MISE EN PERSPECTIVE : LES
ENJEUX DU VIN
POUR LE COMMERCE EXTÉRIEUR
M. François Loos, ministre délégué au Commerce extérieur
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les sénateurs, Mesdames et Messieurs les députés, Mesdames, Messieurs,
Le vin est extrêmement important dans le commerce extérieur de la France. Il l'est non seulement sur le plan économique, mais également en raison de l'image qu'il véhicule.
Le monde viticole se trouve face à de nombreux défis. Les professionnels doivent faire apprécier à l'étranger le vin français, dans toutes ses richesses et en faisant ressortir les traditions et les terroirs. Les professionnels doivent s'organiser pour mieux répondre aux demandes des nouveaux consommateurs.
Ce premier message n'est pas spécifique à la viticulture : il concerne toutes les entreprises françaises. Si elles ne regardent pas ce qui ce passe dans le monde, elles disparaîtront. En outre, elles ne doivent pas fabriquer pour la France, mais pour le monde. On conçoit en France et on fabrique là où il le faut. Pour le vin, on fabrique en France, car nos compétences, nos terroirs et nos traditions le permettent.
On ne saurait réfléchir à l'avenir du vin en France sans imaginer une attitude conquérante sur les marchés mondiaux. L'accroissement de la demande de vin dans de nombreux pays et la multiplicité des goûts des consommateurs devraient nous apparaître comme une formidable opportunité.
La consommation connaît une augmentation dans de nombreux pays : Etats-Unis, Royaume-Uni, Japon, Grèce, Australie, Allemagne... Les potentiels de ces nouveaux marchés sont très élevés. La consommation est de 0,4 litre par an et par habitant en Chine, alors qu'elle est de 2,5 litres au Japon. La croissance de la consommation au Japon a été de 62 % en dix ans. Une progression similaire en Chine donne des résultats énormes, d'autant plus que les Chinois sont favorables à une évolution en ce sens. Dans le cadre des négociations pour l'entrée de la Chine dans l'Organisation mondiale du commerce (OMC), les Chinois ont accepté de baisser les droits de douane de 65 % à 34 % en 2002, puis à 24,2 % en 2004. Le développement des supermarchés chinois, souvent français, constitue un atout. Bien sûr, l'offre fractionnée des vins rend difficile la mise en place d'une structure de distribution locale. La Russie dispose également d'un potentiel de croissance important. Les Africains du Sud, les Américains et les Chiliens y sont déjà présents. Leur capacité marketing est remarquable.
Cependant, des freins au développement des exportations viticoles existent. La situation des Etats-Unis est révélatrice à cet égard. L'ensemble des difficultés se conjugue et explique la baisse des parts de marché françaises depuis dix ans. Cette baisse est ancienne et significative. Elle se poursuit encore. Les importateurs américains relèvent l'image vieillotte des vins français de milieu de gamme, le manque de visibilité et de moyens marketing pour les vins d'entrée et de moyenne gammes et, enfin, la complexité illisible pour les appellations. En outre, les vins d'entrée de gamme, d'un prix inférieur à 10 dollars, ne sont pas compétitifs.
Le deuxième message est le constat que la France n'est pas organisée pour répondre à la demande mondiale. Il faut corriger ces problèmes pour retrouver la part de marché naturelle de la France, c'est-à-dire la première. Il faut exporter non seulement les produits, mais également la culture du vin, et éduquer le consommateur. Il faut faire rêver et donner du vin une autre image que celle de sa composition chimique et de son étiquette, en insistant davantage sur l'idée d'un produit fait par amour, par une famille et dans le respect de traditions de qualité.
Les viticulteurs doivent reconquérir le marché américain en faisant mieux comprendre la production française et en essayant de satisfaire les goûts des nouveaux consommateurs.
Pour aider les exportateurs français à conforter leurs positions sur ces marchés et à en pénétrer de nouveaux, j'ai initié des plans d'action commerciale dans une vingtaine de pays (Etats-Unis, Russie, Chine, Thaïlande, Inde...). Hervé Gaymard a de son côté lancé en juillet 2004 un plan de soutien à la viticulture.
Au-delà de ces actions, la France s'engage dans les négociations multilatérales. La baisse des droits de douane en Chine en découle. Nous sommes en cours de négociation avec de nombreux pays. Nous demandons systématiquement la baisse des droits de douane sur le vin. Mes collègues indiens, en fins politiques, nous promettent de les baisser. Nous n'avons cependant encore rien vu venir.
Nous sommes également très actifs sur la question des indications géographiques et des usurpations. Sur ce point, le débat avec les Etats-Unis est permanent. Nous avons reconnu de façon provisoire les pratiques oenologiques au niveau communautaire mais, au total, les moyens de pression sont assez limités en dehors des accords multilatéraux négociés dans le cadre de l'OMC. Les négociations bilatérales entre l'Union européenne et le Chili ont conduit à de bons résultats. Elles devraient également être positives au niveau du Mercosur.
Il est fondamental de reconnaître notre savoir-faire, notre compétitivité et notre connaissance des marchés. C'est ce qui nous permettra de retrouver notre place de premier exportateur mondial. Il faut avoir une mentalité de conquérant.
Le troisième message concerne la complexité des vins de France, qui ne doit pas être perçue seulement comme un handicap, mais comme un atout. Une fois que les consommateurs ont compris qu'existaient des vins simples dans le monde, ils aspirent à entrer dans la compréhension du vin. Nous devons apprendre à vendre la complexité, la capacité à faire rêver et l'histoire existant derrière chaque bouteille. C'est ce qui permettra de reconquérir les marchés.
J'espère que ce colloque apportera des solutions pour répondre à ces défis.