, dans le cadre d'un débat organisé deux fois par an sur les questions de politique étrangère et de sécurité commune, étendu aux questions de politique de sécurité et de défense commune.
Au sein de la Commission, le ministre est chargé de la « cohérence » de l'action extérieure de l'Union, il aura la charge des responsabilités exercées par l'actuel commissaire aux relations extérieures mais également celle de la coordination des autres aspects de l'action extérieure de l'Union.
Le ministre est chargé d'une fonction de représentation de l'Union pour les matières relevant de la politique étrangère et de sécurité commune, qu'assure actuellement la présidence de l'Union. Il exprime la position de l'Union dans les instances internationales et conduit, au nom de l'Union, le dialogue politique avec les pays tiers.
Il propose enfin les représentants spéciaux à la nomination du Conseil et a autorité sur eux (art. III-302).
B. LES OUTILS D'ANALYSE ET DE DÉCISION
1. Le service européen pour l'action extérieure
Le Traité crée, dans son article III-296, un « service européen pour l'action extérieure » sur lequel s'appuie le ministre des Affaires étrangères pour l'accomplissement de son mandat.
Pour l'organisation et le fonctionnement de ce service, le Traité renvoie à une décision européenne du Conseil qui sera adoptée sur proposition du ministre des Affaires étrangères, après consultation du Parlement européen et approbation de la Commission.
Il se borne à préciser que le service est composé de fonctionnaires du Conseil et de la Commission, ainsi que de personnels détachés des services diplomatiques nationaux.
Le service d'action extérieure de l'Union vise à doter l'Union de l'outil d'analyse commun qui lui fait actuellement défaut. La présence de personnels de différentes origines devrait favoriser progressivement la communauté de vues et l'indentification des intérêts européens en matière de politique extérieure.
Depuis la signature du Traité, les négociations sur la préfiguration de ce service font l'objet d'âpres discussions sur son autorité de rattachement, Commission ou Conseil. Au nom du Parlement européen, le rapport de M. Elmar Brok 2 ( * ) a insisté sur l'opportunité d'intégrer pleinement le service européen pour l'action extérieure dans les services de la Commission, solution qui plaide en faveur d'une communautarisation accrue des modes de fonctionnement en matière de politique extérieure. Un rattachement au Conseil soulignerait davantage le caractère intergouvernemental des prises de décisions.
L'article III-301 prévoit une concertation entre les missions diplomatiques des Etats membres et les délégations de l'Union dans les pays tiers et auprès des organisations internationales pour la formulation et la mise en oeuvre des approches communes définies dans les conditions prévues à l'article I-40.
2. La décision européenne
Les « stratégies communes », « actions communes » et « positions communes » qui sont actuellement les actes adoptés par le Conseil en matière de PESC sont englobées par le Traité dans un seul et même type d'acte, la « décision européenne », acte non législatif, obligatoire dans tous ses éléments.
La décision européenne est adoptée à l'unanimité, sauf dans les cas où il est fait recours à la « clause-passerelle ». L'initiative appartient aux Etats membres et au ministre des Affaires étrangères qui peut formuler des propositions, éventuellement assorties du soutien de la Commission.
3. Les règles de majorité qualifiée et la « clause passerelle »
Les décisions européennes en matière de politique étrangère et de sécurité commune sont adoptées à l'unanimité.
Dans son article III-300, le Traité apporte plusieurs aménagements à cette règle.
Il prévoit tout d'abord un mécanisme « d'abstention constructive », permettant à un ou plusieurs Etats membres d'assortir leur position d'abstention lors d'un vote d'une déclaration formelle lui -ou leur- permettant de ne pas être lié par la décision. L'Etat doit alors s'abstenir de toute action ou de toute mesure contraire ou de nature à faire obstacle à l'application de la décision. Si les abstentions assorties de telles déclarations émanent d'au moins un tiers des Etats membres réunissant au moins un tiers de la population de l'Union, la décision n'est pas adoptée.
