LE BESOIN DE COORDINATION DES PROJETS
LA COORDINATION INTERMINISTÉRIELLE OU « COMMENT FAIRE TOMBER LES BASTILLES »
Plusieurs exemples dénotent un besoin de coordination interministérielle, pour mettre fin au caractère insulaire de politiques restées essentiellement ministérielles et permettre un réel échange d'expériences .
Lors de son audition par votre président, M. Pierre Audoin a relevé que chaque ministre souhaite rester « maître chez lui ». Il a déploré le caractère profondément inadapté de cette attitude s'agissant des politiques d'informatisation, car l'informatique est destinée aux connexions, pas aux bastilles. La citadelle ministérielle est le contraire de l'informatique, qui suppose des réseaux et l'interopérabilité .
En l'absence d'hébergeur commun, la démultiplication des sites publics et la dispersion de l'information qui en découle constitue un des principaux défis que doit relever la coordination interministérielle. Cette lacune a été notamment relevée par Pierre de La Coste, dans son rapport L'Hyper-République remis en janvier 2003 à M. Henri Plagnol, alors secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat :
« La plupart des acteurs du web administratif notent un grave manque de cohérence dans les actions des différents ministères sur le Net.
« Tout d'abord, il n'y a pas de ligne éditoriale claire affichant les priorités des sites publics . Doivent-ils privilégier la communication politique des ministères, ou les applications orientées vers la satisfaction des besoins d'informations et de services pratiques en direction des usagers ? (...)
« Ensuite, de nombreux services pourraient être mutualisés et ne le sont pas. Le cas le plus caricatural est celui de l'hébergement de site. Chaque administration héberge son site (selon des standards hétérogènes bien sûr), alors qu'il serait possible de procéder à un certain nombre de regroupements . Les économies d'échelle qui en résulteraient seraient considérables : économie sur les serveurs, sur la bande passante, et surtout économie des coûts administratifs liés à la reproduction des mêmes cycles d'achat, possibilité de s'entourer des compétences techniques et juridiques nécessaires pour signer un seul contrat, mais protégeant parfaitement les intérêts de l'administration.
« Plus incroyable, au sein d'un même ministère, il n'est pas rare de voir plusieurs projets conduits par des entités différentes recourir à des infrastructures techniques différentes ! » 26 ( * )
Proposition n° 16
Définir au niveau gouvernemental une ligne éditoriale des sites de l'administration publique
Proposition n° 17
Permettre des hébergements communs des différents sites d'administration publique
Les mêmes carences s'observent au niveau local . En réponse à un questionnaire de votre président concernant les services déconcentrés dans l'Aube, département de taille moyenne, il a été observé que « en matière informatique, chaque service déconcentré dépend des orientations arrêtées au niveau central , qu'il s'agisse des choix d'équipement ou du développement des applications métiers ». Il n'existe aucune commission départementale susceptible de conforter le préfet dans un rôle de coordinateur local - sauf pour le système d'information géographique, très spécialisé .
La mise en place d'agences régionales comme interfaces de l'ADAE répondrait à un impérieux besoin de concertation, d'évaluation et de coordination, afin de résorber la « fracture numérique » et les inégalités territoriales.
Proposition n° 18
Créer des agences régionales de l'informatisation, interfaces de l'ADAE dans les régions et les départements
UNE COORDINATION À OPÉRER ÉGALEMENT ENTRE LES DIRECTIONS D'UN MÊME MINISTÈRE
Les bastilles correspondent parfois à un niveau infra ministériel : votre président a pu notamment observer une telle situation au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale où les particularismes culturels, au sein des différentes administrations centrales, restent prégnants. Une telle situation n'est pas satisfaisante au regard des besoins de pilotage et de coordination des projets.
S'agissant du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie , dans une réponse à un questionnaire de votre président, il a été indiqué que « chacune des directions à réseaux (direction générale des impôts, direction générale de la comptabilité publique, direction générale des douanes et des droits indirects, direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, direction des relations économiques extérieures...) est responsable de l'organisation et des moyens à mettre en oeuvre pour l'accomplissement de ses missions (équipements, personnels, normes et projets définis au sein de leur propre schéma directeur) et de son budget informatique ». Il en résulte que les moyens additionnels - en particulier dans le cadre des abondements auxquels peut procéder le secrétaire général - ne sont alloués qu'à titre subsidiaire. Une telle organisation apparaît particulièrement peu propice à la mutualisation à des projets et à la définition d'une politique de communication homogène à l'égard des usagers, nonobstant plusieurs structures ayant un rôle de coordination 27 ( * ) .
En ce qui concerne le ministère de la défense, le dispositif interne de pilotage décrit ci-dessus - où la conduite opérationnelle des projets relève de commissions qui reproduisent l'organisation du ministère - témoigne d'une organisation extrêmement compartimentée, entre le chef d'état-major des armées, le secrétaire général pour l'administration et le délégué général pour l'armement. Au final, le ministère de la défense aurait compté jusqu'à 146 schémas directeurs , avant qu'un regroupement ne s'opère dans la période récente.
Une coordination accrue suppose de faire tomber les différentes bastilles, qu'elles correspondent aux différents ministères ou aux directions d'administration centrale, pour impulser les changements, rationaliser les structures et réaliser des économies d'échelle substantielles. Ce triple objectif implique de définir, dans le nouveau cadre de la LOLF, le champ de cette coordination.
Proposition n° 19
Regrouper au niveau des missions au sens de la LOLF les structures en charge des politiques d'informatisation éclatées entre les différentes directions ou services
* 26 Pierre de La Coste, « L'Hyper-République. Bâtir l'administration en réseau autour du citoyen », janvier 2003. Citation p. 24.
* 27 Parmi ces structures, il convient de signaler, outre la direction du personnel et des moyens de l'administration (DPMA) dont les compétences excèdent très largement le champ des questions informatiques, le chef de service pour les technologies de l'information et de la communication et la délégation, dont le poste a été créé en 1998, et surtout la délégation aux systèmes d'information (DSI), présentée ci-dessus. Il est logique qu'un des ministères où les politiques d'informatisation sont les plus éclatées entre les différentes directions d'administration centrale se soit doté le premier d'une structure spécifique de pilotage , aux pouvoirs certes supérieurs à ceux des autres ministères, mais dont les compétences restent limitées.