A l'exception des décisions ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense, pour lesquelles l'unanimité est toujours requise, le Conseil statue à la majorité qualifiée dans quatre cas, définis à l'article II-300 :
- lorsque la décision européenne est prise sur le fondement d'une première décision du Conseil européen portant sur les intérêts et objectifs stratégiques de l'Union ;
- lorsque la décision européenne est prise sur proposition du ministre des Affaires étrangères à la suite d'une demande spécifique du Conseil ;
- lorsque la décision met en oeuvre une décision européenne qui définit une action ou une position de l'Union ;
- lorsque la décision porte sur la nomination d'un représentant spécial.
La déclaration d'un Etat membre ayant l'intention de s'opposer, pour des « raisons de politique nationale vitale », à l'adoption d'une décision européenne devant être adoptée à la majorité qualifiée interrompt la procédure et ouvre une phase de consultation avec le ministre des Affaires étrangères. En l'absence de résultat, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, peut demander que le Conseil européen soit saisi de la question en vue d'une décision européenne à l'unanimité.
Le paragraphe 7 de l'article I-40 prévoit, en matière de politique étrangère et de sécurité commune, la possibilité, pour le Conseil, de statuer à la majorité qualifiée dans les cas déterminés par une décision européenne, adoptée à l'unanimité par le Conseil européen, prévoyant donc la possibilité d'élargir le champ de la majorité qualifiée.
Lorsque le Conseil statue sur proposition du ministre des Affaires étrangères, la majorité qualifiée est définie par l'article I-25 (§1), comme dans les cas où il s'agit d'une proposition de la Commission : 55 % des membres du Conseil, représentant au moins 65 % de la population, avec une minorité de blocage d'au moins quatre Etats membres.
4. Les dispositions financières
Dans son article III-313, relatif aux dispositions financières, le Traité constitutionnel reprend les règles en vigueur pour le financement de la politique étrangère et de sécurité commune.
Le budget de l'Union supporte les dépenses administratives dans tous les cas et les dépenses opérationnelles, dans les cas où elles ne sont pas liées à des opérations ayant des implications militaires. Les dépenses non supportées par le budget de l'Union sont à la charge des Etats membres et réparties selon la « clé PNB ». Les Etats ayant eu recours au mécanisme d'abstention prévu par l'article III-300 lors de l'adoption d'une décision relative à une opération ayant des implications militaires, ne sont pas tenus de contribuer au financement de opérations concernées.
Deux nouvelles stipulations visent à remédier à la difficulté de mobiliser des crédits dans des délais brefs lors du lancement d'une opération.
Pour ce qui concerne le budget de l'Union, le Traité prévoit l'adoption d'un décision européenne définissant une procédure accélérée pour l'accès aux financements destinés à des initiatives dans le cadre de la PESC, notamment pour la préparation de missions en dehors du territoire de l'Union. Cette procédure s'apparente au mécanisme de réaction rapide dont dispose la Commission en matière de gestion civile des crises.
Pour les dépenses liées aux activités préparatoires d'une mission, non couvertes par le budget de l'Union, le Traité prévoit l'institution d'un fonds de lancement, extérieur au budget de l'Union, constitué des contributions des Etats membres et utilisé par le ministre des Affaires étrangères. Il renvoie à des décisions européennes adoptées à la majorité qualifiée par le Conseil sur proposition du ministre des Affaires étrangères pour la définition des contributions et des modalités de gestion du fonds de lancement ; la clé de répartition pourra donc être différente de la clé PNB.
Le Traité prévoit également que le fonds pourrait financer, non seulement les coûts de démarrage des missions mais aussi le coût de missions « qui ne pourront être financées par le budget communautaire » qui ne pourraient être financées par le budget communautaire. Dans ce cas, la nature du fonds pourrait s'apparenter à un fonds de financement des opérations dont la nature et les montants sont tout autres.
* 2 Rapporteur au nom de la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen sur les aspects institutionnels de la création d'un « service européen pour l'action extérieure ».